Archive 2 - "Que faire pour faire progresser la réconciliation?" - Document extrait de la Lettre d'Oremus de Janvier 1996 |
31 juillet 2008 - lettre 127 de paixliturgique.com |
Nous poursuivons ici la publication de textes déjà diffusés par l'Association Oremus dans les années 1990. L'exclusion des familles attachées à la liturgie traditionnelle de l'Eglise n'est pas un fait nouveau dans les diocèses de France. Le document publié ci-après a déjà 12 ans. Son but était de donner quelques pistes à ceux qui souhaitaient mettre en place dans leur diocèses une célébration selon la liturgie traditionnelle de l'Eglise. Il révèle les difficultés rencontrées la plupart du temps par les fidèles qui entament des demandes. Ce document n'a quasiment pas pris une ride malgré plus de 12 années passées, malgré la publication de Summorum Pontificum... Les résistances épiscopales en France sont très dures et l'on se rend compte que l'action concertée de l'épisciopat français en vue de bloquer toute évolution de la pratique traditionnelle n'est pas née d'aujourd'hui. Voici le texte. Que faire pour faire progresser la réconciliation? " Document extrait de la Lettre d'oremus de Janvier 1996 Vous vivez actuellement dans un diocèse de France dans lequel n’est pas célébrée régulièrement ou d’une manière officielle la liturgie catholique traditionnelle. Bien évidemment, vous souhaitez ardemment que cette situation évolue et que bientôt vous puissiez participer à une messe traditionnelle dans votre diocèse. Vous comprendrez bien que cette espérance n’est pas suffisante pour que votre souhait devienne demain une réalité et, probablement, les autorités diocésaines ne mettront pas en place un centre liturgique traditionnel si elles n’en ressentent pas très vivement la nécessité en raison d’une demande forte et répétée de fidèles du diocèse. Aussi, vous devez savoir que si vous agissez personnellement, ce souhait légitime sera accordé aux fidèles de votre diocèse : enfin cessera une situation qui assimile les fidèles attachés à la tradition à des «exclus». Néanmoins, agir n’est pas tout : il faut surtout «bien agir». Pour cela nous vous livrons ici 7 conseils qui nous semblent indispensables pour que vous puissiez parvenir au succès de votre entreprise. Premier conseil : ne compter ici-bas que sur soi-même. Trop d’entreprises ne voient pas le jour car l’on attend trop souvent pour les mettre en route la venue «d’un homme providentiel». Ainsi, dans beaucoup de lieux, conscients de leurs limites, de nombreux fidèles attendent sans agir; ils sont confrontées au refus des évêques d’octroyer la célébration de la messe traditionnelle et attendent qu’un miracle se produise. Il faut comprendre qu’à défaut «d’hommes providentiels» ou de miracle, c’est à vous qu’il appartient de prendre l’initiative de vous lancer, certains que Dieu ne vous abandonnera pas et qu’il vous donnera les grâces et compétences nécessaires pour mener à bien cette action ou pour vous permettre de découvrir, une fois cette action engagée, des adjoints qui, bientôt, sauront peut-être prendre le relais. Deuxième conseil : acquérir une bonne connaissance de votre diocèse et de ses ressources. Seuls vous ne pourrez rien. Il vous faut donc chercher activement à connaître tous ceux qui, dans votre diocèse, sont susceptibles de partager les mêmes aspirations que vous en faveur de la célébration de la messe traditionnelle. Vous pouvez, pour y parvenir, contacter tous les responsables de groupes ou d’associations favorables à ce projet qui exercent leur activité dans votre région. Vous pouvez aussi chercher à connaître le nom de ceux qui se sont exprimés en signant la requête au Saint-Père en faveur de la messe traditionnelle. Une fois ce travail préalable effectué, il vous faudra organiser une ou plusieurs réunions de sensibilisation dont le but sera de connaître ceux qui sont véritablement prêts à s’engager dans cette entreprise. Troisième conseil : constituer une équipe déterminée. Dans tous les cas, il vous faut constituer une équipe solide. Il faut savoir distinguer, lors de la constitution de cette équipe, les fidèles qui viendront participer demain à la messe traditionnelle dont vous auriez obtenu l’autorisation, de ceux qui réellement seront déterminés à mener, avec vous, cette initiative jusqu’au bout. Un bon moyen pour consolider le noyau de votre équipe est de constituer une association, qui engagera davantage ses participants qu’une initiative libre et spontanée, et qui pourra devenir bientôt une interlocutrice plus représentative vis-à-vis des autorités diocésaines. Lors de la constitution de cette équipe, il importera que vous n’agrégiez à votre groupe que des laïcs qui, malgré leur enthousiasme, sauront rester responsables, respectueux et toujours particulièrement attachés à l’Eglise. Quatrième conseil : constituer un dossier historique. Il se peut que dans votre diocèse des tentatives d’obtenir une messe traditionnelle aient déjà été faites dans le passé. Il est fondamental que vous connaissiez le mieux possible et en détail le déroulement de ces contacts anciens et les motifs qui ont été invoqués par les autorités diocésaines pour refuser d’agréer leur demande. Il va de soi qu’en aucun cas un refus antérieur, même répété plusieurs fois, ne doit vous faire reculer et freiner votre détermination à renouveler l’entreprise. Bien au contraire, il vous faudra redoubler d’efforts, notamment pour tenter d’être capable de répondre par avance aux objections qui avaient été celles des autorités lors des demandes précédentes. Cinquième conseil : faire une demande officielle. Il va de soi que le meilleur moyen d’espérer obtenir la célébration régulière d’une messe traditionnelle dans votre diocèse est d’en faire une demande officielle directement à l’évêque qui est la seule autorité compétente du diocèse. Sauf cas exceptionnel, évitez tout intermédiaire dont vous ne serez jamais tout à fait sûr qu’il retransmettra fidèlement votre demande. L’expérience enseigne qu’il est toujours préférable de formuler votre demande par écrit pour éviter qu’elle soit mal comprise ou mal interprétée. Même si l’évêque du lieu vous accorde un entretien pour vous entendre présenter votre requête, il est toujours souhaitable de pouvoir lui remettre, à l’issue de cet entretien, un texte écrit récapitulant votre demande et vos motivations. On peut s’inspirer pour de tels courriers des expériences précédentes (Oremus peut vous aider dans ce domaine) en conservant toujours une attitude digne et respectueuse de l’autorité diocésaine. Sixième conseil : ne pas désespérer devant une réponse défavorable. Il est fort probable que les autorités diocésaines ne donnent pas une suite favorable à votre requête. Pratiquement tous les dossiers étudiés le confirment, même lorsque l’issue finale a été positive, les premières réponses, par écrit ou par oral, ont toujours été négatives. De ce fait, il serait absurde de désespérer devant un tel refus alors que vous devez au contraire vous y attendre. Tout le sérieux de votre entreprise sera au contraire dans votre capacité à persévérer jusqu’à la satisfaction de votre légitime requête en sachant renouveler régulièrement votre demande qui doit, dès lors, tout en conservant politesse et courtoisie, devenir un objet permanent d’interpellation pour l’autorité diocésaine. Septième conseil : savoir croître et durer. Persévérer n’est pas une chose facile, vous ne pourrez y parvenir que si vous avez constitué autour de vous un groupe solide déterminé à ne pas abandonner avant d’avoir obtenu légitimement gain de cause. Le plus difficile pour vous sera de faire conserver à vos amis l’enthousiasme des premiers instants après ce qui pourra apparaître à quelques-uns comme un échec définitif. Pour maintenir la détermination de votre groupe, il vous faudra impérativement continuer à faire vivre votre noyau initial et, si possible même, l’enrichir afin que demain lors d’une seconde, d’une troisième ou d’une quatrième tentative, vous soyez non seulement aussi nombreux, mais plus nombreux et déterminés qu’au premier jour. Comment y parvenir ? Puisque votre objectif est d’obtenir une messe dominicale, pourquoi ne pas prendre l’habitude de réunir votre groupe, chaque dimanche en fin d’après-midi, pour chanter par exemple l’office de complies ? Par ce moyen, vous enrichirez spirituellement votre entreprise, vous habituerez vos amis à se retrouver régulièrement sans pour autant les gêner face aux différentes options qu’ils peuvent être amenés à prendre pour assister à leur messe dominicale, et vous garantirez ainsi à votre détermination une ardeur renouvelée, amplifiée chaque dimanche. Commentaires de Paix Liturgique : 1/ Depuis de nombreuses années, les demandes faites aux clercs en vue d'appliquer les Motu Proprio successifs relatifs à la liturgie traditionnelle de l'Eglise sont la plupart du temps ignorées. Facile ensuite de proclamer qu'"il n'y a pas de demande de telles célébrations dans mon diocèse..." 2/ La constitution d'associations proposée dans cet article n'est probablement plus aujourd'hui nécessaire. Elle peut même s'avérer handicapante faisant perdre du temps et de l'énergie dans des formalités superflues. En revanche, il demeure plus que jamais indispensable de faire des demandes "écrites, formelles et officielles". En effet, il n'est pas rare d'entendre des curés affirmer qu'ils ne sont pas concernés par Summorum Pontificum n'ayant pas reçu de lettres formalisant des demandes précises mais ayant simplement été abordés par des fidèles leur ayant juste confié qu'ils aimeraient bénéficier d'une telle liturgie... En cas de refus du curé, une demande écrite permet de saisir plus facilement en suite l'évêque puis la Commission Ecclesia Dei comme le préconise le Motu Proprio Summorum Pontificum. |
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31 juillet 2008
30 juillet 2008
Archive 1 - Que désirent les fidèles catholiques réunis au sein de l'association "Oremus"? - Document extrait de la lettre d'Oremus de janvier 1996 |
30 juillet 2008 - lettre 126 de paixliturgique.com |
Nous entamons avec cette lettre 126 la publication d'une série de documents déjà publiés entre 1994 et 2000 dans le cadre des activités de l'association "Oremus" née peu après la promulguation du motu proprio "Ecclesia Dei" de 1988. Malgré les années, malgré la publication du motu proprio "Summorum Pontificum" de 2007, ces documents gardent toute leur actualité ! Ils ont le mérite de mettre en lumière de manière éclatante la permanence dans le temps des demandes des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle de l'Eglise et celle de la réponse que leur font depuis lors l'écrasante majorité des évêques de France. Tous ces documents éclaireront, nous l'espérons, les clercs et tous les hommes de bonne volonté qui cherchent, apparemment toujours en vain, à comprendre "les voeux et les intentions des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle". Ces documents, qui exposent ce que ces familles demandaient déjà il y a quinze ans, permettront de comprendre pourquoi nous avons été contraints, face à l'autisme épiscopal et au mépris ecclésiastique, d'utiliser des moyens qui, bien que toujours légitimes et respectables, n'auraient pas dus être mis en oeuvre, si hier comme aujourd'hui, la charité réciproque avait pu exister. Voici le document : ARCHIVE 1 - QUE DÉSIRENT LES FIDÈLES CATHOLIQUES RÉUNIS AU SEIN DE L'ASSOCIATION "OREMUS"? - DOCUMENT EXTRAIT DE LA LETTRE D'OREMUS DE JANVIER 1996 Au cours de l’année 1995, un groupe de laïcs catholiques a entrepris la création de l’association Oremus dans le but d’aider au développement et à la promotion de la liturgie latine traditionnelle en France. Nous avons le plaisir de vous faire parvenir aujourd’hui notre première Lettre d’Oremus qui, si Dieu veut, vous fera part chaque trimestre des nouvelles utiles relatives au développement de la célébration de la liturgie traditionnelle. Nous avons dans cette première lettre demandé à Christian Marquant, président d’Oremus, de nous présenter les objectifs d’une association qui, nous l’espérons, saura intéresser beaucoup d’entre vous. Nous espérons que, nombreux, vous nous ferez part de vos réactions et que, plus nombreux encore, vous nous soutiendrez dans une entreprise qui, aujourd’hui plus qu’hier, a besoin de toutes les bonnes volontés et de toutes les énergies pour aboutir à une victoire dont, nous en sommes sûrs, nous comprenons tous la nécessité afin que puisse rayonner, comme elle se doit, une liturgie pleinement catholique auprès de tous ceux qui, tournés vers le Seigneur, veulent véritablement lui rendre un culte