SOURCE - Abbé Anthony Cekada - résumé paru en avril 2006 de la version longue parue le 25 mars 2006
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L’abbé ANTHONY CEKADA enseigne la Théologie morale et sacramentelle, le Droit canon et la Liturgie au séminaire de la Très Sainte Trinité à Brooksville en Floride. Il a été ordonné en 1977 par Mgr Marcel Lefebvre, et il a écrit de nombreux articles et études concernant la question traditionaliste. Il réside à côté de Cincinnati où il célèbre la messe latine traditionnelle.
EN 1975, APRÈS
avoir passé dix ans dans le
système des séminaires de la période qui suivit Vatican II, j’entrai au
séminaire de la Fraternité St. Pie X à Ecône.
Pendant que j’y
faisais ma première année je frappai un jour à la porte du bureau de Mgr
Lefebvre et je lui demandai si je pouvais avoir un court entretien avec lui.
Malgré mon audace
(typiquement américaine!) il était, comme d’habitude, accueillant.
Je demandai à
Monseigneur si des amis conservateurs du séminaire où j’étais auparavant
pourraient, une fois ordonnés prêtres, collaborer avec la Fraternité. Il me
répondit que, oui, en principe, mais qu’ils devraient d’abord être réordonnés
sous condition parce que Paul VI avait changé le rite du sacrement de l’Ordre.
Monseigneur
Lefebvre expliquait que la nouvelle forme (la forme essentielle) du rite de
l’ordination sacerdotale était douteuse à cause d’un seul mot qui avait été
supprimé. Et Monseigneur de continuer : pour ce qui est de la forme nouvelle de
la consécration épiscopale, elle est toute différente et donc invalide.
Je savais bien que
les traditionalistes mettaient en question la validité des rites des autres
sacrements post-conciliaires, pourtant Monseigneur fut le premier traditionaliste
dont j’apprenais qu’il mettait en doute la validité des nouveaux rites pour la
collation des Ordres sacrés.
Malgré la gravité
du problème seul un petit nombre d’auteurs traditionalistes avaient analysé les
rites d’ordinations d’après le concile Vatican II, même après que se fussent
multipliées, suite à un indult, les messes S. Pie V célébrées par des prêtres
ordonnés par des évêques sacrés dans le nouveau rite.
Après l’élection de Benoît XVI en 2005 et l’ouverture de la part de la Fraternité St. Pie X de
négociations avec lui, le problème revint à la surface : Joseph Cardinal
Ratzinger, nommé archevêque et cardinal par Paul VI, avait été consacré dans le
nouveau rite le 28 mai 1977. Etait-il donc un véritable évêque ?
Le Père
Pierre-Marie OP, dominicain d’Avrillé, a publié un long article en faveur de la
validité du nouveau rite dans Le Sel de la Terre n° 54 (automne 2005).
Enseignant la
théologie morale des sacrements et la liturgie aux séminaristes depuis 1995 et
ayant écrit un certain nombre d’articles sur le sujet, l’article du P.
Pierre-Marie ne manqua pas bien entendu de retenir mon attention. Il m’apparut
que l’auteur avait omis d’examiner deux sujets cruciaux pour cette question :
(1) Quels sont les
principes que la théologie catholique applique afin de déterminer si une forme
sacramentelle est valide ou invalide ?
(2) Comment ces
principes peuventils être appliqués au nouveau rite de la consécration
épiscopale ?
Ces deux points
présents à l’esprit, je rédigeais ma propre étude au sujet du nouveau rite.
Voici un bref résumé de cet article :
I. PRINCIPES GÉNÉRAUX
(1) Tout sacrement
comporte une forme (la formule essentielle) qui produit l’effet du sacrement.
Lorsqu’un changement substantiel de signification est introduit dans la
forme sacramentelle par la corruption ou par l’omission de paroles essentielles,
le sacrement est rendu invalide (= il ne “marche” pas : il ne
produit pas l’effet du sacrement).
(2) Les formes
sacramentelles approuvées dans les Rites orientaux de l’Eglise catholique
diffèrent parfois dans leur formulation des formes du rite latin, mais elles
restent les mêmes quant à leur substance, et sont donc valides.
(3) Pie XII a
déclaré que la forme des Saints Ordres (c. à d. du diaconat, de la
prêtrise et de l’épiscopat) doit signifier de manière univoque (= de
manière non ambiguë) les effets sacramentels — le pouvoir d’ordre et la
grâce du Saint-Esprit.
