Je me permets de revenir sur cet événement qui a créé la polémique en début d'année : la levée des excommunications des évêques intégristes par le pape Benoît XVI. Cette décision a suscité des réactions vives, en dehors et au sein de l'Église, à juste titre.
Une précision : une levée d'excommunication ne signifie pas une réintégration. Cela signifie seulement : la porte est ouverte, à vous de voir si vous voulez saisir cette main tendue. On l'a reproché au pape (dont je ne suis pas un fervent), mais au fond, il est dans son rôle : son job, c'est de faire l'unité, au sein de l'Église, même si cette décision me trouble.
Un article de "La Croix" aujourd'hui, revient sur cette décision avec ce titre : "Les évêques lefebvristes expriment au pape leur refus de Vatican II". Mgr Fellay, le chef de ce groupuscule sectaire, dans une lettre signée avec ses autres potes, espèrent "aider le Saint-Siège à porter le remède approprié à la perte de la foi à l’intérieur de l’Église".
Pour eux, "la perte de la foi à l'intérieur de l'Église" vient de Vatican II. Ils se trompent lourdement. Le Concile convoqué par le pape Jean XXIII a, au contraire, permis d'amener un vent frais dans l'Église. Jean XXIII comme son successeur Paul VI (qui a continué le Concile après le décès du pape Roncalli) pensaient que le Concile permettrait non pas de moderniser la doctrine de l'Église mais de l'annoncer avec les méthodes et les mots d'aujourd'hui (en l'occurrence dans les années 60).
Le Concile n'a jamais été "en opposition avec le Magistère de toujours" comme l'affirment les intégristes. Il a été au contraire en lien avec ledit Magistère mais en utilisant des mots différents. D'ailleurs, il s'agit de regarder les votes des pères conciliaires : des majorités écrasantes ont voté les décisions du Concile (à chaque fois, plus de 2.000 votes contre une cinquantaine maximum).
Les lefebvristes parlent d'"ambiguïté du Concile", mais quelles sont-elles ? Ils remettent en cause la possibilité pour les Églises locales de dire la messe dans la langue du fidèle plutôt qu'en latin ; l'œcuménisme et le dialogue interreligieux (notamment avec les Églises séparés, les musulmans et les juifs) ; l'ouverture sur le monde de l'Église catholique. Les papes du Concile souhaitaient ancrer l'Église dans le monde afin d'y porter son message plus efficacement ; et surtout, mettre l'Homme au centre de ses préoccupations.
"Que serait l'Homme sans Dieu ? Que serait Dieu sans l'Homme ?", dit un chanteur chrétien. La question est re-posée aujourd'hui avec la levée des excommunication car le problème majeur tourne autour de ces deux questions. En voulant rendre la liturgie plus accessible, les pères conciliaires voulaient mettre un terme à ce qu'ils voyaient, à savoir, des fidèles tellement perdus pendant la messe qu'ils en récitaient leur chapelet ! Le prêtre ne disait pas la messe pour ses ouailles mais pour lui-même.
Enfin, les quatre énergumènes intégristes écrivent une contre-vérité. Effectivement, ils affirment que les fruits du Concile furent "de vider les séminaires, les noviciats et les églises". C'est faux. Les séminaires, les noviciats et les églises commencèrent de se vider avant 1939 pour atteindre les sommets que nous connaissons aujourd'hui.
Pourquoi ? Parce que le monde a changé à partir de cette date. Les gens ont eu accès de plus en plus au savoir, les moyens de communication ont évolué à grands pas, les mentalités ont évolué. Les gens se sont peu à peu affranchis non seulement de la religion mais encore des partis politiques, des syndicats... Est-ce un mal ? Croire nécessite être libre ; la liberté est, du reste, une notion "divine", biblique et rien ne peut se faire sans liberté.
On le voit, nos trublions intégristes n'acceptent pas cette liberté, liberté qu'ils refusent aux chrétiens et qu'ils veulent interdire à l'Église d'aujourd'hui. On le sait, cette décision de lever les excommunications a été très mal accueillie.
Qu'on se rassure, en refusant Vatican II, ils n'ont pas l'intention de "réintégrer" l'Église. C'est d'ailleurs une condition posée par le Vatican et par les Églises locales : pas de communion avec les intégristes s"ils n'acceptent pas Vatican II, formidable événement qui a permis d'apporter un peu d'air dans une Église croulant sous la poussière.
C'est cette poussière qui fait tousser aujourd'hui nombre de catholiques, de protestants, de juifs ; poussière avec laquelle les intégristes veulent coûte que coûte nous étouffer. |