SOURCE - Le Matin Dimanche - Christine Salvadé - 17 juillet 2010
Le chanoine Yannick-Marie Escher est né il y a 36 ans à Sion. Il est arrivé à Saint-Maurice après un apprentissage de commerce.
L'abbé Yannick-Marie Escher, 36 ans, a quitté l'Abbaye de Saint-Maurice pour rejoindre Ecône. Il a laissé une lettre de cinq pages à son supérieur, a pris ses livres, désactivé téléphone portable et adresses e-mail, et s'est enfui. Il est actuellement dans un lieu de retraite tenu secret. Peu avant son départ, il avait informé des étudiants dont il était proche. A Saint-Maurice, c'est le choc.
Le soir du 29 juin, Mgr Joseph Roduit a reçu l'un des coups les plus violents de sa longue vie à l'Abbaye de Saint-Maurice. Sur la table de son bureau, le père abbé a trouvé une lettre de cinq pages signée d'un des trois chanoines qui enseignent au collège, l'abbé Yannick-Marie Escher, 36 ans. Le professeur de français et de religion lui signifiait qu'il avait quitté l'Eglise traditionnelle pour rejoindre Ecône: «A l'heure où vous lirez ces lignes, je serai parti.» Quelques jours auparavant, le 7 juin, il avait signé dans le plus grand secret son entrée dans la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.
Une fugue! Yannick-Marie Escher a soigneusement vidé son bureau, pris les livres, le téléphone portable et quelques affaires. Il a écrit la lettre, envoyé une copie par la poste à chacun de ses quarante-quatre confrères et s'est retiré dans un lieu tenu secret. Quelques jours avant, il avait désactivé son portable et ses adresses e-mail.
«C'est la consternation, raconte Mgr Roduit. Il n'en a pas parlé à ses collègues ni à son directeur de conscience. Il n'a suivi que sa propre conscience.» Le père abbé se retient d'utiliser le mot de «trahison», il veut qu'on respecte la souffrance de la communauté et celle du chanoine qui a fait défection. Mais le sentiment est là. Quand Yannick-Marie Escher est arrivé à l'abbaye, il n'avait fait qu'un apprentissage de commerce. «On lui a donné la possibilité de faire une maturité et une licence en théologie. Quand il est entré au collège comme professeur, on lui a confié énormément de responsabilités. Ce départ, c'est comme quelqu'un qui part sans payer...» Lorsqu'on évoque la défection d'un autre chanoine, qui est devenu bonze il y a quarante ans, monseigneur sourit. Cette fois-ci, ça n'a rien à voir: Ecône renie Vatican II, estime que les papes font fausse route. Entrer à Ecône, c'est changer de confession, renier ses voeux. C'est grave, on ne pouvait pas lui faire plus mal.
Ce que le père abbé redoute le plus, c'est la trace que cet événement va laisser chez les étudiants. Yannick-Marie Escher était un des chanoines qui avaient le plus de contacts avec les 1200 jeunes du collège. On lui avait confié l'aumônerie, un lieu récemment agrandi, où les étudiants venaient parler, lire, regarder des films. Il savait aider ceux qui connaissaient des problèmes scolaires ou familiaux, adorait parler de séries télé. «Il était dynamique et il avait de l'humour», se souvient Valentine, présidente de l'Agaunia, la société d'étudiants qui anime actuellement un camp de vacances où le chanoine Escher aurait dû venir dire la messe dimanche dernier. On a envoyé un remplaçant, sans explication.
Mais que s'est-il vraiment passé? Mgr Roduit ne veut pas dévoiler le contenu de la lettre. Il a rapidement communiqué l'information pour qu'on n'imagine pas «une histoire de pédophilie» ou un amour caché.
Quelques jours avant de fuir, Yannick-Marie Escher s'était confié à deux ou trois étudiants dont il était devenu très proche. «Il m'a lu la lettre dans son bureau, dit Simon*. Yannick, ça a été un prof, puis un proche, et c'est devenu un ami. Il a fait de moi un catholique. Je peux vous assurer que son choix est spirituel, il ne faut pas aller chercher autre chose. C'est une question de fond, il voulait vivre son sacerdoce d'une manière plus authentique, plus conservatrice. Ce n'est qu'une réorientation professionnelle, ça pourrait arriver à un maçon!»
Simon relativise le changement de cap du chanoine
Escher: «Les différences entre Ecône et l'Eglise catholique tendent à disparaître. Ce n'est pas parce qu'on passe à Ecône qu'il faut en faire un «Infrarouge!» dit-il. Yannick-Marie Escher a promis de garder contact avec certains étudiants. Ce que Mgr Roduit voudrait absolument éviter. «En choisissant de se confier aux enfants, il a parlé aux plus faibles et à ceux qu'il pouvait dominer, sans réfléchir aux conséquences désastreuses», déplore le père abbé. Dans sa lettre, Yannick-Marie Escher avouerait avoir déjà hésité entre Ecône et Saint-Maurice au moment où il est entré à l'abbaye. «Il jugeait que nous n'étions pas assez pieux, pas assez prêtres, nous avions des discussions-là dessus, mais jamais auparavant il ne m'a fait part de son admiration pour Mgr Lefebvre.»
Pour fuir sa vie de chanoine, Yannick-Marie Escher a consciencieusement choisi la date de la Saint-Pierre et Saint-Paul, le jour où les prêtres prononcent leurs voeux. Ce jour-là, neuf prêtres étaient ordonnés à Ecône. «Celui qui fait un pas aussi radical doit avoir de forts arguments», observe un abbé catholique de Fribourg.
