4 août 2017

[FSSPX Actualités] Le pape, plus populaire sur Twitter que sur la place Saint-Pierre ?

SOURCE - FSSPX Actualités -  4 août 2017
Selon des chiffres publiés par Radio Vatican le 15 juillet 2017, le pape François a dépassé les 35 millions de « followers » (littéralement : « suiveurs ») sur le réseau social Twitter, dont le compte @Pontifex existe en 9 langues. Ce compte avait été ouvert par Benoît XVI en décembre 2012 : c’est aujourd’hui un compte parmi les plus suivis au monde et les plus « retweetés » selon le Vatican. Comme le précise l’agence cath.ch le 16 juillet 2017, c’est plus que le compte du président américain Donald Trump (33 millions), celui du Dalaï-lama ou de tout autre chef politique ou religieux.
     
Dans la liste des 100 comptes Twitter les plus suivis, le pape François occupe la 28e place. Les « followers » du pape argentin les plus nombreux sont les hispanophones, avec 13 millions d’abonnés. Depuis le début de son pontificat en mars 2013, le pape a envoyé quelques 1.250 Tweets. Et sur le réseau Instagram, le Saint-Père a dépassé les 4 millions de « followers » avec le compte @Franciscus.

Paradoxalement, l’annonce de cette popularité croissante sur Internet coïncide avec celle d’une chute constante de l’affluence des fidèles aux audiences sur la Place Saint-Pierre, relatée par Il Tempo du 2 juillet 2017, sous la plume de Valentina Conti : « Si l’on examine les chiffres donnés par la Préfecture de la Maison pontificale : Depuis 2015, “une lente mais constante hémorragie qui a pris, en un peu plus de deux ans, des proportions inquiétantes”, lit-on sur le web. En 2013, première année du pontificat de François, on a dénombré 1.548.500 fidèles pour un total de 30 audiences ; en 2014, 1.199.000 fidèles ont assisté aux 43 audiences présidées par le pape ; pour 2016, le total dépasse à peine 400.000. Et si nous passons au détail : l’audience pontificale était suivie par une moyenne de 51.617 personnes en 2013, de 27.883 fidèles en 2014 et de 14.818 en 2015. Et la tendance semble indiquer des diminutions futures. (...)

« Le journaliste Antonio Socci, qui écrivait, voici à peu près un an : “Des chiffres désastreux sur l’effondrement du nombre de fidèles aux rencontres avec Bergoglio”. Le Vatican en effet s’inquiète de plus en plus parce que, depuis deux ans, on fuit véritablement Bergoglio, et parle de “chiffres terribles”. Son collègue Sandro Magister, de l’Espresso, relevait “des données désastreuses sur l’effondrement du nombre de fidèles aux rencontres avec Bergoglio”. » (Les vaticanistes romains ont coutume de désigner les papes par leurs noms de famille : papa Roncalli pour Jean XXIII, e.g. - NDLR)

Dans le Corriere della Sera du 4 juillet, Massimo Franco note, non sans ironie : « Depuis quelques mois, dans le restaurant de la Maison Sainte-Marthe, la résidence papale à l’intérieur des murs du Vatican, on a relevé une petite innovation, significative. La table de François n’est plus comme avant au centre de la salle. A présent, elle est dans un coin, et Bergoglio mange avec peu d’invités, sélectionnés, tournant le dos au reste de la salle ».

Plusieurs observateurs romains tentent d’expliquer cet isolement du pape François. Ainsi le vaticaniste Sandro Magister reprend le 13 juillet, le commentaire que l’universitaire progressiste Pierfrancesco Stagi, professeur de philosophie morale à l’Université de Turin, a fait du dernier livre de son ami, lui aussi progressiste, Gian Enrico Rusconi, professeur émérite de sciences politiques à l’Université de Turin, auteur de La teologia narativa di papa Francesco paru cette année aux éditions Laterza, où il évoque « une narration qui sème des dubia » :

« François n’enseigne plus comme le faisait le professeur Ratzinger mais il raconte, il relate des épisodes et il les commente. Une “théologie narrative” selon la définition circonstanciée qu’en fait Rusconi : “Bergoglio veut réactualiser les récits bibliques et évangéliques à travers une théologie narrative en les présentant comme s’ils se passaient vraiment aujourd’hui au quotidien”. Une telle herméneutique, fondée sur des discours poétiques et allusifs et sur des écarts sémantiques permanents, où un même terme définit rarement un cadre de référence stable et précis (C’est nous qui soulignons. NDLR), crée de nombreux dubia que ne peuvent manquer de souligner non seulement quatre cardinaux zélés, mais également des philosophes laïcs de la religion tels que Rusconi (et votre serviteur, P. Stagi), parce qu’ils risquent de tuer dans l’œuf le projet de réforme de Bergoglio. Il y a le risque qu’il laisse le champ libre à des improvisateurs de la parole qui ouvrent et sèment plus de dubia qu’ils n’en éclaircissent. »

Ainsi ce magistère que d’autres avant le professeur Rusconi avaient qualifié de « flottant » voire de « liquide », serait à l’origine d’une perte de visibilité doctrinale et d’une désaffection à l’égard du pape François, même de la part de progressistes qui approuvent son réformisme.