(4) Pour la
collation de l’épiscopat Pie XII a désigné pour forme sacramentelle une phrase
dans le rite traditionnel de la consécration épiscopale, qui exprime de manière
univoque (a) le pouvoir d’ordre qu’un évêque reçoit et (b) la grâce du
Saint-Esprit.
II. APPLICATION AU RITE
(1) La forme de la
consécration épiscopale de Paul VI apparaît dans la Préface spéciale du rite ;
le texte complet de la forme est le suivant :
«Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit qui fait les chefs, que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ, qu’il a lui-même donné aux saints Apôtres qui établirent l’Eglise en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange
incessante et à
la gloire de ton Nom.»
Alors que la forme
nouvelle semble mentionner la grâce de l’Esprit Saint, elle ne spécifie pas le
pouvoir d’ordre qui est supposé être conféré. Peut-elle conférer l’épiscopat ?
Afin de répondre à cette question, nous allons appliquer les principes établis
dans la première partie.
(2) La forme assez brève de la consécration épiscopale de Paul VI n’est pas identique aux formes assez longues des rites orientaux ; elle ne mentionne pas comme c’est le cas dans celles-ci, les pouvoirs propres à l’évêque seul (p. ex. celui d’ordonner). Les prières des rites orientaux auxquelles la Préface de Paul VI qui enchâsse sa forme consécratoire, ressemble le plus, sont des prières nonsacramentelles pour l’intronisation des patriarches Maronite ou Syrien qui sont déjà évêques au moment de leur nomination. En somme, il n’est pas permis d’argumenter (comme le F. Pierre-Marie le fait) que la forme de Paul VI «est en usage dans deux rites orientaux certainement valides» et qu’elle serait par conséquent valide.
(2) La forme assez brève de la consécration épiscopale de Paul VI n’est pas identique aux formes assez longues des rites orientaux ; elle ne mentionne pas comme c’est le cas dans celles-ci, les pouvoirs propres à l’évêque seul (p. ex. celui d’ordonner). Les prières des rites orientaux auxquelles la Préface de Paul VI qui enchâsse sa forme consécratoire, ressemble le plus, sont des prières nonsacramentelles pour l’intronisation des patriarches Maronite ou Syrien qui sont déjà évêques au moment de leur nomination. En somme, il n’est pas permis d’argumenter (comme le F. Pierre-Marie le fait) que la forme de Paul VI «est en usage dans deux rites orientaux certainement valides» et qu’elle serait par conséquent valide.
(3) Divers
textes anciens (Hippolyte, les Constitutions apostoliques, et le
Testament de Notre-Seigneur) partagent quelques éléments avec la Préface
consécratoire de Paul VI qui enchâsse la forme nouvelle ; le F. Pierre-Marie
les invoque pour preuve de son affirmation de la validité de la nouvelle
consécration épiscopale. Mais tous ces textes ont été «reconstitués»,
sont d’origine douteuse, ne peuvent constituer un usage liturgique réel avéré,
ou soulèvent d’autres problèmes. Il n’existe aucune preuve qu’ils aient
constitué des formes sacramentelles «acceptées et utilisées par l’Eglise en
tant que telle» — critère établi par la Constitution Apostolique de Pie XII sur
les Saint Ordres. Ces textes ne fournissent donc aucune preuve fiable à l’appui
de la démonstration de la validité de la forme de Paul VI.
(4) Le problème-clé
de la forme nouvelle tourne autour de l’expression Spiritus principalis (traduite
en français par «l’Esprit qui fait les chefs»). Avant et après la promulgation
de la consécration épiscopale de 1968, le sens de cette expression suscita
des inquiétudes sur la question de savoir si cette expression signifiait
suffisamment le sacrement. Même un évêque de
la commission vaticane qui a créé ce rite, a soulevé cette interrogation.
(5) Dom Bernard Botte, le moderniste qui était l’auteur principal du nouveau rite, soutenait qu’au IIIe siècle chrétien, Spiritus principalis connotait l’épiscopat, parce les évêques possèdent «l’Esprit d’autorité» en tant qu’ils gouvernent l’Eglise. Spiritus principalis voulait dire «don de l’Esprit qui convient à un chef».
(5) Dom Bernard Botte, le moderniste qui était l’auteur principal du nouveau rite, soutenait qu’au IIIe siècle chrétien, Spiritus principalis connotait l’épiscopat, parce les évêques possèdent «l’Esprit d’autorité» en tant qu’ils gouvernent l’Eglise. Spiritus principalis voulait dire «don de l’Esprit qui convient à un chef».
