Chers liseurs et intervenants,
Merci à tous pour vos aimables mots d'accueil et un salut amical à mes confrères juristes !
Puisqu'un certain nombre d'entre vous m'y invitent, je vous propose de m'expliquer en quelques mots sur cette expression de "lefebvriste de gauche", que j'avais innocemment utilisée pour caractériser le "courant" qui avait mes préférences.
Par ces termes, je visais un état d'esprit dont les traits principaux pourraient être les suivants.
Le premier trait consiste à faire primer l'objectivité de la foi sur toutes les considérations esthétiques ou sensibles (lesquelles ont partie liée au désir humain et sont immanquablement décevantes). En matière liturgique, cette objectivité de la foi a pour conséquence une recherche de la sobriété et du hiératisme. Monseigneur Lefebvre, si j'en juge d'après mes lectures, n'encourageait ni les souliers à boucle, ni l'abus des baise-main à l'autel. L'attachement au rite traditionnel est d'autant plus solide qu'il est fondé théologiquement, et qu'il ne repose pas sur la seule sensibilité (même si celle-ci peut être une première étape, appelée à être purifiée).
La deuxième caractéristique de ce "lefebvrisme de gauche", c'est une forme de modernité, qui fait que l'on n'hésite pas à utiliser les moyens techniques mis au point par l'intelligence humaine, ni à accepter dans notre époque un certain nombre d'évolutions qui ne sont pas nécessairement mauvaises. Monseigneur Lefebvre, pour donner un exemple, s'est impliqué en Afrique dans la promotion d'un épiscopat indigène. Pour le dire autrement, on n'est pas traditionaliste parce que "plus c'est vieux, mieux c'est" (forme de déséquilibre psychologique que l'on retrouve à l'identique dans toutes les religions), mais parce qu'il y a un dépôt de la foi à transmettre.
A ce qui précède, j'associerais volontiers le fait d'avoir des côtés très humains. "Tu n'as qu'un défaut, tu ne fumes pas!" disait Mgr Ducaud-Bourget à l'abbé Laguérie (qui a changé depuis). Le cigare, la moto, le bon vin, les romans policiers ou pourquoi pas le bon rock (horresco referens) évitent, à mon sens, à un prêtre (comme à tout catholique) de se prendre pour un demi-dieu, mais au contraire permettent de garder les deux pieds bien arrimés au sol. De surcroît, cela rassure les gens éloignés de l'Eglise, qui se disent qu'ils n'ont pas en face d'eux des monstres froids.
Je ne peux être trop long, mais on pourrait compléter la liste : un attachement total à l'indéfectibilité de l'Eglise et de Rome, la fermeté sur les principes et l'indulgence au quotidien envers la faiblesse d'autrui, un a priori bienveillant tous azimuts (la charité croit tout, elle espère tout), la vertu de magnanimité, la volonté de faire connaître l'Evangile à tous sans distinction de race ou de classe sociale (mais avec une option préférentielle pour les malades et les boîteux) et surtout le sens de l'humour !
J'aurais envie de citer les nombreux prêtres chez qui j'ai trouvé ces qualités et qui m'ont donné envie de leur ressembler (je précise que ceci est toujours à l'état d'objectif). Je pense finalement qu'il est mieux de taire leur nom. Après tout, ils ne seraient peut-être pas ravis d'apprendre qu'ils sont "de gauche"! Qu'ils trouvent en tout cas ici l'expression de la gratitude de quelqu'un dont ils ont radicalement réorienté la vie ! |