SOURCE - La Croix - 16 mars 1962
La presse vient de publier de larges extraits d’une lettre de S. Ex. Mgr Lefebvre, ancien archevêque de Dakar, archevêque-évêque de Tulle, qui apporte ses encouragements au « directeur de la Cité catholique et à ses collaborateurs » et donne son approbation à l’oeuvre qu’ils poursuivent. M. Ousset avait pris l’initiative de communiquer cette lettre aux agences de presse et aux grands journaux.
Un passage du document nous concerne. Mgr Lefebvre y dit à M. Ousset : Il me semble que je faillirais à la Vérité et à l’amitié que je vous porte si je demeurais silencieux alors que des personnes, considérées comme dignes de foi, habituellement du moins, se permettent d’écrire, publiquement contre vous et vos activités, en employant des arguments dénués de tout fondement sérieux et qui plus est, sont contraires à la doctrine de l’Église. Et le journal, considéré à tort ou à raison, comme le porte-parole de l’Église de France, se permet d’ouvrir largement ses colonnes à cette odieuse campagne.
En fait, La Croix du 2 mars, sous la signature du RP Villain, sj, a publié une recension du livre du père de Soras : Documents d’Église et options politiques. Points de vue sur Verbe et la Cité catholique, paru aux Éditions du Centurion.
Le RP Villain avait fait cette recension avec les autorisations requises et nous-mêmes l’avions publiée non sans prendre des avis autorisés.
Sans doute l’article du père Villain était sévère, mais le rapport de l’Assemblée des cardinaux et archevêques, de mars 1960, consacré à Verbe et à la Cité catholique, selon les termes mêmes de S. Exc. Mgr Duval, archevêque d’Alger, constituait une mise en garde au sujet de l’esprit de la revue et des méthodes qu’elle préconise.
Certes, le document de l’ACA louait la bonne volonté des dirigeants de la Cité catholique de se montrer pleinement catholiques et soucieux d’une vraie formation doctrinale. Il soulignait néanmoins qu’il convenait de les éclairer, et de les aider en attirant leur attention sur plusieurs dangers qu’ils risquent de courir.
- Danger de voir des laïcs aborder tous les problèmes les plus délicats de la théologie sans un contrôle suffisant de la hiérarchie, et de les trancher avec trop d’assurance, de s’imaginer qu’ils détiennent toute la vérité, de jeter une suspicion sur ceux qui ne partagent pas leurs options au plan politique, parce que les laïcs de Verbe avaient fait, au nom de la doctrine, un blocage politico-religieux.
- Danger de méconnaître le mystère et la transcendance de l’Église, en demeurant sur le seul plan de la contre-révolution.
- Danger de prétendre, au nom de la doctrine interprétée par la Cité catholique, réaliser l’unité au plan temporel de tous les catholiques, alors qu’on se lie à une option politique.
- Même au plan de la doctrine, s’il est vrai que le chapitre sur les rapports de l’Église et de l’État semble avoir été mis au point dans le grand livre Pour qu’Il règne, il reste que le titre même de ce chapitre, « Les deux glaives », montre bien que la thèse de saint Bernard sur le glaive spirituel dominant le glaive temporel inspire la position de la Cité catholique. Sans doute, on souligne que l’État jouit d’une autonomie dans l’ordre civil et temporel, en citant le père Neyron (Le gouvernement de l’Église). Mais il pourrait être utile de rappeler la doctrine de Pie XII sur « la saine liberté de l’État » et la phrase de l’encyclique Summi Pontificatus : « L’Église tend ses bras maternels vers ce monde, non pour dominer mais pour servir. Elle ne prétend pas se substituer, dans le champ qui leur est propre aux autres autorités légitimes, mais leur offre son aide à l’exemple et dans l’esprit de son divin Fondateur, qui « passa faisant le bien ».
Enfin si, comme le montre Verbe, la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ est la royauté d’une doctrine de vérité sur les intelligences, il est, en tout temps, et de nos jours plus que jamais devant les divisions entre catholiques de droite et de gauche, nécessaire de rappeler que l’encyclique de Pie XI sur la royauté sociale de Jésus-Christ enseigne que cette royauté s’exerce sur les coeurs et sur les rapports des hommes entre eux par la souveraineté de la charité, de sa charité.