4 février 2009





Le Vatican apporte les précisions tant attendues sur l'affaire Williamson
04/02/2009 - Isabelle De Gaulmyn - la-croix.com
Après dix jours de rebondissements dans la crise intégriste, une note de la Secrétairerie d’État somme Mgr Williamson de retirer publiquement ses propos négationnistes

Cette fois, la clarification est venue de la Secrétairerie d’État, l’instance la plus haute du Saint-Siège.

En trois points, elle veut lever toute ambiguïté par rapport à la levée de l’excommunication des évêques, et notamment les déclarations négationnistes de Mgr Williamson, à qui il est demandé de retirer publiquement ses propos « absolument inacceptables » sous peine de ne pas être admis comme « évêque de l’Église catholique ».

L’admonestation de la chancelière allemande, mardi 3 février, a enlevé les dernières hésitations de ceux qui refusaient de mesurer l’ampleur de la crise, et a amené à la rédaction de cette note solennelle. En effet, les critiques d’Angela Merkel ont provoqué une véritable tempête au Vatican, mardi soir, alors que l’on croyait, selon les propos du secrétaire d’État, le cardinal Tarcisio Bertone, que l’affaire pouvait être « considérée comme close ».
Exceptionnel
Il est extrêmement rare qu’un chef d’État demande des clarifications au pape. Et lorsque ce chef d’État est celui du pays d’origine du pape, c’est encore plus exceptionnel… La rapidité de la première réponse, le communiqué rédigé dès mardi soir par le P. Lombardi, directeur du bureau de presse, en témoigne. Mais depuis, les coups de téléphone n’ont pas cessé. D’abord, parce que le pape suit de près l’actualité allemande. Si l’émotion en France est restée relativement sous-évaluée ici, en revanche, ce qui se passe depuis quelques jours en Allemagne ne l’est pas. De plus, Benoît XVI estime Angela Merkel et a été sensible au fait qu’elle ait parlé comme « chrétienne » sur un sujet très douloureux pour la mémoire allemande. C’est d’ailleurs bien des rangs germaniques qu’était venue la contestation interne la plus dure depuis quelques jours. Le cardinal allemand Walter Kasper, son compatriote le cardinal Lehmann, et le cardinal autrichien Christoph Schönborn, ont clairement critiqué la décision de lever des excommunications, ou du moins la manière dont cela était géré. De plus, Angela Merkel menaçait de faire contagion auprès d’autres responsables politiques. Mardi déjà, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat de la Pologne lui emboîtaient le pas, critiquant une décision qui, ont-ils dit, « créait la confusion dans l’Église ».

À cela s’ajoute le problème d’Israël, avec qui le Saint-Siège tente de négocier la visite de Benoît XVI, et plus généralement la communauté juive, avec laquelle la Curie souhaite aujourd’hui retisser des liens. Le fait de dire clairement qu’on ne peut être à la fois évêque de l’Église et négationniste devrait la rassurer. « C’est le signe qu’attendaient tous les juifs du monde », a réagi, dès mercredi soir, le président du Congrès juif mondial, Ronald S. Lauder.
Le vent a tourné à l’intérieur de la Curie
En Europe, la crainte des évêques était que se réveillent dans l’Église de vieux démons antisémites. Un homme venant d’Amérique latine comme le cardinal Dario Castrillon Hoyos, président de la Commission Ecclesia Dei, en charge du dossier intégriste à Rome, était passé à côté du problème. De ce point de vue, la mention précisant que le pape n’était pas au courant des positions de Williamson concernant la Shoah, au moment où il a donné son feu vert pour la levée de l’excommunication, sonne comme un désaveu à l’encontre du cardinal. La note de la Secrétairerie d’État montre de manière très claire que, après un moment d’hésitation, le vent a tourné à l’intérieur de la Curie. Le Vatican, comme toute institution, est traversé par des tendances diverses. Celle représentée par le cardinal Castrillon Hoyos visait à réaliser l’unité à tout prix avec la mouvance intégriste, au risque de revoir la lecture du concile Vatican II.
Le fameux discours du pape en décembre 2005 sur la juste interprétation du Concile, son motu proprio libéralisant la messe en rite tridentin, et enfin les modifications liturgiques qu’il apportait progressivement, avaient semblé ouvrir la voie en ce sens. C’était mal juger de la manière dont l’Église, à Rome, reste profondément attachée au Concile.
Le pape va-t-il changer des responsables ?
Depuis quelques jours, des responsables comme le cardinal Kasper, ou le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques, faisaient connaître leur désapprobation. La Conférence épiscopale italienne avait pris ses distances, demandant à ce que l’on pose comme condition l’acceptation totale de Vatican II. Jusqu’à l’hebdomadaire catholique Famiglia cristiana, qui s’inquiète cette semaine de ce que ces événements allaient venir « brouiller l’image de Vatican II ». De manière inhabituelle, la note de la Secrétairerie d’État fait mention non seulement du Concile, mais aussi du Magistère des papes Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II et Benoît XVI. Une interprétation très large, qui relativise la fameuse distinction opérée entre le Concile lui-même et son interprétation, par Benoît XVI. Cette fois, on précise que les intégristes doivent reconnaître non seulement le Concile, mais aussi le Magistère des papes qui l’ont interprété, notamment Paul VI et Jean-Paul II : il suffit de penser à la rencontre interreligieuse pour la paix à Assise, organisée par ce dernier, objet des critiques acerbes de la Fraternité-Saint-Pie-X.
Comment va désormais pouvoir se résorber la fracture avec celle-ci ? Le cardinal Castrillon Hoyos va-t-il poursuivre lui-même les négociations ? Mercredi 4 février, la presse italienne, y compris le très sérieux quotidien économique Il Sole, titrait sur la « mauvaise gouvernance » au Vatican. Le pape va-t-il changer des responsables ? On sait combien il répugne à agir sous la pression. En attendant, le communiqué apporte enfin les précisions sur la situation des évêques et membres de la Fraternité, que l’on attendait depuis dix jours. Dix jours d’un douloureux gâchis.
Isabelle DE GAULMYN, à Rome