Mémoires de temps de crise : l'apostasie actuelle a des racines profondes
« Sans vouloir soulever de polémique, ce qui n'est pas le but de « Hermas », je trouve qu'il est opportun de répondre au commentaire très juste de « Petitnou » (n°10), qui écrit : « Pour faire une étude complète, il faudra aussi expliquer pourquoi cette folie collective des années 60-70 a pu naître. Ce n'est pas sorti de rien. Il a bien fallu que ça naisse avant ». (Petitnou, commentaire n° 1).
C'est très juste, et il est important de comprendre ce qui s'est passé, sans prétendre que les « bons » sont d'un côté et les « méchants » de l'autre. Les hommes sont les hommes, et sujets à l'erreur, au fanatisme. Mais nous sommes devant un problème unique, à mon sens dans l'Eglise, en raison de son étendue mondiale. Il serait trop long et compliqué de rechercher toutes les racines de cette crise, et je ne m'en sens pas la capacité. Toutefois, un témoignage personnel, du vécu, peut aider à comprendre que nous sommes devant un phénomène qui a des racines profondes et lointaines.
La première chose dont il faut se souvenir c'est que l'Eglise a un ennemi farouche, dont parle le Livre de l'Apocalypse, notamment au chapitre douzième : le Démon, LUCIFER ! Il ne faut pas l'ignorer ni le sous-estimer. Il a même osé tenter le Christ, même jusque sur la Croix. Et, en fondant son Eglise sur Pierre, le Christ Jésus annonce lui-même « Tu es Pierre et cette Pierre je bâtirai mon Eglise. Les portes de l'Enfer ne prévaudront pas contre Elle - portae Inferi non praevalebunt adversus Eam » (Mathieu 16, 18).
Saint Paul, lui-même nous avertit en ces termes : « 2 Timothée, 4
1. Je t'adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus, qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son Apparition et de son Règne :
2. proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d'instruire.
3. Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l'oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité
4.et détourneront l'oreille de la vérité pour se tourner vers les fables.
Dans la Conférence que j'ai citée de S. E. Mgr Bruguès, Secrétaire de la Congrégation pour l'Education Catholique, le prélat déclarait à propos des jeunes qui se présentaient actuellement au séminaire : « Les jeunes qui, se présentent dans nos Maisons de Formation, ne connaissent plus rien ou presque, de la doctrine catholique, de l'histoire de l'Eglise et de ses coutumes ». Et je signalais que cette remarque avait déjà été faite par Mgr Marcel Lefebvre dès 1969. J'avais pu moi-même m'en rendre compte au Petit-Séminaire Sainte-Marie de Meaux en 1966, où j'étais responsable des séminaristes des classes de 2° à Terminales.
Chaque génération de jeunes a été instruite dans la religion par une génération de prêtres, c'est une évidence. Mais cette décadence continue se poursuit, avec, à cause et en raison de cette succession de générations.
Je fais partie de cette génération de prêtres de 1960-1970, ayant été ordonné en 1966. Et je l'ai bien connue au Séminaire Saint-Sulpice, puisque j'y étais un séminariste comme les autres, au milieu des autres. A cette époque déjà, de nombreux séminaristes, qui ont été ordonnés prêtres, et sont devenus curés (s'ils ont persévéré dans leur sacerdoce), j'ose le dire sans les juger, mais en toute objectivité, n'étaient déjà plus catholiques. Je donnerai ci-dessous quelques exemples. Et- pourtant, ce sont eux qui ont été vicaires, curés, chargés de la pastorale et d'enseigner la saine doctrine ; l'Eglise a été et est encore dans leurs mains. Parmi eux, certains sont même devenus Evêques. Ils ont formé ainsi des générations de fidèles, de futurs séminaristes, en leur inculquant leur « propre doctrine » et pas la doctrine de l'Eglise. Eux aussi ils « transmettent ce qu'ils ont reçu », mais pas à la manière de saint Paul, ni ce que saint Paul a reçu.
La génération précédente les a ainsi « formés ».