digne de sa majesté. Comment situez-vous Oremus ? Pendant plus de vingt ans, l’Eglise a été déchirée par un dramatique conflit religieux dans lequel étaient confrontés opposants et sympathisants des formes traditionnelles de la liturgie catholique latine, car celle-ci focalise les aspects essentiels de notre foi. Dans un souci d’apaisement, depuis plusieurs années, les autorités de l’Eglise ont rendu aux fidèles leur droit légitime de suivre les formes anciennes de la liturgie de l’Eglise. L’on aurait pu espérer que cette situation nouvelle rétablirait totalement et définitivement la paix parmi les catholiques : ce n’est malheureusement pas encore le cas. En effet, la célébration de la messe traditionnelle est encore absente de plus de la moitié des diocèses de France et il est souvent impossible pour des fidèles d’obtenir que soient célébrées lors des événements majeurs de leur vie chrétienne (mariages et funérailles) des cérémonies suivant le rite traditionnel. C’est pourquoi, en 1994, un groupe de laïcs catholiques, soucieux de paix et de justice, a entrepris de constituer une association, Oremus, pour la défense et la promotion de la célébration simple et régulière de la messe traditionnelle afin que celle-ci devienne accessible à tous les fidèles qui désirent bénéficier de ses bienfaits. Quel est votre objectif ? Oremus se fixe comme objectif que, d’ici l’an 2000, la liturgie traditionnelle soit célébrée chaque dimanche, d’une manière bienveillante, dans un lieu central et convenable et à heure fixe dans tous les diocèses de France. Nous souhaitons également que les familles, sur simple demande de leur part, puissent obtenir la possibilité de faire célébrer leurs mariages et les cérémonies de funérailles selon le rite de la liturgie latine traditionnelle. De plus, Oremus souhaite que, au nom de la légitime liberté des enfants de Dieu et d’un sain pluralisme, des messes traditionnelles puissent être régulièrement célébrées partout où des fidèles assez nombreux en feront la demande. Pourquoi cette requête ? Nous exprimons cette requête pour quatre motifs principaux : - le premier parce que la liturgie latine traditionnelle est un rempart de la foi ; sa richesse théologique et spirituelle permet de rester fidèle à l’orthodoxie et d’éviter toute dérive dogmatique et si, comme le rappelle la déclaration conciliaire sur la sainte liturgie, «la liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Eglise et en même temps la source d’où découle toute sa vertu», celle-ci ne peut pas prendre n’importe quelle forme ni provoquer l’irritation des fidèles alors qu’elle est avant tout la louange rendue à Dieu ; - le second est la nécessité que tous les fidèles qui le souhaitent puissent vivre leur foi chrétienne au rythme des trésors spirituels de cette liturgie ; - troisièmement, il est légitime qu’aujourd’hui, après les bienveillantes décisions du Saint-Siège en sa faveur, la liturgie traditionnelle puisse retrouver dans l’Eglise sa place normale et permettre ainsi à ses fidèles, d’une part de sortir d’un «ghetto» dans lequel les circonstances les avaient enfermés et, d’autre part, de témoigner de leur attachement à l’Eglise par leur participation à des offices dans des églises du diocèse agréées par l’évêque. Car s’il y a une seule foi et une seule hiérarchie dans l’Eglise depuis les origines, elle a su, dans sa sagesse maternelle, accepter la pluralité des formes liturgiques ; - nous espérons enfin par ce moyen concourir au rétablissement, au sein des diocèses, des liens nécessaires au développement de la charité, liens sans lesquels les fidèles attachés aux formes traditionnelles de la liturgie continueraient à être des «exclus». Ce souhait n’est d’ailleurs pas pure utopie ; tout d’abord parce que nous avons foi en l’Eglise, mais aussi car nous constatons que, partout où des évêques ont permis que la liturgie traditionnelle soit célébrée dans de bonnes conditions, des liens se sont tissés à nouveau, permettant un grand développement de la charité et de la paix au sein de ces diocèses. Votre requête ne peut-elle pas sembler irréaliste ? Pendant longtemps les opposants aux formes traditionnelles de la liturgie ont voulu nier la réalité d’une demande populaire en faveur de celle-ci ; tout au plus considéraient-ils que ceux qui en souhaitaient le maintien n’étaient que des nostalgiques de formes culturelle et politique révolues. Aujourd’hui, il faut bien le reconnaître, les choses ne peuvent plus être simplifiées d’une manière aussi outrancière. Par exemple, la requête au Saint-Père en faveur de la messe traditionnelle a été signée en France par plus de 50 000 personnes et l’on peut considérer sans exagération que ce sont plusieurs centaines de milliers de fidèles qui aspirent à y participer. Plus encore, il est reconnu qu’un grand nombre de ceux qui œuvrent en faveur de la messe traditionnelle sont des jeunes, qui n’ont que faire de la nostalgie et qui, au contraire, le plus souvent, se sont convertis à la foi catholique à travers la découverte d’une liturgie qui exprime bien pour eux la légitime dévotion qu’ils doivent rendre à leur créateur et à leur sauveur. De ce fait, notre requête, loin d’être illégitime ou irréaliste, démontre aujourd’hui toute sa nécessité. Le Saint-Père lui-même n’a-t-il pas institué à Rome la commission Ecclesia Dei, chargée particulièrement du règlement de ces problèmes, et dont les travaux sont suivis avec attention par le cardinal Ratzinger ? Le travail de la commission est important et nécessaire, en particulier pour les prêtres et communautés religieuses désireux d’user de la liturgie traditionnelle. Elle permet également de faire entendre notre voix au Saint-Siège. Cependant, après sept années de fonctionnement, la commission a indiqué à de nombreuses reprises que c’était l’autorité diocésaine et elle seule qui pouvait décider de l’application des mesures prises par le Saint-Siège en faveur de la liturgie traditionnelle. C’est donc aux évêques que revient ce rôle et jamais la commission n’a pu ou voulu aller contre la volonté d’un évêque, car cela n’entre pas dans ses pouvoirs ou attributions. Le Saint-Père l’a rappelé à Dom Gérard, père-abbé de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, lorsque ce dernier lui a présenté, en 1995, la supplique signée par plusieurs dizaines de milliers de fidèles en faveur de la liturgie traditionnelle : «il faut convaincre les évêques». Pensez-vous qu’il appartienne à des laïcs de prendre l’initiative de «convaincre les évêques» ? Je vous rappellerai tout d’abord que nous sommes tous directement concernés par la célébration du culte traditionnel. Nous le sommes en effet, d’abord, pour nos enfants et nos familles, ainsi que pour les œuvres et écoles auxquelles ils participent. Cependant, à cette première constatation qui me semble fondamentale et essentielle, doit s’en ajouter une autre, d’un tout autre ordre, et cependant aussi importante : comment espérer, dans le contexte actuel, que les autorités religieuses octroient de nouveaux centres de messes traditionnelles, s’ils n’en ressentent pas la nécessité en raison d’une vive demande exprimée par des fidèles catholiques de leur diocèse ? Ainsi, nous connaissons un certain nombre d’autorités ecclésiastiques qui vont jusqu’à affirmer qu’elles ne sont pas hostiles à l’instauration de lieux de culte traditionnels, mais que cela n’est pas nécessaire dans leur diocèse du fait de l’absence de demande réelle au niveau local ou dans leur région... L’on peut donc dire que, dans la situation actuelle, dans la plupart des diocèses de France où la messe traditionnelle n’est pas célébrée, ce sont les laïcs eux-mêmes qui devront s’exprimer pour que cette célébration ait lieu : s’ils ne le font pas, les situations ne se débloqueront pas. Ne croyez-vous pas néanmoins que des ecclésiastiques seraient mieux fondés que vous pour entreprendre ces démarches ? Si nous étions dans une situation ordinaire, sans doute auriez-vous totalement raison et d’ailleurs, c’est ce qui se passe là où les autorités, avec amour et bienveillance, cherchent par tous les moyens à apaiser les rancœurs en satisfaisant les demandes légitimes des fidèles. Cependant, comme je l’évoquais précédemment, aujourd’hui la messe traditionnelle est, de fait, absente dans près de la moitié des diocèses de France, ce qui témoigne que dans ces diocèses, les autorités légitimes ne considèrent pas comme nécessaire d’abonder dans le sens du Motu proprio... On voit mal alors comment, dans un tel contexte, les autorités locales accepteraient d’agréer des demandes formulées par des institutions ecclésiastiques extérieures au diocèse alors qu’elles n’en ont pas sollicité la venue. Mais pour convaincre les évêques, il faut des fidèles ; croyez-vous qu’il existe une réelle demande en faveur de la liturgie traditionnelle ? Sans aucun doute. Il suffit pour l’affirmer de voir le nombre des familles catholiques qui adhèrent ou participent à des mouvements ou manifestations dont le caractère d’attachement à la liturgie traditionnelle est indéniable. Certains diront, néanmoins, que l’ensemble de ces fidèles est globalement résiduel par rapport à l’ensemble des catholiques français. Mais cette objection est tout à fait fausse ; notamment, lorsque fut proposée en 1995 la signature de la supplique en faveur d’une large application en France du Motu proprio, plus de 50 % des cinquante mille signataires n’étaient ni des membres réguliers, ni des participants réguliers à ce que l’on a pris l’habitude d’appeler «la tradition», preuve que les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle sont très nombreux, plus nombreux qu’on ne le pense ordinairement. Comment concevez-vous l’action d’Oremus ? Il nous faut tout d’abord rester très modestes et ne pas vouloir nous prendre pour plus que ce que nous sommes. Nous ne voulons en aucune manière réunir ou fédérer l’ensemble des catholiques français attachés à la tradition sous une unique et même bannière. Ce que nous souhaitons, c’est voir se mettre en place des actions dont le but est unique : assister d’ici l’an 2000, à l’éclosion de nouveaux centres cultuels diocésains attachés à la liturgie traditionnelle, autour desquels se développeront inévitablement les éléments naturels du rayonnement catholique : écoles, groupes de jeunes, etc. Par quels moyens ? Nous comptons tout d’abord mener des actions de sensibilisation, notamment auprès des autorités épiscopales, pour leur faire prendre conscience de l’injustice dans laquelle se trouvent un grand nombre de catholiques français, respectueux par ailleurs de la hiérarchie ecclésiastique. Nous pouvons également aider des familles qui, du fait de leur isolement, estiment qu’il est impossible d’obtenir dans leur diocèse ce qui est l’objet de leurs vœux. Mais comment y parvenir si ces familles sont isolées ? L’étude attentive de la pétition remise en décembre 1995 au Saint-Père nous démontre d’une manière claire et précise qu’il n’existe aucun diocèse de France - ni d’ailleurs de Belgique ni de Suisse - où ceux qui sont attachés à la messe traditionnelle ne sont pas au moins quelques dizaines, voire le plus souvent des centaines. Notre effort consiste donc, dans la plupart des diocèses, à faire prendre conscience aux familles isolées qu’elles ne le sont pas ! et que, par conséquent, leurs demandes pour l’obtention d’une messe traditionnelle dans leur diocèse sont tout à fait légitimes. Mais dans de nombreux diocèses ou régions il existe déjà des groupements ou associations qui œuvrent dans ce but et qui, parfois, ont obtenu des résultats tout à fait encourageants de la part des Ordinaires des lieux. Dans ce contexte, comment situez-vous l’action d’Oremus ? La réponse est on ne peut plus simple : là où il existe des groupements ou des groupes organisés, et où des négociations sont déjà en cours, Oremus n’a en aucune manière de raison d’être ou d’agir ; dans ce cas, notre souci sera de laisser aux responsables locaux l’entière liberté d’opérer comme ils l’entendent. Cependant, ne nous trompons pas : nous savons que dans de très nombreux diocèses - au moins une trentaine en France - ce n’est pas le cas ; les nombreuses lettres et les appels que nous avons reçus nous démontrent que ce sont les situations d’isolement et la crainte des échecs qui l’emportent le plus souvent. Dans l’hypothèse ou votre action aboutirait, ici ou là, à des autorisations de célébrer des messes traditionnelles, quels seraient les prêtres chargés de ces célébrations ? La réponse est hors de notre compétence. Il est évident que c’est à l’évêque du lieu qu’appartient absolument le droit de choisir et de décider