SOURCE - Abbé Ludovic Girod, FSSPX - Bulletin "La sainte Ampoule" n° 169 - mise en ligne par la Porte Latine - Décembre 2008
Monseigneur Fellay nous a invités à Lourdes à une nouvelle croisade du rosaire afin d’obtenir du Ciel, par l’intercession de la Vierge immaculée, le retrait du décret d’excommunication qui frappe de manière inique les quatre évêques de la Fraternité et qui entache aux yeux du commun la mémoire des deux évêques consécrateurs, Mgr Lefebvre et Mgr de Castro-Mayer. Revenons donc vingt ans en arrière, au moment où notre fondateur accomplit l’opération survie de la Tradition en sacrant quatre évêques à Ecône, le 30 juin 1988. Le décret d’excommunication tombait le 1er juillet, signé de la main du cardinal Gantin. Le pape Jean-Paul II publiait le 2 juillet son Motu Proprio Ecclesia Dei adflicta qui expliquait les raisons de cette peine prononcée contre Mgr Lefebvre. Ce rappel des débats de l’époque pourra nous faire comprendre que la levée de ce décret fera sauter un nouveau verrou posé par les modernistes, verrou qui vise à interdire aux fidèles l’accès à la foi de toujours.
Cette peine canonique de l’excommunication est prévue pour sanctionner un schisme, c’est-à-dire le refus des autorités de l’Eglise et la volonté de créer une église indépendante de la hiérarchie catholique. C’est Pie XII qui avait prévu qu’un sacre épiscopal sans mandat du souverain pontife entraînât de manière automatique cette peine de l’excommunication, face aux sacres schismatiques conférés dans l’église patriotique chinoise. Nous voyons donc que le lien entre schisme et sacre épiscopal sans mandat pontifical n’est pas un lien de nature : leur relation est une disposition disciplinaire récente dans l’Eglise. Si donc des nécessités particulières de l’Eglise légitiment un tel sacre et que celui qui le confère exclut toute volonté schismatique, la peine ne doit pas s’appliquer. Mgr Lefebvre a jugé que l’état de crise dans laquelle se trouvait alors l’Eglise, et qui continue, hélas ! de nos jours, non seulement lui permettait de sacrer des évêques sans l’accord du pape mais lui en imposait même le devoir pour la survie du sacerdoce catholique et le bien de tous les fidèles attachés à la doctrine et à la messe de toujours. Cet acte s’oppose peut être aux dispositions particulières du code de droit canonique mais est légitimé par la loi suprême qui gouverne ce même code : le salut des âmes. Il s’agit de l’exercice de la vertu d’épikie qui dans des cas particuliers s’oppose à la lettre de la loi pour en respecter l’esprit et les principes supérieurs.
Il est à noter que même si les autorités romaines ne sont pas encore disposées à reconnaître l’état de nécessité dans lequel se trouve l’Eglise à cause des erreurs modernistes et des principes libéraux qui s’y sont introduits, ces mêmes autorités peuvent reconnaître que Mgr Lefebvre a agi de bonne foi, sans intention schismatique, ce qui suffit amplement pour lever le décret des excommunications. Mais essayons de poursuivre un peu plus l’analyse des motifs avancés de cette peine canonique.
Le Motu Proprio du 2 juillet 1988 affirme que l’acte posé par Mgr Lefebvre est schismatique car il constitue un refus pratique de la primauté du pape. Nous avons vu qu’il n’en est rien : il s’agit d’un acte qui s’oppose à une volonté particulière du pape mais non d’un refus de son autorité. Et cette apparente désobéissance n’est possible que parce que l’ordre du pape va manifestement contre le bien de l’Eglise. Refuser d’obéir à son père dans une circonstance particulière, parce que son ordre s’oppose à une loi supérieure, n’est en rien un refus de l’autorité paternelle. Le pape Jean-Paul II poursuit en indiquant qu’ « à la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce qu’elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition ». Ainsi, au-delà de l’acte même de la consécration épiscopale, c’est davantage une position doctrinale, une notion de la Tradition, qui est considérée comme schismatique. C’est vraiment la Tradition excommuniée. Et pourtant, il est manifeste pour tout catholique qui connaît son catéchisme que c’est Mgr Lefebvre qui garde la notion catholique de la Tradition et que ce sont ses adversaires qui ont inventé un nouveau concept de Tradition vivante, en rupture avec tout l’enseignement de l’Eglise. Ce sont eux qui sont schismatiques.