Si le principal Adversaire de l'Eglise est Lucifer, il ne faut pas oublier qu'il se sert la plupart du temps des hommes pour accomplir son oeuvre. Le Pape saint Pie X avait condamné en son temps le modernisme, et il avait annoncé qu'il reviendrait de manière plus sournoise de l'intérieur de l'Eglise. Il ne faut pas oublier non plus les persécutions qu'a connues et subies l'Eglise, en France notamment : les victimes de la Révolution française sont surtout des prêtres réfractaires, des religieux, des religieuses, des catholiques qui s'adressaient aux prêtres réfractaires. L'Abbesse de l'Abbaye de Bouxières (une des 4 grandes Abbayes de femmes en Lorraine) écrivait au Pape au mois de janvier 1790, que la Révolution était entièrement dirigée contre l'Eglise catholique, et qu'elle et ses religieuses resteraient fidèles à l'Eglise et au Pape. Plusieurs d'entre elles sont mortes sur la guillotine. Il ne faut pas oublier que, en France, il existe un courant anticlérical, laïc, laïcard, dont le mot d'ordre était « à bas la calotte ». La loi de séparation de 1905 a spolié l'Eglise catholique de ses églises, a chassé les religieux et les religieuses de leurs couvents etc.
Une anecdote, que je cite avec fierté et un certain orgueil : dans le petit village d'Arraye, près de Nancy, ma grand-mère paternelle et ses sœurs, aidées de quelques autres femmes du village, ont défendu l'église, avec des fourches, pour empêcher les gendarmes d'y entrer et d'en prendre possession. C'est Papa, âgé alors de 7 ans, qui avait été chargé de les avertir de l'arrivée des gendarmes, en montant la garde sur le haut de la colline.
Et puis, la France connaît une forte minorité protestante, avec laquelle les prêtres enrôlés pendant la deuxième guerre mondiale ont eu des contacts plus « intimes ». On dit aussi qu'il y a la franc-maçonnerie.
Sans oublier un fait peu connu, mais bien réel : les infiltrations d'éléments anticatholiques dans les séminaires. Le Cardinal Primat de Pologne a fait grand scandale dans les années 1960-1965, en révélant l'Affaire « Pax », d'infiltrations communistes dans les séminaires en Pologne, mais aussi dans toute l'Europe. Il savait de quoi il parlait, même si de nombreux Evêques « occidentaux » ne l'ont pas cru et l'ont critiquée violemment.
Cela fait beaucoup de causes secondaires, beaucoup d'influences qui se sont exercées sur les prêtres, sur les futurs prêtres, qui se sont insérées dans la doctrine et dans la morale catholiques.
Inventions ? Suppositions sans fondement ? Comment expliquer que des prêtres en soient arrivés à ne plus croire en la Présence réelle du Christ dans l'Eucharistie ? Qu'il y ait eu des « faux pas » dans la vie de chasteté de certains prêtres, c'est indéniable ! Ce sont des hommes, et combien d'homme mariés se « déplacent-ils » sans que cela soulève l'indignation générale ? Mais voir naître un mouvement puissant pour « le mariage des prêtres », pour « l'ordination sacerdotale des femmes » (« Cela se fait bien chez Protestants, ou chez les Anglicans », entend-on dire fréquemment), ne peut être un phénomène de « génération spontanée » : on peut, et on doit y voir la « griffe » du Malin, qui se sert des hommes pour orchestrer la destruction de l'Eglise, du sacerdoce d'abord, du sacrement de l'Eucharistie, de la consécration du prêtre à Dieu pour se mettre au service de tous !
UN EXEMPLE ! Ma paroisse d'origine a hérité d'un prêtre qui était tout d'abord vicaire à la cathédrale de Toul. L'Archiprêtre de la cathédrale, le Chanoine Forfert, que je connaissais bien, me dit alors : « Je vous souhaite bien du plaisir ; je l'ai eu comme vicaire, et j'ai demandé d'en être libéré : c'est un mélange de communiste et de protestant ! Attention ! C'EST UN MENEUR ! ».
De fait, il a détruit une paroisse qui était un modèle de pratique religieuse (50%, répartie entre le haut et le bas du village). Maman a écrit à l'Evêque de Nancy de l'époque, Mgr Bernard, et à l'Archevêque de Besançon, Mgr Lallier, ancien Evêque de Nancy. Elle a reçu une réponse la remerciant de sa lettre : « Que voulez-vous que nous fassions de Monsieur le curé. Si nous le mettons dans une autre paroisse, il la détruira » ! Ahurissant : quand dans une entreprise quelqu'un ne fonctionne pas du tout, le nomme-t-on Président Directeur Général ? Il est mis à la porte tout simplement.
