22 janvier 2009

[Le Figaro] Benoît XVI se réconcilie avec les intégristes

SOURCE - Jean-Marie Guénois - Le Figaro - 22 janvier 2009

Le Pape va lever l'excommunication des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre. Une étape capitale avant la fin du schisme.

La nouvelle n'est pas officielle, mais elle est très sérieuse et non démentie par le Saint-Siège : Benoît XVI s'apprête à publier dans les prochains jours un décret levant l'excommunication prononcée, en 1988, contre Mgr Marcel Lefebvre et les quatre évêques qu'il avait alors consacrés bravant l'interdiction de Rome.
Après la publication d'un motu proprio, le 2 juillet 2007, libéralisant la messe selon le missel tridentin, dite «en latin», cet acte - explicitement demandé au Pape par Mgr Bernard Fellay, le supérieur de la Fraternité Saint Pie X, héritière de Mgr Lefebvre - marquera la fin de ce schisme. Ce qui a toujours été l'un des objectifs affichés du pontificat de Benoît XVI, élu en avril 2005.
Reste à voir la méthode que va suivre le Vatican. Il est probable que le décret signifiant la levée de l'excommunication soit accompagné de la constitution d'un cadre juridique ad hoc pour permettre aux évêques, prêtres et fidèles lefebvristes de vivre formellement dans l'Église catholique romaine. Certains parlent d'une «prélature personnelle». Le modèle est l'Opus Dei dont le prélat, sur un plan international, a toute responsabilité sur son œuvre et sur ses prêtres. Et ne rend de comptes qu'au pape.
L'information de cette levée d'excommunication, jugée certaine par plusieurs sources à Rome, n'étant toutefois pas encore pu­bliée par le Saint-Siège, personne, jeudi, n'acceptait de la commenter publiquement. Il y a deux jours, la Fraternité Saint Pie X se félicitait simplement du succès de la «croisade du rosaire» pour «obtenir de Notre Dame le décret d'excommunication de 1988».
Car l'affaire vient de loin. S'il y avait eu des tentatives de négociation sous le pontificat de Jean-Paul II, Benoît XVI, dès son arrivée, a travaillé directement à ce dossier qu'il connaît comme personne.
Le premier acte fut la normalisation de la messe selon le missel tridentin en 2007 permettant à tout groupe de fidèles stable de demander directement à un prêtre une telle liturgie - considérée désormais comme un rite «extraordinaire» de l'Église catholique - sans que l'évêque du diocèse ne puisse plus pratiquement s'y opposer.

Protocole d'intentions en cinq points

En avril dernier, Mgr Fellay avait salué ce premier pas qui avait satisfait les milieux traditionalistes non lefebvristes, mais pour mieux fustiger ce qu'il appelait une «illusion» à savoir que l'Église catholique continuait de professer les enseignements du concile Vatican II, la vraie pomme de discorde.
Le Vatican, qui estimait avoir fait un geste considérable, avait été très déçu par ses propos. Mais pour ne pas geler la négociation, Rome, toujours à la poursuite de «la pleine communion» si chère à Benoît XVI, proposa aussitôt un projet d'accord.
Mgr Fellay était sommé de répondre avant le 30 juin 2008 sur une sorte de protocole d'intentions en cinq points : il s'engageait notamment à offrir à Benoît XVI «une réponse proportionnée à sa générosité», il renonçait «à toute prétention à un magistère supérieur à celui du pape». Et évitait «toute intervention publique qui ne respecte pas sa personne».
La question de fond, le concile Vatican II, n'était pas évoquée, mais en échange de la signature de ce pacte de non-agression, Rome lèverait les excommunications.