quels sont les prêtres qui auront à prendre en charge ces nouveaux lieux de culte. Ceux-ci seront donc pris - indépendamment de nous - parmi les prêtres du diocèse qui en accepteraient la charge ou parmi des prêtres sollicités auprès de fraternités ou d’instituts sacerdotaux attachés à la liturgie traditionnelle. Vous pensez donc que les laïcs n’ont en aucune manière voix au chapitre quant à ces nominations? Il est clair que fondamentalement, il n’appartient ni aux laïcs ni à leurs associations représentatives de choisir ou d’imposer leurs prêtres. Néanmoins, les laïcs confiants en la bienveillance des autorités peuvent espérer légitimement que les pasteurs qui les prendront en charge témoigneront, vis-à-vis d’eux et de leur sensibilité, de respect et de bienveillance, évitant qu’une réconciliation ne se transforme en guet-apens qui, bien sûr, ne pourrait aboutir qu’à des conflits dont les médias sont particulièrement friands. Quel est votre prochain projet ? Notre principal projet aujourd’hui est la constitution d’un «observatoire de la liturgie traditionnelle» dont l’objet sera de publier chaque semestre un état complet de la situation géographique et canonique de la liturgie traditionnelle en France afin de fournir un outil de travail fiable et efficace à tous ceux qui sont motivés par cette question : évêques, commissions épiscopales, journalistes... Le premier rapport de cet «observatoire» sera publié à l’été 1996. Mais dès maintenant nous publions un livret destiné aux fidèles, recensant, après plusieurs mois d’enquête, l’ensemble des lieux où se célèbre la liturgie traditionnelle, ainsi qu’une présentation des principales communautés, associations ou publications qui lui sont attachées. Que peut-on faire concrètement ? Tout d’abord, ne pas rester seul, ni croire qu’il est impossible d’obtenir ce que le Saint-Père lui-même a demandé. D’autre part, prendre contact avec nous afin que nous puissions indiquer aux fidèles qui le souhaitent quelles personnes travaillent déjà dans ce sens dans leur diocèse. Nous pouvons jouer là un simple rôle de conseil auprès de toutes les personnes qui nous solliciteront. Il conviendrait également de nous informer de la situation dans les diocèses, afin que nous puissions tenir à jour l’ensemble des informations relatives à la célébration de la liturgie traditionnelle en France et que nous puissions en faire profiter tous les fidèles à travers les informations que nous diffuserons. Enfin, il faut prier pour que ces démarches aboutissent dans le plus grand nombre de diocèses, pour la paix dans l’Eglise et le bien spirituel des fidèles. Un dernier point : les fidèles peuvent nous aider matériellement, même modestement, dans cette action qui, vous vous en doutez bien, exige des moyens considérables. A titre d’exemple, sachez que la seule informatisation de la requête au Saint-Père et le modeste envoi que nous réalisons aujourd’hui revient à plus de 150.000 F. Comment voyez-vous l’avenir de la liturgie traditionnelle en France ? La vertu d’Espérance n’est pas de l’aveuglement. La situation est difficile, certes, mais les signes sont nombreux qu’un dialogue et des ouvertures sont possibles depuis quelque temps. Une certaine méfiance s’était installée depuis de nombreuses années, parfois aggravée par des attitudes maladroites ; il est temps de retrouver un véritable esprit d’Eglise, dans cette attitude respectueuse et surnaturelle que la liturgie traditionnelle met si bien en valeur. Réflexions de Paix Liturgique 1. Depuis plus de quinze ans, hier par la bouche d'Oremus, aujourd'hui par celle de Paix Liturgique, de nombreux fidèles rappellent paisiblement ce qu'ils sont (des fidèles attachés à l'Eglise, au Saint Père et à leurs évêques) et ce qu'ils souhaitent (vivre leur foi au rythme de la liturgie traditionnelle de l'Eglise). Pourtant à ce jour encore, en 2008, des évêques continuent de jouer les surpris (Ah bon il y a une demande ?), les interrogatifs (qui êtes-vous?), les sceptiques (peut-on vous faire confiance ?), les archéologues (comment vous situez-vous par rapport à Vatican II ?)... toujours dans un seul but, celui de continuer de refuser ce qu'ils refusent depuis 20 ans : le pluralisme, la liberté et la paix liturgique. 2. La mise en lumière de ces documents qui appartiennent déjà à l'histoire, permet de se faire une idée du sérieux, de la crédibilité et des intentions des clercs qui jouent la montre pour casser les demandes de mise en oeuvre de Summorum Pontificum dans leurs paroisses ("Revenez-me voir dans six mois, pour l'instant je ne peux rien faire, ce ne serait pas prudent, il faut du temps pour prendre les bonnes décisions et ne pas nous retrouver dans des situations d'impasse..."). Sans doute dans un an, ne sera-ce, pour ces clercs, pas encore le bon moment de mettre en oeuvre ce que demande le Saint Père, chose qui devrait pourtant être simple pour tout catholique. Même chose dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ou cinquante ans... 3. Depuis 1994 (mais bien sûr aussi avant puisque nous publierons l'année prochaine les archives du MJCF de 1970 !!!!), nous proclamons que l'Eglise est dirigée par nos évêques, que les initiatives pastorales ne peuvent se prendre qu'en communion avec les évêques. Depuis toutes ces années, nous supplions nos évêques d'être bons, d'être des Pères, de nous aimer comme nous sommes, de nous rencontrer pour nous connaître et combattre les préjugés. Depuis toutes ces années, pour justifier l'injustifiable, "on" a dit sur les fidèles qui souhaitent vivre leur foi au rythme de la liturgie traditionnelle en communion avec leurs évêques qu'ils rejetaient l'autorité de ces mêmes évêques ou qu'ils n'aimaient pas l'Eglise. Tout ceci n'est que mensonge, calomnie et manipulation. 4. Depuis plus de vingt ans, nous demandons que la messe traditionnelle soit célébrée par de bons prêtres choisis par l'évêque, Père commun du diocèse. Jamais nous n'avons souhaité imposer tel ou tel prêtre, telle ou telle communauté. Les reproches qui sont fait aux fidèles attachés à la liturgie traditionnelle de vouloir vivre en ghetto est - pour l'écrasante majorité des cas - totalement infondée. C'est même un exemple d'hypocrisie et de mauvaise foi car l'expérience de terrain montre au contraire, comme c'est le cas à Rambouillet, à Nanterre ou à Reims, que ce sont certains de nos pasteurs qui ne souhaitent surtout pas l'intégration des fidèles attachés à la forme "extraordinaire" dans les paroisses et voient au contraire dans les réserves indiennes un moyen de circonscrire le virus traditionnel. 5. L'actualité de la demande de milliers de familles attachées à la liturgie traditionnelle de l'Eglise n'est pas nouvelle. Il est temps de cesser de jouer les vierges effarouchées ou les pauvres naïfs qui découvrent la lune quand on leur fait une demande d'application du Motu Proprio. Des défis plus importants attendent les jeunes catholiques de notre temps. Pour notre part, nous n'acceptons plus les manipulations ecclésiastiques et continuerons dans nos prochaines lettres à mettre en lumière la permanence et la continuité de la longue tradition d'exclusion qui sévit dans l'Eglise de France à l'endroit des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle de l'Eglise. |
La FSSPX et l'application du MP |
2008-07-30 - par Ennemond - leforumcatholique.org |
Selon vous, le bon scenario serait le suivant : La FSSPX devait se réjouir du MP et inviter ses fidèles à déserter pour gagner les lieux de culte récemment concédés. Les prêtres de la Fraternité auraient fermé leurs chapelles, se seraient mis en congé, auraient pris de longues vacances et auraient vécu des finances gigantesques de leur œuvre. La crise de l’Église serait terminée ! Peut-être aurait-on fait une ronde de joie autour du globe ? Certes, je caricature, mais, personnellement, j’aurais été vraiment inquiet si les autorités de la Fraternité avaient conseillé de rejoindre ces nouvelles paroisses. L’état de l’Église ne change pas en 6 mois. Ces nouvelles chapelles sont des lieux qui démarrent. Les amis qui – sur ce forum – s’occupent de leur mise en place témoignent personnellement de leurs débuts parfois difficiles (prêtre parfois partagé, hostilité de l’évêque, demi-mesure à l’égard des sacrements, célébration un dimanche sur deux, doctrine qui laisse à désirer, sermons destinés – pensez au prêche de Notre-Dame, etc.). La trentaine de nouveaux lieux de culte ne peut mettre fin à l’état de nécessité. Quant à la doctrine, elle doit absolument être enseignée clairement, sinon, même un esprit clair si perdra – du moins finira par relativiser. Pour la plupart des fidèles, une mise à l’abri demeure nécessaire. Tout le monde n’a pas les grâces, les qualités et la stature pour se risquer à se lancer dans des pourparlers suivis au sein d’une paroisse qui ne sera pas exempte de marques d’hostilité. Il n’en demeure pas moins que l’action de ceux qui s’y collent est souhaitable, mais – à mon avis – ne peut être faite sans concertation avec un prêtre traditionaliste. Enfin, vous faites comme si le nombre de fidèles traditionalistes était un vase clos. Le Motu Proprio – et le pape l’a voulu pour cela – a vocation à faire connaître l’ancien rite, à des gens qui ne pratiquaient plus ou ne connaissaient que le nouveau rite, certainement pas à vider les communautés traditionalistes (ça c’est le souhait des évêques de France, mais ils se leurrent). Ces communautés doivent perdurer. Sinon, c’est le MP lui-même qui sombrera. Un prélat de la Curie l’a récemment dit : « Sans la Fraternité, le Motu Proprio aurait été impossible ». |
28 juillet 2008
[Abbé Claude Barthe] Les Nominations Episcopales en France : Les lenteurs d’une mutation Chapitre IV : le cardinal "Faiseur d'évêques" |
28 juillet 2008 - lettre 125 de paixliturgique.com |
Les Nominations Episcopales en France : Les lenteurs d’une mutation Chapitre IV : le cardinal "Faiseur d'évêques" Nous terminons avec cette lettre numéro 125 la publication de l'excellente étude de l'abbé Claude Barthe sur "Les nominations épiscopales en France", un texte qui de chapitre en chapitre nous aide à mieux comprendre la situation actuelle et les crispations et blocages étonnants que l'on constate au sein de trop nombreux diocèses français... Editions Hora Decima 4 rue Galvani - 75017 Paris Fax : 09 53 89 20 97 http://www.hora-decima.fr Contact : H. Duchamp, editions@hora-dicima.fr Ce livre peut être acheté chez votre libraire habituel, par correspondance auprès de D.P.F., B.P. 1, 86190 Chiré-en-Montreuil ou sur internet sur www.amazon.fr, www.alapage.com ou www.librairiecatholique.com ISBN 978-2-915844-12-2, 64 pages Diffusion/distrinution : Serdif NB : Les notes de l'auteur sont incorporées par nous en italique dans le texte lui-même. LES NOMINATIONS EPISCOPALES EN FRANCE : LES LENTEURS D'UNE MUTATION CHAPITRE IV : LE CARDINAL "FAISEUR D'EVEQUES" Il est certes, toujours un peu hasardeux, fût-ce en recoupant et vérifiant un ensemble d’informations et de confidences, d’attribuer telle ou telle nomination à tel prélat, en l’espèce au cardinal de Paris. Parmi les plus anciennes, on peut cependant mettre à son actif : le défunt Pierre Eyt, recteur de l’Institut catholique de Paris, nommé archevêque de Bordeaux, mais aussi puissamment soutenu, comme je l’ai dit, par le cardinal Roger Etchegaray ; Guy Bagnard, professeur au séminaire d’Issy-les-Moulineaux avant de devenir supérieur de celui de Paray-le-Monial, devenu évêque de Bellay ; Henri Brincard, porté sur le siège du Puy, le plus brillant, avec le P. Garrrigues, des intellectuels qui ont fait bénéficier le P. Marie-Dominique Philippe de leurs services pour la formation des Frères de Saint-Jean ; Yves-Marie Dubigeon, aujourd’hui décédé, spécialiste de Saint François de Sales, évêque de Sées ; Guy Gaucher, qui professait la spiritualité à Orléans et à Paris, évêque de Meaux, puis mis en semi-retraite comme auxiliaire de Bayeux et Lisieux ; Pierre Raffin, un dominicain, évêque de Metz. Jean-Marie Lustiger, Königsmacher Le cardinal de Paris multipliait les voyages à Rome qui avaient cette particularité : le prêtre qui l’accueillait à l’aéroport de Ciampino ou de Fiumiccino, le conduisait directement à la cour Saint-Damase, prendre l’ascenseur pour les appartements pontificaux où il était attendu et immédiatement reçu. Comme le cardinal Pierre Eyt de Bordeaux, qui avait su prendre une couleur ecclésiastique semblable à celle de l’archevêque de Paris, le cardinal Jean-Marie Lustiger, faisait partie de ces privilégiés qui bénéficiaient de ce qu’on aurait appelé à la cour de Louis XIV des « privances » : ces audiences très libres de ton, accordées