Après l'ordination controversée de huit prêtres et dix diacres en Suisse lundi, le supérieur de la Fraternité Saint Pie X, Mgr Fellay, a confirmé que les discussions doctrinales avec Rome commenceront à l'automne.
Lente cérémonie. En Suisse, on prend son temps et à Écône, encore plus. L'ordination de huit prêtres et dix diacres, lundi matin, conférée par le supérieur de la Fraternité Saint Pie X, Mgr Bernard Fellay, a duré quatre heures et demie.
Dans le chœur établi sous une vaste tente blanche, posée en contrebas du séminaire où repose Mgr Marcel Lefebvre, il y avait un absent de taille, Mgr Richard Williamson. Il fut l'un des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre en 1988, mais il a été mis au ban à la suite de ses déclarations négationnistes sur la Shoah.
Mgr Fellay était donc assisté par le Français Mgr Bernard Tissier de Mallerais et l'Espagnol, Mgr Alfonso de Galarteta. Et par près de deux cents prêtres, autant de religieuses, une trentaine d'enfants de chœur en soutane rouge et surplis blanc et trois mille fidèles environ, tous plongés dans un abîme de recueillement.
Lenteur, mais aussi détermination tranquille. Dans son homélie de plus d'une demi-heure, Mgr Fellay s'est étonné du «chahut» médiatique entourant le caractère «illégitime», selon le Vatican, de ces ordinations. Il a alors invoqué l'argument de la «nécessité» : «On voit tant d'âmes mourir de soif spirituelle alors que l'on manque de prêtres.» Sans manquer de se féliciter : «Un total de trente ordinations, cette année, pour une petite famille comme la Fraternité, alors que des pays, autrefois catholiques, comme la France et l'Allemagne, n'arrivent même pas à une centaine !»
«Tolérance tacite»
Quant à la situation canonique de la Fraternité, il a eu recours à une image : «Après le décret de levée des excommunications, nous sommes dans une situation intermédiaire qui est forcément imparfaite. Réclamer la perfection canonique me fait penser à un médecin qui demanderait à son patient dont il vient de plâtrer la jambe de courir le 100 mètres !» D'autant, a-t-il ajouté ensuite devant les journalistes, que Rome - avec qui il a des «contacts» - a fait preuve d'une «tolérance tacite» quant à ces ordinations. Il n'a «pas reçu d'ordre explicite» de renoncer. Elles ne sont donc «pas une provocation».
Les discussions doctrinales devraient même démarrer cet automne avec le Vatican. Mgr Fellay se dit «très optimiste», car «le Pape a la volonté d'aboutir». Le motu proprio qui organise ces rencontres devrait être bientôt publié, mais après l'encyclique sociale.
Protégés des médias, et donc peu accessibles, les jeunes prêtres et diacres ordonnés - à qui Mgr Fellay a demandé d'avoir «l'obsession du salut des âmes» et de «contribuer à la restauration de l'Église par la restauration du sacerdoce catholique» - étaient entourés de leurs familles et amis.
Un monde plutôt serein, d'ailleurs. L'affaire Williamson semble loin et les tribulations présentes n'impressionnent pas ce père de famille, venu d'Auvergne pour l'ordination diaconale du troisième de ses douze enfants : «Les oppositions ne nous tracassent pas. Nous sommes habitués. Le Christ est signe de contradiction.»
Louis, un jeune séminariste de 19 ans, apprécie toutefois le nouvel état d'esprit depuis la levée des excommunications : «Je suis heureux que cette étiquette injuste soit tombée. Les gens viennent à nous plus facilement.» Une mère de sept enfants, dont un des diacres ordonnés, se dit « pleine d'espérance » pour parvenir à un accord avec le Vatican. «Cela demandera beaucoup de temps», prévient Mgr Fellay. Ce Suisse n'est décidément pas un homme pressé.