9 novembre 2006

Les évêques veulent calmer le jeu
9 novembre 2006 - Jérôme Anciberro - temoignagechretien.fr
LES FAITS
Rassemblés à Lourdes du 4 au 9 novembre pour leur 43e assemblée plénière, les évêques de France ont particulièrement travaillé sur trois dossiers préparés de longue date (« Les différences structurantes de la vie sociale », l’enseignement catholique et « le ministère des prêtres diocésains et la communauté paroissiale »). Mais la question de l’accueil des traditionalistes et de la libéralisation de la messe de Pie V, bien que non prévue au programme, a également occupé une place importante dans les discussions entre évêques. À l’heure où plusieurs prélats font publiquement part de leurs réserves sur ce sujet extrêmement sensible, certaines mises au point ont pu être faites, notamment par Jean-Pierre Ricard, président de la conférence épiscopale.

L’ANALYSE
La décision de libéraliser pour les prêtres la possibilité de dire la messe selon le missel de 1962 n’a pas encore été prise. Le motu proprio annoncé n’a pas été signé. Son projet va faire l’objet de consultations diverses. Nous pouvons faire part, dès maintenant, de nos peurs et de nos souhaits. » Cet extrait du discours d’ouverture de l’assemblée de Lourdes prononcé le 4 novembre par Jean-Pierre Ricard laisse penser que le volontarisme romain en faveur du traditionalisme catholique en matière liturgique marque le pas. Il est cependant peu vraisemblable que le pape renonce à ce fameux motu proprio (décret) libéralisant la messe tridentine. Bien que ce texte n’ait pas encore été signé ou rendu public, l’annonce en a été suffisamment précise pour qu’il soit désormais devenu quasiment impossible pour le pape de revenir en arrière. Cela serait perçu comme une reculade, ce que Benoît XVI, de toute façon convaincu de la valeur actuelle de l’ancien rite, doit bien sûr s’efforcer d’éviter. Reçu à Rome le 26 octobre dernier, quelques jours après Jean-Marie Lustiger, Jean-Pierre Ricard aura sans doute convaincu le pape que la situation en France était sérieusement tendue sur cette question du traditionalisme liturgique. Une réalité qui, vue de Rome, n’était peut-être pas perçue avec toute l’acuité requise. Car au-delà des argumentations théologiques apportées à un débat qui, en surface, est d’ordre liturgique, c’est bien l’état des relations entre les cercles traditionalistes et le reste de l’Église de France qui pose question. En premier lieu, parce que la mise en cause constante de l’épiscopat français par les traditionalistes, plus ou moins directement selon leur proximité avec les intégristes de la Fraternité Saint-Pie X et selon les diocèses, a pris un tour qui rend difficile la belle communion que chaque camp affirme rechercher. Les traditionalistes, qui se sentent pousser des ailes depuis l’avènement de Benoît XVI, tentent de diffuser l’idée d’une opposition entre Rome et l’épiscopat français, et se présentent volontiers comme persécutés par des évêques néo-gallicans frondeurs et gagnés à un modernisme effréné. Pour qui connaît un peu l’épiscopat français, d’une prudence qui confine souvent à l’effacement, ce genre de schéma prête évidemment à sourire.
En second lieu, même si les courants traditionalistes ne représentent qu’une minorité des catholiques pratiquants de France, leur poids relatif, pour des raisons historiques, est sans commune mesure avec ce qu’il est dans d’autres pays. C’est à Bordeaux qu’a été fondé l’Institut du Bon-Pasteur. Pas à Naples ou à Stuttgart ! Laisser le champ libre aux traditionalistes en France aurait des effets – quels qu’ils soient – beaucoup plus importants qu’ailleurs, notamment en ce qui concerne la relation de l’Église toute entière aux enseignements du concile Vatican II. Tout laisse donc penser que le motu proprio qui s’annonce sera bien plus modéré qu’il n’avait été supposé. Le contrôle des évêques sur les célébrations tridentines pourrait, par exemple, être réaffirmé, même si c’est sous d’autres modalités que celles actuellement prévues par le motu proprio Ecclesia Dei Adflicta de 1988.
Jean-Pierre Ricard a justement expliqué le 6 novembre que la commission romaine Ecclesia Dei, chargée des relations avec les traditionalistes en rupture avec Rome, avait été saisie du dossier. Le président de la Conférence épiscopale française, qui est membre de cette commission, aura peut-être ainsi la possibilité de donner son avis, chose qui ne paraissait pas évidente jusqu’à ces derniers jours…