SOURCE - Abbé Barthe - Propos recueillis par Daniel Hamiche - Monde et Vie n°832 - 20 septembre 2010
L’abbé Barthe vient de lancer une petite bombe qui s’appelle, sans précautions inutiles, « la messe à l’endroit ». On sait que c’est l’écrivain Paul Claudel qui dans Le Figaro littéraire, dès 1955, avait écrit « la messe à l’envers », un article tonitruant pour stigmatiser ce qui à l’époque n’était qu’expériences liturgiques… Eh bien! Aujourd’hui l’abbé Barthe veut « remettre la messe à l’endroit ». Et il estime qu’il s’appuie sur un large courant, que l’on désigne dans l’Eglise comme le courant de « la réforme de la réforme ». Explications.
1. Votre dernier opus(1), nous prend un peu à contre-pied, car on vous connaît comme un défenseur pertinent de la Messe traditionnelle, et voici que vous vous préoccupez de la Messe dite « de Paul VI ». Pourquoi cet intérêt de votre part?
La participation à la défense de l’une n’a jamais empêché pour moi, au contraire, la préoccupation concernant la transmutation de l’autre, celle de Paul VI. En 1997, 20 ans avant le Motu Proprio, j’avais publié un livre d’entretiens, Reconstruire la liturgie. Entretiens sur l’état de la liturgie dans les paroisses (2), dont le thème était exactement celui de ce Carnet. Il est clair que le Motu Proprio de 2007 a dynamisé ce propos. Lequel consiste à remarquer que les deux critiques parallèles des mutations opérées sous Paul VI, à savoir la critique frontale qui veut promouvoir une large diffusion de la liturgie antérieure, dite de Saint Pie-V, et la critique réformiste, dite de réforme de la réforme, qui veut opérer une mutation de l’intérieur de la liturgie de Paul VI, ont plus que jamais partie liée. Le projet de réforme de la réforme ne peut se réaliser sans la colonne vertébrale que constitue la célébration la plus large possible selon le missel traditionnel ; cette dernière ne peut espérer se réinsérer massivement dans les paroisses ordinaires sans la recréation d’un milieu vital opéré par la réforme de la réforme.
2. Les intégristes de la « forme extraordinaire » pensent que le Missel de Paul VI n’est pas sauvable et qu’il faudrait s’en défaire, alors que vous pensez qu’il est réformable et même qu’on peut « l’enrichir ». Comment?
Je pense d’abord qu’il est totalement irréaliste de croire que l’on peut d’un coup de baguette faire que dans toutes les paroisses du monde toutes les messes soient célébrées selon l’usage ancien. En revanche, je constate – avec bien d’autres, dont les principaux sont fort haut placés – que le missel de Paul VI contient une presque infinie possibilité d’options, d’adaptations et d’interprétations, et qu’un choix progressif, ou systématique, ou systématiquement progressif, des possibilités traditionnelles qu’il offre, rend possible, sur le terrain paroissial, et tout à fait légalement (selon la lettre de la loi, sinon selon son esprit), sa “re-traditionalisation”. C’est d’ailleurs une simple constatation : de nombreux prêtres de paroisses (j’en ai en déjà dressé une liste rapide pour la France, que je me garderai bien de publier, mais qui est impressionnante) pratiquent cette réforme de la réforme, souvent par étapes, et dans la très grande majorité des cas en célébrant aussi la messe traditionnelle. Pour répondre donc à votre question, je dirais que je crois que la liturgie romaine peut être sauvée, ce qui passe, comme on peut le constater concrètement, par une action à deux vitesses : diffusion du rite Saint-Pie V; réforme de la réforme. Celle-ci permettra, en glosant un célèbre discours de Paul VI à contre-pied, d’abandonner progressivement tout ce qui dans sa réforme est déjà vieux, démodé, parce que non traditionnel. Nous verrons bien ce qui sera sauvé après cette opération…
3. Vous nous faites découvrir un pan assez méconnu de l’histoire liturgique de ces quarante dernières années. Alors que les partisans de l’ancienne Messe ne se souciaient guère de réformer le nouveau Missel, des adeptes “modérés” de ce dernier, un courant très minoritaire il est vrai, n’ont de cesse d’en proposer la réforme. Pourriez-vous nous retracer brièvement cette position?
