SOURCE - Mgr Pascal N’Koué, archevêque de Parakou - La Croix du Bénin - décembre 2017
Interview exclusive de Mgr Pascal N’Koué, Archevêque de Parakou, sur le sens de la liturgie
La Croix du Bénin: Excellence et cher Père, vous avez publié récemment un livre sur la liturgie intitulé «Bien célébrer». Veuillez nous en expliquer les motivations.
Mgr Pascal N’Koué: Merci à «La Croix du Bénin» qui s’intéresse à la liturgie et plus précisément à mon opuscule «Bien célébrer». Les motivations sont simples. Il faut remettre au centre le Sacrement des sacrements. Je souffre du peu de sérieux qu’on accorde au Saint Sacrifice du Christ Jésus.
Moi qui suis issu d’une famille de sacrificateurs des religions traditionnelles africaines, où le sacré enveloppé de mystère est pris très au sérieux, je souffre de voir que la plupart de nos actions liturgiques sont faites sans intériorisation et dans le tapage des instruments de musique. Or le Sacrifice de Jésus, son sang versé par amour pour nous, le don de sa vie offert à son Père pour l’humanité est le Sacrifice des sacrifices. Le sang de Jésus est plus éloquent que le sang des animaux. Il est même d’une autre nature. «Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime» (Jn 15, 13). Le sang versé du Christ, vrai Dieu et vrai Homme, sauve toute l’humanité...
Il y a trop d’agitation dans nos célébrations, trop de folklore, trop de fantaisie pour faire plaisir aux assistants, afin de correspondre mieux aux vœux d’un monde toujours agité. Cela nous empêche de revivre la passion, la mort tragique et la résurrection de notre Seigneur. Le mystère de notre salut est ainsi évacué. En un mot, on ne voit plus que la messe est l’actualisation du sacrifice du Golgotha. On n’en voit plus le lien. C’est dommage!
Quelle définition simple pouvez-vous donner de la liturgie pour qu’on puisse saisir d’emblée votre engagement dans «Bien célébrer»?
La liturgie, c’est la richesse et même le trésor des pauvres de Dieu. C’est la plus grande prière de l'Église. C’est le culte de la divine majesté. Elle est donc fondamentalement mystère et contemplation. Elle demande de faire l’effort de quitter le monde profane pour entrer dans la sphère du divin.
Elle est une action sacrée qui dépasse le prêtre qui célèbre. Ce dernier ne peut pas faire de la liturgie «sa chose». La sainte liturgie est un grand mystère divin. Et toute notre vie chrétienne devrait être liturgique parce que Dieu nous a aimés et s’est livré pour nous. Le Concile Vatican II dit de la liturgie qu’elle est la source et le sommet de la vie chrétienne. C’est un mystère!
Effectivement, en mars 2015, le Pape François, dans une homélie, définissait la liturgie en ces termes: «La liturgie, c’est vraiment entrer dans le mystère de Dieu, se laisser porter au mystère et être dans le mystère. C’est la nuée de Dieu qui nous enveloppe tous». Quelle lecture faites-vous de cette affirmation du Saint-Père?
Je vous remercie infiniment pour cette belle citation. Car beaucoup se fient aux réseaux sociaux qui veulent nous faire croire que l’actuel Pape François est aux antipodes de la tradition de l'Église en matière de liturgie. Il suffit de lire les catéchèses qu’il donne en ce moment sur l’eucharistie pour se rendre compte de sa foi profonde en ce grand mystère.
En pleine audience générale, il s’exclame: «la messe n’est pas un spectacle. Il est très important de retourner aux fondamentaux, de redécouvrir ce qui est essentiel… Nous revivons la passion du Christ». En effet, rien sur terre, rien au ciel n’est plus grand que l’Eucharistie. Malheureusement beaucoup sont tentés d’en faire une action purement humaine, entre copains, et donc de célébrer des messes horizontales. Le Pape Jean-Paul II dans «Mane nobiscum» n° 17 dit: «L’Eucharistie est un grand mystère, mystère qui doit être avant tout bien célébré».
Le mystère fait appel à la transcendance divine. Il nous impose d’emblée le silence extérieur et intérieur. Or nos lieux de culte sont devenus des lieux de bavardage, des lieux d’excitation festive, d’exhibition des modes vestimentaires extravagantes, des lieux de décorations profanes, des lieux où même prêtres et évêques se lèvent pour prendre des photos, au lieu d’être des lieux de silence et de méditation, de rencontre intime avec la Présence du Seigneur, de recueillement et de contemplation. En tout cas, le Dieu invisible, Esprit d’Amour, parle en silence. Lui-même n’est pas seulement silencieux, il est silence.