Le Jeudi Saint 1967, j'étais prêtre depuis un an, j'assistais à la messe « in Cena Domini », la messe du Jeudi-Saint, au cours de laquelle on rappelle l'Institution du sacerdoce et de l'Eucharistie, et le Lavement des pieds.
Dans l'homélie, commentaire de la Lettre de saint Paul aux Corinthiens, rappelant ce qu'il avait lui-même reçu à propos de l'Institution de l'Eucharistie : le curé, déclara, entres autres choses (j'abrège !) : « Il ne dépend pas du prêtre qui dit "ceci est mon corps, ceci est mon sang" qu'il y ait l'eucharistie : cela dépend de la foi ou de la charité du fidèle. Si quelqu'un n'a pas la charité, et qu'il vient communier, il ne reçoit pas le corps du Christ ». Et d'ajouter, à propos de la sainte Réserve, conservée dans le Tabernacle : « Le tabernacle contient seulement du pain, le 'viatique', une nourriture spirituelle pour ceux qui sont sur le point de faire le grand voyage. Et de même que vous ne faites pas de génuflexion devant un frigidaire, parce que c'est un garde-manger, vous ne devez pas faire de génuflexion devant le tabernacle car c'est un garde-manger ».
« Monsieur le Curé, vous êtes hérétique, vous n'êtes plus catholique ! » Je n'avais pu me taire, et l'avais interrompu. Après la messe, la discussion fut animée. Il reprit le même commentaire pendant l'Heure Sainte de 23 heures à minuit (car il était prudent, et maintenait certaines pratiques pour ne pas choquer les fidèles... Le « meneur » habile dont parlait le Chanoine Forfert). La discussion qui suivit dura jusque 2 heures 15, dehors, sous un vent glacial. Je l'ai poussé dans ses derniers retranchements, sur des questions précises : il ne croyait pas à la Virginité de Marie, à l'Infaillibilité pontificale, à la nécessité de la chasteté pour le prêtre, à l'enfer, à la nécessité du prêtre dans l'Eglise etc. : « Heureusement le nombre des prêtres diminue. L'Eglise va enfin retrouver ainsi le 'sacerdoce commun des fidèles' : chaque fidèle est prêtre par son Baptême. Et tu verras, me dit-il avec force, et insistance : sous peu, chaque prêtre célébrera l'eucharistie chez lui au cours du repas, comme l'a fait Christ (les protestants disent « Christ, et non pas « le Christ ») ET POUR PREPARER CETTE ETAPE IMPORTANTE, NOUS ALLONS INTRODUIRE LA COMMUNION DANS LA MAIN ».
« NOUS ALLONS » : NOUS : c'était un aveu ! Je le lui avais fait dire. Et j'ajoutais, en conclusion « ALORS, MONSIEUR LE CURE NOUS N'aurons plus la même religion ! NOUS NE L'AVONS DEJA PLUS ! ».
La distribution de la communion dans la main, qui avait commencé sans permission, illégalement à Fontainebleau, sera officiellement permise trois ans plus tard environ, comme « droit » des fidèles et non pas comme « indult », comme dut le rappeler le Pape Benoît XVI, bien plus tard, par l'intermédiaire de Mgr Guido Marini, son Maître des Cérémonies.
UNE AUTRE EXEMPLE ? Nous sommes au mois de mars 1969, dans le petit village de Velaines, près de Ligny-en-Barrois. Ma famille est moi-même étions venus pour les funérailles d'un cousin de Papa, un « dur » de la Guerre de 1914, blessé de guerre, et bon catholique.
La Messe était célébrée par le curé, en présence du Doyen. J'étais au premier rang, du côté des hommes, après Papa et mon frère. Une messe curieuse, pleine de surprises. Première lecture : j'entends lire un long texte, que je croyais être une introduction ; on y parlait de « cercueil » ! Curieux. Puis la finale : « Parole du Seigneur ». C'était la Lecture ! La Prière Eucharistique (le Canon Romain) avait introduit des prières que je ne connaissais pas. Je commençais à m'agiter. Mais, les Paroles de la Consécration étaient celles prescrites par la Liturgie.