C'est l’histoire de ce que l’on pourrait nommer la critique réformiste du nouveau missel. Brièvement, et pour ne parler que de la France, on peut rappeler qu’un théologien comme Louis Bouyer, qui avait participé activement à la réforme conciliaire, est très vite entré en opposition avec un certain nombre de ses aspects (le sens de la célébration). L’abbaye de Solesmes et à divers degrés certaines de ses filles ont accepté la réforme mais avec le tout latin et le tout grégorien. La Communauté Saint-Martin, de Mgr Guérin, opta aussi pour le missel de Paul VI, mais selon une interprétation très traditionalisante. Mgr Maxime Charles, recteur de la Basilique de Montmartre, et ensuite l’abbé Michel Gitton, un temps curé de Saint-Germain l’Auxerrois à Paris, son principal héritier spirituel, ont eu pour ligne la préservation de ce qui paraissait pouvoir l’être au milieu des ruines. Et surtout, il y a eu le phénomène Ratzinger. Déjà, en 1966, Joseph Ratzinger était intervenu de manière très sévère au Katholikentag de Bamberg à propos de la réforme en cours. Le combat contre ce qu’il pense être un « faux esprit du Concile » est devenu pour ainsi dire substantiel à celui qui est devenu Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, en 1981, puis pape en 2005. Or, en matière de liturgie, Joseph Ratzinger allait beaucoup plus loin que les autres réformistes. On sait aujourd’hui qu’il avait organisé à Rome une réunion cardinalice, le 16 novembre 1982, au « sujet des questions liturgiques », obtenant que tous les Préfets de Congrégations présents à la réunion affirment que le missel romain « ancien » devait être « admis par le Saint Siège dans toute l’Église pour les messes célébrées en langue latine ». En 1982 : un quart de siècle exactement avant le Motu Proprio Summorum Pontificum.
4. Votre ouvrage est sous-titré « Un nouveau mouvement liturgique ». Est-ce un voeu pieux ou le constat qu’autour de Benoît XVI, qui semble être le fer de lance de cette « réforme de la réforme », se constitue un groupe influent de prélats et de clercs qui entendent bien, sinon la mener à bout incessamment, au moins la lancer pour de bon?
Justement, s’appuyant sur les ouvrages de Joseph Ratzinger (Entretien sur la foi ; Ma vie; L’Esprit de la liturgie; Un chant nouveau pour le Seigneur, La célébration de la foi) et s’autorisant d’eux, une nouvelle génération de théologiens, d’historiens du culte divin, de responsables souvent de haut niveau, s’est constituée. Ils forment aujourd’hui le milieu des penseurs de la réforme de la réforme – un « nouveau mouvement liturgique », comme le Pape aime à dire – et des soutiens du Motu Proprio.
Ceci dit, aucun d’entre eux – et spécialement pas le premier d’entre eux, le Pape – n’entendent promouvoir une réforme de la réforme par des textes, par des décrets, et a fortiori par l’édition d’un nouveau missel fusionnel, un missel Benoît XVI qui s’ajouterait aux missels Pie V et Paul VI, mais ils veulent procéder par l’exemple, l’exhortation, l’éducation, et surtout, pour évoquer le thème de saint Paul dans l’épître aux Romains, en provoquant une saine «jalousie» de la forme dite aujourd’hui «ordinaire» vis-à-vis de la forme dite «extraordinaire». C’est au reste une caractéristique de la restauration ratzinguérienne depuis 1985 : elle cherche à infléchir le cours des choses conciliaires, mais de manière exhortative et non pas coercitive. C’est ainsi. La réforme de la réforme existe déjà dans un grand nombre de paroisses. Il suffit donc de l’encourager, de l’étendre et surtout de la faire passer au niveau diocésain. Il conviendrait qu’au lieu d’être seulement le fait des curés à la base et du Pape au sommet, elle soit mise en oeuvre par les évêques. Imaginez l’effet prodigieux de restauration, non seulement liturgique mais de tout ce qui va avec la liturgie, vocations, doctrine, catéchismes, renouveau de la pratique, que produirait le fait qu’un évêque, puis deux, puis trois…, retournent l’autel de leur cathédrale, y rétablissent la communion à genoux, y réintroduisent le latin et le grégorien, y fassent régulièrement célébrer la messe traditionnelle. J’insiste : ce projet de réforme de la réforme ne peut se réaliser sans la célébration la plus large possible selon le missel traditionnel ; et inversement, celle-ci a besoin pour exister dans les paroisses ordinaires d’un état d’esprit de retour aux sources traditionnelles représenté par la réforme de la réforme.