par le pontife en extrême fin d’après-midi aux personnes de confiance, avant que le pape ne passe de son bureau à sa salle à manger pour prendre la cena. Jean-Marie Lustiger descendait alors quatre à quatre le grand escalier de la porte de bronze le ramenant vers la station de taxi de la place Saint-Pierre, tout pétillant des échanges fructueux qu’il venait d’avoir : ceci lui permettait d’être très écouté, aussi bien par le nonce apostolique que par la Congrégation des Evêques. L’ambassadeur du pape tenait ainsi toujours le plus grand compte de ses avis pour mettre tel ou tel nom sur la terna qui allait ensuite aboutir à la Congrégation des Evêques, Congrégation où le cardinal Lustiger intervenait à nouveau. Il faut en effet savoir que, traditionnellement, le cardinal de Paris fait partie des cardinaux qui forment cette Congregatio, c’est à dire qu’il est convoqué par le cardinal préfet chaque fois que se réunit une plenaria du dicastère pour prendre les grandes décisions qui lui sont soumises, et notamment pour étudier la terna qui sera remise sur le bureau du pape en établissant un ordre entre les trois noms qui la composent, comme je l’ai expliqué. Or, à la différence de ses confrères cardinaux non romains, l’archevêque de Paris a assisté à la plupart des réunions, ne manquant jamais celles où il s’agissait de la nomination d’un évêque français. Il y faisait valoir avec une vigoureuse éloquence et une grande véhémence, même quand sa voix fut cassée par la maladie, les mérites du candidat qu’il soutenait. Les jésuites allemands de l’Université Grégorienne l’avaient d’ailleurs qualifié de Königsmacher, « faiseur de rois » de l’épiscopat français. Si on parcourt la liste des évêques encore en fonction aujourd’hui, où venant de les quitter, desquels la nomination aurait reçu au moins un feu vert de l’archevêque de Paris, ou mieux une poussée décisive de sa part, on obtient un ensemble idéologiquement assez éclectique, mais à quelques exceptions près, de type « troisième voie ». Ainsi trouve-t-on des « divers droite », ou plutôt des « droites » très diverses, si l’on me permet ce type de qualifications un peu cavalières, aussi commodes qu’inadéquates : Philippe Breton, curé de St-Honoré-d’Eylau, devenu évêque de Dax ; Jean-Louis Bruguès, dominicain, théologien moraliste très proche de Jean-Marie Lustiger, nommé évêque d’Angers (qui vient d’être appelé à la Congrégation pour l’Education Catholique comme secrétaire, c'est à dire deuxième personnage du dicastère) ; Jean-Pierre Cattenoz, évêque d’Avignon, de la branche sacerdotale de l’Institut Notre-Dame-de-Vie, institut séculier dont la spiritualité était très chère à Jean-Marie Lustiger, auquel appartient aussi Pierre d’Ornellas, nommé archevêque de Rennes, après avoir longtemps été un auxiliaire de Paris aussi redouté qu’efficace ; Maurice de Germiny, chartiste ayant exercé entre autres les fonctions de secrétaire particulier du cardinal, devenu évêque de Blois ; Philippe Barbarin, dont le passage au séminaire des Carmes, au temps des « années de plomb », fut particulièrement difficile en raison de ses origines idéologiques et … de sa piété eucharistique, nommé à Moulins et enfin promu - mais ce type nomination relève des plus hautes décisions - archevêque de Lyon et primat des Gaules ; Jean-Marie Le Vert, ancien membre de la communauté Saint-Martin, fort apprécié de Monseigneur Vingt-Trois quand il était archevêque de Tours, devenu évêque auxiliaire de Meaux et aujourd’hui évêque de Quimper grâce à une des dernières nominations obtenues par Jean-Marie Lustiger ; Guy Thomazeau, vicaire général parisien, auxiliaire à Meaux, évêque de Beauvais, archevêque de Montpellier ; Georges Soubrier, évêque auxiliaire de Paris, devenu évêque de Nantes ; l’atypique Jean-Yves Riocreux, nommé évêque de Pontoise, après avoir été recteur de Notre-Dame ; Jacques Perrier, lui aussi recteur de Notre-Dame avant d’être évêque de Chartres puis de Lourdes ; sans oublier Eric Aumonier, évêque de Versailles, déjà évoqué. Faut-il y ajouter les nominations vingt-troisièmes, si l’on ose dire, d’Emmanuel Lafont, du diocèse de Tours, nommé évêque de Cayenne, et d’Alain Castet, du diocèse de Paris, nommé évêque de Luçon ? Plus « à gauche », si l’on veut, mais ici encore appartenant, dans la mesure, encore une fois, où ces qualifications ont leur pertinence, à des « gauches » les plus diverses, toutes très recentrées : Laurent Ulrich, le Lyonnais, nommé à Chambéry (puis tout récemment à Lille), avec également l’appui de son ami Mgr André Collini, alors archevêque de Toulouse (à ne pas confondre avec Mgr Michel Coloni, qui fut archevêque de Dijon) ; Daniel Labille, le Champennois, transféré de Soissons à Créteil avec l’aval du cardinal de Paris (et récemment remplacé par Michel Santier, évêque de Luçon) ; Michel Dubost, le type même du curé parisien ( Saint-Jacques-du-Haut-Pas) brillant intellectuel, nommé évêque aux Armées, puis évêque d’Evry ; Jean-Michel di Falco, l’auxiliaire communiquant, initiateur de la chaîne télévisée KTO, nommé évêque de Gap ; Michel Guyard, autre recteur de Notre-Dame, qui était une des « cautions progressistes » de l’administration Lustiger, nommé évêque du Havre ; Albert Rouet, auxiliaire de Paris s’étant avéré fort encombrant et trop bien noté par Golias, casé à Poitiers ; Olivier de Béranger, un intellectuel « social » du Prado, qui avait séduit le cardinal de Paris, nommé évêque de Saint-Denis ; Joseph Doré, sulpicien, autre grande pointure intellectuelle, jouant le rôle de médiateur favorable à l’archevêché dans les rapports conflictuels entre le cardinal et le corps professoral de l’Institut Catholique (où il était doyen de la faculté de théologie), nommé archevêque de Strasbourg (et récemment remplacé par Jean-Pierre Grallet). Un « effet de retour » qui s’essouffle Et cependant, aujourd’hui, au moment où André Vingt-Trois recueille la succession de celui qui a voulu avec tant de ténacité faire entrer l’Eglise de France dans le cadre d’un Concile assagi où il en devient en quelque sorte, « patron des patrons », on peut se demander si Paris fait encore vraiment exception. En réalité, plus globalement, cette « troisième voie » s’est avérée incapable de faire à nouveau lever la pâte. Dans l’ensemble de la France, il est bien connu qu’après la stabilisation des années Jean-Paul II où les ordinations annuelles de prêtres diocésains en France se sont maintenues entre 120 et 130, la courbe a tendance à s’affaisser à nouveau : 105 prêtres diocésains ordonnés en 2003 ; 90 en 2004 ; 98 en 2005 ; 94 en 2006, 101 en 2007 (dont 11 à Paris). Avec un déficit annuel de 800 prêtres, il en reste moins de 15 000, dont la moyenne d’âge est de 75 ans dans bien des diocèses. Et surtout, la chute du nombre des séminaristes - 784 en 2005 ; 764 en 2006 ; 756 en 2007, 910 si l’on ajoute les « propédeutiques » de première année [il y avait 4 536 séminaristes diocésains, en France, en 1966, à la fin du concile, et 1 297, dix ans plus tard, en 1975] - rend la baisse du nombre des prêtres pour les décennies à venir, irréversible. Malgré les essais de reconstitution de séminaires diocésains (ou interdiocésains, comme Nice et Monaco) pour contrer la tendance « progressiste » de bien des séminaires régionaux, la baisse n’a pu être enrayée. Les chiffres des rentrées dans les séminaires pour 2007 sont les plus mauvais jamais enregistrés : 133 au total (dont 12 séminaristes vietnamiens) ; quatre rentrées, dont deux pour l’Emmanuel, au séminaire régional de Bordeaux, dont le corps professoral est pourtant devenu « identitaire » ; 44 séminaristes, le plus bas niveau jamais atteint, à Issy-les-Moulineaux, dont la direction, abandonnée par les Sulpiciens, a ici aussi changé (P. Didier Berthet) ; le séminaire d’Ars s’étiole ; le séminaire régional St-Irénée de Lyon annonce 44 séminaristes, de même que le séminaire régional d’Orléans ; le séminaire universitaire des Carmes, 50 ; le séminaire d’Aix-en-Provence, 20. Seul le séminaire diocésain de Toulon tire son épingle du jeu avec 60 séminaristes, au sein desquels, ce qui est tout à fait remarquable, une dizaine de séminaristes pour le rite Saint-Pie-V totalement intégrés à la communauté. [Cette situation plus qu’inquiétante des séminaires français est accusée par la santé revigorée des séminaires traditionnels. Avec 4 à 5% des catholiques pratiquants de France (jusqu’au motu proprio de 2007), le milieu Saint-Pie-V français, « officiel » (Ecclesia Dei) et « indépendant » (Fraternité Saint-Pie-X), compte aujourd’hui environ 160 séminaristes (année de « spiritualité » équivalent à l’année de « propédeutique » comprise), soit plus de 15% des séminaristes français – ce qui équivaut à un « taux de fécondité » en vocations, certes bien éloigné de la situation de chrétienté qui était celle de la Bretagne, de l’Alsace, ou du Pays Basque, aux années fastes, mais qui est comparable à celui de l’ensemble du catholicisme français d’avant Vatican II. Ce serait cependant manquer de beaucoup de nuances dans l’analyse que de dire que le monde traditionnel, pour le meilleur et le moins bon, c’est cela : comme s’il n’y avait jamais eu de Concile]. Or à Paris aussi, le fameux « effet de retour » contre l’esprit post-68 des jeunes en quête d’identité s’estompe, la sécularisation continue à avancer, la fragmentation individualiste progresse comme inéluctablement. On n’y compte plus, en 2007, que 54 séminaristes, chiffre qui fait retomber au niveau des années Marty, les années noires. Le nombre de prêtres chargés de chaque paroisse diminue. Des prêtres auxiliaires étudiants, d’Afrique, de Pologne, sont toujours plus largement utilisés. Pour la première fois, une paroisse territoriale, Saint-Dominique, dans le quatorzième arrondissement, a été confiée à une équipe de prêtres polonais. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles le cardinal Vingt-Trois, intelligence pragmatique s’il en est, ne cultive pas outre mesure l’image de fidèle lustigérien d’entre les fidèles que renvoie son histoire sacerdotale. [Un signe fort – mais ambigu – devrait être donné par la liturgie préparée pour le passage du pape à Paris, en septembre 2008, liturgie destinée à prouver que le rite Paul VI peut être parfaitement « classique »]. Lorsque Jean-Marie Lustiger devint curé de Sainte-Jeanne-de-Chantal, en 1969, il reçut, en effet, comme vicaire André Vingt-Trois, qui devint tout de suite l’ami, le fils spirituel, le conseiller le plus écouté, le confident apaisant, qui restera pratiquement durant trente ans à ses côtés (sauf l’intermède rapide de l’épiscopat de Jean-Marie Lustiger à Orléans), jusqu’à la promotion d’André Vingt-Trois à l’archevêché de Tours, en 1999. Professeur de théologie morale à Issy-les-Moulineaux durant sept ans, il y acquit auprès de certains – époque oblige- une réputation d’homme relativement « avancé ». Dès le retour de Jean-Marie Lustiger à Paris comme archevêque, en 1981, il devint immédiatement vicaire général, cependant que les anciens vicaires généraux déménageaient en hâte leurs valises idéologiques. En 1988, à 46 ans, il est nommé évêque auxiliaire. D’une pénétration intellectuelle que l’on pourrait qualifier de froide pour exprimer que l’affectivité ne vient apparemment pas la troubler, d’une ironie assez déconcertante, volontiers secret, écoutant bien, enregistrant beaucoup, il sera le plus parfait des seconds pour le charismatique cardinal. L’intellectuel Pierre d’Ornellas, secrétaire particulier du cardinal, directeur de l’Ecole cathédrale, évêque auxiliaire en 1997, autre bras très efficace de l’archevêque, n’apportera jamais à Jean-Marie Lustiger la même sécurité dans la collaboration qu’André Vingt-Trois, l’homme à la voix et à la réflexion posées. Dans la politique parisienne de « recentrage », André Vingt-Trois joua un rôle déterminant dans la mesure où il s’est toujours concentré sur sa tâche et n’a jamais cherché à forcer sa nature, notamment en cultivant une réputation ad extra auprès du monde intellectuel, de droite et de gauche, comme Jean-Marie Lustiger. Mais si ses analyses ecclésiales ont été longtemps calquées sur celles de ce dernier, un plus grand empirisme lui a permis, surtout depuis son passage à Tours, de manifester des nuances. Par exemple, s’il considère encore aujourd’hui, tout comme Jean-Marie Lustiger, les traditionalistes avec une grille essentiellement politique et dans une optique de « récupération » (ou de « communion », comme on voudra), il est loin d’avoir pour eux la même commisération que leur vouait le défunt cardinal, au point qu’il ne dédaigne pas de faire chez certains d’entre eux des haltes spirituelles. Mais leur