SOURCE - Don Stefano Carusi, ibp - Congrès Una Voce - 6 novembre 2011
Texte de la communication orale de don Stefano Carusi (IBP) au Congrès de la Fédération internationale de Una Voce - Roma 6 novembre 2011
Révérends Pères, monsieur le Président de la Fédération Internationale d’Una Voce, messieurs,
Avant tout je vous remercie pour cette invitation et vous transmets les salutations du Supérieur Général de l’Institut du Bon Pasteur, Monsieur l’abbé Philippe Laguérie, qui m’a délégué pour vous adresser cette brève communication sur notre institut et sur ces cinq-six années écoulées depuis sa naissance.
Je parlerai en italien par choix : nous sommes à Rome, où nous avons une maison approuvée par le Vicariat, et cela me semble être un hommage à notre terre catholique et aussi le vœu, si la Providence le permet, d’une plus grande présence de notre Institut dans la Péninsule.
L’Institut du Bon Pasteur est né comme vous le savez en 2006. Il est important de souligner combien il a été voulu personnellement par le Saint Père ! Il a été érigé canoniquement par Son Eminence Le Cardinal Castrillon Hoyos, envers lequel nous avons une dette de reconnaissance et – qu’il me le soit concédé – d’affection. Pour l’Institut, le choix liturgique s’associe à un engagement précis dans l’usage exclusif du rite traditionnel, dans la fidélité à ses statuts et dans un esprit de service de l’Eglise. Cette position liturgique est liée à notre position doctrinale : à une attitude qui sache extérioriser, avec fidélité et respect, ses réserves au sujet des changements qui ont intéressé les dernières quarante-cinquante années. C’est un point qu’il faut traiter avec le respect qui lui est dû, mais aussi dans la franchise théologique et ecclésiale. Je cite notre document fondateur, en bonne partie inspiré du protocole Ratzinger- Lefebvre de 1988 :
« À propos de certains points enseignés par le concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui nous paraissent difficilement conciliable avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique. »
Au sujet de ces points, nos statuts prévoient expressément la faculté d’une « critique constructive » vouée à offrir un service au Romain Pontife.
C’est là notre raison d’être : laissant au Vicaire du Christ de se prononcer de façon péremptoire, de juger avec autorité ce que Lui seul peut juger, nous entendons donner un témoignage et une contribution dans ce sens, dans la fidélité au charisme exprimé dans nos statuts. Le Cardinal Castrillon a dit : « la critique constructive peut être un grand service à rendre à l’Eglise ». Telle est notre ligne de conduite.
Et cela même au sujet de certains points du dernier Concile, pour lesquels, autant que possible, l’interprétation du texte magistériel – Magistère authentique non infaillible – doit être cherché dans la “continuité de l’herméneutique théologique”, pour utiliser une expression du célèbre Mgr Gherardini ; mais dans les cas où cela s’avèrerait impossible, on peut implorer le Saint Père de bien vouloir utiliser le pouvoir des Clefs pour reformuler les expressions malheureuses de textes magistériels certes, mais non infaillibles ni obligeants dans chaque phrase singulière. Cum Petro et sub Petro donc, et en même temps dans l’amour de la vérité, avec la certitude que les opinions théologiques restent seulement des opinions, et que jamais l’Eglise ne les a imposées comme objet de foi, mais qu’elles restent seulement objet de théologie et de ses critères classiques.
C’est en ces termes que nous parlions il y a quelques temps avec ouverture et spontanéité avec Monseigneur Pozzo, lequel au cours d’un colloque informel, bien qu’il ne partageât pas entièrement notre opinion, a parlé de la légitimité de cette liberté théologique, de cette discussion critique, et même de son utilité dans le panorama ecclésial d’aujourd’hui. Cette liberté a ses limites dans le Magistère infaillible – in necessariis unitas – mais aussi dans une expression prudente et responsable du dissentiment traditionnel. Toujours en effet la charité ecclésiale doit informer et parfois tempérer la « rabies theologica », sans jamais cependant tomber dans l’hypocrisie adulatrice, laquelle serait le pire manque de respect à l’autorité ecclésiastique, elle serait une adulation de courtisans et non pas la sincérité des fils dévoués.
Notre choix liturgique est donc lié à notre choix doctrinal, et il est à considérer dans le cadre des problèmes qui tenaillent l’Eglise depuis quelques décennies, parmi lesquels certes l’importantissime nœud de la liturgie. Question qu’il faut considérer avec l’humilité due, mais dans une perspective substantiellement doctrinale.
