7 décembre 2005

[Aletheia n°84] Il y a 50 ans Itinéraires - Il y a 25 ans Présent

Aletheia n°84 - 7 décembre 2005
Il y a 50 ans Itinéraires - Il y a 25 ans Présent
2006 verra un double anniversaire : le 50e anniversaire de la fondation, en mars 1956, de la revue mensuelle Itinéraires, qui parut jusqu’en 1997, et le 25e anniversaire de la parution du numéro 0 (22 novembre 1981) du quotidien Présent, qui paraît toujours. Ces deux publications ont été fondées par Jean Madiran, non seul certes. On pourrait ajouter que cette année 2006 verra aussi un 40e anniversaire : celui de la condamnation, le 23 juin 1966, de la revue Itinéraires par l’épiscopat français.
La “ Mise en garde des cardinaux et du Conseil permanent de l’épiscopat français ”[1] visait nommément “ des magazines comme le Monde et la Vie, des revues comme Itinéraires et Défense du foyer, des bulletins comme Lumière ”.
Que reprochait l’épiscopat français à ces publications :
Ils affirment que l’enseignement religieux est en crise ; l’école chrétienne en péril ; l’autorité personnelle de chaque évêque minée par les organismes collectifs de l’épiscopat ; la primauté du Saint-Siège compromise par la collégialité ; la doctrine sociale de l’Eglise faussée par le progressisme ; la foi de nombreux clercs pervertie par des erreurs doctrinales et morales graves. Ils contestent l’application qui est faite de la Constitution liturgique. Ils critiquent les mouvements apostoliques et leurs méthodes. Ils appellent prêtres et fidèles à s’unir pour sauver l’Eglise de la décadence à laquelle la conduiraient irrémédiablement les pasteurs.
À quarante ans de distance, quel observateur de bonne foi ne conviendra pas que l’épiscopat français, du moins en son “ Conseil permanent ” de l’époque, a manqué de clairvoyance. Les cris d’alarme que lançaient Itinéraires et d’autres publications de laïcs dans ces années post-conciliaires n’étaient pas exagérés. La crise de l’Eglise – qui avait commencé en France avant le concile Vatican II – s’est amplifiée et aggravée après 1966.
En 1966 les cardinaux français et le “ Conseil permanent de l’épiscopat français ” voyaient dans les inquiétudes et critiques des laïcs – qu’on ne qualifiait pas encore de “ traditionalistes ” – une “ campagne ”, une fronde anti-épiscopale. Quelle erreur ! Ils ne voyaient pas l’amour de l’Eglise et la défense de la foi qui les animaient.
En 2006, il n’y aura pas de “ repentance ” de l’épiscopat français pour cette condamnation d’il y a 40 ans. On n’entendra pas la plainte, le regret, que celui qui était encore le cardinal Ratzinger a humblement prononcés à la IXe station du Chemin de croix du Vendredi saint 2005 à Rome :
Que de souillures dans l’Eglise, et particulièrement parmi ceux qui dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Combien d’orgueil et d’autosuffisance !
S’il n’y a pas eu de repentance solennelle et publique de l’épiscopat français pour son “ orgueil ” et son “ autosuffisance ” depuis les années post-conciliaires, pour son refus de voir la crise de l’Eglise, pour sa marginalisation de ceux qui osaient la dénoncer – avec des maladresses et des excès sans doute –, il y a eu, depuis une décennie, une certaine et limitée repentance de fait : des évêques procèdent à des ordinations dans des abbayes attachées à la Tradition, accueillent des fondations traditionnelles, etc.
Il semblerait même que certains évêques prêtent enfin attention aux écrits de celui qui, parmi les fidèles attachés à la Tradition, est la plume la plus acérée, la plus constante et celle dont l’autorité est la plus grande : Jean Madiran. En 2004, sa Trahison des commissaires (éditions Consep, 2004) a précédé de peu le “ Communiqué ” et la “ Note doctrinale ” de la Commission doctrinale de l’épiscopat français sur les livres du Père Cerbelaud et de Jacques Duquesne. Etait-ce vraiment un hasard ?
Les 50 ans de la fondation d’Itinéraires et les 25 ans de la fondation de Présent ne verront certainement pas quelque message épiscopal rendre hommage à Jean Madiran. Beaucoup d’évêques français – tous les évêques français ? – croient encore, sur la foi de ce qu’ils ont lu dans le Monde par exemple, que Présent est un journal “ intégriste ” et “ extrémiste ”. Ils ignorent les campagnes de désabonnement à Itinéraires lancées par la Fraternité Saint-Pie X après les sacres de 1988 et qui ont causé la mort de la revue. Ils ignorent les campagnes de boycott de Présent lancées par le Front national et qui ont failli mettre à mort le journal.
Les évêques de France ont lu dans le Monde, il y a 25 ans (le 20 novembre 1981), que Présent serait un “ quotidien d’extrême droite ”. Ils le croient encore. Ils n’ont pas lu les récusations du qualificatif faites par Jean Madiran : Extrême droite ? Ah non, assez ! (1991), “ mythe assassin qui est au cœur de la calomnie officielle ”. Ils n’ont pas vu que la vertu de piété est au cœur de l’œuvre, religieuse et politique, de Jean Madiran. La piété comme reconnaissance et fidélité, dans l’Eglise comme dans la société.
Pour ceux des lecteurs de cette modeste Aletheia qui ne lisent pas Présent – et ils sont nombreux, je crois, dans une catégorie bien spécifique de lecteurs en France et hors de France –, j’offre cette récente page de Jean Madiran, page de “ souvenirs et considérations ”.
Bien évidemment, une telle page, venant après d’autres, fait souhaiter que Jean Madiran rédige le livre de Mémoires qu’on est en droit d’attendre de lui. Il y répugne, je crois, pour différentes raisons qui, pour certaines, sont très justes. Mais il doit ce livre, non tant à ses lecteurs habituels, qui pourraient espérer de lui ce livre-là aussi, qu’à l’histoire de l’Eglise de ce demi-siècle. Les biographies ou autobiographies épiscopales, les souvenirs et mémoires des “ grands ” intellectuels catholiques “ de gauche ” de ce demi-siècle (G. Hourdin, H-I Marrou, A. Mandouze, etc.) ne suffiront pas à rendre compte de manière juste et complète de cette histoire. Imagine-t-on de comprendre l’autre tourmente qu’a connue l’Eglise de France – le modernisme – , il y a cent ans, en lisant seulement les Mémoires de Loisy ?
----------
[1] La Documentation catholique, n° 1475, 17 juillet 1966, col. 1285-1288.