SOURCE - Jean Madiran - Présent - 9 décembre 2011
Sans prétendre intervenir dans les négociations doctrinales entre la FSSPX et le cardinal Levada, ni même les commenter, on peut s’arrêter à quelques observations générales sur l’état de l’Eglise, formulées par Mgr Bernard Fellay dans sa grande interview du vingt-huit novembre.
« La situation présente de l’Eglise, dit-il, dans nos pays autrefois chrétiens, c’est la chute dramatique des vocations : quatre ordinations à Paris en 2011, une seule dans le diocèse de Rome pour 2011-2012 » ; « ce sont des diocèses exsangues au point qu’il faudra dans un très proche avenir les regrouper en France comme on a déjà regroupé les paroisses » ; « la hiérarchie ecclésiastique est à la tête de structures aujourd’hui surdimensionnées pour des effectifs en baisse constante… »
On avait annoncé que Vatican II provoquerait un « printemps de l’Eglise », une « nouvelle Pentecôte ». Dans les faits constatables, Vatican II a été suivi du contraire. C’est là une réalité que l’on passe trop souvent sous silence. Que Mgr Fellay en parle, on ne peut lui donner tort.
La cause la plus générale de cet état des choses, ou du moins l’une des causes, selon Mgr Fellay, est « la stérilité de cinquante ans d’ouverture au monde moderne ». A la suite du concile Vatican II, on a « ouvert l’Eglise sur ce monde en pleine sécularisation », comme si « l’Eglise pouvait s’adapter à ce point à la modernité sans en adopter l’esprit ».
Considérant « les interprétations évolutives », c’est-à-dire changeantes, qu’à Rome même, semble-t-il, on donne des nouveautés issues de Vatican II, la nouvelle liberté religieuse, le nouvel œcuménisme, la nouvelle collégialité, Mgr Fellay en appelle à « l’impossibilité d’adhérer de façon stable à une doctrine en mouvement ». L’objection n’est pas négligeable.
A la suite d’un concile qui, par des décrets pastoraux, a voulu édicter des obligations doctrinales (notamment en prétendant, par la bouche de Paul VI lui-même, avoir « autant d’autorité que le concile de Nicée »), la question qui se pose est de savoir si « le Credo n’est plus suffisant pour être reconnu catholique ».
La question que formule ainsi Mgr Fellay, il ne l’invente pas, elle s’impose en fait dans la vie quotidienne, dans le comportement maintenant habituel d’une grande partie du clergé et de sa hiérarchie :
« Le concile Vatican II n’a pas ajouté aux articles de foi du Credo : “Je crois en la liberté religieuse, en l’œcuménisme, en la collégialité.” Exige-t-on maintenant de ceux qui abandonnent leurs erreurs et rejoignent l’Eglise catholique qu’ils professent leur foi en la liberté religieuse, l’œcuménisme ou la collégialité ? »
J’ajouterais volontiers : pour être reconnu catholique, faut-il accepter la suppression du « consubstantiel » dans le Credo ? Faut-il se taire sur l’élimination du petit catéchisme pour enfants baptisés ?
Tels sont quelques points forts. On ne saurait les écarter d’un revers de main. Ainsi formulés, ils sont accessibles, sans diplômes universitaires, à la plupart des prêtres et des fidèles. En revanche il est un autre point où les propos de Mgr Fellay laissent le lecteur dans une certaine perplexité. Il semble estimer que depuis les deux dernières années, « la FSSPX n’est plus seule à voir les problèmes doctrinaux » qui se posent à la suite du concile Vatican II. On aimerait alors savoir à quel moment, et à la suite de quel quiproquo, la FSSPX a pu se sentir seule sur ces problèmes doctrinaux ? « Depuis 40 ans », dit précisément Mgr Fellay : c’est-à-dire donc depuis 1971. Or les problèmes doctrinaux en question ont été publiquement soulevés avant l’intervention publique de la FSSPX. Il suffit de citer un nom, qui n’est certes pas le seul, mais qui est le plus illustre, celui de l’un des quatre grands thomistes de langue française au XXe siècle, le nom de Marcel De Corte, pour faire la preuve que les difficultés doctrinales indiquées par les points forts de Mgr Fellay ont été explicitement mises en cause dès les années soixante. C’est pourquoi il se trouve que la FSSPX n’a pas été la première et n’a pas non plus été la seule. Son grand mérite n’est pas là. Il est dans le fait qu’elle a donné une forte présence sociologique, médiatique, liturgique, institutionnelle, et même épiscopale, aux questions, aux critiques, aux protestations qui sans elle seraient probablement restées à l’état théorique. Le poids d’une telle présence fait enrager les sectaires démocrates de La Croix, dont la malveillance range la FSSPX parmi les « groupuscules intégristes ». Mais justement : personne ne peut croire que la FSSPX serait un simple « groupuscule ».