Si quelqu’un le veut, il peut consulter certains des articles du site « Disputationes Theologicae », qui n’est pas un organe officiel de l’Institut, bien entendu, mais une libre revue qui essaye de traduire une telle position.
Projet ambitieux, commentera l’auditoire ; nous le concédons volontiers. Mais je le répète, nous ne prétendons pas résoudre les problèmes : nous nous contentons de les poser, laissant à Pierre, quand il le voudra et le pourra, le soin de lier et de délier, ainsi que le Divin Maître l’a établi. Et notre contribution au bien de l’Eglise consiste aussi dans le fait d’exister sur les présupposés cités, en donnant ainsi notre témoignage d’une réalité ecclésiale, d’une position ecclésiale.
Ce travail de réflexion absorbe une grande partie de nos forces, notamment parce que nous voulons diriger particulièrement notre effort à la formation des jeunes séminaristes. Il s’agit en effet de savoir offrir une formation qui se garde bien du rejet orgueilleux de la sagesse traditionnelle de l’Eglise et des immortelles indications de Trente, mais qui sache en même temps donner les moyens nécessaires pour surmonter les problèmes propres à la situation actuelle. Une formation classique dans la connaissance des lettres latines et grecques, et de la littérature immortelle qui est née dans ces civilisations, voilà le mode simple et traditionnel pour offrir cette forma mentis « naturelle » qui se marie si bien avec la philosophie aristotélico-thomiste et avec la théologie qui se greffe dessus. Par la suite la continuation des études est favorisée autant que possible, c’est à cela que sert aussi notre maison romaine.
L’Italie, non moins que Rome, est une terre d’apostolat: l’Institut dessert une chapellenie (l’une des deux seules qui existent dans toute l’Italie) dans le Chiaravallese, où une paisible collaboration avec le diocèse permet l’accomplissement d’un travail régulier d’assistance spirituelle, dans la sérénité et avec la garantie d’une structure juridique. En général, là où nous ne pouvons pas résider de manière stable, nous nous engageons à des visites fréquentes, convaincus que les temps que nous vivons exigent des sacrifices tant de la part des prêtres que des fidèles ; sans manies de grandeur ni rêves de conversion de masse. A Bordeaux notre « maison mère », la paroisse S. Eloi, avec ses activités multiformes et ses quatre prêtres, est un exemple concret de la possibilité d’une vie paroissiale dans le cadre traditionnel, dans une collaboration amiable avec le diocèse, sous l’autorité et la charitable disponibilité de Son Eminence le Cardinal Ricard. Près de Bourges notre école de « L’Angelus » assure maintenant le primaire et une bonne partie du secondaire ; elle s’agrandit et affleure les soixante-dix élèves ; et nous poursuivons le même type d’apostolat dans deux autres écoles primaires. L’aide apostolique, que nous apportions ponctuellement dans certains diocèses, se stabilise et s’insère dans un cadre de plus en plus canonique dans le diocèse du Mans, où une présence est établie depuis le mois de septembre en accord avec l’Ordinaire ; de même notre présence se consolide dans les diocèses de Blois, et bien sûr dans celui Chartres,où nous sommes implantés depuis plus longtemps. A Paris nous le sommes avec un centre culturel et une maison pour retraites spirituelles a été mise en route non loin de Poitiers. Au-delà de l’Océan le Cardinal de Bogotà a érigé canoniquement une maison, en permettant un apostolat dans l’Amérique hispanophone en plus de l’activité que l’Institut exerce déjà au Chili. Non pas des projets pharaoniques, ni fondations merveilleuses, mais un patient travail consistant à « renforcer les bastions », plutôt que se lancer dans des entreprises voyantes. Surtout en donnant des cadres canoniques, dans la fidélité à notre spécificité et dans le respect des lois de l’Eglise : garanties de stabilité importantes, même pour éviter le phénomène récurrent selon lequel les catholiques de lignée traditionnelle se sentent inhibés dans la franchise et astreints même contre leur conscience au servilisme, en raison de l’absence de protection. Certes nous pourrions amplifier notre présence en tant d’autres pays, mais ici je m’adresse aux prêtres, dont certains sont diocésains, et qui partagent pleinement le charisme du Bon Pasteur, mais qui manquent souvent de cette « audace » qui leur permettrait de faire un choix qui n’est pas toujours gratifiant dans l’immédiat, mais qui est néanmoins important pour l’Eglise : ce que nous pouvons faire dépend aussi de la force de ceux qui en conscience partagent nos spécificités et de l’aide qu’ils choisiront de nous apporter ; cela dépend du libre arbitre de chacun d’entre eux.
Je vous renouvelle les salutations du Supérieur de l’Institut et les miennes, en vous remerciant encore pour votre attention.
