La liturgie est au-dessus du droit des évêques, estime l’abbé de Tanoüarn La publication du "motu proprio" retardée sous la pression? |
Propos recueillis à Rome par Ariane Rollier I.MEDIA - Rome, 6 novembre 2006 (Apic) |
Alors que la polémique sur le retour de la messe en latin bat son plein en France et ailleurs, un prêtre français membre de l’Institut du Bon pasteur, une institution traditionaliste, répond indirectement à certaines interrogations émises auprès des évêques français, en session d'automne à Lourdes. Selon l'abbé Guillaume de Tanoüarn, la "liturgie est au-dessus du droit des évêques". Deux mois après la création de l’Institut du Bon pasteur, I'Agence I.Media à Rome a rencontré l’abbé de Tanoüarn, résidant à Paris. Le fondateur de l’association cultuelle Saint-Marcel et du centre Saint-Paul, à Rome du 3 au 5 novembre 2006, est ainsi revenu sur les débats autour de la libéralisation de la messe tridentine. Q.: Le Bon pasteur a été fondé le 8 septembre dernier. En deux mois, comment s’est-il développé en France et ailleurs ? R.: En deux mois, nous avons surtout, je crois, créé un séminaire qui vient d’ouvrir ses portes avec sept candidats. Par ailleurs, l’Institut s’est internationalisé. C’était une affaire franco-française au départ et certains membres fondateurs sont français, mais très rapidement, l’institut a intéressé des personnes un peu partout dans le monde et surtout en Amérique latine, où nous avons des retours venant de plusieurs pays. Il y a également une maison à Rome qui a été fondée avec quatre membres, deux prêtres et deux séminaristes. Nous avons aussi un certain retour en Pologne avec deux prêtres polonais et un séminariste qui vient d’arriver au séminaire en France.Q.: A quelle fin a-t-il été crée, ce séminaire? R.: Ce séminaire se situe à 150 Km de Paris, dans le diocèse de Chartres, à Courtalain. Il propose pour l’instant une année de spiritualité, on pourrait dire de noviciat, d’enracinement, de maturation spirituelle. Les candidats mènent une vie de prière et lisent les grands auteurs de la spiritualité chrétienne lors de cette première année de séminaire.Q.: Le séminaire propose-t-il ses propres enseignements ou les candidats vont-ils étudier dans des universités catholiques déjà existantes ? R.: Nous n’avons pas pris de décision définitive, mais on a déjà à Rome un embryon de convict avec des séminaristes en cours d’étude, qui suivent leurs études dans des universités romaines. Je crois que ce sera la formule que nous retiendrons à l’avenir. A savoir celle de suivre les cours dans les universités et dans les villes universitaires qui s’y prêtent.Q.: Avez-vous déjà obtenu des paroisses dont vous auriez la charge ? R.: Je dirais que les paroisses sont vraiment le sujet sur lequel les choses ont le moins progressé. L’abbé Laguérie a réhabilité la paroisse saint Eloi, à Bordeaux, qui était à l’abandon depuis plusieurs dizaines d’années et avait été squattée. Elle demandait une restauration très importante qu’il a mené, et donc tout serait prêt pour que soit reconnue une paroisse personnelle dans le diocèse de Bordeaux. Mais le cardinal Ricard, qui au départ avait manifesté un véritable intérêt et une bonne volonté, a finalement estimé que, sans doute, les temps n’étaient pas mûrs et qu’il fallait attendre. Et c’est au fond un peu l’origine des polémiques qui ont lieu aujourd’hui : au lieu de signer un contrat entre l’évêché et l’église Saint Eloi, on s’achemine vers une situation très tendue, où l’on reste malheureusement dans le non-droit.Q.: Est-ce la même chose ailleurs qu’à Bordeaux ? R.: C’est encore trop tôt pour le dire pour Paris. Je vais rencontrer Mgr Vingt-Trois le 17 novembre prochain après avoir fait cette demande depuis plus d’un an. C’est une très bonne chose que nous puissions nous rencontrer et je suis persuadé qu’il y a beaucoup de préjugés qui tomberont de part et d’autre, parce qu’on se connaîtra mieux et qu’en se