SOURCE - F. Louis-Marie, abbé - Abbaye Ste-Madeleine du Barroux - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs - 22 septembre 2017
Ne cherchez pas dans la Règle l’expression « les droits de l’homme », vous ne la trouverez pas. Les moines n’ont-ils alors aucun droit ? Formulé ainsi, aucun. Si ce n’est peut-être qu’au chapitre sur les choses impossibles il est dit que le moine a le droit de signaler au supérieur que l’ordre donné dépasse ses possibilités.
Ne cherchez pas dans la Règle l’expression « les droits de l’homme », vous ne la trouverez pas. Les moines n’ont-ils alors aucun droit ? Formulé ainsi, aucun. Si ce n’est peut-être qu’au chapitre sur les choses impossibles il est dit que le moine a le droit de signaler au supérieur que l’ordre donné dépasse ses possibilités.
Mais pour comprendre la pensée de saint Benoît, la belle harmonie qu’il veut faire régner
dans le cloître, prenons quelques exemples. Le moine a-t-il le droit de posséder un crayon, du
papier et toute autre chose indispensable à sa vie contemplative ? Il semblerait que oui, car saint
Benoît juge ces objets indispensables, mais il ne dit pas explicitement que le moine « a le droit »
de les avoir à son usage, il dit que l’abbé « a le devoir » de les donner. Autre exemple : l’abbé
a-t-il le droit d’être obéi par les moines ? Nulle part dans la Règle vous ne trouverez ce droit
exprimé de façon aussi directe. Non, saint Benoît entend simplement que les moines ont le
devoir d’obéir à leur supérieur. Les moines ont-ils le droit de garder leur rang en communauté
et ont-ils le droit de recevoir la même affection de la part du père Abbé ? Saint Benoît dit non
pas cela, mais que le supérieur a le devoir de ne pas troubler l’ordre sans raison et surtout de ne
point faire acception des personnes. Saint Benoît insiste donc sur les devoirs mutuels et non
sur les droits.
Cela semble tout à fait égal puisqu’à la fin les moines ont leur crayon, le père abbé est obéi
et l’ordre est respecté. Mais ce n’est pas égal du tout, car l’esprit est tout différent et même aux
antipodes dans l’une et l’autre formule. L’une, insistant sur les devoirs, favorise la charité, et l’autre, insistant sur les droits, favorise l’égoïsme. C’est finalement la différence entre la cité de
Dieu, où l’amour de Dieu et des autres va jusqu’à la haine de soi, et la cité du diable, où l’amour
de soi va jusqu’à la haine de Dieu et des autres.
Et c’est une des raisons pour lesquelles saint Benoît bannit tout murmure en communauté.
En effet, les murmures sont souvent dus à la revendication de droits. Déjà, au début de la Règle,
il se moque de ces soi-disant moines qui déclarent saint tout ce qu’ils désirent. Le moine ne
doit jamais réclamer pour lui quoi que ce soit, ce qui exprime bien que l’âme du moine s’élève
vers Dieu en pensant non pas à ses droits mais à ses devoirs. Il en est de même pour les familles.
Saint Paul rappelle non les droits des époux mais bien leurs devoirs mutuels et notamment ceux
du mari, qui doit se sacrifier pour son épouse. Ainsi pour les relations entre parents et enfants.
Et cela est valable pour les entreprises. Aux entretiens d’embauche se présentent de jeunes
candidats avec sous le bras un dossier contenant leurs innombrables droits : RTT, vacances et
autres grandes valeurs républicaines. Et si les actionnaires ne pensent qu’à leurs dividendes,
comment ne pas s’étonner du cercle vicieux qui conduit aux conflits ?
Et nous pouvons l’appliquer à la presse. Si la règle suprême est « le droit de savoir » comment
s’étonner de tant de manques au devoir de la charité et au respect de l’honneur de chacun ?
Mais le pire est que, depuis la loi permettant l’avortement, qui a évolué en droit fondamental
de la femme, l’esprit de la société est passé du droit de l’enfant, qui était finalement le devoir
des parents, à un droit à l’enfant. C’est diabolique.
Mais nous avons l’exemple et la grâce de Jésus-Christ, qui n’a pas réclamé le droit d’être
traité en égal de Dieu mais qui a accompli son devoir jusqu’au bout. Imitons-le.
+ F. Louis-Marie, O.S.B.,
abbé