Après la distribution de la sainte Communion, le prêtre remonte à l'autel, ferme le ciboire qui restait sur l'autel, met le voile sur le calice, sans faire les ablutions et s'apprête à terminer la messe. Je passe devant mon frère, devant Papa, et, en soutane je monte à l'autel, et dit au prêtre à voix haute : « Vous allez remettre le ciboire dans la Tabernacle, et purifier le Calice ». Sans un mot, il prend l'un et l'autre et se dirige vers la sacristie !
Une seconde d'hésitation de ma part, et je le suis : quand j'arrive, il est en train d'ouvrir un tiroir rempli d'hosties non consacrées, et s'apprête à verser le ciboire dans ce tiroir. Une sainte colère fondit sur moi : je le saisis par les épaules en lui disant (que le Seigneur me pardonne et que le lecteur m'excuse) : « Si vous ne reportez le ciboire dans la tabernacle, je vous casse la gueule ! » (Et je l'aurais fait). Je l'ai traîné en le tirant pas l'épaule dans le choeur de l'église, devant toute l'assistance, et l'ai obligé à remettre le ciboire dans le tabernacle. J'avais pris en passant le calice, que j'ai purifié. C'était vraiment le cas de le dire : calice d'une saleté repoussante, plein de vert de gris ! Quelle horreur !
Mais ce n'était pas fini : au cimetière, le Doyen s'approche de moi et me dit : JE NE COMPRENDS PAS VOTRE INTERVENTION INADMISSIBLE, CAR TOUT LE MONDE SAIT BIEN QUE, APRES LA MESSE IL N'Y A PLUS DE PRESENCE RELLE ».
Mon frère m'a ceinturé les bras, par prudence.
ENCORE QUELQUES EXEMPLES !
Nous nous étonnons que les prêtres ne savent presque plus rien. Savez-vous qu'à Saint-Sulpice, il est des traités de théologie que nous n'avons jamais étudiés : celui concernant la Vierge Marie, la Mariologie (A Saint-Sulpice ! Monsieur Ollier doit se retourner dans sa tombe) ; le traité sur les fins dernières (ciel, purgatoire et enfer).
Pourquoi d'ailleurs faire ce traité : le Père Congar n'a-t-il pas déclaré devant nous tous, jeunes prêtres, que l'enfer n'existait pas, que l'enfer c'était la vie sur cette terre, et que l'on en sortait quand on mourait, et que l'on entrait alors dans la Maison du Père. Et d'ajouter : « d'ailleurs, si l'enfer existait, il serait vide, Dieu est tellement bon ! » (avec un sourire béat !). Parole du P. Congar.
Le traité de morale s'est borné à étudier les trois vertus théologales ; Foi, Espérance et Charité ! Le traité sur le mariage ? Le professeur a demandé aux élèves : « Comment voulez-vous que nous étudions ce traité : d'une manière théologique, ou pastorale ? ». On est passé aux voix : 25 pour une manière pastorale et 24 pour une manière théologique. Pendant quatre mois, nous avons entendu parler de tous les moyens de contraception connus alors, avec leurs avantages, et leurs inconvénients, le tout exposé par des médecins et des couples mariés.
Un jour, je suis allé chez mon Directeur de conscience, hors de moi et je lui ai dit : « Mon Père, cela suffit : je puis vous dire tout ce qu'il faut faire pour avoir un enfant, ou plutôt pour ne pas en avoir, mais je ne puis vous dire ce qu'est le mariage. Pas une seul fois je n'ai entendu parler de la doctrine de l'Eglise ni du Concile de Trente ! ».
Durant mes trois années de théologie à Saint-Sulpice j'ai entendu tellement de choses effarantes, que j'ai pris quelques notes ! Je garantis la vérité de ce que j'écris, car je l'ai entendu affirmer par des séminaristes qui sont devenus prêtres. Je demande au lecteur de bien vouloir excuser ma « fidélité » à retransmettre certaines paroles. J'ai enlevé les noms, bien sûr ! Par délicatesse et par charité : Veritas in Caritate ! La Vérité dans la charité.
Jeudi 11 mars 1965 (retraite d'ordination pour de futurs Diacres) : « Ce qui m'ennuie le plus dans le diaconat, c'est le baptême, car cela va contre ma théologie : par exemple, les exorcismes. Je les ferai parce qu'il faut les faire, mais ce sera du théâtre car je ne crois pas au Démon. Il n'existe pas ; et même s'il existait, il n'habiterait pas chez un enfant non baptisé ».