(6) Cette
explication était fausse et trompeuse. Les références aux dictionnaires, à
un commentaire de l’Ecriture Sainte, aux Pères de l’Eglise, au traité de
dogmatique et aux cérémonies d’investiture non-sacramentelles des rites
orientaux, révèlent que, parmi une douzaine de significations différentes et
souvent contradictoires, Spiritus principalis ne signifie nullement
de manière spécifique, ni l’épiscopat en général, ni la plénitude des
Saints Ordres que l’évêque seul possède.
(7) D’ailleurs,
avant même que la controverse à ce sujet ne se soit déclenchée, Dom Botte
lui-même avoua qu’il ne voyait pas comment l’omission de l’expression Spiritus
principalis pourrait affecter la validité du rite de la consécration.
(8) La forme
nouvelle échoue à satisfaire aux deux critères établis par Pie XII pour les
Saints Ordres (a) Du fait que l’expression Spiritus principalis peut
signifier beaucoup de choses ou personnes différentes, elle ne signifie pas de
manière univoque l’effet sacramentel. (b) Il manque à la forme nouvelle une
expression, quelle qu’elle soit, qui connoterait, même de manière équivoque,
le pouvoir d’ordre que l’évêque seul possède — la «plénitude du sacerdoce
du Christ dans la fonction et l’ordre de l’évêque» ou «la plénitude ou
l’entièreté du ministère sacerdotal.»
(9) Pour ces
raisons la forme nouvelle constitue un changement substantiel dans la
signification de la forme sacramentelle pour la collation de l’épiscopat.
(10) Or, un
changement substantiel de la signification de la forme sacramentelle,
conformément aux principes de la théologie morale des sacrements, rend un
sacrement invalide.
III. SACREMENT INVALIDE
Par conséquent,
une consécration épiscopale conférée dans la forme sacramentelle promulguée par
Paul VI en 1968 est invalide — cela veut dire qu’elle ne peut pas
instituer un véritable évêque.
Prêtres et
autres évêques dont les
ordres proviennent de tels évêques sont dès lors ordonnés invalidement et
invalidement consacrés. Par conséquent les sacrements qu’ils
administrent ou réalisent, lesquels dépendent du caractère sacerdotal ou
épiscopal (la Confirmation, l’Eucharistie, le sacrement de Pénitence, l’Extrême
Onction, les saints Ordres) sont eux aussi invalides.
IV. OBJECTIONS
(1) «Le
contexte rend les ordres valides». Réfutation : Les paroles situées
ailleurs dans le rite ne peuvent pas redresser ce défaut, parce qu’un
élément essentiel de la forme (le pouvoir d’ordre) n’est pas simplement
exprimé de manière ambiguë, mais parce qu’il est complètement manquant.
(2) «La forme a
été approuvée par le pape.» Réfutation : D’après le concile de Trente et
Pie XII l’Eglise n’a nullement le pouvoir de changer la substance d’un
sacrement. Or l’omission du pouvoir d’ordre dans la forme nouvelle en
change la substance. Aussi, même si Paul VI avait été un vrai pape, il
n’aurait eu nullement le pouvoir d’introduire un tel changement. Et si
c’était le cas, la simple tentative de le faire quand même, suffirait à
démontrer qu’il n’était pas un vrai pape.
*******
LA RAISON POUR laquelle le rite de Paul VI de la consécration épiscopale est invalide
peut être résumée en une seule phrase : Les modernistes ont changé les
paroles essentielles en supprimant la notion de la plénitude du sacerdoce.
Le texte intégral
de mon article «Absolument nul et entièrement vain» se trouve en version
française sur deux sites Internet : www.traditionalmass.org/articles/ “Sacraments” www.rore-sanctifica.org
Il est aussi
disponible sous la forme d’une brochure à l’adresse ci-dessous.
J’invite les
lecteurs à photocopier et à distribuer ce résumé de mon article à des
catholiques, amis de la Tradition, spécialement au clergé et aux laïcs qui sont
de la FSSPX, car il doit y en avoir déjà beaucoup, sait-on jamais, qui
nourrissent de sérieuses réserves au sujet de la validité du nouveau rite.
Etant donné que le mouvement traditionaliste en
France est fort et qu’il a une influence mondiale, il importe que la fille
aînée de l’Eglise ne soit pas entraînée dans un fausse résistance qui la
priverait de messes valides et de sacrements valides, alors que tant de
catholiques français ont mené si bien un combat si long!