SOURCE - Jean-Marie Vaas - Riposte Catholique - 19 juillet 2018
Pendant cinquante ans, la Fraternité Saint-Pie X n’a quasiment connu que deux noms : Lefebvre et Fellay. Les deux évêques ont administré pendant cinq décennies cette œuvre sacerdotale fondée en Suisse en 1970. Certes, l’allemand Franz Schmidberger a bien assuré un mandat de supérieur, mais c’était essentiellement du vivant du fondateur et sous son œil avisé. Aujourd’hui il faut se familiariser à un nouveau nom : celui de l’abbé Davide Pagliarani. Lourde tâche pour cet italien presque cinquantenaire, peu connu, simple prêtre, n’ayant plus d’évêque ou de fondateur au-dessus de lui. Compliqué de se faire une place entre deux géants… Géant Mgr Fellay ? L’histoire le dira progressivement. Mais le suisse mesuré et mitré qui a gouverné la Fraternité pendant la moitié de son histoire a obtenu que Rome donne la messe traditionnelle au monde entier. Il a permis que les excommunications ne soient plus qu’un vieux souvenir. Et désormais, il a fait en sorte que les confessions et mariages administrés dans la FSSPX soient reconnus. Les mois vont passer. Son bilan va être évalué. Et son poids dans la communauté va de plus en plus peser.
Pendant cinquante ans, la Fraternité Saint-Pie X n’a quasiment connu que deux noms : Lefebvre et Fellay. Les deux évêques ont administré pendant cinq décennies cette œuvre sacerdotale fondée en Suisse en 1970. Certes, l’allemand Franz Schmidberger a bien assuré un mandat de supérieur, mais c’était essentiellement du vivant du fondateur et sous son œil avisé. Aujourd’hui il faut se familiariser à un nouveau nom : celui de l’abbé Davide Pagliarani. Lourde tâche pour cet italien presque cinquantenaire, peu connu, simple prêtre, n’ayant plus d’évêque ou de fondateur au-dessus de lui. Compliqué de se faire une place entre deux géants… Géant Mgr Fellay ? L’histoire le dira progressivement. Mais le suisse mesuré et mitré qui a gouverné la Fraternité pendant la moitié de son histoire a obtenu que Rome donne la messe traditionnelle au monde entier. Il a permis que les excommunications ne soient plus qu’un vieux souvenir. Et désormais, il a fait en sorte que les confessions et mariages administrés dans la FSSPX soient reconnus. Les mois vont passer. Son bilan va être évalué. Et son poids dans la communauté va de plus en plus peser.
Désormais, l’abbé Pagliarani donnera un visage un peu plus rajeuni de sa communauté, même s’il est le nouveau supérieur qui aura été élu à l’âge le plus avancé et si ceux de ses assistants n’ont jamais été aussi élevés à de telles charges. Le premier, Mgr de Galarreta, est le plus discret des évêques de la Fraternité, le second l’abbé Bouchacourt, est l’ancien supérieur français. Aucun ne comprend l’allemand. Un seul parle l’anglais. Ce n’est pas que la Suisse et l’Allemagne ne comptent pour rien dans l’histoire du mouvement et, à bien des égards, les États-Unis font figure de nouvel eldorado du traditionalisme, où les vocations ne tarissent jamais. Ce sont aussi dans ces pays que les solutions proposées par Mgr Fellay ne font pas l’ombre d’une discussion.
En tout état de cause, cette élection crée le premier changement profond de la FSSPX depuis bien des années. Près de deux-tiers de ses prêtres ont été ordonnés sous le gouvernement de Mgr Fellay et ont été habitués à la ligne qu’il a su imprimer. Que peut faire son successeur dans ce contexte ? Il n’a pas trente-six choix : faire mieux ou faire dépérir. Faire mieux, c’est arracher encore mieux que ce à quoi Mgr Fellay est parvenu, à savoir une structure qui serait davantage assurée par la fermeté que pourrait garantir la nouvelle équipe. Faire pire, c’est faire marche arrière toute, transformant l’espoir de dix-huit ans de négociations en une gigantesque frustration. L’oubli élémentaire qui consistait à remercier publiquement Mgr Fellay à l’occasion de l’élection pourrait rendre un instant dubitatif. Mais on peut aussi imputer cette considération à des maladresses probablement dues à la précipitation.
Néanmoins, il y a des signes qui ne tromperont pas. À Écône, le nombre de séminaristes a peu à peu reculé ces dernières années pour atteindre le seuil de 35, jamais atteint depuis la fondation. Certes, le confort et la sécularisation n’y sont pas pour rien. Mais, désormais, les jeunes, notamment ceux qui sont sortis des écoles de la Fraternité, se mettent à hésiter, certains rejoignant Wigratzbad ou Gricigliano, autrement plus nombreux que ceux qui songent au monde éclaté de la résistance ou du sédévacantisme. Une suppression des perspectives romaines ou un resserrement frileux vers les horizons des années 1990 aurait à coup sûr des répercussions. Il n’est pas certain que le discours qui casse du pape et du rallié fasse recette à l’heure où le monde Ecclesia Dei va désormais peser plus que la Fraternité à elle seule. Ce qui est en jeu c’est tout bonnement l’héritage de Mgr Lefebvre. Soit la Fraternité continue à le hisser ou à le faire fructifier. Soit elle tend à le recroqueviller et alors, à son insu, elle offrira le leadership à la Fraternité Saint-Pierre en redoublant d’amertume contre elle.
Cependant le dossier romain va tomber sur le bureau du nouveau supérieur général. Va-t-il le repousser tout simplement pour dire qu’il ne désire pas travailler à une structure canonique comme les plus zélés l’espèrent ? Une telle hypothèse est peu crédible et il serait facile de dénoncer une méchanceté romaine quand on provoque soi-même la surenchère. Les mêmes vont vouloir que les nouveaux supérieurs rouvrent le dossier de la reconnaissance par Rome des mariages. L’équipe d’Écône et l’abbé Bouchacourt ont été sévères sur les récalcitrants. On voit mal comment, dès lors qu’ils sont aux commandes, ils pourraient sérieusement faire volte-face. Il serait aussi périlleux, pour une autorité fragilisée, de cautionner les rébellions de ces dernières années. La nouvelle direction va probablement devoir marcher sur une corde raide et va, tout en tâchant de rassurer, guetter les risques de déperdition, qui ont été aussi importants d’un côté comme de l’autre ces dernières années. Ce que ferait finalement toute direction, l’ancienne comme la nouvelle. La marge de manœuvre reste réduite pour les supérieurs qui appartiennent à des clans. Hier des suisses allemands, aujourd’hui des argentins, demain, sans doute, des américains. Néanmoins, leurs mains sont tenues par le consensus créé par l’œuvre et son histoire comme par le calendrier romain dont il ne faudrait pas négliger l’importance.