Don Stefano Carusi
Texte de la communication orale de don Stefano Carusi (IBP) au Congrès de la Fédération internationale de Una Voce - Roma 6 novembre 2011
Révérends Pères, monsieur le Président de la Fédération Internationale d’Una Voce, messieurs,
Avant tout je vous remercie pour cette invitation et vous transmets les salutations du Supérieur Général de l’Institut du Bon Pasteur, Monsieur l’abbé Philippe Laguérie, qui m’a délégué pour vous adresser cette brève communication sur notre institut et sur ces cinq-six années écoulées depuis sa naissance.
Je parlerai en italien par choix : nous sommes à Rome, où nous avons une maison approuvée par le Vicariat, et cela me semble être un hommage à notre terre catholique et aussi le vœu, si la Providence le permet, d’une plus grande présence de notre Institut dans la Péninsule.
L’Institut du Bon Pasteur est né comme vous le savez en 2006. Il est important de souligner combien il a été voulu personnellement par le Saint Père ! Il a été érigé canoniquement par Son Eminence Le Cardinal Castrillon Hoyos, envers lequel nous avons une dette de reconnaissance et – qu’il me le soit concédé – d’affection. Pour l’Institut, le choix liturgique s’associe à un engagement précis dans l’usage exclusif du rite traditionnel, dans la fidélité à ses statuts et dans un esprit de service de l’Eglise. Cette position liturgique est liée à notre position doctrinale : à une attitude qui sache extérioriser, avec fidélité et respect, ses réserves au sujet des changements qui ont intéressé les dernières quarante-cinquante années. C’est un point qu’il faut traiter avec le respect qui lui est dû, mais aussi dans la franchise théologique et ecclésiale. Je cite notre document fondateur, en bonne partie inspiré du protocole Ratzinger- Lefebvre de 1988 :
« À propos de certains points enseignés par le concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui nous paraissent difficilement conciliable avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique. »
Au sujet de ces points, nos statuts prévoient expressément la faculté d’une « critique constructive » vouée à offrir un service au Romain Pontife.
C’est là notre raison d’être : laissant au Vicaire du Christ de se prononcer de façon péremptoire, de juger avec autorité ce que Lui seul peut juger, nous entendons donner un témoignage et une contribution dans ce sens, dans la fidélité au charisme exprimé dans nos statuts. Le Cardinal Castrillon a dit : « la critique constructive peut être un grand service à rendre à l’Eglise ». Telle est notre ligne de conduite.
Et cela même au sujet de certains points du dernier Concile, pour lesquels, autant que possible, l’interprétation du texte magistériel – Magistère authentique non infaillible – doit être cherché dans la “continuité de l’herméneutique théologique”, pour utiliser une expression du célèbre Mgr Gherardini ; mais dans les cas où cela s’avèrerait impossible, on peut implorer le Saint Père de bien vouloir utiliser le pouvoir des Clefs pour reformuler les expressions malheureuses de textes magistériels certes, mais non infaillibles ni obligeants dans chaque phrase singulière. Cum Petro et sub Petro donc, et en même temps dans l’amour de la vérité, avec la certitude que les opinions théologiques restent seulement des opinions, et que jamais l’Eglise ne les a imposées comme objet de foi, mais qu’elles restent seulement objet de théologie et de ses critères classiques.
C’est en ces termes que nous parlions il y a quelques temps avec ouverture et spontanéité avec Monseigneur Pozzo, lequel au cours d’un colloque informel, bien qu’il ne partageât pas entièrement notre opinion, a parlé de la légitimité de cette liberté théologique, de cette discussion critique, et même de son utilité dans le panorama ecclésial d’aujourd’hui. Cette liberté a ses limites dans le Magistère infaillible – in necessariis unitas – mais aussi dans une expression prudente et responsable du dissentiment traditionnel. Toujours en effet la charité ecclésiale doit informer et parfois tempérer la « rabies theologica », sans jamais cependant tomber dans l’hypocrisie adulatrice, laquelle serait le pire manque de respect à l’autorité ecclésiastique, elle serait une adulation de courtisans et non pas la sincérité des fils dévoués.
Notre choix liturgique est donc lié à notre choix doctrinal, et il est à considérer dans le cadre des problèmes qui tenaillent l’Eglise depuis quelques décennies, parmi lesquels certes l’importantissime nœud de la liturgie. Question qu’il faut considérer avec l’humilité due, mais dans une perspective substantiellement doctrinale.
Si quelqu’un le veut, il peut consulter certains des articles du site « Disputationes Theologicae », qui n’est pas un organe officiel de l’Institut, bien entendu, mais une libre revue qui essaye de traduire une telle position.