intrinsèque altérité lui fait mettre en œuvre une exceptionnelle vigilance à leur endroit. A la limite, il ne reproche pas tant au motu proprio de 2007 de donner plus de liberté au rite tridentin que d’entraver la capacité de contrôle qu’en avaient les évêques avec celui de 1988. La succession Lorsque le temps en fut venu, la discrétion du personnage pouvait sembler un handicap pour le faire accéder au siège parisien. Le transfert d’André Vingt-Trois de l’archevêché de Tours à celui de Paris a bien été le dernier des « travaux d’Hercule » du défunt cardinal. Jean-Marie Lustiger atteignit le 17 septembre 2001 l’âge de 75 ans, celui où les évêques doivent présenter leur démission au pape, laquelle fut, comme il était prévisible, refusée. Cependant, les atteintes de la maladie qui devait l’emporter en 2007 se faisant toujours plus sentir, dès 2003, et même avant, la succession au siège parisien était virtuellement ouverte. Les noms avancés, ou qui s’avancèrent eux-mêmes, furent nombreux. Les personnes « bien informées », dont certaines l’étaient en effet, parlaient de Mgr Robert Le Gall, alors évêque de Mende (comme l’avait été le feu cardinal Marty avant d’être promu à Reims), de Mgr Périer, évêque de Tarbes et Lourdes. Deux noms surnagèrent à la fin, celui de Mgr Ricard, archevêque de Bordeaux, président de la Conférence des Evêques depuis 2001, et celui de Mgr Vingt-Trois. S’agissant d’un siège particulièrement important, la nomination ne pouvait qu’être l’œuvre du pape et de ses conseillers directs. Or la santé de Jean-Paul II était à cette époque à ce point dégradée, que les « décisions du pape » étaient en fait prises par Mgr Stanislas Dziwisz, son secrétaire, dans la direction où il estimait que le pape les aurait prises, au sein d’un jeu complexe d’influences, dont les plus déterminantes, outre celles des cardinaux Sepe et Re, étaient celles de Mgr Sandri, Substitut du Secrétaire d’Etat pour les Affaires générales, du cardinal Sodano, Secrétaire d’Etat, et du cardinal Ratzinger. Le cardinal Ratzinger avait la réputation d’être au moins aussi efficace par ses veto que par ses nominations. La France était en outre un lieu sensible entre tous pour les questions qui lui tenaient à cœur. Au total, en 2004, il était impossible de devenir archevêque de Paris contre son avis, et donc impossible de ne pas l’être si on était son candidat. Or, si les relations avec le cardinal Lustiger n’étaient pas des plus mauvaises, bien au contraire, un nuage était cependant passé en 2002, lorsque Jean-Marie Lustiger avait publié la transcription de conférences données jadis sous forme d’une retraite prêchée à des moniales intitulée : La Promesse (Parole et Silence, 2002). Il y assimilait la réception de la Révélation de l’Ancien Testament à la « reconnaissance » d’Israël. En outre, il expliquait que, lorsque les Evangiles disent que le Christ accomplit la Loi, ils veulent dire qu’il réalise pleinement cette Loi, mais pas au-delà. Ces propos du cardinal Lustiger semblaient faire passer par pertes et profits l’accomplissement des Ecritures par le Christ, affirmant au fond que l’Ancien Testament explique le Nouveau et non l’inverse. L’archevêque de Paris fit l’hommage d’un exemplaire de son livre, pour connaître son avis, au cardinal Ratzinger lequel, selon des sources proches de l’archevêque, lui adressa une lettre de cinq pages. Aimable de ton, elle était passablement critique à propos de l’ecclésiologie contenue dans La Promesse, notamment en ce qui concerne la distinction qui perdurerait, selon les affirmations de J. M. Lustiger et contrairement à celles de l’épître aux Ephésiens, entre deux catégories de chrétiens, ceux venus du judaïsme et ceux venus du paganisme, « pagano-chrétiens » mal convertis (à la reconnaissance d’Israël), coupables en dernière analyse des persécutions contre Israël et donc véritables « déicides ». Le temps passait et la « décision du pape » n’était pas prise. C’est à l’occasion du passage à Paris du cardinal Ratzinger, se rendant aux cérémonies du soixantième anniversaire du débarquement des Alliés en Normandie, les 5 et 6 juin 2004, qu’elle aurait été emportée. Le futur Benoît XVI allait retrouver à Caen le cardinal américain, Francis George, archevêque de Chicago. Des auteurs d’histoire romancée pourront un jour refabriquer le contenu de la conversation des deux cardinaux Lustiger et Ratzinger, le soir du 4 juin, après le dîner, dans un salon de la nonciature, et faire de la scène un moment historique où, pour Rome et pour l’Eglise de Paris, s’est jouée toute la suite : Jean-Marie Lustiger obtenant pas son éloquence l’adhésion de Joseph Ratzinger à la nomination d’André Vingt-Trois ; Joseph Ratzinger, à mille lieues de penser que, moins d’un an plus tard, il verrait Jean-Marie Lustiger, profondément reconnaissant, devenir l’un de ses plus efficaces grands électeurs. Nos romanciers imaginatifs pourront alors conter que c’est à cause de cette entrevue « historique », avenue du Président Wilson, que Jean-Marie Lustiger fit ensuite pencher la balance, à Rome, l’apport de ses voix contribuant à la très grande rapidité de l’élection, sans laquelle le cardinal Ratzinger n’aurait pas accepté la charge qu’on lui proposait. L’histoire est plus compliquée que les romans et d’autres épisodes intervinrent assurément, puisqu’il fallut attendre encore sept mois pour que fût rendue publique la nomination d’André Vingt-Trois à l’archevêché de Paris (11 février 2005), deux mois seulement après la mort de Jean-Paul II (2 avril). Mais incontestablement, par la pugnacité de Jean-Marie Lustiger, André Vingt-Trois a été fait premier évêque de France, à coup sûr avec, et sans doute par celui qui allait devenir Benoît XVI. Qui pourrait douter que les orientations que prendra demain l’archevêque de Paris, président de la Conférence épiscopale, seront de grande conséquence ? [Sur un point sensible, André Vingt-Trois sera à proprement parler incontournable : l’aménagement d’un statut canonique, officiel mais très indépendant, pour la Fraternité Saint-Pie-X, devrait logiquement inclure la reconnaissance de toutes ses implantations actuelles comme maisons ou lieux de culte canoniquement institués. Or, le principal d’entre eux, l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, qui pourrait, dans cette hypothèse, devenir l’église d’une espèce de paroisse personnelle tridentine, a toujours le statut officiel de paroisse territoriale du diocèse de Paris (unie à la paroisse Saint-Séverin)]. Passée l’incertaine période actuelle, où chacun cherche, tout en perpétuant un peu mécaniquement les vieux schémas, à appréhender une situation en cours de modification, André Vingt-Trois amorcera-t-il pragmatiquement le virage ecclésial que son prédécesseur avait jusqu’ici freiné ? Et si, dans les années qui vont venir, ce tournant de l’histoire postconciliaire (très) lentement opéré par un pape de 81 ans s’effectuait en France, il pourrait y amener, en fonction de la situation cléricale qui est la sienne, à une union de ce qui reste des forces vives du catholicisme pour ranimer l’apostolat de l’Eglise. Très concrètement, cela devrait permettre de donner un espace d’action et bien plus de responsabilités aux nouvelles générations de prêtres, auxquelles pourront s’adjoindre utilement les prêtres tridentins (et non l’inverse, comme ceux-ci le croient parfois naïvement). Tout donc est suspendu à la possibilité de l’émergence d’une nouvelle sensibilité dans l’épiscopat français. Laquelle dépend de son renouvellement graduel et/ou de sa transmutation progressive. Ils peuvent avoir lieu. Ils peuvent aussi ne pas se produire, du moins pas tout de suite, car à terme, le mouvement d’éloignement du Concile – pris comme un fait global – est irréversible. Or, ce renouvellement de l’épiscopat français, s’il a lieu, sera décisif. La libéralisation du rite de Saint-Pie-V par le motu proprio du 7 juillet 2007, secousse aux prolongements imprévisibles, qui devrait logiquement être suivie à terme plus ou moins rapide d’accommodements canoniques entre le Saint-Siège et la Fraternité Saint-Pie-X, ouvre des perspectives très intéressantes. Certes, la poursuite du dessein de Benoît XVI d’une « réforme de la réforme » - accompagnée d’une vérification de certaines ambivalences doctrinales, vérification déjà commencée sur des thèmes comme la nécessité de la mission ou la signification de la « subsistance » de l’Eglise – dépend d’abord de la Curie romaine. Mais la mise en œuvre concrète d’une nouvelle donne pastorale procèdera, quant à elle, de l’action des évêques de terrain déjà en fonction et surtout de ceux dont la nomination interviendra dans les temps qui vont suivre. Il est donc clair que l’évolution de l’Eglise en France à moyen terme dépend largement de l’ébranlement des « structures d’immobilisme » grevant les processus de nomination des évêques. Claude Barthe Nous vous rappelons que vous pouvez acquérir pour 6 € l'édition imprimée de cette étude. Cette acquisition est un excellent moyen de nous aider à poursuivre nos publications et vous aidera à faire circuler ce magnifique texte. |
25 juillet 2008
[Aletheia n°128] Le kairos - par Yves Chiron
L’étape nouvelle que connaissent les relations entre la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et le Saint-Siège fait, comme d’habitude, l’objet d’une piètre présentation dans la presse française. Elle confond les enjeux et reprend, en les agrémentant d’interprétations erronées, les dépêches des agences de presse. La presse italienne, notamment Il Giornale, est beaucoup mieux informée.
Sans faire dire aux documents ce qu’ils ne disent pas et en considérant que, du côté de la FSSPX comme du côté du Saint-Siège, tous les documents échangés ne sont pas connus, on peut tenter de dresser, à ce jour, un état des lieux provisoire. À partir de divers articles de la presse italienne, des textes publiés par la FSSPX et d’informations reçues de sources romaines, on peut, sans préjuger du résultat des discussions en cours, essayer d’apporter quelques lumières.
En 2000, à l’occasion du Grand Jubilé, le cardinal Castrillon Hoyos, président de la Commission pontificale « Ecclesia Dei » a, de sa propre initiative, renoué les relations avec la FSSPX. Il a reçu pour un déjeuner les évêques de la FSPPX en août 2000, le 29 décembre suivant il proposait à Mgr Fellay un projet d’« accord entre Rome et la Fraternité » et, le lendemain, il faisait se rencontrer brièvement Jean-Paul II et le Supérieur général de la FSSPX dans la Chapelle privée du pape.
En août 2005, Benoît XVI, élu au Souverain Pontificat quelques mois auparavant, a tenté de réactiver le dialogue en recevant le Supérieur général de la FSSPX. Son discours, de décembre 2005, sur « l’herméneutique de la continuité » à appliquer au concile Vatican II et le motu proprio, du 07.07.2007, libéralisant la messe traditionnelle, ont été, de la part du nouveau pape, des initiatives qui resteront comme des actes historiques décisifs.
Après huit ans d’un dialogue, qui a connu des périodes de latence du côté de la Fraternité, une rencontre importante a eu lieu le 4 juin dernier entre Mgr Fellay et le cardinal Castrillon Hoyos. Dès 2000, la FSSPX avait posé, comme un des préalables à toute réconciliation, la levée des excommunications portées en juin 1988. À cette demande, réitérée, le cardinal Castrillon Hoyos a répondu lors de la rencontre du 4 juin 2008 par un préalable en cinq points.
En voici le texte complet :
On remarquera qu’il n’est pas question, dans ces cinq « conditions », d’engagement exigé de la FSSPX à adhérer explicitement aux enseignements de Vatican II et à reconnaître l’orthodoxie du nouvel Ordo Missæ.
Si la nouvelle de cette rencontre du 4 juin s’est répandue, discrètement mais très vite, son objet n’a été connu, de manière partielle, que récemment. La FSSPX avait déjà donné des réponses, provisoires (?), aux conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos.
Les réponses de la FSSPX
Le 20 juin dernier, lors de la cérémonie des ordinations au séminaire de Winona, aux Etats-Unis, Mgr Fellay a prononcé un sermon durant lequel il a longuement évoqué les discussions en cours avec le Saint-Siège. Il a qualifié d’ « ultimatum » les conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos et les a résumées en une injonction qui serait adressée à la FSSPX : «Shut up» («Taisez-vous»).
Dans ce sermon, Mgr Fellay a laissé comprendre que sa réponse serait négative et que le temps de la levée des excommunications n’était peut-être pas encore arrivé : «Mon impression, pour le moment, est que nous pouvons encore attendre longtemps, et peut-être même très longtemps.»