Et pour l’entendre, il faut entrer en silence. Rien de grand, rien de durable ne se fait et ne s’obtient dans le bruit. Les vrais pactes se concluent dans le silence. Le meilleur moment des échanges amoureux se vit dans le silence. Les Latins disaient: «Silentium omnia bona continet, mala omnia loquacitas», le silence contient tout ce qui est bon, le bavardage tout ce qui est mauvais. En effet, «il est bon de parler et mieux de se taire…» (La Fontaine).
Il faut quand même que nos liturgies soient africaines et donc vivantes.
Si le Pape François définit la liturgie comme une entrée dans le mystère, c’est parce que justement nous confondons liturgies vivantes et célébrations bruyantes. Nous avons mal compris l’expression «participation active». Elle est comprise dans le sens extérieur et superficiel.
Nos anamnèses sont parfois folkloriques. En pleine Prière eucharistique, on nous sort du mystère pour nous offrir des femmes à moitié nues qui dansent au son des instruments de musiques et des chants qui ne nous aident pas à prier. Ce n’est pas de l’inculturation, c’est du désordre. Le pain devenu Corps du Christ, le vin devenu Sang du Christ, c’est un grand mystère. Silence! Le mystère ne se crie pas. Il se contemple dans le recueillement. Je continue de croire que la messe face-à-face n’aide pas beaucoup.
Pour la majorité des catholiques, c’est le Concile Vatican II qui a demandé de célébrer la messe face au Peuple. Dans votre opuscule, vous soutenez le contraire. Quelles preuves êtes-vous capable de nous donner?
Très facile. Lisez tous les Actes du Concile Vatican II, surtout «Sacrosanctum Concilium» qui a traité du renouveau liturgique. Nulle part il n’est question de célébrer la messe face-à-face. En outre, les rubriques liturgiques, c’est-à-dire les règles universelles liturgiques sont là qui me donnent raison. Elles prescrivent qu’on se tourne trois fois vers le Peuple. Cela signifie que, même dans la messe de Paul VI, on a prévu que le prêtre et le peuple puissent être tous tournés vers la Représentation divine, vers l’abside où se trouve la Croix.
Quand on parle à quelqu’un on se tourne vers lui, on lui fait face. On le regarde. On lève les yeux vers lui. Il est normal de se tourner vers la Croix, symbole indépassable de la divinité, quand on parle au Dieu qui s’est révélé. Le Cardinal Robert Sarah voudrait que toutes les fois où on s’adresse à Dieu dans la liturgie, qu’on se tourne vers l’abside, vers l’Orient, vers la Croix qui désormais oriente nos vies.
Je n’arrive pas à comprendre les Africains qui mettent en cause la position du prêtre face à l’Orient, face au Soleil levant, face à la Représentation divine. C’est commun à beaucoup de traditions religieuses. Et on l’oublie trop souvent. Pour les Catholiques orientaux, célébrer face-à-face, c’est une abomination.
Est-ce pour cela que dans votre opuscule vous insistez tant sur la Croix de l’autel qui doit être non seulement visible de loin mais encore au centre. Pourquoi insistez-vous tant sur la Croix?
Vous connaissez la devise des chartreux, ces grands silencieux chercheurs de l’Absolu:ʺStat Crux dum volvitur orbisʺ. Quand le monde va sens dessus dessous, seule la Croix tient encore de façon ferme. La Croix, c’est le trône du Rédempteur. C’est Satan qui nous pousse à considérer ce grand symbole comme un signe gênant et même à le banaliser. N’avez-vous pas remarqué que la Croix d’autel n’est plus tenue en haute estime? Ou bien elle est toute petite, ou bien on la met couchée.
Et quand elle est grande, on la met de côté ou alors carrément dans le dos du prêtre. Elle fait figure d’accessoire secondaire et peut-être même pour beaucoup, ce n’est qu’une simple décoration dont on peut se passer. C’est affreux. Le Cardinal Josef Ratzinger, futur Pape Benoît XVI, dans son livre L’esprit de la liturgie, écrit expressément ceci dans le chapitre 3 qui traite de l’autel et l’orientation de la prière. «Je compte parmi les manifestations les plus absurdes des dernières décennies d’avoir mis la croix de côté pour libérer la vue sur le prêtre». Puis, il pose deux questions intéressantes: «La croix estelle gênante pendant la messe»? «Le prêtre est-il plus important que le Seigneur»?