Les hauts responsables favorables à ce « nouveau mouvement liturgique » évoquent aussi volontiers: la diminution du nombre des concélébrants et même celui des concélébrations ; la réduction du nombre des prières eucharistiques, dont la variété « révèle une situation préoccupante, d’autant plus que leur qualité et leur convenance théologique sont parfois à la limite du supportable » 3 ; la réintroduction des éléments de la messe traditionnelle dans les multiples « trous » rituels de la forme de Paul VI (génuflexions, baisers à l’autel, très antiques signes de croix du canon); le remplacement des messes rassemblant des masses énormes de fidèles, où le culte devient une manifestation, certes d’intention pieuse mais fort peu liturgique, par des Heures Saintes, des bénédictions du Saint-Sacrement; la restitution d’un signe de paix comme action sacrée et non un signe de civilité bourgeoise ; etc. ; etc.
Ce Carnet m’attire d’ailleurs de nombreuses réactions favorables de prêtres. Toutes les idées rectificatives sont bonnes pourvu qu’on les mette en oeuvre et qu’elles ne restent pas des voeux pieux. Elles émanent massivement de pasteurs qui, sur le terrain paroissial, sont devenus bi-formalistes. 40 ans après ce bouleversement sans précédent dans l’histoire du rite romain qu’a été la réforme de Paul VI, et au milieu des ruines d’une sécularisation du monde catholique qu’elle n’a pas – au minimum – empêchée, il est patent qu’existe un climat de « retour », encore minoritaire, mais qui ne demande qu’à grossir. Bien entendu, la liturgie n’est qu’un de ses aspects, mais, par la nature de ce qu’est la liturgie, c’est un aspect très significatif.
Propos recueillis par Daniel Hamiche
1. Claude Barthe, La Messe à l’endroit. Un Nouveau mouvement liturgique, coll. Hora Decima, Éditions de L’Homme Nouveau, 102 p., 9€.
2. François-Xavier de Guibert.
3. Cardinal Ratzinger, La célébration de la foi, Téqui, 1985, pp. 72-73.
L’abbé Barthe vient de lancer une petite bombe qui s’appelle, sans précautions inutiles, « la messe à l’endroit ». On sait que c’est l’écrivain Paul Claudel qui dans Le Figaro littéraire, dès 1955, avait écrit « la messe à l’envers », un article tonitruant pour stigmatiser ce qui à l’époque n’était qu’expériences liturgiques… Eh bien! Aujourd’hui l’abbé Barthe veut « remettre la messe à l’endroit ». Et il estime qu’il s’appuie sur un large courant, que l’on désigne dans l’Eglise comme le courant de « la réforme de la réforme ». Explications.
1. Votre dernier opus(1), nous prend un peu à contre-pied, car on vous connaît comme un défenseur pertinent de la Messe traditionnelle, et voici que vous vous préoccupez de la Messe dite « de Paul VI ». Pourquoi cet intérêt de votre part?
La participation à la défense de l’une n’a jamais empêché pour moi, au contraire, la préoccupation concernant la transmutation de l’autre, celle de Paul VI. En 1997, 20 ans avant le Motu Proprio, j’avais publié un livre d’entretiens, Reconstruire la liturgie. Entretiens sur l’état de la liturgie dans les paroisses (2), dont le thème était exactement celui de ce Carnet. Il est clair que le Motu Proprio de 2007 a dynamisé ce propos. Lequel consiste à remarquer que les deux critiques parallèles des mutations opérées sous Paul VI, à savoir la critique frontale qui veut promouvoir une large diffusion de la liturgie antérieure, dite de Saint Pie-V, et la critique réformiste, dite de réforme de la réforme, qui veut opérer une mutation de l’intérieur de la liturgie de Paul VI, ont plus que jamais partie liée. Le projet de réforme de la réforme ne peut se réaliser sans la colonne vertébrale que constitue la célébration la plus large possible selon le missel traditionnel ; cette dernière ne peut espérer se réinsérer massivement dans les paroisses ordinaires sans la recréation d’un milieu vital opéré par la réforme de la réforme.
