SOURCE - baptises.fr - Monique Hébrard - 6 février 2011
Fine observatrice des évolutions de l’Eglise, Monique Hébrard a lu pour la CCBF le dernier livre d’Yves de Gentil-Baichis. Le risque se confirme d’un grand écart entre beaucoup de ces jeunes prêtres et l’ensemble des fidèles du Christ.
Plus qu’une enquête reflétant toutes les nuances que l’on rencontre chez les futurs et jeunes prêtres, l’ancien journaliste de La Croix nous offre, en quelques chapitres alertes, un portrait type à la manière de La Bruyère. Le résultat en est d’autant plus frappant… et inquiétant.
Il ne nous apprend rien sur les causes multiples de la diminution des vocations, qui dépassent la seule Église : « c’est le sol qui a bougé ».
Par contre, on apprend que les futurs prêtres entrent au séminaire de plus en plus jeunes, que beaucoup ont été influencés par des communautés nouvelles (dont l’Opus Dei) et par le fait d’avoir été servants d’autel (ce qui « justifierait » que l’on en exclue les filles) ; qu’ils n’ont pas eu le temps de réfléchir aux exigences du célibat ; bref, ils sont assez immatures.
Ce célibat dont tous les synodes diocésains des années 1985-1995 ont demandé qu’il ne soit plus obligatoire n’est pas du tout un problème pour les séminaristes. Mais quand on interroge les jeunes prêtres (ce qui n’était pas le sujet du livre) on voit surgir, entre 30 et 40 ans ou plus, la question du célibat, et elle génère des départs relativement nombreux, dont on ne parle guère.
Venant du « monde » où ils ont failli se noyer, ils cherchent d’abord Dieu et, ayant manqué de repères, ils exigent des réponses plus que des questions et des certitudes plus que de la réflexion. Ils se méfient de la conscience personnelle soupçonnée d’avoir entraîné toutes les dérives morales (alors que la primauté de la conscience est reconnue dans toute la tradition de l’Église !). Ils demandent un enseignement doctrinal magistral, sans discussion. La contestation de l’autorité et du pape est un truc de vieux qui leur est étranger.
Ils veulent s’affirmer comme prêtres (col romain ou soutane). Ce point aurait mérité d’être développé et nuancé : dans ma propre enquête sur les prêtres parue chez Buchet-Chastel (Prêtres, Enquête sur le clergé d’aujourd’hui, avril 2008), j’avais été frappée par les raisons ou les cheminements profondément apostoliques de certains pour justifier leur tenue.
Plusieurs interlocuteurs d’Yves de Gentil-Baichis tirent des sonnettes d’alarme. Un évêque qui ne passe pas pour être progressiste, Mgr Rey, signale « la tentation du repli sur soi intimiste ». Jean-Marie Petitclerc, la tendance à se considérer comme un être sacralisé, à part. Et plusieurs notent que leur désir d’énoncer la vérité passe souvent avant l’écoute des gens qui ont alors l’impression qu’ils n’intéressent pas le prêtre… ce qui n’était pas tout à fait la posture de Jésus !!! Quant à Jean Rigal, il déplore dans cette mise à part, la disparition du « nous des baptisés ». Ne frôle t-on pas parfois le repli sectaire dans des bastions sécurisés de fidèles ? N’en jetez plus !
Le chapitre sur les tensions entre les laïcs et les nouveaux ordonnés est une douloureuse évidence. Misogynie, dogmatisme sur la morale qui donne le visage d’une Église inhumaine, soupçon à l’égard de Vatican II qui aurait ouvert la porte à toutes les dérives.
Et demain ? L’auteur ne suggère rien moins que de revenir à l’Évangile et de s’inspirer de l’ouverture à tous du Christ et de son immense tendresse !
Espérons que ce livre – comme je l’avais espéré pour ma propre enquête – soit l’occasion d’échanges inter générations entre prêtres mais aussi entre prêtres et laïcs, chacun essayant de recevoir ce qui fait vivre l’autre, d’en rendre grâce pour le positif, tout en osant la correction fraternelle mutuelle.
Monique Hébrard
Yves de Gentils-Baichis. Conciliaires ou traditionnels ? Enquête sur les futurs prêtres. DDB. 135p. 15€.