A fortiori la critique se fait plus sévère chez des conservateurs comme le philosophe et parlementaire Marcello Pera, ancien président du Sénat de la République italienne, qui n’hésite pas à déclarer que le pape fait de la politique, alors qu’un schisme est en cours dans l’Eglise, et qu’il ne s’en occupe pas. Ses propos, tenus dans Il Mattino de Naples, sont rapportés par le journaliste Niccolo Magnani sur le site ilsussidiario.net du 10 juillet : « Le pape François ne fait pas seulement de la politique, mais Pera, dans l’entretien accordé à Il Mattino, affirme qu’ “un schisme caché est en cours dans le monde catholique et qu’il est poursuivi par Bergoglio avec opiniâtreté et détermination”. Selon l’ancien président du Sénat, très proche de la théologie et du magistère de Benoît XVI et Jean-Paul II, le “nouveau cours” de François ne convainc absolument pas ; et il se lance dans une autre comparaison très forte : “Le concile Vatican II a finalement explosé dans tout son radicalisme révolutionnaire” (C’est nous qui soulignons. NDLR). Selon Marcello Pera, en réalité, les idées qui mènent au suicide de l’Eglise et qui seraient porteuses du magistère de Bergoglio se retrouvent dans le Concile convoqué par Jean XXIII. “Cet aggiornamento du christianisme a laïcisé l’Eglise, a déclenché un changement qui était très profond, même si, étant susceptible de conduire à un schisme, il fut maintenu sous contrôle dans les années suivantes.” » – Un tel jugement n’est pas loin de celui porté par Mgr Marcel Lefebvre dans J’accuse le Concile, dès 1976.

Malgré ces essais d’explications d’un isolement constant du pape par les milieux tant conservateurs que progressistes, la bataille des chiffres se poursuit, et l’on tente de se rassurer au Vatican en disant, comme le rapporte l’article d’Il Tempo déjà cité : « l’effet Bergoglio sur la “révolution” de l’Eglise se voit bel et bien ; qu’on en juge d’après l’indice de bonne opinion resté toujours très haut au fil du temps, avec ses bains de foule à répétition dans la Ville éternelle comme lors de ses voyages, et l’accueil digne d’une pop star qu’on lui réserve partout ».

Peut-être pour s’approcher de la vérité faut-il observer la réalité dans un pays où l’épiscopat soutient avec ferveur les réformes du pape François : l’Allemagne. Un article paru le 26 juillet sur le site riposte-catholique.fr, sous le titre Allemagne : le catholicisme en chute..., fournit un tableau alarmant : « Même si l’influence des cardinaux et évêques allemands est en hausse au Vatican depuis l’élection du pape François, le poids du catholicisme est en baisse en Allemagne. Tous les indicateurs sont au rouge selon les statistiques diffusées le 21 juillet dernier par la Conférence épiscopale du pays.

« En 2016, 162.083 catholiques ont quitté l’Eglise (un peu “moins” qu’en 2015 où on en compta 181.925…). Les catholiques sont au nombre de 23.582.000, soit 28,5% de la population. En 1996, on en comptait 27.533.000 (près de 4 millions de moins en 20 ans).

« 537 paroisses ont été fermées en 2016. En vingt ans, 3 000 ont disparu. Le nombre de paroisses s’établit désormais à 10 280. L’Allemagne comptait 10 280 prêtres en 2016 (ils étaient encore 13 329 en 2015 : moins 3 000 !). Le taux de participation à la messe dominicale a chuté de 10,4% en 2015 à 10,2% en 2016.

« Le nombre des baptêmes qui était de 259.313 en 1996 s’est effondré à 172.531 en 2016 (même si l’on observe une légère augmentation relative des baptêmes en 2015 et 2016 par rapport aux années précédentes).

« Le nombre des conversions d’adultes est tombé de 3 860 en 1996 à 2 575 en 2016.

En vingt ans, le nombre des premières communions a chuté de 100.000, passant de 291.317 en 1996 à 176.297 en 2016. Même constat pour les obsèques : 243.323 en 2016 contre 286.772 en 1996. » Et de conclure : « Le Rhin se jette dans le Tibre, mais le grand fleuve allemand est en train de se tarir… »