Et il tranche: «On devrait remédier à cela le plus vite possible. Le Seigneur est le point de référence. Il est le Soleil levant de l’histoire». C’est la Croix qui fait la grande défaite de Satan. Elle doit être hautement dressée pour que le célébrant et le peuple la voient. Plus on tourne dos à la Croix, plus Satan nous domine et nous manipule. Il faut donc en user à temps et à contre temps. On n’en abusera jamais.
En insistant trop sur la Croix, est-ce que vous ne risquez pas de diminuer le rôle de l’autel du sacrifice?
Pas du tout. La Croix et l’autel ne s’opposent pas. Ils se complètent. Le sacrifice existentiel du Christ s’est fait sur la Croix. Le sacrifice rituel, c’est-à-dire la sainte messe, se fait sur l’autel. L’autel, c’est l’endroit le plus élevé du lieu du culte. C’est le point focal de toute la célébration.
On monte à l’autel de Dieu. Mais ne remarquez-vous pas qu’il est mal traité aussi? On en a fait une table quelconque. On l’encombre de plusieurs missels, de livres, de micros, de feuilles d’homélies et de cahiers d’annonces. Tout cela parce qu’on éclipse la Croix pour que le visage du prêtre prenne toute la place. Or sans le respect de la Croix, l’autel devient un podium, une tribune quelconque. C’est la Croix qui donne sens à tout.
Voilà pourquoi l’autel doit être en pierre ou au moins revêtu de pierre. Or, quand bien même il est en pierre, on l’entoure de pagnes et de guirlandes, et ça devient grotesque. Dans ces décorations purement profanes, rien ne fait penser à la transcendance divine. Tout est mondain. On cherche seulement à faire plaisir aux yeux de chair… La Croix fait penser au Calvaire. La messe c’est le Calvaire non sanglant. Voilà pourquoi il faut faire revenir la Croix sur l’autel. Sans la Croix nous suivons un Jésus non crucifié, et donc un Jésus qui n’est pas Sauveur. Saint Paul en avait pleine conscience: «Que notre seule fierté soit la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ» (Ga 6, 14). Les rubriques me donnent raison.
Justement, Excellence, quand vous célébrez la messe orientée en vous tournant vers la Croix, vous oubliez que vous faites dos au peuple. Est-ce normal?
A moi de vous poser une autre question du même genre: est-ce normal de faire dos à une personne quand on lui parle? Dans une salle de classe, les uns sont assis derrière les autres pour être tous tournés vers le professeur qui enseigne. Personne ne voit que ceux qui sont devant font dos à ceux qui sont derrière. Le prêtre est devant tout le monde et toute l’Assemblée avec lui est tournée vers Dieu. Exactement comme lorsque le professeur se tourne vers le tableau pour écrire. Tous sont tournés vers le tableau.
La première partie de la liturgie de la messe, dite de la Parole, s’adresse au Peuple. C’est normal qu’on soit face au peuple. Autrefois, on appelait cette partie «la messe des catéchumènes», c’est-à- dire la partie de ceux qui viennent écouter la Parole divine. Après, les fidèles qui ne communiaient pas sortaient du lieu du culte. Par contre, la deuxième partie qui est sacrificielle et qui commence par l’offrande des oblats ne s’adresse plus au peuple mais à Dieu. Le bon sens demande de changer de position. Voici les premiers mots de la prière sur le pain: «Tu es béni Dieu de l’univers, Toi qui nous donnes ce pain».
On s’adresse à Dieu. Tournons-nous vers lui. Que faites vous de cette phrase? «Ils regarderont vers Celui qu’ils auront transpercé» (Jn 19, 37). Dieu ne supporte pas qu’on lui tourne le dos. Il s’en plaint: «ils tournent vers moi leur dos, et non leur visage» (Jr. 2, 27). La Croix est scandale et folie pour les Juifs et les païens parce qu’ils la regardent de l’extérieur (1 Co 1, 23-24). Mais avec les yeux de la foi, elle est force et puissance de Dieu. Cet abaissement de Dieu est la plus grande révolution depuis la création du monde. Aucune religion n’a pu imaginer la «kénose», cet anéantissement de Dieu pour l’homme.