Fine observatrice des évolutions de l’Eglise, Monique Hébrard a lu pour la CCBF le dernier livre d’Yves de Gentil-Baichis. Le risque se confirme d’un grand écart entre beaucoup de ces jeunes prêtres et l’ensemble des fidèles du Christ.
Plus qu’une enquête reflétant toutes les nuances que l’on rencontre chez les futurs et jeunes prêtres, l’ancien journaliste de La Croix nous offre, en quelques chapitres alertes, un portrait type à la manière de La Bruyère. Le résultat en est d’autant plus frappant… et inquiétant.
Il ne nous apprend rien sur les causes multiples de la diminution des vocations, qui dépassent la seule Église : « c’est le sol qui a bougé ».
Par contre, on apprend que les futurs prêtres entrent au séminaire de plus en plus jeunes, que beaucoup ont été influencés par des communautés nouvelles (dont l’Opus Dei) et par le fait d’avoir été servants d’autel (ce qui « justifierait » que l’on en exclue les filles) ; qu’ils n’ont pas eu le temps de réfléchir aux exigences du célibat ; bref, ils sont assez immatures.
Ce célibat dont tous les synodes diocésains des années 1985-1995 ont demandé qu’il ne soit plus obligatoire n’est pas du tout un problème pour les séminaristes. Mais quand on interroge les jeunes prêtres (ce qui n’était pas le sujet du livre) on voit surgir, entre 30 et 40 ans ou plus, la question du célibat, et elle génère des départs relativement nombreux, dont on ne parle guère.
Venant du « monde » où ils ont failli se noyer, ils cherchent d’abord Dieu et, ayant manqué de repères, ils exigent des réponses plus que des questions et des certitudes plus que de la réflexion. Ils se méfient de la conscience personnelle soupçonnée d’avoir entraîné toutes les dérives morales (alors que la primauté de la conscience est reconnue dans toute la tradition de l’Église !). Ils demandent un enseignement doctrinal magistral, sans discussion. La contestation de l’autorité et du pape est un truc de vieux qui leur est étranger.
Ils veulent s’affirmer comme prêtres (col romain ou soutane). Ce point aurait mérité d’être développé et nuancé : dans ma propre enquête sur les prêtres parue chez Buchet-Chastel (Prêtres, Enquête sur le clergé d’aujourd’hui, avril 2008), j’avais été frappée par les raisons ou les cheminements profondément apostoliques de certains pour justifier leur tenue.
Plusieurs interlocuteurs d’Yves de Gentil-Baichis tirent des sonnettes d’alarme. Un évêque qui ne passe pas pour être progressiste, Mgr Rey, signale « la tentation du repli sur soi intimiste ». Jean-Marie Petitclerc, la tendance à se considérer comme un être sacralisé, à part. Et plusieurs notent que leur désir d’énoncer la vérité passe souvent avant l’écoute des gens qui ont alors l’impression qu’ils n’intéressent pas le prêtre… ce qui n’était pas tout à fait la posture de Jésus !!! Quant à Jean Rigal, il déplore dans cette mise à part, la disparition du « nous des baptisés ». Ne frôle t-on pas parfois le repli sectaire dans des bastions sécurisés de fidèles ? N’en jetez plus !
Le chapitre sur les tensions entre les laïcs et les nouveaux ordonnés est une douloureuse évidence. Misogynie, dogmatisme sur la morale qui donne le visage d’une Église inhumaine, soupçon à l’égard de Vatican II qui aurait ouvert la porte à toutes les dérives.
Et demain ? L’auteur ne suggère rien moins que de revenir à l’Évangile et de s’inspirer de l’ouverture à tous du Christ et de son immense tendresse !
Espérons que ce livre – comme je l’avais espéré pour ma propre enquête – soit l’occasion d’échanges inter générations entre prêtres mais aussi entre prêtres et laïcs, chacun essayant de recevoir ce qui fait vivre l’autre, d’en rendre grâce pour le positif, tout en osant la correction fraternelle mutuelle.
Monique Hébrard
Yves de Gentils-Baichis. Conciliaires ou traditionnels ? Enquête sur les futurs prêtres. DDB. 135p. 15€.