Si nous prenons le catéchisme de saint Pie X, nous y lisons que la Tradition, l’une des deux sources de la Révélation avec l’Ecriture Sainte, se définit comme « la parole de Dieu qui n’est pas écrite, mais qui, communiquée de vive voix par Jésus-Christ et par les Apôtres, est parvenue sans altération de siècle en siècle jusqu’à nous par le moyen de l’Eglise ».
La Tradition, c’est le dépôt de la vérité révélée, complet à la mort du dernier des apôtres, et que l’Eglise doit conserver saintement et exposer fidèlement. Le décret Lamentabili du pape saint Pie X condamne une proposition moderniste qui affirme : « la Révélation qui constitue l’objet de la foi catholique n’a pas été complète avec les Apôtres ». Si cette Tradition est vivante, c’est qu’elle est prêchée au cours des siècles par les organes vivants du Magistère et qu’elle produit la vie de la foi dans les âmes fidèles. Certes, cette Tradition connaît un progrès, qualifié d’homogène, dans le sens où une vérité contenue dans le dépôt est connue avec plus de clarté au cours des siècles, soit un progrès par explicitation. Ainsi, le terme de transsubstantiation, élaboré par la théologie scholastique, rend parfaitement compte des paroles de Notre Seigneur qui institue le sacrement de l’Eucharistie et nous permet de mieux appréhender ce mystère. La Tradition est comme une fleur qui déploie ses pétales au fur et à mesure que le soleil se lève dans le ciel. Nous pouvons aussi la comparer à un signal sonore qui est perçu de plus en plus parfaitement suivant les progrès que l’Esprit Saint fait réaliser à l’Eglise au cours des siècles pour sa perception. Mais ce n’est pas le signal qui est modifié, c’est la manière de le percevoir qui s’affine et se perfectionne. Couper l’émission de la Révélation, qui nous vient du Sauveur, pour se brancher sur les bruits du monde, ce n’est pas rendre la Tradition vivante, c’est la trahir et la dénaturer.
Face à cette Tradition catholique, les modernistes, qui sont essentiellement évolutionnistes, ont élaboré ce concept d’une Tradition vivante qui est coupée de son contenu objectif transmis au cours des siècles et ne tient plus compte que de son organe de transmission actuel. Est contenu dans la Tradition ce qui est enseigné aujourd’hui par les autorités de l’Eglise, ces enseignements fussent-ils en contradiction avec ce qui a toujours été enseigné dans l’Eglise. C’est une Tradition amputée de son universalité temporelle au profit d’une bien fragile et factice unanimité présente. C’est la méconnaissance de la soumission du Magistère à ce dépôt objectif dont il n’est que le gardien, la foi livrée à l’arbitraire du moment. C’est ce concept moderniste qui est incomplet, car il évacue 20 siècles d’histoire de l’Eglise, et qui est contradictoire, car il veut intégrer aux vérités de la foi des éléments étrangers et contraires à la Révélation : les valeurs du monde moderne. D’ailleurs, dans le Motu Proprio du 2 juillet 1988, le pape reconnaît la difficulté de bien comprendre le concile Vatican II sur certains points de doctrine « à cause même de leur nouveauté ». Comment peut-on prétendre dans ce cas que ce concile, pastoral répétons-le, et donc sans caractère contraignant pour la foi, s’inscrit dans la Tradition ? Nous sommes en plein cercle carré. Que penser également d’un concile qu’il faut encore approfondir des décennies après sa conclusion, sinon qu’il a obscurci et embrouillé durablement la vie de l’Eglise.