C’est ici que Jésus révèle sa royauté qui est d’un autre ordre. «Ma royauté n’est pas de ce monde», dit le Christ à Pilate. En conclusion, je préfère tourner le dos au Peuple pour parler à Dieu que de tourner le dos à Dieu quand je lui parle… Cette orientation vers Dieu manifeste aussi la dimension eschatologique de la liturgie qui ne doit pas rester enfermée dans le cercle restreint des hommes entre eux. «Allons au-devant de celui qui vient» vers nous.
Mais Dieu est partout. On peut célébrer dans toutes les directions, ce sera toujours face à Dieu. On ne comprend pas pourquoi vous insistez sur l’Orient. Est-ce vraiment en conformité avec le Concile Vatican II?
Merci de revenir là-dessus. Je vous prends au mot: Pourquoi, si toutes les directions sont bonnes, vous ne supportez pas qu’on célèbre vers l’Est, vers l’Orient? «Ad Orientem» est une réalité pour nous rappeler que nous ne sommes pas des anges mais des hommes.
En règle générale, nous avons besoin d’un appui lorsque nous prions. Nous sommes des êtres limités. Nous avons besoin des quatre points cardinaux pour nous orienter. Nous avons besoin d’une boussole. La Croix du Christ est notre boussole de vie chrétienne. Les Hébreux se mettaient en face du soleil levant pour s’orienter et déterminer les autres points cardinaux. Le symbolisme de l’Orient est très présent dans la Bible, de la Genèse à l’Apocalypse, en passant par les évangiles. On précise par exemple que les mages sont venus d’Orient… (cf. Mt 2, 1). Les béatitudes ont été prononcées sur une montagne.
La transfiguration a eu lieu sur une montagne. Pourquoi cette précision? La montagne dans la Bible est tout un symbole. Dans le Notre Père, Jésus a localisé le Père aux cieux, alors qu’il est partout. Toutes les fois où il louait son Père devant tous, Jésus levait les yeux vers le Ciel. Plus tard, saint Paul demandera à ses néophytes de prier Dieu en levant les mains vers le Ciel. Bref, la fixation d’un endroit nous aide à prier plus facilement. Et puis le grand mystère de l’incarnation est là pour nous dire l’importance de la visibilité. Dieu qui est partout a choisi un Araméen et non un Chinois pour être le premier ancêtre de notre foi.
Il s’est révélé au petit peuple Israël. Il a fixé sa tente quelque part. Il est né quelque part. Il a été crucifié quelque part. Il a été enseveli quelque part. La Pentecôte a eu lieu quelque part. Toutes les synagogues étaient tournées vers le Temple de Jérusalem dont l’autel était tourné vers l’Orient. Les mosquées sont orientées vers la Mecque. L’Orient est le symbole de la Vie ou encore de la lumière qui ne s’éteint pas. Désormais, pour nous, le vrai Soleil, le divin Soleil venu du ciel, c’est Jésus et Jésus crucifié. Encore une fois, on gagne beaucoup à célébrer vers la Croix, «ad Orientem», «Versus Dominum».
Célébrer face au peuple est-ce que cela rend invalide la messe?
Non, pas du tout. Seulement que le face-à-face nous fait croire que nous continuons de parler au peuple quand on s’adresse à Dieu. On est moins concentré. On pense moins à Jésus qui s’offre à son Père. Et comme le face-à-face ne fait pas penser à Dieu, on se fatigue vite et on crée le spectacle.
Nous les Africains qui avons encore la notion de sacrifice des animaux à cause des religions traditionnelles endogènes, nous comprenons aisément que c’est impensable que le sacrificateur fasse dos au vaudou pendant qu’il lui offre un sacrifice. C’est même invraisemblable que le sacrificateur mette le vaudou entre le peuple et lui. Le sacrificateur et tous ceux qui assistent sont tous tournés vers la Représentation divine.
C’est tellement logique que je ne comprends pas pourquoi on en discute. A moins que ce soit pour se perdre du temps. Le Cardinal Josef Ratzinger explique magistralement comment on en est arrivé à ce face-à-face dans l’Esprit de la liturgie: la première concélébration dans la basilique de saint Pierre à Rome à la fin du Concile Vatican II en est la cause.
