Le renouveau intérieur de tous les prêtres est un élément très important de la vie de l’Eglise et pour la santé de tout le Corps Mystique. Devant la sécularisation continue et le rejet de Dieu et de la vie surnaturelle en découlant, il est apparu inévitablement une incompréhension et une mauvaise appréciation du sacerdoce. Malheureusement, la première réaction de certains à l’institution de cette Année Sacerdotale a été immédiatement de s’élever contre des éléments constitutifs du sacerdoce comme le célibat et la fonction de gouvernement.
Dans ce climat de négation et de confusion, le danger est grand, pour le prêtre lui-même, de perdre le sens de son identité de prêtre. S’adressant à la Congrégation pour le Clergé, lorsqu’il a annoncé l’Année Sacerdotale, le Saint Père a précisément fait référence à une menace de sous-évaluation du sacerdoce ministériel : « Le caractère central du Christ porte en lui la juste valorisation du sacerdoce ministériel, sans lequel il n’y aurait ni l’Eucharistie, ni encore moins la mission ou l’Église elle-même. Dans ce sens, il est nécessaire de veiller afin que les nouvelles structures ou organisations pastorales ne soient pas pensées pour une époque où l’on devrait se passer du ministère ordonné, en partant d’une interprétation erronée de la juste promotion des laïcs, car dans ce cas, on poserait les conditions pour une dilution supplémentaire du sacerdoce ministériel et les éventuelles solutions présumées coïncideraient de façon dramatique avec les causes réelles des problématiques contemporaines liées au ministère. » (Discours à la Congrégation pour le Clergé, 16 mars 2009)
Trop souvent, lorsqu’il fait une distinction entre les hommes, le monde sécularisé a tendance à cultiver un état de lutte des classes permanent ou tout au moins à introduire une vision de rivalité incessante en matière de statut social. Il considère les luttes entre hommes et femmes, entre employeurs et employés et même les oppositions entres laïcs et prêtres comme si tout pouvait se ramener à un combat pour le pouvoir.
Malheureusement cette perspective en a encouragé certains à conclure à tort (implicitement ou explicitement) que le meilleur moyen de renforcer la dignité des laïcs passait par un affaiblissement du caractère du sacerdoce dans ses trois fonctions d’enseignement, de sanctification et de gouvernement. Ceci afin de réduire la relation entre le prêtre et les laïcs à un conflit de subordination, ignorant par là-même les devoirs et les responsabilités inhérents à chaque état et qui, ayant été fixés par le Christ lorsqu’il a crée Son Eglise, sont en fait pleinement complémentaires.
Cette erreur est manifeste si l’on considère la réaction généralement constatée devant la tentative de Vatican II de traiter la situation de l’Eglise dans le monde moderne et de l’aider ainsi à trouver les meilleurs moyens de faire entendre sa voix dans un monde gravement sécularisé depuis les années 60. En fait l’objectif était d’alerter les laïcs quant à leurs devoirs et leur rôle dans la société humaine et sa culture (Lumen Gentium 30,31). Ils devaient exercer un service d’Eglise dans lequel, du fait de leur appartenance au monde, des hommes politiques des juristes, des scientifiques, des médecins et autres qui fixent la politique et dirigent notre société auraient eu l’occasion de trouver en eux-mêmes la vérité de l’Evangile. Dans un monde sécularisé, bien peu d’entre eux ont commencé par pénétrer dans une église pour écouter le sermon du prêtre alors qu’ils côtoient des laïcs catholiques sur leur lieu de travail et dans la société en général. Malheureusement ce devoir important des laïcs consistant à porter témoignage de leur foi dans l’exercice de leur état de vie s’est trouvé trop souvent éclipsé ou totalement oublié dans l’escalade vers le « pouvoir ». Le rôle adéquat et l’apport des laïcs dans la vie de l’Eglise ont été remplacés dans de nombreux esprits par l’idée que la meilleure manière de renforcer la dignité des laïcs est de les cléricaliser en leur conférant un caractère de clerc tout particulièrement dans le sanctuaire et dans le cadre de la liturgie sacrée. Une telle réponse simpliste ne contribue en aucune manière à une meilleure compréhension tant de l’identité du prêtre que des véritables devoirs essentiels des fidèles dans le monde. Si tant est que l’Eglise doive avoir la parole dans la culture actuelle, il lui appartient d’instruire clairement et soigneusement les fidèles pour les inciter à servir l’Evangile. Cette mise au service de l’Evangile doit se faire à travers des vies conduites conformément à leur devoir d’état ; elle ne saurait être une incitation à se mettre en valeur sur la base de critères propres à l’état clérical.
