SOURCE - Cardinaux Ottaviani et Bacci - 3 septembre 1969
Très Saint Père,
Après avoir examiné et fait examiner le nouvel ORDO MISSAE préparé par les experts du Comité pour l'application de la Constitution sur la liturgie, après avoir longuement réfléchi et prié, nous sentons le devoir, devant Dieu et devant Votre Sainteté, d'exprimer les considérations suivantes :
1. Comme le prouve suffisamment l'examen critique ci-joint, si bref soit-il, oeuvre d'un groupe choisi de théologiens, de liturgistes et de pasteurs d'âmes, le nouvel ORDO MISSAE si l'on considère les éléments nouveaux, susceptibles d'appréciations fort diverses, qui y paraissent sous-entendus ou impliqués, s'éloigne de façon impressionnante, dans l'ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu'elle a été formulée à la XXIIe session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les « canons » du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l'intégrité du Mystère.
2. Les raisons pastorales avancées pour justifier une si grave rupture, même si elles avaient le droit de subsister en face de raisons doctrinales, ne semblent pas suffisantes. Tant de nouveautés apparaissent dans le nouvel ORDO MISSAE, et en revanche tant de choses éternelles s'y trouvent reléguées à une place mineure ou à une autre place, - si même elles y trouvent encore une place, - que pourrait se trouver renforcé et changé en certitude le doute, qui malheureusement s'insinue dans de nombreux milieux, selon lequel des vérités toujours crues par le peuple chrétien pourraient changer ou être passées sous silence sans qu'il y ait infidélité au dépôt sacré de la doctrine auquel la foi catholique est liée pour l'éternité. Les récentes réformes ont suffisamment démontré que de nouveaux changements dans la liturgie ne pourront pas se faire sans conduire au désarroi le plus total des fidèles qui déjà manifestent qu'ils leur sont insupportables et diminuent incontestablement leur foi. Dans la meilleure part du clergé cela se marque par une crise de conscience torturante dont nous avons des témoignages innombrables et quotidiens.
3. Nous sommes assurés que ces considérations, directement inspirées de ce que nous entendons par la voix vibrante des pasteurs et du troupeau, devront trouver un écho dans le cœur paternel de Votre Sainteté, toujours si profondément soucieux des besoins spirituels des fils de l'Eglise. Toujours les sujets, pour le bien desquels est faite la loi, ont eu le droit et plus que le droit, le devoir, si la loi se révèle tout au contraire nocive, de demander au législateur, avec une confiance filiale, son abrogation.
C'est pourquoi nous supplions instamment Votre Sainteté de ne pas vouloir que - dans un moment où la pureté de la foi et l'unité de l'Eglise souffrent de si cruelles lacérations et des périls toujours plus grands, qui trouvent chaque jour un écho affligé dans les paroles du Père commun - nous soit enlevée la possibilité de continuer à recourir à l'intègre et fécond Missel romain de saint Pie V, si hautement loué par Votre Sainteté et si profondément vénéré et aimé du monde catholique tout entier.