Où en est le dialogue entre Rome et la Fraternité Saint Pie X ? |
25 mars 2006 - www.dici.org |
Editorial : Où en est le dialogue entre Rome et la Fraternité Saint Pie X ?Alors que des journalistes laissent entendre qu’il serait question de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X lors de la réunion des cardinaux autour du pape, ce 23 mars, DICI a demandé à Mgr Bernard Fellay d’exposer à ses lecteurs la ligne de conduite qu’il a eu l’occasion de présenter dans de récentes conférences à des prêtres et à des religieux, aux Etats-Unis et en France.Au moment où nous mettons sous presse ce numéro, La Croix du jeudi 23 mars titre : « Les cardinaux face à l’intégrisme catholique », intégrisme imprimé en rouge ! Loin des titres racoleurs et soi-disant « vendeurs », nous donnons la parole au Supérieur général de la Fraternité Saint Pie X. Tout simplement. Abbé Alain Lorans DICI : Monseigneur, dès le début de vos entretiens avec Rome, il y a cinq ans, vous avez proposé deux préalables avant toute discussion doctrinale. Il s’agit de la liberté pour chaque prêtre catholique de célébrer la messe tridentine et du retrait du décret d’excommunication porté contre les évêques de la Fraternité. Pourquoi ces préalables ? N’est-ce pas là une manoeuvre dilatoire qui permettrait de gagner du temps pour rassurer des prêtres ou des fidèles inquiets d’un éventuel rapprochement ? Ne risquez vous pas de perdre ainsi une occasion inespérée de réconciliation ?Mgr Fellay : Toutes ces considérations politiques, je dirais même tous ces calculs politiciens sont étrangers à l’esprit des conversations que la Fraternité a avec Rome depuis que Mgr Lefebvre les a entreprises. Les préalables que j’ai proposés ont pour but de créer un climat nouveau dans l’Eglise officielle. Ce serait un premier pas pour rendre à nouveau possible la vie catholique traditionnelle. La situation actuelle a poussé les fidèles, devant les désastres post-conciliaires, à fuir leurs paroisses pour rejoindre la Fraternité, et ce malgré l’opprobre dont on entoure les prêtres traditionnels. Aucune sanction romaine, aucune mise en garde épiscopale ne dissuadent ces familles de choisir la Tradition. C’est un fait. Aussi ai-je demandé au pape de poser des actes publics en faveur de la Tradition, car nos fidèles ne pourront se satisfaire de simple paroles d’encouragement. Ces actes sont la liberté de la messe traditionnelle et le retrait du décret d’excommunication. Et si les bruits qui courent aujourd’hui dans la presse sur le retrait de l’excommunication sont avérés, on pourra dire que le Souverain Pontife a pris en compte un des deux préalables. DICI : N’est-ce pas demander à Rome de régler la crise avec Ecône unilatéralement, sans contrepartie de votre côté ?Mgr Fellay : Non, car la crise avec Ecône n’est pas première. Elle n’est que le révélateur d’une crise plus profonde à Rome même, et la solution de cette crise majeure est à Rome. Il n’est pas question pour nous d’une négociation de type syndical, parce que nous n’avons pas d’intérêts propres, ni d’avantages personnels à négocier. Nous souhaitons que Rome retrouve sa Tradition. Ecône ne fait que conserver ce qui est avant tout le patrimoine de l’Eglise universelle. Il appartient à Rome de rendre à la Tradition sa place, pleine et entière, afin qu’elle puisse jouer son rôle dans la solution de la crise de l’Eglise. DICI : Mais l’excommunication est bien une situation personnelle qui vous touche, vous et vos confrères?Mgr Fellay : Nous demandons le retrait d’un décret d’excommunication auquel nous n’avons jamais accordé de valeur canonique, sans quoi bien évidemment nous n’aurions exercé aucun ministère : ni ordination, ni confirmation... Mais nous sommes bien conscients de la portée pratique de ce décret : la diabolisation efficace de la Tradition, l’empêchement pour les prêtres traditionnels de faire du bien dans les paroisses. Si une famille fait appel à nous pour un sacrement dans le rite traditionnel, l’évêque ou le curé n’a qu’un mot à dire : « Vous n’y pensez pas, ils sont excommuniés ! » Voilà comment on neutralise la Tradition concrètement. DICI : Est-ce que vous pourriez préciser votre pensée ?Mgr Fellay : La messe traditionnelle cessant d’être en liberté surveillée et le ministère des prêtres traditionnels n’étant plus entouré d’une suspicion d’excommunication, on pourra voir l’expérience de la Tradition à l’œuvre. DICI : Tout cela est pratique et pastoral, or la crise de l’Eglise est principalement doctrinale. Qu’en est-il des questions de fond, de la liberté religieuse sur laquelle Mgr Lefebvre avait émis des Dubia, des doutes communiqués au cardinal Ratzinger ? Qu’en est-il de l’œcuménisme auquel vous avez consacré une étude remise à tous les cardinaux, il y a deux ans ?Mgr Fellay : Sur cette question de l’œcuménisme, le mutisme des cardinaux auxquels avait été adressée cette étude est très significatif. Leur silence montre toute la distance qui nous sépare au plan doctrinal.Vous faites bien de noter que les deux préalables ont une portée pratique, et c’est en cela qu’ils constituent la première étape nécessaire avant de pouvoir aborder les questions doctrinales. En effet, des discussions sur le fond, entreprises en dehors ou avant cette étape pastorale, semblent a priori vouées à l’échec. DICI :C’est pourquoi on peut penser qu’au fond vous n’envisagez pas sérieusement un dialogue avec Rome ?Mgr Fellay : Je dirais que ce dialogue doit être doctrinal et pratique, avec des faits à l’appui des raisonnements théologiques. En partant du point de convergence entre Rome et nous - le constat commun d’une crise désastreuse -, nous devons tenter de résorber la divergence en essayant de faire admettre à Rome la véritable cause de cette crise. La discussion doctrinale a bien pour but d’obtenir la reconnaissance par Rome de cette cause, mais étant donné les principes modernes dont sont imbues les autorités romaines depuis Vatican II, cette discussion ne peut avoir lieu sans le concours d’une leçon donnée par les faits eux-mêmes, ou encore plus précisément : elle ne peut se faire sans la considération de l’œuvre concrète que la Tradition peut accomplir en vue d’une solution à la crise des vocations, de la pratique religieuse… DICI : Votre ligne de conduite est-elle partagée par l’ensemble des prêtres et des fidèles attachés à la Tradition ?Mgr Fellay : Mgr Lefebvre disait déjà que les autorités romaines seraient plus sensibles aux chiffres et aux faits présentés par le Fraternité Saint Pie X que par des arguments théologiques. Bien évidemment, notre fondateur n’entendait pas éluder une nécessaire discussion doctrinale, c’est pourquoi nous voudrions dans cette deuxième étape présenter à Rome les arguments de la théologie traditionnelle, confortés par les faits de l’apostolat traditionnel, avant d’aborder la troisième étape, celle du statut canonique de la Fraternité DICI : Alors ! l’accord canonique aux calendes grecques ?Mgr Fellay : On parle d’administration apostolique, de prélature personnelle, d’ordinariat…, cela semble prématuré. En souhaitant un accord canonique tout de suite et à tout prix, nous nous exposerions à voir immédiatement resurgir tous les problèmes doctrinaux qui nous opposent à Rome, et cet accord serait aussitôt caduc. Cette régularisation de notre statut canonique devra intervenir en dernier lieu, comme pour sceller un accord déjà réalisé au moins pour l’essentiel au niveau des principes, grâce aux faits constatés par Rome. |
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