Le 12 mars 1965 (le même, à propos des nouveaux rites de la réforme de la messe, de 1965) : « Pour l'instant, nous n'avons pas les emmerdements de dire la messe. Apprendre à dire la Messe de différentes façons ! J'en apprendrai une seule, et puis, je ne célébrerai que le dimanche et de temps à autre si des gens le demandent ; mais jamais de messes privées. »
Le 15 mars 1965 : (diacre depuis quelques jours) : Je suis en train de lire un livre orthodoxe sur le mariage et la chasteté. En le lisant, j'ai compris que depuis XX siècles l'Eglise imposait à ses prêtres une chose contre nature, le célibat des prêtres. Cela ne tient pas debout et ne ressemble à rien. Il faut en terminer avec cette mentalité qui voit dans tout acte charnel un péché et un empêchement pour prier Dieu et le servir. On dit, et c'est le Pontifical qui le dit : il faut être pur pour approcher de l'autel : Comme si le mariage souillait ! Il est grand temps que l'Eglise comprenne son erreur. L'Eglise a fait des relations charnelles un péché, mortel dans certains cas ! »
(Un tiers intervient : « Moi, de toute façon, je ne crois pas au péché mortel car il faut trois conditions pour qu'il soit réalisé, dont l'usage de la liberté. Nous ne sommes pas libres, et donc nous ne pouvons pas commettre de péché mortel »
(Moi : « si on parle de péché, il faut au moins penser au péché de Satan ! »
« A la rigueur, si tu crois à Satan. Mais Satan existe-t-il ? Je n'y crois pas quant à moi ! »
(Moi : « mais il y aussi le péché des Anges déchus ! »
« Alors là, laisse-moi rigoler, à la rigueur pour Satan, mais dire que les Anges existent, c'est du folklore ! »
(Moi : il y a aussi le péché d'Adam, qui lui, au moins n'était pas encore diminué par le mal !
« C'est vrai, mais le problème est de savoir si Adam a existé ! Non, tu vois, on ne peut pas penser sérieusement, avec les découvertes de la science moderne, qu'il n'y a eu qu'un seul couple à l'origine. Cela ne fait pas sérieux ! Tu crois au péché mortel, toi ? Moi, je n'y crois pas ; c'est une manière commode pour expliquer le mal dans le monde, une sorte de mythe.
« Note bien qu'en disant cela je suis conscient d'avoir contre moi 90% des théologiens »
(Moi : « dans ce cas, t'es-tu posé la question de savoir qui se trompait ? »
« Cela ne fait aucun doute : c'est moi qui ai raison, car les dogmes évoluent suivant les découvertes et les modes nouveaux de pensée. Je suis persuadé que, dans quelques années 90% auront évolué et penseront comme moi. La preuve en est le cas de Galilée ! C'est bien pourquoi je pense que l'Eglise, d'ici peu, rejettera la chasteté comme absurde, pour en revenir à une saine et objective théologie du mariage. On y vient doucement ; il n'y a qu'à regarder au Concile. Prenons un autre exemple, la limitation des naissances ; la pilule contraceptive est maintenant conseillée par de plus en plus de prêtres. Pour ma part, je n'hésiterais pas à la conseiller ! »
9 mars 1965 : « Moi, de toute façon, je ne crois pas à la Vierge. Regardez Fatima, par exemple, ce n'est pas de foi, ni Lourdes. »
Moi : « oui, mais l'Eglise les a reconnues comme dignes de foi ».
« Elle en est bien revenue depuis. Pour Fatima, par exemple, le Secret devait être ouvert en 1969. On n'a rien vu jusqu'à présent ! La raison en est que le pape l'a ouvert, et c'est certain, mais quand il a vu les conneries qui s'y trouvaient racontées, il a préféré le garder pour lui, pour ne pas ridiculiser l'Eglise. »
2° dimanche d'octobre 1964
(Dans le courant de la conversation) : « Je ne crois que ce qui est dans l'Ecriture. La dévotion au Sacré-Cœur ? Tu rigoles ! Tu trouves dans le Nouveau testament qu'on doit adorer le cœur de Jésus ? Pourquoi pas ses pieds [suivent quelques blasphèmes que l'on épargnera au lecteur] ? »
Je protestais vivement contre ces blasphèmes
« Il n'y a pas de blasphème là-dedans : Marie et Joseph étaient mariés. Quand on est mariés, qu'est-ce qu'on fait. On couche ensemble. Et puis, pour que leur mariage soit valide, il faut bien qu'ils aient consommé leur union. Tout le monde se doute bien qu'ils ont dû avoir des rapports sexuels après la naissance de Jésus ; un homme n'aurait pas pu vivre à côté d'une femme sans rien faire. D'ailleurs s Dieu a permis que Jésus naisse sans enlever la virginité de Marie, il a bien pu la conserver quand ils ont couché ensemble. Si Jésus est passé par là, cela a pu être pareil pour le reste. De toute façon, il faut comprendre la virginité non pas dans un sens physique, c'est une virginité du cœur, et je n'ai pas hésité une seconde à enseigner cela au catéchisme. Et pour nous, c'est la même chose : notre chasteté est une chasteté du cœur, c'est normal. D'ailleurs pour tout dire, il y a belle lurette que ne suis plus puceau. »
Dans la même conversation, le même a nié l'Enfer, le Purgatoire, le péché originel, Satan, les Anges etc.