Si donc nous demandons la levée de ce décret injuste d’excommunication, c’est certes par piété filiale envers Mgr Lefebvre et nos évêques, comme Isabelle Romée, maman de sainte Jeanne d’Arc demandant au pape Callixte III la réhabilitation de sa fille. C’est également pour permettre aux âmes encore timorées de venir s’abreuver sans crainte aux sources vives de la doctrine catholique et des sacrements traditionnels. Mais c’est aussi pour que la notion catholique de Tradition ne soit plus excommuniée et qu’elle retrouve tous ses droits dans l’Eglise, chassant cet ersatz moderniste qui veut concilier les maximes du monde et la foi en Jésus-Christ.
Nous avons cette confiance que Notre- Dame, qui écrase victorieusement la tête du serpent, saura vaincre les doctrines hérétiques introduites dans l’Eglise.
Abbé Ludovic Girod
Cette peine canonique de l’excommunication est prévue pour sanctionner un schisme, c’est-à-dire le refus des autorités de l’Eglise et la volonté de créer une église indépendante de la hiérarchie catholique. C’est Pie XII qui avait prévu qu’un sacre épiscopal sans mandat du souverain pontife entraînât de manière automatique cette peine de l’excommunication, face aux sacres schismatiques conférés dans l’église patriotique chinoise. Nous voyons donc que le lien entre schisme et sacre épiscopal sans mandat pontifical n’est pas un lien de nature : leur relation est une disposition disciplinaire récente dans l’Eglise. Si donc des nécessités particulières de l’Eglise légitiment un tel sacre et que celui qui le confère exclut toute volonté schismatique, la peine ne doit pas s’appliquer. Mgr Lefebvre a jugé que l’état de crise dans laquelle se trouvait alors l’Eglise, et qui continue, hélas ! de nos jours, non seulement lui permettait de sacrer des évêques sans l’accord du pape mais lui en imposait même le devoir pour la survie du sacerdoce catholique et le bien de tous les fidèles attachés à la doctrine et à la messe de toujours. Cet acte s’oppose peut être aux dispositions particulières du code de droit canonique mais est légitimé par la loi suprême qui gouverne ce même code : le salut des âmes. Il s’agit de l’exercice de la vertu d’épikie qui dans des cas particuliers s’oppose à la lettre de la loi pour en respecter l’esprit et les principes supérieurs.
Il est à noter que même si les autorités romaines ne sont pas encore disposées à reconnaître l’état de nécessité dans lequel se trouve l’Eglise à cause des erreurs modernistes et des principes libéraux qui s’y sont introduits, ces mêmes autorités peuvent reconnaître que Mgr Lefebvre a agi de bonne foi, sans intention schismatique, ce qui suffit amplement pour lever le décret des excommunications. Mais essayons de poursuivre un peu plus l’analyse des motifs avancés de cette peine canonique.
Le Motu Proprio du 2 juillet 1988 affirme que l’acte posé par Mgr Lefebvre est schismatique car il constitue un refus pratique de la primauté du pape. Nous avons vu qu’il n’en est rien : il s’agit d’un acte qui s’oppose à une volonté particulière du pape mais non d’un refus de son autorité. Et cette apparente désobéissance n’est possible que parce que l’ordre du pape va manifestement contre le bien de l’Eglise. Refuser d’obéir à son père dans une circonstance particulière, parce que son ordre s’oppose à une loi supérieure, n’est en rien un refus de l’autorité paternelle. Le pape Jean-Paul II poursuit en indiquant qu’ « à la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce qu’elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition ». Ainsi, au-delà de l’acte même de la consécration épiscopale, c’est davantage une position doctrinale, une notion de la Tradition, qui est considérée comme schismatique. C’est vraiment la Tradition excommuniée. Et pourtant, il est manifeste pour tout catholique qui connaît son catéchisme que c’est Mgr Lefebvre qui garde la notion catholique de la Tradition et que ce sont ses adversaires qui ont inventé un nouveau concept de Tradition vivante, en rupture avec tout l’enseignement de l’Eglise. Ce sont eux qui sont schismatiques.
Si nous prenons le catéchisme de saint Pie X, nous y lisons que la Tradition, l’une des deux sources de la Révélation avec l’Ecriture Sainte, se définit comme « la parole de Dieu qui n’est pas écrite, mais qui, communiquée de vive voix par Jésus-Christ et par les Apôtres, est parvenue sans altération de siècle en siècle jusqu’à nous par le moyen de l’Eglise ».