*Prénom d'emprunt
Le chanoine Yannick-Marie Escher est né il y a 36 ans à Sion. Il est arrivé à Saint-Maurice après un apprentissage de commerce.
L'abbé Yannick-Marie Escher, 36 ans, a quitté l'Abbaye de Saint-Maurice pour rejoindre Ecône. Il a laissé une lettre de cinq pages à son supérieur, a pris ses livres, désactivé téléphone portable et adresses e-mail, et s'est enfui. Il est actuellement dans un lieu de retraite tenu secret. Peu avant son départ, il avait informé des étudiants dont il était proche. A Saint-Maurice, c'est le choc.
Le soir du 29 juin, Mgr Joseph Roduit a reçu l'un des coups les plus violents de sa longue vie à l'Abbaye de Saint-Maurice. Sur la table de son bureau, le père abbé a trouvé une lettre de cinq pages signée d'un des trois chanoines qui enseignent au collège, l'abbé Yannick-Marie Escher, 36 ans. Le professeur de français et de religion lui signifiait qu'il avait quitté l'Eglise traditionnelle pour rejoindre Ecône: «A l'heure où vous lirez ces lignes, je serai parti.» Quelques jours auparavant, le 7 juin, il avait signé dans le plus grand secret son entrée dans la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.
Une fugue! Yannick-Marie Escher a soigneusement vidé son bureau, pris les livres, le téléphone portable et quelques affaires. Il a écrit la lettre, envoyé une copie par la poste à chacun de ses quarante-quatre confrères et s'est retiré dans un lieu tenu secret. Quelques jours avant, il avait désactivé son portable et ses adresses e-mail.
«C'est la consternation, raconte Mgr Roduit. Il n'en a pas parlé à ses collègues ni à son directeur de conscience. Il n'a suivi que sa propre conscience.» Le père abbé se retient d'utiliser le mot de «trahison», il veut qu'on respecte la souffrance de la communauté et celle du chanoine qui a fait défection. Mais le sentiment est là. Quand Yannick-Marie Escher est arrivé à l'abbaye, il n'avait fait qu'un apprentissage de commerce. «On lui a donné la possibilité de faire une maturité et une licence en théologie. Quand il est entré au collège comme professeur, on lui a confié énormément de responsabilités. Ce départ, c'est comme quelqu'un qui part sans payer...» Lorsqu'on évoque la défection d'un autre chanoine, qui est devenu bonze il y a quarante ans, monseigneur sourit. Cette fois-ci, ça n'a rien à voir: Ecône renie Vatican II, estime que les papes font fausse route. Entrer à Ecône, c'est changer de confession, renier ses voeux. C'est grave, on ne pouvait pas lui faire plus mal.
Ce que le père abbé redoute le plus, c'est la trace que cet événement va laisser chez les étudiants. Yannick-Marie Escher était un des chanoines qui avaient le plus de contacts avec les 1200 jeunes du collège. On lui avait confié l'aumônerie, un lieu récemment agrandi, où les étudiants venaient parler, lire, regarder des films. Il savait aider ceux qui connaissaient des problèmes scolaires ou familiaux, adorait parler de séries télé. «Il était dynamique et il avait de l'humour», se souvient Valentine, présidente de l'Agaunia, la société d'étudiants qui anime actuellement un camp de vacances où le chanoine Escher aurait dû venir dire la messe dimanche dernier. On a envoyé un remplaçant, sans explication.
Mais que s'est-il vraiment passé? Mgr Roduit ne veut pas dévoiler le contenu de la lettre. Il a rapidement communiqué l'information pour qu'on n'imagine pas «une histoire de pédophilie» ou un amour caché.
Quelques jours avant de fuir, Yannick-Marie Escher s'était confié à deux ou trois étudiants dont il était devenu très proche. «Il m'a lu la lettre dans son bureau, dit Simon*. Yannick, ça a été un prof, puis un proche, et c'est devenu un ami. Il a fait de moi un catholique. Je peux vous assurer que son choix est spirituel, il ne faut pas aller chercher autre chose. C'est une question de fond, il voulait vivre son sacerdoce d'une manière plus authentique, plus conservatrice. Ce n'est qu'une réorientation professionnelle, ça pourrait arriver à un maçon!»
Simon relativise le changement de cap du chanoine
Escher: «Les différences entre Ecône et l'Eglise catholique tendent à disparaître. Ce n'est pas parce qu'on passe à Ecône qu'il faut en faire un «Infrarouge!» dit-il. Yannick-Marie Escher a promis de garder contact avec certains étudiants. Ce que Mgr Roduit voudrait absolument éviter. «En choisissant de se confier aux enfants, il a parlé aux plus faibles et à ceux qu'il pouvait dominer, sans réfléchir aux conséquences désastreuses», déplore le père abbé. Dans sa lettre, Yannick-Marie Escher avouerait avoir déjà hésité entre Ecône et Saint-Maurice au moment où il est entré à l'abbaye. «Il jugeait que nous n'étions pas assez pieux, pas assez prêtres, nous avions des discussions-là dessus, mais jamais auparavant il ne m'a fait part de son admiration pour Mgr Lefebvre.»
Pour fuir sa vie de chanoine, Yannick-Marie Escher a consciencieusement choisi la date de la Saint-Pierre et Saint-Paul, le jour où les prêtres prononcent leurs voeux. Ce jour-là, neuf prêtres étaient ordonnés à Ecône. «Celui qui fait un pas aussi radical doit avoir de forts arguments», observe un abbé catholique de Fribourg.
*Prénom d'emprunt