Le prêtre modèle tel que proposé par le Saint Père au cours de cette année est, bien entendu, le patron des prêtres de paroisse, saint Jean-Marie Vianney qui considérait souvent son troupeau comme l’immense don du sacerdoce : « Un bon berger, un pasteur selon le cœur de Dieu est le plus grand trésor que le Bon Dieu puisse accorder à une paroisse et l’un des dons les plus précieux de la divine miséricorde ». Pour lui, le sacerdoce était essentiel pour le salut des âmes : « Sans le prêtre, la passion et la mort de Notre-Seigneur ne seraient d’aucune utilité. C’est le prêtre qui poursuit l’œuvre de rédemption sur terre ». En fin de compte, il s’émerveillait du don qu’il avait lui-même reçu : « Si le prêtre savait ce qu’il était, il mourait, non pas de crainte mais d’amour ».
En ayant tout cela présent à l’esprit, il apparaît tout particulièrement opportun de parler, cette année, de l’identité du prêtre. Juste avant d’ordonner un jeune, l’évêque l’exhorte à s’en tenir, tout au long de son sacerdoce, aux principes suivants : Agnoscite quod agitis; imitamini quod tractatis; quatenus mortis Dominicae mysterium celebrantes, mortificare membra vestra a vitiis et concupiscentiis omnibus procuretis. Considérez ce que vous faites ; imitez ce que vous opérez ; en sorte que, célébrant le mystère de la mort du Sauveur, vous fassiez mourir en votre chair les vices et les concupiscences.
Attendu que « l’objet de la Fraternité Saint-Pierre est la sanctification des prêtres par l’exercice du sacerdoce et en particulier d’orienter la vie du prêtre vers ce qui est essentiellement sa raison d’être » (Constitutions, 7), la Fraternité se doit de contribuer à la célébration de cette année en fournissant les moyens qui pourront permettre l’approfondissement de notre connaissance du sacerdoce de manière à promouvoir une meilleure compréhension de ce don immense et, par là-même, d’encourager la généreuse réponse qu’elle exige du prêtre ordonné.
Notre séminaire de Wigratzbad commencera son année scolaire par un pèlerinage et une Messe sur la tombe du saint Curé d’Ars en septembre 2009. Nous espérons, avec d’autres, aider les prêtres pendant cette année en proposant une série de méditations sur les différents aspects du sacerdoce sur lesquels le pape Benoît XVI a lui-même mis l’accent dans sa lettre apostolique proclamant l’Année Sacerdotale. Nous examinerons ces différents aspects à la lumière de la vie de saint Jean-Marie Vianney.
Juillet-août 2009 : la fonction de sanctification : la messe et la confession
Septembre-octobre 2009 : la fonction d’enseignement
Novembre-décembre 2009 : la fonction de gouvernement
Janvier-février 2010 : le prêtre et la pauvreté
Mars-avril 2010 : le prêtre et la chasteté
Mai-juin 2010 : le prêtre et l’obéissance
Puisse cette série de méditations encourager les membres de la Confraternité Saint-Pierre et tous les fidèles à prier de manière fervente pour les prêtres. Nous espérons surtout que cela constituera une aide modeste permettant aux prêtres de comprendre les richesses de leur vocation et par là-même de leur apporter le « renouveau intérieur » souhaité par le Saint Père et de leur permettre l’imitation du Sacré-Cœur du Christ, le Grand Prêtre. « Car, en fin de compte, Dieu est la seule richesse que les hommes souhaitent trouver chez un prêtre ». (Benoît XVI, Discours à la Congrégation pour le Clergé).
Fribourg, le 19 juin 2009, en la fête du Sacré-Cœur, ouverture de l’année sacerdotale.
Abbé John Berg, FSSP
Supérieur Général