Je voudrais que vous insistiez sur le sens de l’Orient par rapport à nos traditions africaines.
Merci. Ce qui m’intéresse ce sont les traditions africaines ouvertes sur l’universel. Je reconnais honnêtement que la Présentation Générale du Missel Romain offre la possibilité de célébrer face au peuple, «versus populum». Mais des études sérieuses et savantes ont prouvé que ce face-à-face n’a aucun fondement historique. Par contre, l’orientation vers l’Orient, vers le Seigneur, est riche de significations mystagogiques très profondes.
La Croix, notre Orient, nous rassemble et nous structure. C’est un grand symbole. Jusqu’au XVIe siècle, l’orientation des églises était obligatoire. Cette orientation rappelle que nos cœurs doivent se tourner vers Quelqu’un. C’était pour que le prêtre célébrant se tourne vers le soleil levant pour parler à Dieu. L’Orient, comme je l’ai déjà dit, renvoie à Dieu, le Soleil de justice, l’Astre le plus brillant qui représente le Dieu éternel toujours vivant.
Rappelez-vous que l’ascension a eu lieu à l’est de Jérusalem. Et les anges ont dit que Jésus reviendra de la même manière, donc du côté de l’Orient. Dans nos traditions africaines, c’est souvent un arbre, une source, une colline, une pierre, une motte de terre faite de main d’homme qui représente la divinité. Et tous se tournent vers cette divinité. Or dans l’Ancien Testament, Dieu avait interdit toute représentation.
Alors le symbole du soleil levant s’est développé. Jésus en ressuscitant le dimanche en a fait le premier jour de la semaine, le premier jour de la nouvelle création, jour du Seigneur et jour de Lumière qui ne s'éteint pas. En anglais, le dimanche, " jour du Seigneur ", est dit «Sunday», c’est-à-dire jour du Soleil. En allemand, le dimanche est appelé «Sontag», c’est-à-dire jour du Soleil. Comme c’est beau et éloquent! Par contre l’Occident est considéré comme le royaume des ténèbres, puisque c’est de ce côté-là que le soleil se couche. Il faut remettre la Croix au milieu, de façon visible, sur l’autel. Elle est notre Orient.
Quel accueil a-t-on réservé à votre opuscule dans votre diocèse de Parakou?
Je vous fais la confidence que je l’ai écrit avec plusieurs de mes prêtres. Plus de la moitié pour ne pas dire presque tous l’ont lu et amendé. Tous ont fait des suggestions intéressantes. Le clergé diocésain, majoritaire dans le presbyterium, lui a donc fait un bon accueil avant même sa publication.
Tous ont approuvé qu’il faut revenir à ces fondamentaux: laCroix, le silence, le sacré, le mystère, le recueillement! Beaucoup reconnaissent qu’en ne lisant pas souvent les rubriques, ils ignoraient certaines ordonnances universelles. Ce n’est pas moi qui ai le goût d’innover en liturgie. Je ne fais que rappeler ce qu’est la divine liturgie. Elle est un don de Dieu, don qui passe par l'Église.
Célébrons avec foi. C’est ce que je propose dans «Bien célébrer». J’ai fait amender aussi cet opuscule par des prêtres d’autres diocèses et même par quelques Evêques. Le prêtre qui m’a le plus encouragé, c’est un professeur de liturgie qui n’avait pas la même sensibilité liturgique que moi. Mais il a été d’une honnêteté intellectuelle exemplaire. Je lui dois beaucoup. Et pour tout dire, cet opuscule a été publié le 23 juin 2017, en la fête du Sacré- Cœur.
C’était la journée mondiale de prière pour la sanctification des prêtres. On s’était tous rassemblé au monastère des Sœurs cisterciennes de l’Etoile Notre Dame. Le Nonce apostolique, Mgr Brian Udaïgwe, présidait. Je vous donne tous ces détails pour vous dire que rien n’a été fait en cachette. Remercions plutôt l’Esprit Saint qui a tout guidé. Avec le psalmiste je m’écris: «comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait»?
On ne peut quand même pas nier qu’il y a des résistances et des critiques contre votre sensibilité et vos choix liturgiques. Qu’en dites-vous?