2. Les intégristes de la « forme extraordinaire » pensent que le Missel de Paul VI n’est pas sauvable et qu’il faudrait s’en défaire, alors que vous pensez qu’il est réformable et même qu’on peut « l’enrichir ». Comment?
Je pense d’abord qu’il est totalement irréaliste de croire que l’on peut d’un coup de baguette faire que dans toutes les paroisses du monde toutes les messes soient célébrées selon l’usage ancien. En revanche, je constate – avec bien d’autres, dont les principaux sont fort haut placés – que le missel de Paul VI contient une presque infinie possibilité d’options, d’adaptations et d’interprétations, et qu’un choix progressif, ou systématique, ou systématiquement progressif, des possibilités traditionnelles qu’il offre, rend possible, sur le terrain paroissial, et tout à fait légalement (selon la lettre de la loi, sinon selon son esprit), sa “re-traditionalisation”. C’est d’ailleurs une simple constatation : de nombreux prêtres de paroisses (j’en ai en déjà dressé une liste rapide pour la France, que je me garderai bien de publier, mais qui est impressionnante) pratiquent cette réforme de la réforme, souvent par étapes, et dans la très grande majorité des cas en célébrant aussi la messe traditionnelle. Pour répondre donc à votre question, je dirais que je crois que la liturgie romaine peut être sauvée, ce qui passe, comme on peut le constater concrètement, par une action à deux vitesses : diffusion du rite Saint-Pie V; réforme de la réforme. Celle-ci permettra, en glosant un célèbre discours de Paul VI à contre-pied, d’abandonner progressivement tout ce qui dans sa réforme est déjà vieux, démodé, parce que non traditionnel. Nous verrons bien ce qui sera sauvé après cette opération…
3. Vous nous faites découvrir un pan assez méconnu de l’histoire liturgique de ces quarante dernières années. Alors que les partisans de l’ancienne Messe ne se souciaient guère de réformer le nouveau Missel, des adeptes “modérés” de ce dernier, un courant très minoritaire il est vrai, n’ont de cesse d’en proposer la réforme. Pourriez-vous nous retracer brièvement cette position?
C'est l’histoire de ce que l’on pourrait nommer la critique réformiste du nouveau missel. Brièvement, et pour ne parler que de la France, on peut rappeler qu’un théologien comme Louis Bouyer, qui avait participé activement à la réforme conciliaire, est très vite entré en opposition avec un certain nombre de ses aspects (le sens de la célébration). L’abbaye de Solesmes et à divers degrés certaines de ses filles ont accepté la réforme mais avec le tout latin et le tout grégorien. La Communauté Saint-Martin, de Mgr Guérin, opta aussi pour le missel de Paul VI, mais selon une interprétation très traditionalisante. Mgr Maxime Charles, recteur de la Basilique de Montmartre, et ensuite l’abbé Michel Gitton, un temps curé de Saint-Germain l’Auxerrois à Paris, son principal héritier spirituel, ont eu pour ligne la préservation de ce qui paraissait pouvoir l’être au milieu des ruines. Et surtout, il y a eu le phénomène Ratzinger. Déjà, en 1966, Joseph Ratzinger était intervenu de manière très sévère au Katholikentag de Bamberg à propos de la réforme en cours. Le combat contre ce qu’il pense être un « faux esprit du Concile » est devenu pour ainsi dire substantiel à celui qui est devenu Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, en 1981, puis pape en 2005. Or, en matière de liturgie, Joseph Ratzinger allait beaucoup plus loin que les autres réformistes. On sait aujourd’hui qu’il avait organisé à Rome une réunion cardinalice, le 16 novembre 1982, au « sujet des questions liturgiques », obtenant que tous les Préfets de Congrégations présents à la réunion affirment que le missel romain « ancien » devait être « admis par le Saint Siège dans toute l’Église pour les messes célébrées en langue latine ». En 1982 : un quart de siècle exactement avant le Motu Proprio Summorum Pontificum.
4. Votre ouvrage est sous-titré « Un nouveau mouvement liturgique ». Est-ce un voeu pieux ou le constat qu’autour de Benoît XVI, qui semble être le fer de lance de cette « réforme de la réforme », se constitue un groupe influent de prélats et de clercs qui entendent bien, sinon la mener à bout incessamment, au moins la lancer pour de bon?
