Benoît XVI consulte les cardinaux sur l'avenir de l'Eglise |
article publié le 22 mars 2006 sur le site www.la-croix.com |
Avant le consistoire où quinze cardinaux seront créés vendredi 24 mars, le pape consulte ce jeudi le Sacré Collège. Rien n'a filtré de l'ordre du jour de cette réunion à huis clos, où la question lefebvriste devrait être évoquée. Cette assemblée démontre la volonté de Benoît XVI d'élargir l'exercice de la collégialité La place Saint-Pierre retrouve les cardinaux. Près d’un an après le conclave qui, à la mort de Jean-Paul II, avait réuni les membres du Sacré Collège, 193 cardinaux (les 178 existants à ce jour, auxquels s’ajoutent les 15 nouveaux qui recevront la pourpre vendredi), venus de toute la planète, devaient ce jeudi 23 mars rejoindre la grande salle du Synode au Vatican, avec un air de préconclave. C’est en effet sur le modèle des congrégations générales, ces réunions de cardinaux qui, avant l’élection du pape, discutent librement de l’avenir de l’Église, que Benoît XVI a voulu placer cette première assemblée générale du Sacré Collège de son pontificat. Avant le consistoire de ces vendredi et samedi (lire les repères), le pape a ainsi voulu profiter de la venue des «princes de l’Église» pour les consulter, à huis clos, sur les «questions d’importance majeure pour la vie de l’Église et du monde», selon la lettre envoyée par le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’État, à l’ensemble des participants. Sans aucun doute, l’enjeu de ce premier consistoire extraordinaire est décisif. Sur la forme d’abord. Jean-Paul II avait, au début de son pontificat, convoqué six fois les cardinaux sur de grandes questions : finances du Saint-Siège, place de l’Église dans la culture contemporaine… En reprenant d’emblée cette pratique, Benoît XVI marque sa volonté d’introduire davantage de collégialité dans les rouages du gouvernement central de l’Église catholique, l’un des engagements pris lors de son message-programme de clôture du conclave, le 20 avril 2005. La méthode est simple : après une intervention du cardinal Sodano, qu’il a nommé doyen du Sacré Collège, le pape pourrait prendre la parole pour un discours d’introduction, puis écouter les cardinaux qui souhaiteront s’exprimer – un nombre déterminé par continent. Lors des congrégations générales avant le conclave de 2005, c’était justement le cardinal Ratzinger qui avait, au titre de doyen, mené les débats, avec une intelligence qui n’avait pas peu contribué à son élection quelques jours plus tard. La formule rappelle aussi celle de l’heure de «libre discussion» inaugurée en octobre lors de l’assemblée du Synode sur l’Eucharistie. Si cet essai se révèle concluant, le pape pourrait, dit-on, renouveler régulièrement ces rencontres et introduire ainsi une forme nouvelle de gouvernance dans l’Église. Administration trop "centrifuge"«Il s’agit cependant d’une liberté toute contrôlée», note avec humour un cardinal : «C’est le pape qui va fixer le contenu des débats.» Officiellement, en effet, aucun thème particulier n’est prévu. On peut cependant avancer, au menu de cette assemblée, la réforme de la curie. Devant tant de cardinaux, Benoît XVI n’entrera sans doute pas dans le détail des restructurations prévues ; mais il pourrait en indiquer la philosophie.Ces derniers jours, le pape a commencé quelques modifications du périmètre de la curie, dans le sens de la simplification d’une administration jugée trop «centrifuge». Il a en effet décidé de fondre deux dicastères (sortes de «ministères» formant la curie) dans deux autres : le Conseil pontifical pour les migrants rejoint Justice et Paix, et le dialogue interreligieux passe sous la responsabilité du cardinal Paul Poupard, déjà président du Conseil pontifical de la culture. Manifestement, il ne s’agit que d’une première étape : d’autres regroupements sont prévus, avec la constitution sans doute de «superdicastères». Benoît XVI pourrait donc consulter aujourd’hui les cardinaux quant aux besoins de l’Église universelle, au service de laquelle doit se placer la curie. L’enjeu est de parvenir à simplifier les structures créées après Vatican II, tout en conservant la dynamique conciliaire qui visait à mieux répondre aux préoccupations contemporaines. La question de l'IslamDe ce début de réformes, la réunion du dialogue interreligieux avec la culture a surpris. À Rome, de nombreux responsables avouent leur perplexité, voire leur inquiétude sur l’avenir du dialogue avec les autres religions. La question de l’islam, notamment, sera sans aucun doute posée aujourd’hui. Les récents événements ont montré toute la complexité du problème et, note un cardinal, «avec le départ de Mgr Fitzgerald (le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a été nommé nonce au Caire), la curie perd un précieux connaisseur de l’islam». Benoît XVI a, à plusieurs reprises, affirmé la nécessité d’un dialogue avec les musulmans. Peut-être expliquera-t-il aux cardinaux comment il entend désormais mener ce dialogue.Le thème de la liturgie et, en prolongement, la possibilité d’un rapprochement avec les intégristes attachés au rite tridentin (lire page 4) devrait aussi faire partie des débats de la journée, même si le sujet semble diviser les cardinaux. Pourrait encore être évoquée la situation du clergé, thème souvent revenu sur la table des discussions lors du Synode d’octobre dernier… On le voit : tout dépendra des orientations du discours d’introduction de Benoît XVI. Mais tout dépendra aussi de la conclusion qu’il en donnera lui-même. Les premiers mois de son pontificat ont montré que ce pape sait, et aime écouter. Les récentes décisions ont amplement prouvé aussi que Benoît XVI décide, et qu’il décide seul. Isabelle de GAULMYN, à Rome |
▼