Je risque de vous décevoir: j’aime les critiques. Elles me permettent de préciser ma pensée. Voilà pourquoi je préfère m’entourer de gens qui, a priori, ne pensent pas exactement comme moi. Et puis, s’il y a bien quelque chose que Dieu le Père Tout-puissant ne peut pas obtenir des hommes, c’est l’unanimité. On n’aurait jamais crucifié le Seigneur de gloire, si tous avaient été unanimes sur son message de salut. Même avec les anges, purs esprits, Dieu n’a pas réussi.
A plus forte raison entre nous les hommes aux cœurs compliqués et malades, blessés, ondoyants et superficiels. La liberté que Dieu nous a donnée, par pur amour, en est la cause. Les oppositions font partie de la vie. Des résistances et des critiques me parviennent. Il faut savoir les accueillir. Je rappelle toutefois que l’Evêque dans son diocèse est législateur et pontife. Il est le premier catéchète et le premier liturge…
C’est donc un devoir pour moi d’enseigner ce que veut l'Église, d’aider le peuple de Dieu à mieux célébrer le Seigneur. Il y aura toujours l’Ennemi de Dieu qui sèmera subtilement l’ivraie. Je ne peux pas empêcher l’ivraie de pousser dans le même champ que le bon grain. A la fin des temps, on verra bien qui avait raison. Patience, nous recommande le Seigneur, le Maître de tout ; "dans sa main tout grandit et s’affermit", dit le psalmiste.
Il y a quand même parfois des critiques méchantes contre vous qui vous font mal. Comment réagissez-vous?
«Bénissez ceux qui vous persécutent. Bénissez, ne maudissez pas», recommande saint Paul (Rm 12, 14). C’est ce que j’essaie de vivre. Dieu est avec nous dans nos épreuves (Ps. 90). L’unique chose que je dis invariablement à mes détracteurs, c’est ceci: "Je ne vous empêche pas de faire comme vous avez toujours fait. Même dans mon diocèse, je n’impose rien. Je ne vois pas pourquoi vous vous acharnez à lutter contre ce que l'Église autorise officiellement". C’est bizarre, n’est-ce pas? Satan ne supporte pas qu’on se tourne vers le Christ. Car je ne m’appuie que sur la tradition, sur les encycliques, les synodes, sur les papes et leur motu proprio, c’est-à-dire sur le magistère officiel.
Le saint Pape Jean-Paul II, le Cardinal J. Ratzinger devenu Pape Benoît XVI, le Cardinal Robert Sarah, ce sont des repères non négligeables. Rassurez-vous, plus on me persécute, plus on m’encourage à m’accrocher au Christ et à l'Église. Par nature, je prends la vie du bon côté, et j’ai envie de mieux expliquer mes choix. Et donc, «à quelque chose, malheur est bon», dit un aphorisme populaire. Quand le Saint Sacrifice de Jésus deviendra pour nous une école de vie et non plus du remplissage, nous ne supporterons plus certaines ambiguïtés qui n’édifient pas. La foi du peuple de Dieu doit être protégée des parasites mondains et profanes. Travaillons tous à cela avec l’aide de la Mère de Dieu qui a participé fortement à notre salut.
Votre dernier mot?
Une phrase célèbre de saint Benoît me vient à l’esprit: «Nihil operi Dei praeponatur»: Rien ne doit être mis au-dessus de la sainte liturgie, l’œuvre de Dieu par excellence. «L’homme n’est grand qu’à genoux». Je ne réclame qu’une chose pour la gloire de Dieu et notre salut: un peu plus de transcendance divine dans nos eucharisties! C’est chercher l’intimité de Dieu par le silence sacré. Une bonne formation liturgique est nécessaire dans les séminaires et les noviciats.
Que certains prêtres et même évêques cessent de se célébrer pendant la liturgie. Qu’ils cessent de distraire le peuple. Je dis non aux liturgies au rabais, parce que la passion du Christ est un drame et non un divertissement. Qu’on respecte un peu plus les rubriques pour l’éducation de notre piété.
Dieu a créé le paradis ou le bonheur éternel pour l’homme. L’enfer, c’est pour Satan qui cherche à faire du recrutement par tous les moyens. N’entrons pas dans son jeu. Toute conversion passe par la Croix. Revenons à la Croix illuminée par la résurrection. «Qu’au nom de Jésus, tout être tombe à genoux au ciel, sur terre et dans l’abîme, et que toute langue proclame: Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père» (Ph 2, 10-11).
Propos recueillis par Hermann Juste NADOHOU-AWANOU