« Nous sommes enfants des saints, et nous attendons cette vie que
Dieu doit donner à ceux qui ne lui retirent jamais leur fidélité. » (Tobie
II, 18) Le grand Tobie exprimait ainsi sa fierté d’être le descendant des
patriarches d’Israël, et son fils évoquait la même fierté à son épouse
Sara : « Car nous sommes enfants
des saints, et nous ne pouvons pas nous unir comme les nations qui ne
connaissent pas Dieu. » (ibidem VIII, 5).
Sans prétention aucune, ne serions-nous
pas en droit de proclamer la même chose ? Nous sommes enfants des saints, et
nos pères se nomment Claude-François Poullart des Places, le P. Liberman, saint
Pie X, le P. Le Floch, et Mgr Lefebvre… et nous pourrions ajouter à la liste de
nos pères vénérés saint Dominique, le P. Calmel et le P. de Chivré, et pourquoi
pas Mère Hélène et Mère Anne-Marie !
Alors, au nom des saints dont nous
sommes les enfants, nous devons nous aussi être fiers de nos pères, et être
fiers de notre fidélité à leur mémoire et à leurs enseignements ! Fiers et
confiants dans la grâce qui nous a permis de recevoir leur esprit… confiants
parce que la même grâce assurera notre fidélité à leur mémoire et à leurs
enseignements. Et, pour continuer dans les images qui ont guidé nos réflexions
passées, je dirai encore que, si nous ne sommes pas des aigles, nous sommes
quand même leurs enfants… des aiglons peut-être ? Et voici pourquoi nous n’avons
pas peur des autruches ! Les aigles, familiers des hauteurs, n’ont pas
peur ! Nous n’avons pas peur d’être dévorés par les autruches conciliaires
car il est bien connu que les autruches ne mangent pas les aigles ! Il
peut leur arriver d’être méchantes et de se disputer entre elles, mais le plus souvent
elles s’enfuient, et il serait vraiment inconvenant que les aigles se mettent à
faire l’autruche !
La vraie question, en fait, est de
savoir si nous avons des raisons d’avoir des peurs d’autruche, d’avoir peur de l’avenir,
peur de ne pas tenir et de déchoir, peur d’être trahis ou conduits vers des
malheurs ou des trahisons, peur de devenir complices des autruches… toutes chose
absurdes et sans aucun fondement ! Et pourtant, certains sont
inquiets !
Dom Gérard écrivait dans Demain la
Chrétienté ces réflexions si sages : « Le
corps a besoin de vertus. Nous pensons principalement à ces vertus militaires
qui sont des vertus de l'âme avant d'être des vertus de guerre. Et l'on
voudrait qu'elles soient également des vertus religieuses, qu'elles fleurissent
dans un univers religieux. Quelles sont-elles ? Le courage, la patience,
le sens de la justice, le sens de l'honneur, le goût du sacrifice. Or, quel
sentiment voit-on dominer si souvent parmi ceux qui doivent être l'élite d'une
nation ? La peur. La peur de déplaire, la peur d'être désavoué, la peur d'être
seul. Un religieux de grand mérite, mort il y a quelques années, nous disait :
« Il aura fallu que j'arrive vers la fin de ma vie pour comprendre le rôle
que joue la peur dans la vie des hommes. » (Il s’agissait du R.P.
Calmel)
Contre cette peur qui étreint et qui paralyse, il y a la prière et il y
a l'exemple des saints. Il y faut en plus un amour tendre et viril pour le
Christ Jésus, une mystique simple et forte comme la terre de Palestine où elle
prit naissance, quelque chose de crucifié et de vainqueur qui pénètre dans le
fond de l’âme et la soulève, si besoin est, jusqu’aux extrémités de la
terre. »
Faute de courage, de patience, de
confiance et peut-être d’humilité, certains ont peur et sont inquiets !