Projet ambitieux, commentera l’auditoire ; nous le concédons volontiers. Mais je le répète, nous ne prétendons pas résoudre les problèmes : nous nous contentons de les poser, laissant à Pierre, quand il le voudra et le pourra, le soin de lier et de délier, ainsi que le Divin Maître l’a établi. Et notre contribution au bien de l’Eglise consiste aussi dans le fait d’exister sur les présupposés cités, en donnant ainsi notre témoignage d’une réalité ecclésiale, d’une position ecclésiale.
Ce travail de réflexion absorbe une grande partie de nos forces, notamment parce que nous voulons diriger particulièrement notre effort à la formation des jeunes séminaristes. Il s’agit en effet de savoir offrir une formation qui se garde bien du rejet orgueilleux de la sagesse traditionnelle de l’Eglise et des immortelles indications de Trente, mais qui sache en même temps donner les moyens nécessaires pour surmonter les problèmes propres à la situation actuelle. Une formation classique dans la connaissance des lettres latines et grecques, et de la littérature immortelle qui est née dans ces civilisations, voilà le mode simple et traditionnel pour offrir cette forma mentis « naturelle » qui se marie si bien avec la philosophie aristotélico-thomiste et avec la théologie qui se greffe dessus. Par la suite la continuation des études est favorisée autant que possible, c’est à cela que sert aussi notre maison romaine.
L’Italie, non moins que Rome, est une terre d’apostolat: l’Institut dessert une chapellenie (l’une des deux seules qui existent dans toute l’Italie) dans le Chiaravallese, où une paisible collaboration avec le diocèse permet l’accomplissement d’un travail régulier d’assistance spirituelle, dans la sérénité et avec la garantie d’une structure juridique. En général, là où nous ne pouvons pas résider de manière stable, nous nous engageons à des visites fréquentes, convaincus que les temps que nous vivons exigent des sacrifices tant de la part des prêtres que des fidèles ; sans manies de grandeur ni rêves de conversion de masse. A Bordeaux notre « maison mère », la paroisse S. Eloi, avec ses activités multiformes et ses quatre prêtres, est un exemple concret de la possibilité d’une vie paroissiale dans le cadre traditionnel, dans une collaboration amiable avec le diocèse, sous l’autorité et la charitable disponibilité de Son Eminence le Cardinal Ricard. Près de Bourges notre école de « L’Angelus » assure maintenant le primaire et une bonne partie du secondaire ; elle s’agrandit et affleure les soixante-dix élèves ; et nous poursuivons le même type d’apostolat dans deux autres écoles primaires. L’aide apostolique, que nous apportions ponctuellement dans certains diocèses, se stabilise et s’insère dans un cadre de plus en plus canonique dans le diocèse du Mans, où une présence est établie depuis le mois de septembre en accord avec l’Ordinaire ; de même notre présence se consolide dans les diocèses de Blois, et bien sûr dans celui Chartres,où nous sommes implantés depuis plus longtemps. A Paris nous le sommes avec un centre culturel et une maison pour retraites spirituelles a été mise en route non loin de Poitiers. Au-delà de l’Océan le Cardinal de Bogotà a érigé canoniquement une maison, en permettant un apostolat dans l’Amérique hispanophone en plus de l’activité que l’Institut exerce déjà au Chili. Non pas des projets pharaoniques, ni fondations merveilleuses, mais un patient travail consistant à « renforcer les bastions », plutôt que se lancer dans des entreprises voyantes. Surtout en donnant des cadres canoniques, dans la fidélité à notre spécificité et dans le respect des lois de l’Eglise : garanties de stabilité importantes, même pour éviter le phénomène récurrent selon lequel les catholiques de lignée traditionnelle se sentent inhibés dans la franchise et astreints même contre leur conscience au servilisme, en raison de l’absence de protection. Certes nous pourrions amplifier notre présence en tant d’autres pays, mais ici je m’adresse aux prêtres, dont certains sont diocésains, et qui partagent pleinement le charisme du Bon Pasteur, mais qui manquent souvent de cette « audace » qui leur permettrait de faire un choix qui n’est pas toujours gratifiant dans l’immédiat, mais qui est néanmoins important pour l’Eglise : ce que nous pouvons faire dépend aussi de la force de ceux qui en conscience partagent nos spécificités et de l’aide qu’ils choisiront de nous apporter ; cela dépend du libre arbitre de chacun d’entre eux.
Je vous renouvelle les salutations du Supérieur de l’Institut et les miennes, en vous remerciant encore pour votre attention.
Don Stefano Carusi