SOURCE - Abbé Raphaël d'Abbadie, fsspx - Le Petit Eudiste - juin 2017
Il n'est malheureusement pas rare d'entendre dans
nos milieux qu'une trop longue séparation des autorités
conciliaires finirait par nous faire rompre l'unité
en adoptant un esprit schismatique. Quelques
rappels de la doctrine chrétienne à ce sujet ne seront
donc pas superflus, afin que notre jugement ne soit
pas dicté par nos sentiments, mais bien plutôt par la
foi qui éclaire notre raison.
Si nous ouvrons un catéchisme de saint Pie X,
nous constatons que la définition de l’Église requiert
l'union des baptisés dans une même foi, une même
sanctification (les sacrements), une même hiérarchie
(gouvernement). Cet ordre (foi-sanctification-hiérarchie)
n'est pas donné au hasard : il est primordial.
Car, si l'Église est une société (qui, comme toute société,
comporte un gouvernement), elle appartient cependant
à l'ordre surnaturel : ce gouvernement qui
assure l'unité des membres, ne peut s'exercer en dehors
de la profession d'une même foi, « qui est le lien
radical et absolument premier de l’unité sociale de
l’Église. »
1 Le principe de l'unité de l’Église, c'est
donc la foi, enseignée par le Magistère. Ainsi, la hiérarchie a pour rôle de maintenir les membres dans
l'obéissance à cette même foi (indispensable au salut).
Elle ne peut donc aller à son encontre, puisque son
rôle lui est subordonné.
Quelle est cette foi ? C'est une adhésion de notre
intelligence aux vérités que Dieu nous demande de
croire, précisément parce que c'est lui qui nous y engage
avec toute son autorité : nous croyons sur l'autorité
de Dieu, qui ne peut « ni se tromper, ni nous
tromper ». Ces vérités nous sont transmises par le
Magistère de l’Église, divinement assisté dans son
rôle d'enseignement : « Le Saint-Esprit n'a pas été
promis aux successeurs de Pierre pour qu'ils fassent
connaître sous sa révélation une nouvelle doctrine,
mais pour qu'avec son assistance ils gardent saintement
et exposent fidèlement la Révélation transmise
par les Apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi. »
2
La foi, révélée par Dieu qui engage toute son autorité,
transmise par le Magistère assisté de Dieu, ne
doit pas être confondue avec l'opinion, qui n'a pour
autorité que notre propre intelligence ou notre bon
vouloir arbitraire, ce qui reste très fragile ! Nous ne
pouvons mettre les deux sur le même plan.
Si nous avons refusé le Concile Vatican II, c'est
justement parce qu'il s'éloigne de la doctrine de toujours,
jusqu'à la contredire, sous prétexte de la « revisiter
» pour la mettre au goût du jour. Notre
opposition relève de notre attachement à la foi. Or, la
Rome actuelle voudrait réduire cet attachement à une
simple opinion, que nous pourrions défendre certes,
mais à titre d'opinion : il s'agirait là de « questions
ouvertes » (alors que le Magistère de toujours s'est
déjà prononcé sur ces questions). On retrouve là une
tactique révolutionnaire, dénoncée par Jean Ousset 3,
qui consiste à attaquer la vérité (qui exclut l'erreur),
avant de lui laisser peu à peu un droit de cité, mais à
la condition que ce soit au rang d'une simple opinion
qui n'exclut pas l'opinion contraire : la vérité mise sur
le même pied que l'erreur.
Relativiser ainsi la foi, c'est la détruire, et c'est par
le fait même détruire le fondement même de l'unité de
l’Église et de son gouvernement : « une unité de gouvernement,
sans l’unité de foi, serait donc une unité
purement légale et légaliste, contraire à la nature même
de l’Église. Une unité plus apparente que réelle. Telle
est l’unité œcuménique dont rêvent Paul VI, Jean Paul
II et leurs successeurs. Telle serait aussi l’unité de
la « pleine communion », que le Saint-Siège fait miroiter
depuis longtemps aux héritiers de Mgr Lefebvre. » 4
Notre véritable union à l’Église requiert donc la
profession intacte de la foi, même si cela est contredit
par les autorités actuelles, et provoque notre mise à
l'écart : « cette unité [de foi], qui est l’unité même de
l’Église, doit garder la primauté sur tous les arrangements
pseudo canoniques. »
5 C'est en relativisant la
foi qu'on en viendrait à perdre la véritable unité (et
c'est cela qui s'appelle un schisme), et à compromettre
son salut.
Ces principes ont permis au fondateur de la Fraternité
de garder, au milieu de la tempête conciliaire,
une ligne clairement catholique, qu'il exprimait ainsi à
la veille des sacres : « Le lien officiel à la Rome moderniste
n'est rien à côté de la préservation de la foi ! »
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1. Unité ou légalité ?, par M. l'abbé Gleize, Courrier de Rome (CR)
n°599, mai 2017, p. 4.
2. Vatican I, constitution dogmatique Pastor æternus, DS 3070.
3. Jean Ousset, Pour qu'il règne, p. 93 et suivantes.
4. CR, p. 4.
5. Ibid.
6. Marcel Lefebvre, une vie par Mgr Tissier de Mallerais, p. 589