Ils craignent que la Fraternité soit infidèle à ses pères, qu’elle ne soit pas
assez forte, et se laisse séduire par les autruches conciliaires… alors qu’elle
a tenu avant eux et sans eux pendant des années, et le fera encore avec ou sans
eux… Je lisais il y a peu de temps des lignes désolantes au sujet du « prochain Chapitre général qui se
déroulera en juillet 2018, source de grandes inquiétudes ».
Je me demande vraiment quels sont
les faits objectifs réels qui peuvent susciter de telles grandes inquiétudes !
Que certains soient tentés par un accord pratique, cela est possible, mais je
crois aussi que d’autres sont tentés par la rupture avec Rome !
Quant à moi qui ne suis qu’un aiglon
timide, je ne suis pas assez intelligent pour voir des dangers où ils ne sont pas,
et je persiste à croire et à me réfugier dans la grâce de la Fraternité et de
ses supérieurs, à faire confiance au Saint-Esprit qui saura guider les travaux
de notre chapitre général dans la fidélité à nos pères, bien mieux qu’il n’a pu
guider ceux de ce concile où il n’a pu se faire entendre à cause des caquetages
des autruches !
J’ajoute, en outre, que j’essaie
de me souvenir de mon catéchisme qui enseigne que dans l’Église il y a trois
pouvoirs : celui d’enseigner, celui de gouverner et celui de sanctifier,
et que l’exercice défectueux de l’un d’entre eux n’annule pas la possibilité d’un
exercice normal des autres !
Il serait bon de nous
entendre : quand nous parlons d’Église
conciliaire, de quoi parlons-nous ? Non d’une Église nouvelle mais des
promoteurs d’un enseignement infidèle et de moyens de sanctification
dénaturés ! Et nous refusons cela ! Mais pouvons-nous dire, penser, imaginer,
prétendre que le pouvoir de gouverner soit devenu conciliaire ? Cela
n’aurait pas de sens ! Qu’est-ce que cela signifie quand il s’agit de
l’autorité et de la juridiction ? Quelle que soit l’intention de ses
détenteurs, le pouvoir de gouverner les âmes en tant que tel, dans sa
substance, a-t-il été entaché par les erreurs du concile ? Le pape, les
évêques, les curés ont-ils donc perdu l’autorité et le pouvoir d’être témoins des
mariages qui se célèbrent dans leurs paroisses ? Ont-ils perdu celui de
déléguer ce pouvoir aux prêtres de leur choix ? Et pour ces prêtres, accepter
d’être délégués revient-il à adhérer aux erreurs du concile, ou même au nouveau
droit canon ? Il y a là une confusion, effet d’un esprit univoque, qui me
semble très dangereuse, car refuser de reconnaître ce pouvoir comme nous refusons
les erreurs conciliaires, reviendrait à nier que le pape et les évêques le
possèdent encore ! Il est malheureusement possible d’être sédévacantiste
sans le savoir !
Monseigneur Lefebvre, et nous tous
avec lui, nous avons contesté la validité des sanctions de 1976 - 1988, mais non
la légitimité de l’autorité « conciliaire » qui les a portées.
Et je n’ai jamais su que « Mgr Lefebvre avait refusé la
juridiction conciliaire en ce qui concerne le sacre des quatre évêques ».
Qu’est-ce donc que cette « juridiction
conciliaire » ? Cela n’a pas de sens. Et en quoi accepter l’autorité
et la juridiction des évêques entraînerait-il que nos mariages se célèbrent « dans le cadre du nouveau code »,
ou que nous prêchions la « théologie
du corps » comme le font certains « ralliés » ?
Le plus ahurissant est que nous
avons toujours, et ce dès le début de la Fraternité, accepté de célébrer des sacrements
dans les paroisses : baptêmes, obsèques et même mariages ! Cela sous-entendait
que, au moins implicitement, nous admettions l’autorité des curés ou des
évêques qui nous accueillaient ! Les dispositions nouvelles font que cette
reconnaissance implicite devient explicite, rien de plus ! Alors, où est la
trahison ? Quand nous admettions la pratique, cela ne pouvait se faire sans
admettre implicitement le principe ! C’est ce même principe que certains refusent
aujourd’hui parce que son acceptation est devenue explicite !