Début 1965 : (à table)
« La virginité de Marie avant, pendant et après ? Avant ? À la rigueur, mais pendant et après, c'est impossible ; d'ailleurs ce n'est pas de foi. »
24 mars 1965 : fête de Sant Gabriel : quel Ange est apparu à saint Joseph : « Pour moi, les Anges n'existent pas ; c'est donc que Joseph avait bu un coup de trop et qu'il avait cru voir un ange »
Mai 1964 : Sortie d'année à Fontainebleau : S'adressant à moi : « Tu ne vas tout de même pas venir en soutane. En tout cas, on ne te veut pas si tu ne viens pas en civil ! »
Novembre 1963 (un séminariste d'un milieu très bourgeois) : « la soutane est un habit bourgeois qui nous empêche d'aller chez les ouvriers. Quand l'ouvrier nous voit avec, il sait qui nous sommes et cela lui donne un complexe d'infériorité, car il sait que nous sommes plus intelligents que lui. C'est comme un mur qui nous sépare ; tandis qu'avec l'habit civil, on st de son milieu, la glace est rompue. »
Octobre 1964 (un jeune prêtre) : « Il faut éduquer les chrétiens. Ils viennent nous casser les pieds en confession : j'ai juré, j'ai mangé gras le vendredi, j'ai dit des paroles grossières, j'ai trompé ma femme... La barbe avec ces broutilles ! »
Conclusion par le Cardinal Thiandoum (ancien Archevêque de Dakar, successeur de Mgr Marcel Lefebvre pour qui il avait une affection profonde), et à qui j'avais montré ces textes lors de l'un des passages à Ecône :
« En lisant les extraits de ces conversation, j'ai eu des sentiments de :
Stupéfaction
D'indignation
Et aussi de peur : les diseurs de telles monstruosités sont-ils devenus prêtres ?
Dans tous les cas, tout se paie : « qui sème du vent récolte le tempête ! » Et c'est vrai aussi dans l'Eglise.
Mais c'est autrement plus grave quand il s'agit des âmes.
Avec l'assurance de ma prière fidèle et la joie de vous avoir rencontré.
21-IX-1971 + Thiandoum, Archevêque de Dakar
CONCLUSION
Comme je l'ai dit plus haut « Veritas in Caritate » : la Vérité dans la Charité.
Je n'ai rien écrit de tout cela pour susciter le scandale ou l'indignation.
Mais bien plutôt la pitié : « J'ai pitié de cette foule », disait Jésus !
Gardons-nous bien d'une réaction violente, d'un jugement sans appel.
Celui qui n'a jamais péché, qu'il jette le premier sa pierre.
Ce qui a été rapporté ici est pour aider à comprendre combien le mal est profond.
Combien Lucifer fait tout pour détruire le sacerdoce.
Pour détruire l'Eglise de Jésus-Christ.
Nous avons une certitude : les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle.
Alors ne jugeons pas.
Gardons-nous bien de juger.
Prions !
Prions pour les prêtres,
Pour leur sanctification,
Pour leur fidélité au Christ et à son Eglise,
Prions pour les prêtres qui sont tombés ou qui se sont égarés,
Et que celui qui est debout prenne garde de tomber lui aussi,
Suivons l'invitation du Saint-Père, le Pape Benoît XVI, en cette Année Sacerdotale placée sous le patronage du Saint Curé d'Ars.
Monseigneur Jacques Masson