Justement, s’appuyant sur les ouvrages de Joseph Ratzinger (Entretien sur la foi ; Ma vie; L’Esprit de la liturgie; Un chant nouveau pour le Seigneur, La célébration de la foi) et s’autorisant d’eux, une nouvelle génération de théologiens, d’historiens du culte divin, de responsables souvent de haut niveau, s’est constituée. Ils forment aujourd’hui le milieu des penseurs de la réforme de la réforme – un « nouveau mouvement liturgique », comme le Pape aime à dire – et des soutiens du Motu Proprio.
Ceci dit, aucun d’entre eux – et spécialement pas le premier d’entre eux, le Pape – n’entendent promouvoir une réforme de la réforme par des textes, par des décrets, et a fortiori par l’édition d’un nouveau missel fusionnel, un missel Benoît XVI qui s’ajouterait aux missels Pie V et Paul VI, mais ils veulent procéder par l’exemple, l’exhortation, l’éducation, et surtout, pour évoquer le thème de saint Paul dans l’épître aux Romains, en provoquant une saine «jalousie» de la forme dite aujourd’hui «ordinaire» vis-à-vis de la forme dite «extraordinaire». C’est au reste une caractéristique de la restauration ratzinguérienne depuis 1985 : elle cherche à infléchir le cours des choses conciliaires, mais de manière exhortative et non pas coercitive. C’est ainsi. La réforme de la réforme existe déjà dans un grand nombre de paroisses. Il suffit donc de l’encourager, de l’étendre et surtout de la faire passer au niveau diocésain. Il conviendrait qu’au lieu d’être seulement le fait des curés à la base et du Pape au sommet, elle soit mise en oeuvre par les évêques. Imaginez l’effet prodigieux de restauration, non seulement liturgique mais de tout ce qui va avec la liturgie, vocations, doctrine, catéchismes, renouveau de la pratique, que produirait le fait qu’un évêque, puis deux, puis trois…, retournent l’autel de leur cathédrale, y rétablissent la communion à genoux, y réintroduisent le latin et le grégorien, y fassent régulièrement célébrer la messe traditionnelle. J’insiste : ce projet de réforme de la réforme ne peut se réaliser sans la célébration la plus large possible selon le missel traditionnel ; et inversement, celle-ci a besoin pour exister dans les paroisses ordinaires d’un état d’esprit de retour aux sources traditionnelles représenté par la réforme de la réforme.
Les hauts responsables favorables à ce « nouveau mouvement liturgique » évoquent aussi volontiers: la diminution du nombre des concélébrants et même celui des concélébrations ; la réduction du nombre des prières eucharistiques, dont la variété « révèle une situation préoccupante, d’autant plus que leur qualité et leur convenance théologique sont parfois à la limite du supportable » 3 ; la réintroduction des éléments de la messe traditionnelle dans les multiples « trous » rituels de la forme de Paul VI (génuflexions, baisers à l’autel, très antiques signes de croix du canon); le remplacement des messes rassemblant des masses énormes de fidèles, où le culte devient une manifestation, certes d’intention pieuse mais fort peu liturgique, par des Heures Saintes, des bénédictions du Saint-Sacrement; la restitution d’un signe de paix comme action sacrée et non un signe de civilité bourgeoise ; etc. ; etc.
Ce Carnet m’attire d’ailleurs de nombreuses réactions favorables de prêtres. Toutes les idées rectificatives sont bonnes pourvu qu’on les mette en oeuvre et qu’elles ne restent pas des voeux pieux. Elles émanent massivement de pasteurs qui, sur le terrain paroissial, sont devenus bi-formalistes. 40 ans après ce bouleversement sans précédent dans l’histoire du rite romain qu’a été la réforme de Paul VI, et au milieu des ruines d’une sécularisation du monde catholique qu’elle n’a pas – au minimum – empêchée, il est patent qu’existe un climat de « retour », encore minoritaire, mais qui ne demande qu’à grossir. Bien entendu, la liturgie n’est qu’un de ses aspects, mais, par la nature de ce qu’est la liturgie, c’est un aspect très significatif.
Propos recueillis par Daniel Hamiche
1. Claude Barthe, La Messe à l’endroit. Un Nouveau mouvement liturgique, coll. Hora Decima, Éditions de L’Homme Nouveau, 102 p., 9€.
2. François-Xavier de Guibert.
3. Cardinal Ratzinger, La célébration de la foi, Téqui, 1985, pp. 72-73.