Le Father John Hunwicke (un nom qui se prononce en français " Hanique") a été pasteur anglican, mais catholique de cœur « depuis toujours ». Il profita de l’opportunité offerte par le Pape Benoit XVI de revenir complètement à l’unité catholique en rejoignant l’Ordinariat personnel de Notre-Dame de Walsingham… Catholique convaincu, le Father Hunwicke, qui a bien connu les motifs de la dissolution de l’Église anglicane, voit malheureusement les mêmes ferments de destruction à l’œuvre aujourd’hui au sein du catholicisme. Animateur du blog Fr Hunwicke’s Mutual Enrichment – Liturgical Notes, http://liturgicalnotes.blogspot.com/, il est devenu l’un des grands témoins, dans les milieux catholiques anglo-saxons, des périls qu’il est urgent d’éviter.
Paix Liturgique – Mon Père, racontez-nous votre conversion.
Fr Hunwicke – Depuis longtemps, a existé au sein de l’anglicanisme une tradition « catholique ». Comme j’appartenais à ce courant depuis mon adolescence, j’ai adhéré naturellement à l’intégralité des croyances de la foi catholique, y compris le dogme sur l’infaillibilité pontificale défini lors du premier concile du Vatican. Nous espérions tous alors parvenir un jour à une unité complète avec l’Église catholique. C’est pourquoi lorsque Benoît XVI, par la constitution Anglicanorum Coetibus du 4 novembre 2009, a mis en place un Ordinariat pour réunir les fidèles anglicans qui souhaitaient rentrer dans le giron catholique, qui nous permettait d’entrer dans la pleine unité catholique tout en gardant notre identité propre au sein de l’Église, nous avons accepté son offre, car c’est exactement ce que nous avions toujours souhaité.
Paix Liturgique – Comment voyez-vous la crise actuelle dans la confession anglicane ? Que pouvons-nous en apprendre ?
Fr Hunwicke – Les catholiques devraient apprendre des anglicans que si une communauté se soumet « à l’air du temps » plutôt qu’à sa foi et à ses croyances fondamentales, cela la mènera au désastre et à sa dissolution. L’Église catholique fait maintenant face aux mêmes assauts de cet « air du temps » qu’hier l’anglicanisme, en particulier dans les domaines de la morale sexuelle et de la question du genre. De la même manière, les problèmes soulevés par Amoris lætitia et autres entreprises « bergogliennes » pourraient embrouiller beaucoup de clercs et de fidèles par des ingéniosités verbales. Cette soumission « à l’air du temps » peut également porter sur les problèmes liés à l’ordination des femmes dans des ministères sacerdotaux. Quoique, en ce qui concerne l’ordination des femmes les ambiguïtés verbales ne sont pas faciles : ou nous ordonnons des femmes, ou nous ne le faisons pas!
Paix Liturgique – Aujourd’hui, la plus grande partie de la liturgie célébrée dans l’Église catholique souffre d’un manque de caractère sacré et de signification surnaturelle. L’usage anglican, célébré par les prêtres de l’Ordinaire personnel de Notre-Dame de Walsingham, conserve-t-il encore ce caractère sacré?
Fr Hunwicke – La liturgie ordinariale se célèbre généralement de manière beaucoup plus traditionnelle que le Novus Ordo « ordinaire », tel qu’il est célébré dans les autres églises d’Angleterre et d’Europe. Notre manière de célébrer incorpore des éléments de la forme extraordinaire à usage facultatif, par exemple : les prières au bas de l’autel, les anciennes prières d’offertoire, le dernier évangile. Et, dans la liturgie des défunts, l’ancienne forme du Libera Nos est utilisée.
Paix Liturgique – Connaissiez-vous la messe traditionnelle avant de rejoindre l’Église catholique?
Fr Hunwicke – La messe traditionnelle est celle que l’on m’a enseignée dans mon séminaire anglican dans les années 1960 ! J’avais l’habitude de la célébrer, dans ma dernière paroisse anglicane, presque tous les jours de la semaine. C’est ce à quoi, depuis mon enfance, j’étais habitué dans l’Église d’Angleterre dans les années 1950.
Paix Liturgique – Est-ce que vous continuez à la célébrer?
Fr Hunwicke – Actuellement, je la célèbre tous les matins.
Paix Liturgique – Pensez-vous que la liturgie doive être une affaire de spécialistes?
Fr Hunwicke – Je pense que les liturgies ne devraient surtout pas être composées par des comités de « spécialistes ». Même si les liturgies ne sont pas immuables et qu’elles ne l’ont jamais été, elles ne devraient évoluer que de manière organique et progressive comme cela s’est fait dans la paix au cours des siècles, mais certainement pas d’une manière artificielle et imposée.
Paix Liturgique – Vous émettez donc de grandes réserves vis-à-vis du Novus Ordo?
Fr Hunwicke – En fait, même la manière la plus « traditionnelle » de célébrer le Novus Ordo me semble viciée.
Paix Liturgique – Nous assistons à une croissance, sur tous les continents, du nombre des célébrations de messes traditionnelles, et à un intérêt toujours plus grand pour cette forme liturgique en particulier de la part des plus jeunes. Qu’en pensez-vous?
