Abbé de La Rocque : « La Tradition catholique n'est pas une pièce de musée. Elle doit s'incarner dans des prêtres convaincus » ("Des prêtres pour l'Eglise romaine") |
Nouvelle revue CERTITUDES - juin 2001 - n°6 |
Contribution publiée dans le cadre de l'enquête dirigée par l'Abbé de Tanoüarn De quelle manière la FSSPX se met-elle au service de l'Eglise aujourd'hui ? Dès ses origines, la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre s'est retrouvée dépositaire d'un trésor qui ne lui appartient pas en propre, mais était menacée par ceux-là mêmes qui devaient le faire fructifier : la Tradition catholique. Son premier devoir fut de protéger ce trésor, tant d'un point de vue liturgique que doctrinal. Il fallait le mettre à l'abri, dénoncer à temps et à contretemps le mal qui le mettait en péril, afin de le sauvegarder. Pour l'Eglise prise dans son ensemble bien sûr, mais également pour les âmes toujours plus nombreuses qui de partout réclament cette pure fontaine d'eau vive afin de s'y abreuver. Ce fut et ce demeure le premier service ecclésial rendu par la Fraternité Saint-Pie X. Cette Tradition catholique, il ne s'agit pas de la conserver comme une pièce de musée, cela n'aurait aucun intérêt ! Elle ne peut qu'être incarnée dans des hommes, dans des prêtres convaincus. Et c'est pourquoi la tâche première de la Fraternité Saint-Pie X est son oeuvre de formation et de sanctification des prêtres. En un temps de profonde crise, il s'agit de donner à l'Eglise des prêtres fermement attachés au saint Sacrifice de la Messe, des prêtres aussi saints que doctes je le souhaite. Parlons de manière plus ponctuelle peut-être. Après les trente dernières années qui ont permis la survie et la stabilisation de la Tradition catholique, l'oeuvre de reconquête est à l'ordre du jour. La situation que nous vivons n'est en effet plus tout à fait la même qu'en 1970. De manière générale, le clergé des années 50 nous haïssait parce que nous représentons tout ce qu'ils ont renié ; de plus leur aveuglement les rendait souvent inaccessibles à la grâce. Aujourd'hui apparaît une nouvelle génération qui n'a rien renié sinon parfois le modernisme reçu au séminaire, et pour qui la Tradition catholique n'est plus un sujet tabou, au contraire. Cette situation nouvelle implique de la part de la Fraternité Saint-Pie X une adaptation dans son oeuvre apostolique. Quoi qu'en tâtonnant encore, elle essaye, en plusieurs pays comme à Rome, d'entreprendre une influence bénéfique au sein du clergé. C'est ce qui explique en partie la recrudescence des débats doctrinaux, menés avec autant de loyauté et de charité que possible. Ce sont là autant de services rendus à l'Eglise, parce que ces clarifications sont les prolégomènes indispensables à toute restauration profonde de la Tradition dans l'Eglise. Qu'est-ce que cette romanité dont Mgr Lefebvre parlait si souvent ? Rome ! Que vous dire ? Lors de votre prochain pèlerinage dans la ville éternelle, jetez sur elle un regard de foi. Vous comprendrez alors cette romanité que Mgr Lefebvre nous a si profondément inculquée : c'est sur Pierre que le Christ a bâti son Eglise, les artistes ont su l'écrire dans la pierre. Depuis l'obscurité du confessionnal jusqu'à ces immenses statues de saints qui s'élancent dans le ciel du haut des édifices sacrés, tout indique que Rome est le chemin de la sainteté. Car c'est à Pierre que fut remis le pouvoir de lier et de délier, la puissance de bénir ou de bannir, il est et demeure le dépositaire de la sainteté que le Christ a acquis pour son Eglise. Là encore, la Ville éternelle vient nous le dire : ce ne sont pas de simples aléas de l'histoire qui l'ont transformée en immense reliquaire de la Passion du Christ ! C'est là et là seulement, dans la romanité, que le Christ s'unit à son Eglise et que je m'unis au Christ. Etre romain, c'est donc vivre le grand mystère de l'incarnation et de la médiation de l'Eglise. L'amour pour celle qui est notre Mère n'est pas quelque chose de vaporeux ou d'idéal : parce que j'aime l'humanité sainte du Christ, c'est également une Eglise de chair que j'aime ! Ce n'est pas que j'aime spécialement tel ou tel pape, mais, quel que soit l'individu, ses qualités, ses faiblesses, et même ses fautes, l'amour que j'ai pour l'Eglise fait que je ne suis plus qu'un avec le pape, dans sa dépendance totale, à chaque fois que celui-ci est en acte d'incarner l'Eglise. C'est cette Rome que Mgr Lefebvre nous a appris à aimer, cette Rome qu'il appelait la Rome de toujours ; car Rome demeure toujours la même, à travers les personnes qui se succèdent. Christus heri, hodie et in saecula ; l'Eglise que j'aime, c'est celle d'hier, d'aujourd'hui et de demain, c'est-à-dire l'unique Eglise qui reste identique à elle-même à travers le temps sans jamais pouvoir se contredire. Etre romain, c'est aussi vivre un amour en souffrance. Là encore, qui ne se rappelle le visage grave de douleur qu'avait Mgr Lefebvre lorsqu'il abordait devant nous les questions romaines ? C'est qu'un fils aimant ne peut que souffrir à voir sa mère malade, d'une douleur qui sera à la mesure de sa romanité. L'amour de la papauté, comme la haine et le combat contre la maladie qui l'infecte, sont parties intégrantes de la véritable romanité. C'est celle-là que Mgr Lefebvre nous a transmise. Comment caractérisez-vous les sacres de 1988? Le plus bel acte d'audace et de prudence surnaturelles que Mgr Lefebvre ait posé pour le service de l'Eglise. La FSSPX est-elle une avant-garde ou une arrière-garde dans le combat catholique aujourd'hui ? Enracinée dans la foi de toujours, riche d'une liturgie plus que millénaire dont les fruits de sainteté ne sont plus à redire, la Fraternité Scrint-Pie X possède cette stabilité indispensable en période de grands combats. En ce sens, elle est déjà une Valeur sûre, pour ne pas dire La valeur sûre dans le combat catholique de notre époque. Développant son argumentation doctrinale et l'exposant toujours plus au grand jour tout en restant elle-même, notre société religieuse montre chaque jour davantage combien elle anticipe sur le présent de l'Eglise pour préparer le retour des pasteurs à la Tradition. Maintenant, c'est à chacun d'entre nous de s'interroger pour savoir s'il reste paresseusement dans les arrières lignes ou si véritablement il peut se dire à l'avant-garde du grand combat. Que ce combat soit mené au vu et au su de tout le monde ou qu'il se situe dans l'obscur labeur quotidien, nous serons toujours aux avant-postes si, pour reprendre le mot de saint Augustin nous savons faire rivaliser en nos âmes l'amour de la vérité avec la vérité de l'amour. Car alors notre foi, ainsi vivifiée par la charité, sera notre victoire sur le monde. |
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