La Tradition, c’est le dépôt de la vérité révélée, complet à la mort du dernier des apôtres, et que l’Eglise doit conserver saintement et exposer fidèlement. Le décret Lamentabili du pape saint Pie X condamne une proposition moderniste qui affirme : « la Révélation qui constitue l’objet de la foi catholique n’a pas été complète avec les Apôtres ». Si cette Tradition est vivante, c’est qu’elle est prêchée au cours des siècles par les organes vivants du Magistère et qu’elle produit la vie de la foi dans les âmes fidèles. Certes, cette Tradition connaît un progrès, qualifié d’homogène, dans le sens où une vérité contenue dans le dépôt est connue avec plus de clarté au cours des siècles, soit un progrès par explicitation. Ainsi, le terme de transsubstantiation, élaboré par la théologie scholastique, rend parfaitement compte des paroles de Notre Seigneur qui institue le sacrement de l’Eucharistie et nous permet de mieux appréhender ce mystère. La Tradition est comme une fleur qui déploie ses pétales au fur et à mesure que le soleil se lève dans le ciel. Nous pouvons aussi la comparer à un signal sonore qui est perçu de plus en plus parfaitement suivant les progrès que l’Esprit Saint fait réaliser à l’Eglise au cours des siècles pour sa perception. Mais ce n’est pas le signal qui est modifié, c’est la manière de le percevoir qui s’affine et se perfectionne. Couper l’émission de la Révélation, qui nous vient du Sauveur, pour se brancher sur les bruits du monde, ce n’est pas rendre la Tradition vivante, c’est la trahir et la dénaturer.
Face à cette Tradition catholique, les modernistes, qui sont essentiellement évolutionnistes, ont élaboré ce concept d’une Tradition vivante qui est coupée de son contenu objectif transmis au cours des siècles et ne tient plus compte que de son organe de transmission actuel. Est contenu dans la Tradition ce qui est enseigné aujourd’hui par les autorités de l’Eglise, ces enseignements fussent-ils en contradiction avec ce qui a toujours été enseigné dans l’Eglise. C’est une Tradition amputée de son universalité temporelle au profit d’une bien fragile et factice unanimité présente. C’est la méconnaissance de la soumission du Magistère à ce dépôt objectif dont il n’est que le gardien, la foi livrée à l’arbitraire du moment. C’est ce concept moderniste qui est incomplet, car il évacue 20 siècles d’histoire de l’Eglise, et qui est contradictoire, car il veut intégrer aux vérités de la foi des éléments étrangers et contraires à la Révélation : les valeurs du monde moderne. D’ailleurs, dans le Motu Proprio du 2 juillet 1988, le pape reconnaît la difficulté de bien comprendre le concile Vatican II sur certains points de doctrine « à cause même de leur nouveauté ». Comment peut-on prétendre dans ce cas que ce concile, pastoral répétons-le, et donc sans caractère contraignant pour la foi, s’inscrit dans la Tradition ? Nous sommes en plein cercle carré. Que penser également d’un concile qu’il faut encore approfondir des décennies après sa conclusion, sinon qu’il a obscurci et embrouillé durablement la vie de l’Eglise.
Si donc nous demandons la levée de ce décret injuste d’excommunication, c’est certes par piété filiale envers Mgr Lefebvre et nos évêques, comme Isabelle Romée, maman de sainte Jeanne d’Arc demandant au pape Callixte III la réhabilitation de sa fille. C’est également pour permettre aux âmes encore timorées de venir s’abreuver sans crainte aux sources vives de la doctrine catholique et des sacrements traditionnels. Mais c’est aussi pour que la notion catholique de Tradition ne soit plus excommuniée et qu’elle retrouve tous ses droits dans l’Eglise, chassant cet ersatz moderniste qui veut concilier les maximes du monde et la foi en Jésus-Christ.
Nous avons cette confiance que Notre- Dame, qui écrase victorieusement la tête du serpent, saura vaincre les doctrines hérétiques introduites dans l’Eglise.
Abbé Ludovic Girod