J’irai même jusqu’à dire que nous
ne pouvons pas nous placer sous une autorité « conciliaire » car nous y sommes déjà, comme tout un chacun
dans l’Église, et plus encore la Fraternité elle-même est placée sous cette
autorité depuis le 1er novembre 1970 ! (A moins de nier l’autorité « conciliaire » de Mgr Charrière,
ou d’admettre la légitimité de l’acte posé contre la Fraternité par l’autorité «
conciliaire » de Mgr Mamie en 1975 ! Mais alors, où est la logique ?)
« Omnis potestas a Deo » dans
l’Eglise comme dans la cité. L’autorité reçue par le pape, les évêques et les
curés a sa source en Jésus-Christ. Pouvoir, autorité, juridiction en tant que
tels sont donnés par Dieu pour le gouvernement de l’Église, et tout membre de
l’Église est nécessairement sujet de cette autorité, quels que soient les
défauts de ses détenteurs. Si ceux-ci sont infidèles à leur charge, ou refusent
de reconnaître ses sujets et de leur donner ce qu’ils demandent légitimement et
qu’elle doit leur donner, alors seulement intervient ce que l’on nomme la juridiction
de suppléance, par laquelle c’est l’autorité même de Jésus-Christ confiée à
Pierre qui est sollicitée.
En fait, pour nous, rien n’a
changé depuis le 1er novembre 1970, sinon le regard de Rome, qui considère enfin
que nos actes sont légitimes ! Et je suis heureux qu’un de nos supérieurs
ait pensé à rappeler à tous le vœu que notre fondateur avait inscrit au chapitre
IV de nos statuts, et qu’il n’a jamais démenti : « La Fraternité, en ses débuts, dépendra de l’évêque du lieu qui
l’a érigé en “pieuse union” et en a agréé les statuts, en conformité avec les prescriptions
du droit canon. En conséquence, tant que la Fraternité est de statut diocésain,
les membres qui se destinent au sacerdoce devront avant l’engagement définitif être
incardinés dans un diocèse, à moins qu’un indult spécial accordé par la S. Congrégation
des religieux les autorise à être incardinés dans la Fraternité. Dès que la
Fraternité aura des maisons dans divers diocèses, elle fera les démarches nécessaires
pour devenir de droit pontifical. »
En fait, ce qui inspire ceux qui
refusent ce pouvoir, est la peur que cela soit le premier pas vers un
ralliement aux erreurs conciliaires, la première étape vers un accord pratique qui
ferait litière de ces erreurs… Or, j’ai beaucoup scruter les propos, les écrits
(mais non les secrets des cœurs, que nul ne connaît !) de nos supérieurs,
je ne trouve nulle trace de complaisance envers les erreurs du concile ou les
actes qui en sont la traduction publique et officielle, et je persiste dans la
confiance à leur prudence.
Certaines craintes peuvent être légitimes.
Qui peut dire que l’avenir ne lui inspire pas quelque inquiétude ? Que ce
soit dans le monde, dans l’Eglise ou dans la société, tout se dégrade de jour en
jour, et nous pouvons tout craindre, même le pire. Nous pouvons penser que nous
allons vivre des heures terribles – et ce n’est sans doute pas le moment de
nous déchirer et de nous diviser – mais… nous avons l’espérance et la confiance
en la grâce de Dieu qui veille à tout et sur tous.
Avant d’être notre victoire, que cette
grâce soit notre refuge lorsqu’elle nous invite à vivre des situations
crucifiantes.
Crux mihi certa salus, Crux est quam semper adoro ;
Crux Domini mecum, Crux mihi refugium.
O Croix, de mon salut l’espérance assurée ;
Croix sainte, sois toujours de mon cœur adorée !
Croix du Seigneur, reste avec moi ;
O Croix, mon refuge est en toi !