Dans le même temps, Le Chardonnet, le bulletin de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris, a consacré un dossier spécial aux sacres épiscopaux accomplis, il y a vingt ans, par Mgr Lefebvre. Les différents articles de ce numéro, rédigés pour nombre d’entre eux par l’abbé Chautard, visent non seulement à justifier ces sacres épiscopaux, mais surtout à montrer que les traditionalistes qui se sont séparés de la FSSPX à cette époque, ou plus récemment (Institut du Bon Pasteur, par exemple), ont commis une erreur grave.
Un article attire particulièrement l’attention. Il est intitulé : « le ministère critique de la Fraternité ». De manière traditionnelle, la FSSPX, à la suite de Mgr Lefebvre, parlait de son « ministère de suppléance ». Désormais, la FSSPX semble se poser davantage encore en gardienne ultime de la Tradition et considère que « la condamnation de l’erreur » fait partie intégrante de sa mission. Y compris vis-à-vis de Rome.
L’abbé Chautard écrit :
L’abbé Chautard, au début de son article, fait référence au « silence respectueux » demandé à la FSSPX. Son texte, qui a été rédigé sans doute peu avant le sermon de Mgr Fellay du 20 juin, s’inscrit dans une même argumentation qui peut se résumer ainsi : la FSSPX ne peut se taire quand la foi est en danger et se doit d’exercer un « ministère critique ». En théologie, le mot ministère a un sens précis. C’est un « service » et une médiation. Par ce mot de « ministère critique », la FSSPX innove et s’attribue une fonction inédite.
Comme Mgr Fellay qui refuse le « Shut up » que demanderait le Saint-Siège, l’abbé Chautard estime que la FSSPX ne peut garder « un silence respectueux sur les erreurs modernes répandues par les autorités tout en prêchant la bonne doctrine ». Il écrit : « A vrai dire, le silence respectueux n’est moralement possible que pour éviter un mal pire. L’histoire de saint Pie X nous en fournit un exemple avec l’Action Française, quand il estimait qu’une condamnation était inopportune et aurait entraîné bien plus d’inconvénients que d’avantages. Or, dans le cas présent, les circonstances sont telles que l’inconvénient qui résulte du silence (la négligence pour le bien commun de la foi et le scandale pour les fidèles) est pire que l’inconvénient qui résulte de la dénonciation de l’erreur (la mise apparente au ban de la société visible de l’Eglise conciliaire). »
Il est probable que Mgr Fellay donnera une réponse, plus développée, aux « conditions » posées par Rome lors de la messe des ordinations qui aura lieu à Ecône, dans deux jours, le 27 juin.
Sans préjuger du contenu définitif de cette réponse, on peut remarquer que, jusqu’à aujourd’hui, la FSSPX considère que le moment de la réconciliation n’est pas encore venu parce que, selon elle, « Rome n’est pas encore retournée pleinement à la Tradition ». À ceux qui considèrent que Benoît XVI, et ce qu’il a déjà accompli comme pape, représentent un kairos (un « moment favorable » au sens biblique, voulu par Dieu), Mgr Fellay répète : « Sans crainte, nous attendrons des temps meilleurs » (sermon du 20.06.2008).
Sans faire dire aux documents ce qu’ils ne disent pas et en considérant que, du côté de la FSSPX comme du côté du Saint-Siège, tous les documents échangés ne sont pas connus, on peut tenter de dresser, à ce jour, un état des lieux provisoire. À partir de divers articles de la presse italienne, des textes publiés par la FSSPX et d’informations reçues de sources romaines, on peut, sans préjuger du résultat des discussions en cours, essayer d’apporter quelques lumières.
En 2000, à l’occasion du Grand Jubilé, le cardinal Castrillon Hoyos, président de la Commission pontificale « Ecclesia Dei » a, de sa propre initiative, renoué les relations avec la FSSPX. Il a reçu pour un déjeuner les évêques de la FSPPX en août 2000, le 29 décembre suivant il proposait à Mgr Fellay un projet d’« accord entre Rome et la Fraternité » et, le lendemain, il faisait se rencontrer brièvement Jean-Paul II et le Supérieur général de la FSSPX dans la Chapelle privée du pape.
En août 2005, Benoît XVI, élu au Souverain Pontificat quelques mois auparavant, a tenté de réactiver le dialogue en recevant le Supérieur général de la FSSPX. Son discours, de décembre 2005, sur « l’herméneutique de la continuité » à appliquer au concile Vatican II et le motu proprio, du 07.07.2007, libéralisant la messe traditionnelle, ont été, de la part du nouveau pape, des initiatives qui resteront comme des actes historiques décisifs.
Après huit ans d’un dialogue, qui a connu des périodes de latence du côté de la Fraternité, une rencontre importante a eu lieu le 4 juin dernier entre Mgr Fellay et le cardinal Castrillon Hoyos. Dès 2000, la FSSPX avait posé, comme un des préalables à toute réconciliation, la levée des excommunications portées en juin 1988. À cette demande, réitérée, le cardinal Castrillon Hoyos a répondu lors de la rencontre du 4 juin 2008 par un préalable en cinq points.
En voici le texte complet :
Conditions qui résultent de l’entretien du 4 juin 2008 entre le Cardinal Dario Castrillon Hoyos et l’Evêque Bernard FellayCertaines tournures, maladroites ou incorrectes en français (langue originale du document), semblent trahir une certaine précipitation dans la rédaction de ce court memorandum.
1. L’engagement d’une réponse proportionnée à la générosité du Pape.
2. L’engagement d’éviter toute intervention publique qui ne respecte pas la personne du Saint-Père et qui serait négative pour la charité ecclésiale.
3. L’engagement d’éviter la prétention d’un magistère supérieur au Saint-Père et ne pas proposer la Fraternité en contraposition à l’Eglise.
4. L’engagement à démontrer la volonté d’agir honnêtement en toute charité ecclésiale et dans le respect de l’autorité du Vicaire du Christ.
5. L’engagement de respecter la date – fixée à la fin du mois de juin – pour répondre positivement. Cela sera une condition requise et nécessaire comme préparation immédiate à l’adhésion pour accomplir la pleine communion.
Dario Card. Castrillon Hoyos
On remarquera qu’il n’est pas question, dans ces cinq « conditions », d’engagement exigé de la FSSPX à adhérer explicitement aux enseignements de Vatican II et à reconnaître l’orthodoxie du nouvel Ordo Missæ.
Si la nouvelle de cette rencontre du 4 juin s’est répandue, discrètement mais très vite, son objet n’a été connu, de manière partielle, que récemment. La FSSPX avait déjà donné des réponses, provisoires (?), aux conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos.
Les réponses de la FSSPX
Le 20 juin dernier, lors de la cérémonie des ordinations au séminaire de Winona, aux Etats-Unis, Mgr Fellay a prononcé un sermon durant lequel il a longuement évoqué les discussions en cours avec le Saint-Siège. Il a qualifié d’ « ultimatum » les conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos et les a résumées en une injonction qui serait adressée à la FSSPX : «Shut up» («Taisez-vous»).
Dans ce sermon, Mgr Fellay a laissé comprendre que sa réponse serait négative et que le temps de la levée des excommunications n’était peut-être pas encore arrivé : «Mon impression, pour le moment, est que nous pouvons encore attendre longtemps, et peut-être même très longtemps.»
Dans le même temps, Le Chardonnet, le bulletin de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris, a consacré un dossier spécial aux sacres épiscopaux accomplis, il y a vingt ans, par Mgr Lefebvre. Les différents articles de ce numéro, rédigés pour nombre d’entre eux par l’abbé Chautard, visent non seulement à justifier ces sacres épiscopaux, mais surtout à montrer que les traditionalistes qui se sont séparés de la FSSPX à cette époque, ou plus récemment (Institut du Bon Pasteur, par exemple), ont commis une erreur grave.
Un article attire particulièrement l’attention. Il est intitulé : « le ministère critique de la Fraternité ». De manière traditionnelle, la FSSPX, à la suite de Mgr Lefebvre, parlait de son « ministère de suppléance ». Désormais, la FSSPX semble se poser davantage encore en gardienne ultime de la Tradition et considère que « la condamnation de l’erreur » fait partie intégrante de sa mission. Y compris vis-à-vis de Rome.
L’abbé Chautard écrit :
« 2. Le bien de la foi postule cette condamnation publique de l’erreur quand bien même l’autorité y tomberait. […]Cette position n’est pas propre à l’abbé Chautard. On comprend bien qu’exprimée dans un dossier spécial du Chardonnet et dans le contexte actuel des discussions avec Rome, elle est un message adressé aussi bien aux fidèles qu’au Saint-Siège. Le non possumus, déjà exprimé dans un passé proche, est repris ici avec de nouveaux accents.
6. La politique qui consiste à rechercher seulement les passages traditionnels dans le Magistère (sorte de scanner intellectuel qui ne détecte que les passages traditionnels) est à la base même qui soutient l’œcuménisme : ne voir que les bons aspects des religions (pour ne pas risquer de nuire à une entente qui favoriserait le rapprochement).
7. Les fondements rationnels de notre position reposent sur la trahison de Rome et l’abandon par celle-ci de la Tradition. Ne mentionner que les bons côtés de Rome conduirait petit à petit à oublier les raisons de notre combat et à retomber insensiblement dans les erreurs combattues. »
L’abbé Chautard, au début de son article, fait référence au « silence respectueux » demandé à la FSSPX. Son texte, qui a été rédigé sans doute peu avant le sermon de Mgr Fellay du 20 juin, s’inscrit dans une même argumentation qui peut se résumer ainsi : la FSSPX ne peut se taire quand la foi est en danger et se doit d’exercer un « ministère critique ». En théologie, le mot ministère a un sens précis. C’est un « service » et une médiation. Par ce mot de « ministère critique », la FSSPX innove et s’attribue une fonction inédite.
Comme Mgr Fellay qui refuse le « Shut up » que demanderait le Saint-Siège, l’abbé Chautard estime que la FSSPX ne peut garder « un silence respectueux sur les erreurs modernes répandues par les autorités tout en prêchant la bonne doctrine ». Il écrit : « A vrai dire, le silence respectueux n’est moralement possible que pour éviter un mal pire. L’histoire de saint Pie X nous en fournit un exemple avec l’Action Française, quand il estimait qu’une condamnation était inopportune et aurait entraîné bien plus d’inconvénients que d’avantages. Or, dans le cas présent, les circonstances sont telles que l’inconvénient qui résulte du silence (la négligence pour le bien commun de la foi et le scandale pour les fidèles) est pire que l’inconvénient qui résulte de la dénonciation de l’erreur (la mise apparente au ban de la société visible de l’Eglise conciliaire). »
Il est probable que Mgr Fellay donnera une réponse, plus développée, aux « conditions » posées par Rome lors de la messe des ordinations qui aura lieu à Ecône, dans deux jours, le 27 juin.
Sans préjuger du contenu définitif de cette réponse, on peut remarquer que, jusqu’à aujourd’hui, la FSSPX considère que le moment de la réconciliation n’est pas encore venu parce que, selon elle, « Rome n’est pas encore retournée pleinement à la Tradition ». À ceux qui considèrent que Benoît XVI, et ce qu’il a déjà accompli comme pape, représentent un kairos (un « moment favorable » au sens biblique, voulu par Dieu), Mgr Fellay répète : « Sans crainte, nous attendrons des temps meilleurs » (sermon du 20.06.2008).