connaissant mieux, on cessera de se diaboliser. Là encore, je pense qu’il faudra du temps.Q.: Quant aux étrangers ayant manifesté leur intérêt pour l’Institut, souhaitent-ils le rejoindre en France ou fonder dans leur pays en accord avec leur évêque ? R.: Je crois que les négociations avec les évêques sont beaucoup plus faciles hors de France. Si nous avons déjà de nombreux étrangers qui nous rejoignent, c’est dû à l’attitude beaucoup plus positive, beaucoup plus ouverte des évêques dans ces pays. Je crois que les exclusives idéologiques sont malheureusement une spécialité franco-française.Q.: Au niveau des pays, concrètement de qui s’agit-il ? R.: Il y a un Colombien qui a exercé pendant longtemps son ministère au Chili pour la Fraternité Saint-Pie X et qui y est resté, c’est lui qui a le plus de contacts directs avec les uns et les autres. Mais nous avons aussi des contacts au Mexique, au Brésil et en Colombie avec des prêtres qui pourraient très vite nous rejoindre.Q.: L’annonce d’un Motu Poprio en vue de libéraliser la messe tridentine a suscité de vives réactions dans l’épiscopat français si bien que le document ne serait pas près d’être publié. Quel est votre avis sur la question ? R.: J’ai l’impression que le pape estime nécessaire d’apaiser les tensions. Il faut un peu de temps. Mais je crois vraiment qu’il ne reculera pas, qu’il s’agit d’éléments fondamentaux de sa théologie. La question liturgique était assez peu à la mode, aussi bien en France qu’ailleurs. Je dirais que notre demande de liturgie traditionnelle réveille les passions qu’on croyait assoupies depuis longtemps. Et cette crise a quelque chose d’un peu décalé. On a l’impression qu’on n’est toujours pas sortis des années 70 et de ses polémiques sanglantes entre catholiques qui ont marqué cette époque. Je crois vraiment que les évêques qui ont l’autorité ont aussi la possibilité de tourner la page officiellement et de faire entrer leurs Eglises dans le 21e siècle. C’est en tous cas vraiment ce que je souhaite.Q.: L’épiscopat français semble avoir évoqué l’argument de la subsidiarité pour critiquer le document en préparation… R.: Je crois vraiment que la pensée du pape est que la liturgie est au-dessus du droit des évêques. Les évêques ont le droit sur le gouvernement de leur diocèse, mais ils n’ont pas effectivement droit sur la substance de la liturgie catholique. La liturgie est immémoriale et ses droits dépassent infiniment les individus, fut-ce-t-ils évêques. Je pense que le pape, à la place où il est, voit des choses que nous ne voyons pas. Il a donc certainement ses raisons de retarder la publication de ce document, mais cela m’étonnerait beaucoup qu’il revienne en arrière. Je ne prétends pas connaître ses intentions. Je crois simplement que sa doctrine et ses idées ont été trop souvent exposées pour qu’il revienne dessus.Q.: D’après vous, ce sont les évêques qui auraient demandé un délai pour retarder la publication de ce document ? R.: Oui, certainement, puisqu’il y a encore trois semaines, il y avait au Vatican confirmation officielle de la publication prochaine de ce document. Aujourd’hui, on s’aperçoit que les autorités sont beaucoup plus évasives. C’est tout simplement que l’épiscopat français, aidé de ses contacts à la curie, met ses dernières forces dans cette bataille.Q.: Votre rencontre avec le président de la Commission ‘Ecclesia Dei’ est-elle le motif de votre venue à Rome? R.: Ma venue à Rome a simplement et vraiment pour motif d’organiser un peu la formation dans notre petite maison à Rome. Le motif de la venue de l’abbé Laguérie était de présenter le nouveau supérieur de district d’Amérique latine au cardinal Castrillon-Hoyos. Nous avons été reçus très chaleureusement par le cardinal, mais à ce jour, il n’y a pas de décisions particulières prise concernant les ordinations de prêtres pour l’Institut du Bon pasteur.(apic/imedia/ar/pr) |
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