Fr Hunwicke – Les jeunes ont souvent des goûts différents de ceux de leurs parents. Mais, pour le coup, il faut sans doute y voir autre chose ! En ce qui concerne les jeunes membres du clergé, ils ont clairement un attrait vers un sacerdoce réellement sacré. A juste titre, ils ne voient guère l’intérêt d’un clergé qui occupe des emplois de travailleurs sociaux. Ils veulent être de vrais prêtres de Jésus-Christ!
Paix Liturgique – Vous semble-t-il que la messe traditionnelle pourrait aider à une nouvelle évangélisation?
Fr Hunwicke – À mesure que les personnes âgées disparaîtront, il ne restera plus que le catholicisme traditionnel. Du moins, c’est ce qui se passe en Angleterre et en France. La meilleure aide au catholicisme traditionnel est celle que saint François a appelé sa Sœur la Mort ! Par conséquent, je crois que la nouvelle évangélisation sera largement le fait du courant traditionnel.
Paix Liturgique – Y a-t-il un avenir pour les rites locaux comme ceux de Braga, Lyon, Milan et autres?
Fr Hunwicke – J’aimerais penser que oui, mais il faudrait que leur retour se fasse naturellement. C’est ainsi qu’il a été suggéré de restaurer l’ancien rite de l’Angleterre médiévale, le rite de Sarum. Nous verrons ce que cela donnera. Mais pour l’heure la priorité est à la restauration de la messe traditionnelle partout dans l’Église.
Paix Liturgique – Pourquoi votre blog s’appelle-t-il «enrichissement mutuel»? Quel est le but de votre travail sur Internet?
Fr Hunwicke – Mon blog a commencé par être un lieu où étaient publiées des « Notes liturgiques », à la différence du blog du Father Z, qui lui offre une sorte de service liturgique aux fidèles. Néanmoins, petit à petit, il est devenu naturel de soutenir et d’expliquer la restauration rendue possible par le pape Benoît XVI. Ensuite, lorsque la crise du pontificat actuel est devenue évidente, il a semblé naturel d’expliquer ce qui ne va pas dans l’Église et de soutenir les catholiques perplexes et en détresse à cause de ce que le cardinal Brandmüller a appelé à juste titre l’Apostasie qui se manifeste dans le pontificat actuel.
Paix Liturgique – Certains de vos textes ont suscité des controverses, n’avez vous pas eu de problèmes à cause de cela?
Fr Hunwicke – Heureusement, mon Ordinaire m’a toujours été favorable.
Paix Liturgique – Dans l’Église catholique, de nombreux membres du clergé professent des enseignements contraires à la doctrine de l’Église et renient une grande partie de ce que nos ancêtres considéraient comme sacré. Comment les laïcs peuvent-ils conserver et diffuser la foi, même s’ils semblent aller à l’encontre de leurs pasteurs?
Fr Hunwicke – Je suis impressionné par le nombre de jeunes couples qui fondent de belles familles catholiques. Et je me réjouis de voir des laïcs catholiques traditionnels instruits se lever pour défendre la foi. Lorsque les évêques ont peur de Bergoglio et que le clergé a peur de ses évêques, alors il incombe aux laïcs de s’éduquer eux-mêmes à la foi et d’organiser eux-mêmes l’offre de la liturgie traditionnelle. Les laïcs sont libres de l’intimidation dont le clergé est souvent victime ! Curieusement (du point de vue des bergogliens), les « mouvements traditionalistes » font partie des aires de l’Église les moins sclérosées. En fait, le cléricalisme, en tant que chose mauvaise et oppressante, se voit sous sa forme la plus cruelle dans les zones de l’Église où dominent les « apparatchiks » bergogliens ! Et donc, les laïcs doivent montrer le chemin, surtout quand le clergé a trop peur.
Paix Liturgique – Quel serait votre message pour les lecteurs de Paix Liturgique?
Fr Hunwicke – Je les exhorterais à résister sans crainte contre les œuvres de Satan. Certaines de ces influences sataniques se retrouvent dans la société laïque, qui s’est installée dans de nombreuses régions de la vieille Europe, notamment en ce qui concerne les matières sexuelles et sexistes. Mais tout cela a également pénétré dans l’Église, comme l’a compris Paul VI lorsqu’il a parlé de « la fumée de Satan entrée par quelque fissure dans le peuple de Dieu ». Je ne crois pas que Vatican II ait formellement enseigné l’erreur, mais il reposait et s’appuyait (comme l’a souligné le cardinal Ratzinger) sur un optimisme excessif et dangereux. On pensait que le monde serait ouvert à ce que l’Église avait à offrir si l’Église trouvait de nouveaux moyens d’exprimer la foi. Mais, malheureusement, c’était une erreur ; C’était une lecture inexacte des « signes des temps ». En réalité, le monde était sur le point de se débarrasser des éléments de la morale héritée de son passé chrétien : l’usage de la «pilule» en était le symbole. Et le monde n’abandonnait pas seulement l’éthique chrétienne : il se préparait à persécuter les chrétiens qui tentaient de préserver cette éthique. Une vision du monde laïciste, qui a commencé comme une proclamation de la liberté permettant aux gens de se défaire des impératifs chrétiens, est rapidement devenue une vision du monde persécutrice de toute personne n’adhérant pas à un point de vue laïque.