Monseigneur Gallorme est mis en scène |
25 juillet 2008 - Jean Madiran - Présent - mis en ligne par agoramag |
Monseigneur Gallorme est mis en scène L‘évêque, Mgr Gallorme, 40 ans, est en poste depuis deux ans. Il vient enfin de trouver le temps d’accorder une audience à l’abbé Dubost, 75 ans, curé de campagne, qui a été son professeur au séminaire. La rencontre entre l‘évêque et l’abbé débouche sur une confrontation entre « la foi des anciens jours » et « la religion des temps nouveaux ». La scène est en France, elle se passe à l‘évêché, au milieu des années quatre-vingt, avec l’intervention comique d’une équipe de télévision et une dépêche dramatique de l’AFP. C’est une pièce de théâtre écrite par Michel De Jaeghere, précédemment auteur de deux ouvrages, Enquête sur la christianophobie et La Repentance, histoire d’une manipulation, qui l’ont placé intellectuellement à la tête d’une nouvelle génération de catholiques, celle qui est née après la mort de Pie XII et qui arrive maintenant à sa pleine maturité. Ce nouvel ouvrage, qui fera date, est intitulé Ite missa est, il paraît aux Editions de Renaissance catholique (89 rue Pierre Brossolette, 92130 Issy-les-Moulineaux). La pièce comporte six scènes. Elle respecte les trois unité classiques : unité de lieu, unité de temps, unité d’action. Elle se déroule en effet tout entière dans le bureau de Mgr Gallorme ; elle dure environ une heure ; elle est toute dans les péripéties de la révocation, par son évêque, d’un prêtre dont la paroisse est « aujourd’hui, pour le diocèse, un contre-témoignage » : son curé porte la soutane, il célèbre (avec toutes les autorisations hiérarchiques) la messe traditionnelle, il enseigne le catéchisme du concile de Trente, il ne comprend pas que le monde ayant changé, la religion doit changer pareillement. Voilà donc le cœur de l’affaire : la religion doit changer parce que le monde change. Ce n’est pas nouveau, on connaît la chanson, et ses dégâts. Mais Michel De Jaeghere dépasse nos analyses, nos démonstrations, nos dissertations (y compris les siennes) : il en fait une synthèse vivante, c’est la supériorité concrète du théâtre sur le discours, et un Beaumarchais, on le sait, aura peut-être fait plus pour la Révolution qu’un Jean-Jacques Rousseau. Pour la Contre-Révolution, Michel De Jaeghere, bon écrivain, était déjà en passe de devenir notre Louis Veuillot. Il se met maintenant à l‘école de Molière. Je dis bravo. Le sommet de la confrontation est à la scène IV, à partir du moment où Mgr Gallorme oppose aux réticences de l’abbé Dubost : « Je crois avoir le même Credo que vous. » Il l’a en effet, mais en lui donnant une signification simplement allégorique. « Est monté au Ciel » ? C’est « bien évidemment une scène symbolique », « un conte pédagogique ». Poussé dans ses retranchements quand il est mis en face des articles du Credo, l‘évêque en vient à l’aveu : « Je ne crois plus à toutes ces fables. » Il a « une foi adulte ». La présence réelle ? « Je crois à une présence spirituelle. » Il ne croit plus à « la fable du vieillard barbu qui aurait façonné le monde en six jours », « Dieu est au fond de chaque homme, il est ce qui, en lui, tend au bien, par opposition à ce qui abaisse l’homme ». Je verrais bien cet Ite missa est de MDJ mis en scène et joué par trois ou quatre Jean Piat (à ma connaissance il n’y en a malheureusement qu’un). Que pourrait-il arriver alors ? Eh bien, de même que l’on dit « un tartufe » ou « un harpagon », on prendrait l’habitude de dire tout simplement un gallorme pour désigner cette sorte de prélats sans foi ni loi, sans honneur et sans remords, qui veulent que l’Eglise renonce à la prétention de détenir à elle seule la vérité absolue, et qu’un abbé Dubost peut regarder dans les yeux en leur disant, avant même qu’ils n’en fassent l’aveu : « Vous ne croyez plus en Dieu, vous ne croyez plus en Jésus, Monseigneur ! » JEAN MADIRAN Article extrait du n° 6638 de Présent, du Vendredi 25 juillet 2008 |
[Abbé Claude Barthe] Les Nominations Episcopales en France : Les lenteurs d’une mutation Chapitre III - Paris, modèle pour une "troisième voie" ? |
25 juillet 2008 - lettre 124 de paixliturgique.com |
Les Nominations Episcopales en France : Les lenteurs d’une mutation Chapitre III - Paris, modèle pour une "troisième voie" ? Nous poursuivons avec cette nouvelle lettre la publication de l'excellente étude de l'abbé Claude Barthe sur "Les nominations épiscopales en France", un texte qui de chapitre en chapitre nous aide à mieux comprendre la situation actuelle et les crispations et blocages étonnants que l'on constate au sein de trop nombreux diocèses français... Editions Hora Decima 4 rue Galvani - 75017 Paris Fax : 09 53 89 20 97 http://www.hora-decima.fr Contact : H. Duchamp, editions@hora-dicima.fr Ce livre peut être acheté chez votre libraire habituel, par correspondance auprès de D.P.F., B.P. 1, 86190 Chiré-en-Montreuil ou sur internet sur www.amazon.fr, www.alapage.com ou www.librairiecatholique.com ISBN 978-2-915844-12-2, 64 pages Diffusion/distrinution : Serdif NB : Les notes de l'auteur sont incorporées par nous en italique dans le texte lui-même LES NOMINATIONS EPISCOPALES EN FRANCE : LES LENTEURS D'UNE MUTATION CHAPITRE III : PARIS, MODELE POUR UNE TROISIEME VOIE ? Le renouvellement que les « nouveaux prêtres » attendent aurait entre autres pour effet – ce serait même la preuve qu’il est réellement en train d’advenir – la nomination d’évêques « de communion » (ou, si l’on veut, d’évêques selon le motu proprio de 2007) donnant une vraie place pastorale aux prêtres et aux communautés traditionnelles qui représentent déjà actuellement en France un potentiel, selon les plus basses estimations, de 5% des prêtres en activité. J’ai donné dans les chapitres précédents deux raisons au fait que perdure le recrutement d’évêques conservateurs : 1/ l’existence d’un système de cooptation au sein d’une caste de responsables « conformes » ; 2/ la persistance de rouages romains en phase avec cette classe dirigeante. Mais il faut en considérer une troisième : ce qu’on pourrait qualifier d’ « effet de cliquet » : pas de retour en arrière ! Il s’agit d’un barrage qui est, cette fois, le fait des plus classiques parmi les prélats français postconcilaires, ceux qui sont en somme partisans d’une « troisième voie », à mi-chemin entre l’interprétation « progressiste » du Concile, et son refus traditionaliste, au premier rang desquels a été le cardinal Jean-Marie Lustiger. Du coup a été bloqué jusqu’à aujourd’hui un des moyens possibles de sortie de crise : l’union des forces vives existant encore dans le catholicisme français. Ajouté aux deux raisons précédentes, le poids de cette « troisième voie » dans la nomination des évêques de France a empêché une franche réaction (je précise tout de même : au sens où on parle de réaction d’un grand malade) ; et ce poids s’explique, certes pas uniquement, mais tout spécialement, par la personnalité exceptionnelle du cardinal Lustiger, véritable « faiseur d’évêques » durant un quart de siècle. Paris, locomotive des diocèses de France L’élection, à la tête de la Conférence de Evêques de France de l’archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, en novembre 2007, immédiatement après son élévation au cardinalat, a-t-elle été une consécration de la ligne du défunt cardinal Lustiger ? En tout cas, elle ne saurait être considérée, au-delà des apparences, comme un « verrouillage ». Dans la mesure où les plus hauts prélats français sont actuellement dans un état d’incertitude attentiste, ce serait plutôt une mesure conservatoire, comme diraient les juristes, en attendant que le procès soit jugé au fond. En matière ecclésiastique, l’adage ultime est, comme l’on sait : « Rome a parlé, la cause est entendue ». Mais le problème est que ce que le Rome de Benoît XVI veut dire sur le gouvernement des diocèses est encore loin d’être très clairement exprimé. A l’élection de Mgr Vingt-Trois se sont ajoutées celle de Mgr Laurent Ulrich comme vice-président et celle de Mgr Simon,l’évêque intellectuel du « parti du mouvement », comme autre vice-président. En fait, dans le monde de la conférence épiscopale et des évêchés de l’hexagone, l’élection de deux prélats lustigériens (Mgr Vingt-Trois et Mgr Ulrich) n’a provoqué aucune surprise sinon par sa rapidité. Un bon nombre d’évêques ont voté pour l’archevêque de Paris, prélat considéré comme classique, même contre leur sensibilité, pour deux raisons essentielles. D’abord, à la manière d’un réflexe analogue à celui des cardinaux élisant Joseph Ratzinger en avril 2005, comme un dernier recours dans une situation plus que dramatique. [Même si les deux personnages n’ont absolument rien de comparable, il y a, en revanche, une certaine analogie dans la psychologie de leur électorat : une espèce de « sauve qui peut » des cardinaux du conclave de 2005 élisant Benoît XVI, qui n’est pas sans faire penser aux parlementaires du Front Populaire de 1940 donnant les pleins pouvoirs à Pétain]. Comparée à la situation catastrophique de la plupart des diocèses français, la situation parisienne est apparue aux évêques réunis à Lourdes en novembre 2007, comme nettement meilleure au moins relativement et malgré de nombreux signes inquiétants. A Paris, les prêtres sont plus jeunes, plus nombreux, plus diplômés aussi. Ils passent par un système de formation spécifique : généralement mieux entourés par leurs paroissiens, ils sont en phase avec le public qui fréquente majoritairement leurs églises. Malgré le très inquiétant tarissement des legs – phénomène général dans l’église de France – , le diocèse reste encore riche, et le budget bien géré de telle grosse paroisse de Paris n’est pas loin de soutenir en importance la comparaison avec celui de bien des diocèses, avec en plus la garantie de ne pas passer dans le rouge. La gestion du patrimoine immobilier, les rénovations et constructions de l’importance du collège des Bernardins (de l’ordre de 50 millions d’euros, avec mécénats assez considérables) et du nouveau siège de la Conférence des Evêques, avenue de Breteuil (avec la participation des autres diocèses) ne sont pratiquement plus concevables qu’à Paris. Tout s’est donc passé à Lourdes en novembre 2007, comme si l’évêque du seul diocèse qui semble encore « bien marcher » était constitué locomotive de tous les autres. Mais il est clair que son élection était également due à la continuation de la « ligne Lustiger » pour contrer efficacement la « tentation » romaine de trop céder aux traditionalistes. Ce n’est pas un secret : la naissance turbulente de l’Institut du Bon Pasteur et le motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007 ont beaucoup malmené la susceptibilité de nos évêques. Or, ne disait-on pas justement que si Mgr Vingt-Trois n’avait pas été de la première promotion cardinalice réalisée par Benoît XVI, c’était pour lui donner une semonce à propos de son opposition à toute ouverture vers le monde traditionnel ? A plusieurs reprises, en effet, il avait attiré directement et indirectement l’attention du pape sur les « dangers » qu’allait représenter la libéralisation du rite liturgique ancien. Et il avait continué avec détermination à ne pas accorder de ministères parisiens à des prêtres appartenant à des communautés Ecclesia Dei. [Sur l’accueil de la « forme extraordinaire » du rite romain, une réunion importante des archevêques métropolitains s’est tenue à Paris, le 11 septembre 2007, au cours de laquelle la position de Mgr Vingt-Trois se serait exprimée comme médiane entre les plus réticents des métropolitains aux décisions romaines (NNSS. Simon, Pontier) et les plus favorables (les cardinaux Ricard et Barbarin). Mais les archevêques ne se seraient pas entendus, comme on l’a prétendu, pour barrer systématiquement la porte aux instituts Ecclesia Dei, ce qui eût relevé d’une gestion suicidaire. En revanche, il est patent que la ligne parisienne actuelle est devenue grosso modo celle d’un grand nombre d’évêques : accorder davantage d’espace aux messes déjà concédées au titre du motu proprio de 1988, pour détourner au maximum les curés d’accepter les demandes faites au titre du motu proprio de 2007. Une particularité parisienne : le diocèse dispose encore de la possibilité de tenir les espaces qu’il concède au rite tridentin sous très haute surveillance]. Jean-Marie Lustiger : le charisme au secours de l’institution L’élection du cardinal Vingt-Trois à la présidence de la Conférence des évêques de France est assurément une victoire post mortem du cardinal Lustiger. Ce dernier n’avait en effet jamais pu obtenir, même de loin, les voix qui l’auraient porté à cette présidence, malgré son charisme et le grand nombre d’évêques qui lui devaient leur nomination. Il reste que l’expérience Lustiger est exemplaire d’une tentative, qu’on a pu croire un moment gagnante, de « bonne interprétation » du Concile sur le plan pastoral d’un diocèse. Les vingt-quatre ans qu’elle a duré (1981-2005) ont correspondu au règne de Jean-Paul II (1978-2005), les deux hommes s’accordant réciproquement, comme on le sait, une grande sympathie. Ceci permit ainsi au diocèse de Paris de recueillir des faveurs telles que l’érection de l’Ecole cathédrale en « Faculté de théologie Notre-Dame de Paris », pour contrer les deux autres instituts d’études supérieures « progressistes », à savoir l’Institut catholique de Paris et les Facultés théologiques et philosophiques jésuites du Centre Sèvres. L’œuvre de Mgr Maxime Charles, recteur de Montmartre de 1959 à 1985, se trouve à l’origine lointaine de la nomination de Jean-Marie Lustiger au siège de Paris en 1981, avec toute sa signification. Le Centre Richelieu (fondé par lui en 1945, comme aumônerie des étudiants parisiens), puis la basilique de Montmartre, sa liturgie, ses pèlerinages en Terre Sainte, son réseau de formation de jeunes universitaires ont été à Paris, avant le Concile, comme le chant du cygne d’une pastorale de conquête. Cette œuvre était contemporaine de la dernière époque du Mouvement liturgique, le Montmartre de Maxime Charles étant plus proche de la « droite » de ce mouvement (Solesmes) que de sa « gauche » (le Centre de Pastorale liturgique). L’expérience de Montmartre a tenté de se maintenir aux lendemains de Vatican II et a été le grand foyer d’opposition liturgique, intellectuelle et spirituelle aux dérives parisiennes de l’« esprit du Concile » rhabillé par Mai 68. La revue Résurrection était emblématique de cette différence manifestée à Paris même contre la ligne « soixante-huitarde » que représentait l’entourage du cardinal Marty et de son auxiliaire, Mgr Georges Gilson. Fondée en 1956 par le même Maxime Charles, soutenue par les PP. Daniélou, Von Balthasar, Bouyer, Le Guillou, nombre de ses jeunes et brillants collaborateurs, anciens khâgneux et normaliens (Robert Armogathe, Rémi Brague, Jean-Luc Marion, etc.), furent ensuite aspirés par le P. Hans Urs von Balthasar au bénéfice de l’édition française de la revue Communio. En lui succédant à la direction du Centre Richelieu (de 1959 à 1969), puis en devenant curé d’une paroisse (Sainte-Jeanne-de-Chantal), l’abbé Lustiger devint un représentant de plus en plus remarqué de cette tendance ni progressiste ni intégriste, mais avec une image moins conservatrice que Maxime Charles. Tout comme le groupe de Montmartre, il fut violemment commotionné par la résonance des évènements de 68 dans l’Eglise. Une part importante de son livre d’entretien Le choix de Dieu (Editions de Fallois, 1987), écrit certes beaucoup plus tard, repose implicitement sur la possibilité d’une « troisième voie », qu’une volonté pastorale déterminée, la sienne, pouvait appliquer à l’Eglise de Paris, et à partir de ce modèle, à la France. Il n’est pas douteux que cette sensibilité lui a valu d’être nommé à Orléans, lorsqu’il fallut trouver un successeur au Gaillot avant la lettre que fut Mgr Riobé, mort brusquement en 1979. Est-ce, comme on le dit, Maxime Charles qui souffla à l’oreille du pape, lors de son premier voyage en France, en 1980, le nom de son ancien collaborateur au Centre Richelieu pour le remplacement du Cardinal Marty ? Le fait est que c’est en quelque sorte la doctrine montmartroise, revue et corrigée par le puissant charisme du petit parisien, juif converti, devenu archevêque du principal siège de France, qui va être appliquée à Paris. Fort de son ascension fulgurante voulue par Jean-Paul II, enlevé au siège d’Orléans après quatorze mois seulement, puis cardinal deux ans plus tard, Jean-Marie Lustiger eut toute facilité pour expérimenter par une action forte son utopie (à tous les sens positifs et minoratifs du terme). Durant son épiscopat, il déploya cette politique qui voulait faire de Paris une ville-phare de la pastorale wojylo-lustigérienne : « Tout le Concile, mais rien que le Concile ». Il commença par exemple en invitant en 1983, le cardinal Ratzinger pour tenir une conférence à Notre-Dame (réitérée à Notre-Dame de Fourvière) sur la « nouvelle catéchèse » faisant l’apologie du genre littéraire du Catéchisme du concile de Trente. Et une de ses dernières initiatives fut celle du grand rassemblement dit « Toussaint 2004 », où des journées purement parisiennes reproduisaient la dynamique des JMJ. La pépinière Lustiger La conjoncture était favorable. C’était le temps où l’Action Catholique démonétisée laissait le champ libre aux nouveaux mouvements et à des groupes catholiques à l’identité assumée se reconnaissant, entre autres, dans l’hebdomadaire Famille Chrétienne. Dans le domaine sensible des vocations, les années quatre-vingt ont vu, par un phénomène de vases communicants, une montée des vocations au profit de séminaires classiques, comme ceux de Paray-le-Monial, d’Ars, du nouvel ensemble de formation de Paris tandis qu’elles fléchissaient dans le monde traditionnel. [Schématiquement, on peut dire que de 1980 à 1988, les rentrées dans les séminaires de la Fraternité Saint-Pie-X ont connu une baisse sensible, alors que les séminaires « identitaires » croissaient, ce que l’ont peut sans doute attribuer à l’ « effet Jean-Paul II ». Effet apparemment décevant pour les jeunes appelés, puisqu’à l’époque du motu proprio de 1988, alors que se créaient des séminaires tridentins officiels, les rentrées ont commencé à baisser dans les séminaires « identitaires » (Ars, etc.), celles enregistrées dans les maisons de formation de la FSSPX restant, grosso modo, stables. Puis le motu proprio de 2007, avant même sa parution, produisit un nouvel effet de croissance de l’ensemble des vocations vers les rite tridentin, l’ensemble des autres séminaires tombant au plus bas étiage jamais atteint]. En outre, la capitale aspire bien des étudiants de province qui, lorsqu’ils se découvrent une vocation, ont le même attrait pour les études ecclésiastiques parisiennes qu’ils avaient pour les études civiles en Sorbonne ou ailleurs. Un nouveau style de formation va donc s’organiser à Paris, semblable toutes choses égales à celle des formations sacerdotales et religieuses classiques ou traditionalistes, qui sont nées « en réaction » un peu partout dans le monde. A Paris, comme ailleurs, et même plus qu’ailleurs en raison de l’ambition affichée, ces maisons cherchaient (et cherchent toujours) à créer un milieu protecteur et porteur, s’auto-défendant par un réflexe classique, dans un corps social qui s’atomise au moyen de l’exclusion de tout individualité n’ayant pas « l’esprit de communauté ». Le regroupement des séminaristes par maisonnées de jeunes, que le cardinal Lustiger, cessa désormais d’envoyer au séminaire d’Issy-les-Moulineaux et au séminaire des Carmes, a permis de réaliser ce dessein. En 1984 , il créa, rue de la Santé, la maison Saint-Augustin (dont le premier supérieur a été le P. Eric Aumonier, aujourd’hui évêque de Versailles, diocèse dans lequel il cherche à reproduire l’expérience parisienne [ce que n’a pas osé faire à Angers, malgré de pressants conseils, Mgr Bruguès]), puis un premier cycle réparti dans des foyers dépendants de paroisses (St-Denys-du-St-Sacrement, St-Louis-en-Ile, etc.), et un second cycle exclusivement parisien, les séminaristes prenant leurs cours à l’Ecole cathédrale. Celle-ci est en cours d’installation dans les prestigieux locaux du collège des Bernardins, fondation cistercienne du XIIIème et du XIVème siècle dans laquelle campait une caserne de pompiers. Les Bernardins auront été la dernière grande réalisation du cardinal Lustiger, dont il aurait voulu faire – mais qui a jamais vraiment cru que ce soit possible ? –, une reviviscence, après Vatican II, du Saint-Sulpice post-tridentin, un lieu emblématique d’un renouveau pour la France et au-delà. Ces nouveaux clercs, dont certaines promotions fournirent un nombre d’ordinands d’importance exceptionnelle depuis le Concile, permirent de résorber peu à peu les poches de résistances « progressistes », parfois à la manière d’un coup de force (le remplacement de l’équipe sacerdotale de Saint-Séverin, en 1986), le plus souvent en profitant de mutations ou d’arrivées à l’âge de la retraite (le P. de Lachaux à Saint-Hippolyte, spécialiste de la communion aux divorcés remariés et des sermons dialogués avec l’assistance, le P. de Saint-Victor à Saint-Pierre de Montrouge, le P. Legoedec, à Saint-Bernard de Montparnasse, etc.). De sorte que la majorité des paroisses parisiennes ont conservé une vitalité que l’on retrouve uniquement en province dans telle ou telle paroisse déterminée. Certes, le nombre des messes est pratiquement réduit au tiers par rapport à ce qu’il était avant le Concile, mais l’assistance aux messes dominicales reste généralement convenable, l’organisation paroissiale vivante, le scoutisme dynamique ; sans parler des églises comme La Trinité ou Saint-Gervais, animées par des communautés nouvelles (l’Emmanuel, les Fraternités monastiques de Jérusalem), au public exceptionnellement jeune et nombreux. Ce clergé du cardinal Lustiger a pu ainsi maintenir (ou a vu se maintenir) la pratique religieuse à un niveau qui a pu faire croire à une possibilité de remontée, avant qu’un nouvel effritement ne démente les espérances. Plus difficilement, J.-M. Lustiger a tenté de maintenir la fréquentation des catéchismes et de relever le niveau des connaissances religieuses des enfants. On ignore souvent que le diocèse de Paris s’est lancé dans une entreprise ambitieuse d’édition systématique de nouveaux manuels pour tous âges et niveaux, avec des instruments comme : Pour grandir dans la foi (Le Sénevé/Cerp, 2000), Connaître la foi catholique (Le Sénevé/Cerp, 2000, préface du cardinal Lustiger), etc. Il est vrai que, dans certaines paroisses parisiennes, persistait l’inspiration postconciliaire, représentée par le fameux « parcours » Pierres Vivantes de 1981 [Pierres vivantes. Recueil catholique de documents privilégiés de la foi (Editeur Catéchèse). Le recueil sera remanié en 1985 puis en 1994. Il restera la « bête noire » des intellectuels lustigériens (Denise et Yves-Henri Nouailhat, « La catéchèse des enfants en France », Communio, juillet-août 2001, pp. 63-79)]. Au total, les prêtres formés dans la filière lustigérienne voulaient donc ignorer les motivations « progressistes » des générations précédentes. Ils tenaient au célibat sacerdotal obligatoire comme un signe prophétique contre un monde décadent, et recommençaient à porter un col romain (alternant éventuellement avec la chemise Lacoste, selon le degré de l’échelle « identitaire » où l’on se positionne), ceci d’ailleurs comme la majorité des prêtres français ordonnés depuis le milieu des années quatre-vingt. Mais ils étaient nettement plus homogènes que les jeunes prêtres formés hors de Paris : on ne trouvait, dans le premier diocèse de France, pratiquement aucun mouton noir progressiste, ni surtout l’habituel proportion d’environ dix pour cent de séminaristes favorables à la soutane. Ces derniers généralement (mais pas toujours) intéressés par le rite ancien de la messe, proches des milieux traditionnels, ont été détournés ailleurs (la communauté Saint-Martin notamment) ou rendus à la vie civile – avec d’autres non-conformes – avant l’appel aux ordres. Pierre D’Ornellas, aujourd’hui archevêque de Rennes, fut l’évêque auxiliaire de Paris sans doute le plus attentif à préserver les jeunes lévites de la capitale de tout virus intégriste, aidé par des cadres ecclésiastiques de ligne identique, comme Antoine Guggenheim qui a longtemps présidé le studium Notre-Dame. A qui doit-on l’interdiction intimée aux séminaristes diacres de porter le col romain ? Au total, ces clercs lustigériens étaient destinés à devenir exemplairement, comme le cardinal aimait à le leur dire, « la première génération qui aurait enfin compris le Concile ». Et pourquoi les évêques de France n’auraient-ils pas été à l’image des prêtres parisiens ? L’une des préoccupations majeures de Jean-Paul II était d’ailleurs de pratiquer dans le monde entier une politique de nominations ayant pour effet de remplacer les majorités étrangères d’esprit « conciliaire de gauche » qui avaient prévalu sous Paul VI, par des majorités d’esprit « conciliaire de droite ». [Etant précisé que ces considérations mériteraient d’être beaucoup plus affinées et nuancées, notamment en raison de l’évolution des tendances considérées tout au long du pontificat de Jean-Paul II. Par exemple, au Brésil, les nominations ont certes tendu à résorber la majorité épiscopale d’avant la chute du communisme qui était favorable à la théologie de la libération. Mais celle-ci a depuis évolué et s’est elle-même « recentrée », de sorte que, lorsqu’on constate aujourd’hui que la conférence épiscopale se partage à égalité pour et contre la théologie de la libération, on veut plutôt dire que la moitié des évêques est pro-Benoît XVI et que l’autre moitié relève de l’opposition au pontife actuel]. Un homme, le cardinal Lustiger était tout désigné pour appliquer cette politique à la France, le pape et l’archevêque de Paris étant, chacun dans son propre style, adeptes de l’instauration de ce que je qualifie de « troisième voie ». (Le cardinal Ratzinger l’infléchira, pour sa part, symptomatiquement, en lui appliquant, dans son Entretien sur la foi de 1985, l’appellation de « restauration »). Il reste donc à voir comment Jean-Marie Lustiger a aussi cherché à appliquer à l’ensemble de l’Eglise de France son projet de « recentrage » en faisant en sorte de peser de tout son poids dans la nomination des évêques. La suite, et la fin, de cette étude de Claude Barthe dans notre prochaine lettre.... |