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7492 de PRESENT du Vendredi 9 décembre 2011
Sans prétendre intervenir dans les négociations doctrinales entre la FSSPX et le cardinal Levada, ni même les commenter, on peut s’arrêter à quelques observations générales sur l’état de l’Eglise, formulées par Mgr Bernard Fellay dans sa grande interview du vingt-huit novembre.
« La situation présente de l’Eglise, dit-il, dans nos pays autrefois chrétiens, c’est la chute dramatique des vocations : quatre ordinations à Paris en 2011, une seule dans le diocèse de Rome pour 2011-2012 » ; « ce sont des diocèses exsangues au point qu’il faudra dans un très proche avenir les regrouper en France comme on a déjà regroupé les paroisses » ; « la hiérarchie ecclésiastique est à la tête de structures aujourd’hui surdimensionnées pour des effectifs en baisse constante… »
On avait annoncé que Vatican II provoquerait un « printemps de l’Eglise », une « nouvelle Pentecôte ». Dans les faits constatables, Vatican II a été suivi du contraire. C’est là une réalité que l’on passe trop souvent sous silence. Que Mgr Fellay en parle, on ne peut lui donner tort.
La cause la plus générale de cet état des choses, ou du moins l’une des causes, selon Mgr Fellay, est « la stérilité de cinquante ans d’ouverture au monde moderne ». A la suite du concile Vatican II, on a « ouvert l’Eglise sur ce monde en pleine sécularisation », comme si « l’Eglise pouvait s’adapter à ce point à la modernité sans en adopter l’esprit ».
Considérant « les interprétations évolutives », c’est-à-dire changeantes, qu’à Rome même, semble-t-il, on donne des nouveautés issues de Vatican II, la nouvelle liberté religieuse, le nouvel œcuménisme, la nouvelle collégialité, Mgr Fellay en appelle à « l’impossibilité d’adhérer de façon stable à une doctrine en mouvement ». L’objection n’est pas négligeable.
A la suite d’un concile qui, par des décrets pastoraux, a voulu édicter des obligations doctrinales (notamment en prétendant, par la bouche de Paul VI lui-même, avoir « autant d’autorité que le concile de Nicée »), la question qui se pose est de savoir si « le Credo n’est plus suffisant pour être reconnu catholique ».
La question que formule ainsi Mgr Fellay, il ne l’invente pas, elle s’impose en fait dans la vie quotidienne, dans le comportement maintenant habituel d’une grande partie du clergé et de sa hiérarchie :
« Le concile Vatican II n’a pas ajouté aux articles de foi du Credo : “Je crois en la liberté religieuse, en l’œcuménisme, en la collégialité.” Exige-t-on maintenant de ceux qui abandonnent leurs erreurs et rejoignent l’Eglise catholique qu’ils professent leur foi en la liberté religieuse, l’œcuménisme ou la collégialité ? »
J’ajouterais volontiers : pour être reconnu catholique, faut-il accepter la suppression du « consubstantiel » dans le Credo ? Faut-il se taire sur l’élimination du petit catéchisme pour enfants baptisés ?
Tels sont quelques points forts. On ne saurait les écarter d’un revers de main. Ainsi formulés, ils sont accessibles, sans diplômes universitaires, à la plupart des prêtres et des fidèles. En revanche il est un autre point où les propos de Mgr Fellay laissent le lecteur dans une certaine perplexité. Il semble estimer que depuis les deux dernières années, « la FSSPX n’est plus seule à voir les problèmes doctrinaux » qui se posent à la suite du concile Vatican II. On aimerait alors savoir à quel moment, et à la suite de quel quiproquo, la FSSPX a pu se sentir seule sur ces problèmes doctrinaux ? « Depuis 40 ans », dit précisément Mgr Fellay : c’est-à-dire donc depuis 1971. Or les problèmes doctrinaux en question ont été publiquement soulevés avant l’intervention publique de la FSSPX. Il suffit de citer un nom, qui n’est certes pas le seul, mais qui est le plus illustre, celui de l’un des quatre grands thomistes de langue française au XXe siècle, le nom de Marcel De Corte, pour faire la preuve que les difficultés doctrinales indiquées par les points forts de Mgr Fellay ont été explicitement mises en cause dès les années soixante. C’est pourquoi il se trouve que la FSSPX n’a pas été la première et n’a pas non plus été la seule. Son grand mérite n’est pas là. Il est dans le fait qu’elle a donné une forte présence sociologique, médiatique, liturgique, institutionnelle, et même épiscopale, aux questions, aux critiques, aux protestations qui sans elle seraient probablement restées à l’état théorique. Le poids d’une telle présence fait enrager les sectaires démocrates de La Croix, dont la malveillance range la FSSPX parmi les « groupuscules intégristes ». Mais justement : personne ne peut croire que la FSSPX serait un simple « groupuscule ».
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7492 de PRESENT du Vendredi 9 décembre 2011