SOURCE - Monseigneur de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims - 29 janvier 2019
Le Pape a supprimé mi-janvier la commission chargée du dialogue avec la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX) fondée en 1970 par Mgr Marcel Lefebvre. Cela constitue une nouvelle étape dans le dialogue avec cette communauté religieuse. Éclairage de Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Commission doctrinale à la Conférence des évêques de France.
Par un motu proprio (décision prise par le Pape de son propre mouvement), le Saint-Père a supprimé la commission Ecclesia Dei et a confié l’ensemble des tâches de celle-ci à la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il porte ainsi à son terme un processus entamé par Benoît XVI puisque celui-ci avait, en 2009, intégré la Commission Ecclesia Dei dans l’ensemble des organismes relevant de la Congrégation tout en lui conservant son autonomie d’action.
La Commission Ecclesia Dei avait en effet été créée en juillet 1988 par le pape saint Jean-Paul II par le Motu Proprio Ecclesia Dei Afflicta. Mgr Marcel Lefebvre ayant posé un acte schismatique en consacrant le 30 juin 1988 des évêques sans mandat du Siège Apostolique, saint Jean-Paul II avait voulu constituer une instance capable d’aider à rester dans la communion de l’Eglise les personnes ou les groupes qui avaient jusque-là suivis Mgr Lefebvre mais qui ne voulaient pas entrer dans le schisme, leur sensibilité liturgique étant prise en compte et les structures de vie et d’action dont ils s’étaient doté étant maintenues autant que possible dans la structure ecclésiale.
La décision du pape Benoît XVI, par le Motu Propio Summorum Pontificium de juillet 2007, d’ouvrir plus largement la possibilité pour les prêtres de célébrer selon le missel de 1962, désormais considéré comme « forme extraordinaire du rite romain », et d’élargir pour les évêques la possibilité de concéder de manière durable à des groupes stables de fidèles l’usage de cette forme extraordinaire, tant pour la Messe que pour la célébration des sacrements, avait élargi les compétences de la Commission à qui la supervision de l’application de ces dispositions avait été confiée.
Parallèlement, le supérieur de la Fraternité Saint-Pie-X, premier successeur de Mgr Lefebvre, Mgr Fellay, voyait son mandat arriver à son terme. Il avait voulu mener avec le Saint-Siège qui avait toujours déclaré sa disponibilité des discussions en vue de résorber le schisme. Le 21 janvier 2009, le Pape Benoît XVI avait concédé la levée de l’excommunication frappant les 4 évêques ordonnés par Mgr Lefebvre, ce qui avait été un geste d’apaisement (« de grâce », dit le Motu Proprio du pape François), malheureusement aussitôt entaché par les déclarations négationnistes de l’un d’entre eux, Mgr Williamson, qui a fini par être exclu de la Fraternité. Des rencontres avaient pu s’ouvrir néanmoins. La Fraternité a fait valoir ses griefs à l’égard de l’Église, précisant les points où elle reproche au Magistère solennel tout autant qu’au Magistère ordinaire et universel de l’Église de manquer à la fidélité au dépôt reçu des Apôtres, et elle a reçu des réponses précises du Saint-Siège, déjà sous la conduite du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, à ce moment-là le cardinal Müller. Ces discussions n’avaient cependant pas permis d’aboutir à un accord réel, elles avaient été interrompues. Le Saint-Père, on le voit, ne se résout pas au schisme. Il partage la conviction qu’avait exprimée le futur Benoît XVI que bien des schismes dans l’histoire auraient pu être évités au prix d’un travail théologique sérieux mené par les différentes parties qui s’opposaient.
En intégrant totalement le champ couvert par la Commission Ecclesia Dei dans la compétence de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le Saint-Père entérine le fait que les communautés et autres sociétés sacerdotales à qui l’usage de la forme extraordinaire du rite romain a été accordée relèvent du droit ordinaire de l’Église, d’autre part il remet en lumière la nécessité de discussions doctrinales approfondies avec la Fraternité Saint-Pie-X. Les points en jeu ne sont pas des détails. Il ne suffit pas d’insister sur la réalité sacrificielle de l’Eucharistie, encore faut-il préciser ce qu’est ce sacrifice qui, en régime chrétien, ne saurait être une prolongation des sacrifices païens ni même des sacrifices du Temple ; il ne suffit pas de se réclamer de la Tradition, encore faut-il rendre clair ce qu’est la Tradition du Christ à ses Apôtres qui ne saurait n’être que le poids du passé s’imposant à toutes les générations ; il ne suffit pas d’affirmer que la religion catholique est la seule vraie, encore faut-il expliquer en quoi cette vérité exclusive honore la puissance salvifique du Christ qui a acquis le pouvoir de répandre son Esprit-Saint en tous les hommes pour attirer tous les hommes.
Monseigneur de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims