Le mandement épiscopal publié le 6 juin 2019 interpelle notamment le président du Sénat de l’Illinois, John Cullerton, ainsi que le président de la Chambre des représentants, Michael J. Madigan, leur enjoignant à tous deux de « se repentir sincèrement de leur grave péché et, en outre, d’en réparer comme il convient les dommages et le scandale causés ».
Le décret de Mgr Paprocki vient comme une réponse cinglante au texte voté par les parlementaires sur la santé reproductive en Illinois, dans lequel l’avortement est défini comme un « droit fondamental ».
Ce projet de loi, qui a été adopté le 1er juin 2019 par le Sénat de l’Etat, assouplit considérablement les restrictions imposées aux avortoirs.
De plus, la loi entend obliger les régimes privés d’assurance maladie à couvrir les frais d’interruption volontaire de grossesse, et à supprimer les délais d’attente pour rembourser un avortement.
L’évêque de Springfield a également précisé que les sanctions canoniques prises à l’encontre de John Cullerton et Michael J. Madigan s’appliquaient aussi à tout autre homme politique catholique favorable à l’avortement dans l’Etat.
Conscient que sa décision pourrait être fort mal reçue dans un contexte où l’Eglise, outre-Atlantique, est sous le feu des critiques dans le cadre de sa gestion des abus sur mineurs, Mgr Paprocki a tenu à prendre les devants, et mettre les points sur les « i » :
« La colère légitime que tous ressentent à l’égard de mineurs abusés devrait susciter une semblable levée de boucliers contre la légalisation du meurtre d’enfants innocents. Les épreuves que traverse l'Eglise ne modifient en rien la vérité objective : le meurtre d'un bébé sans défense demeure toujours un acte intrinsèquement pervers », explique le prélat.
Depuis plusieurs décennies, les catholiques ont appelé leurs pasteurs à prendre des mesures contre les politiciens soi-disant catholiques qui œuvrent pour la légalisation de l’avortement, mais qui luttent en fait contre les restrictions qui lui étaient jusqu’ici apportées.
Ces appels ont été la plupart du temps ignorés, laissant croire qu’il serait normal pour une personne d’être catholique dans la sphère privée, mais acatholique dans la sphère publique.
Cette dissociation ne peut-elle pas être - en partie au moins - imputée à la propagation du libéralisme dans l'Eglise catholique dans la foulée du Concile Vatican II, où beaucoup en sont venus à croire que la foi n’était plus qu’une affaire privée sans implication politique ?
On ne sait pas encore comment les législateurs catholiques favorables à l'avortement réagiront au décret de Mgr Paprocki : tout dépendra du clergé diocésain de Springfield, dont certains membres ne partageront peut-être pas la fidélité de leur évêque à l’enseignement moral catholique traditionnel, et au droit de l’Eglise.
Quoi qu’il en soit, les efforts de l’évêque de Springfield, visant à lutter contre les politiciens favorables à l’avortement, tout en protégeant l'intégrité de l'Eucharistie, peuvent être salués.
Puissent de nombreux prélats suivre son exemple, aux Etats-Unis comme ailleurs.