SOURCE - Libération - 11 mai 2012
Enquête - Devenue, au fil des ans, paroisse officieuse du lefebvrisme, cette église est occupée illégalement depuis 1977 par des catholiques intégristes proches de l’extrême droite que ni l’Etat ni Rome ne parviennent à expulser.
Enquête - Devenue, au fil des ans, paroisse officieuse du lefebvrisme, cette église est occupée illégalement depuis 1977 par des catholiques intégristes proches de l’extrême droite que ni l’Etat ni Rome ne parviennent à expulser.
Mantille noire sur la tête, Linda range son
chapelet après les vêpres. Tous les dimanches, cette femme élégante
d’une soixantaine d’années traverse Paris pour assister à la première
messe à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, celle de 8 heures. «Il y a moins de monde qu’à la grand-messe, dit-elle. J’y aime l’atmosphère.» Puis elle revient l’après-midi. Pour les vêpres.
Fief des catholiques lefebvristes, Saint-Nicolas-du-Chardonnet, en plein cœur du Ve
arrondissement de Paris, enchaîne les messes le dimanche ; cinq qui se
répartissent au long de la journée. L’église fait le plein ce jour-là et
attire environ 4 000 personnes, une population au look assez
hétéroclite, de la grande bourgeoisie très typée aux jeunes en jeans, en
passant par une petite proportion de fidèles d’origine afro-antillaise.
A la sortie, sur le parvis, un vendeur propose, cet après-midi-là, le
journal de l’Action française. Un apiculteur a aussi dressé une petite
table et vend son miel.
Des accointances sulfureuses
Comme les autres fidèles, Linda est une adepte de la messe en latin, d’une sorte de catholicisme vintage, celui de son enfance, quand les prêtres portaient encore la soutane. «C’est la liturgie de toujours, dit-elle. Elle nous vient en direct des premiers siècles de l’Eglise.»
A la fin des années 60, après le concile Vatican II qui avait souhaité
ouvrir l’Eglise catholique sur le monde moderne, la suppression de la
messe en latin et son remplacement par une liturgie dans les langues de
chaque pays avaient mis le feu aux poudres. L’évêque français Marcel
Lefebvre avait pris la tête de la fronde. Le combat du prélat était
aussi théologique ; monseigneur Lefebvre, en schisme avec Rome
depuis 1988, contestait les décisions de Vatican II sur la liberté
religieuse et les relations avec les autres confessions chrétiennes, le
protestantisme et l’orthodoxie. Replié en Suisse, il y avait créé un
séminaire pour former les prêtres à sa manière et la Fraternité
sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) afin d’organiser ses troupes.
Prise par la force en 1977, occupée illégalement depuis cette date,
l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet est devenue, au fil des ans, une
sorte de cathédrale officieuse du lefebvrisme. «C’est un lieu connu dans le monde entier,
explique Côme de Prévigny, un jeune homme d’une trentaine d’années qui
assiste, trois fois par semaine, à la messe à Saint-Nicolas. Quand un fidèle de la Fraternité Saint-Pie-X voyage en France, il vient toujours y prier.»
Né dans l’Hexagone, le lefebvrisme, en quarante ans d’existence,
s’est internationalisé avec des implantations en Suisse, en Allemagne,
aux Etats-Unis, en Amérique latine… Dans le fond de l’église
Saint-Nicolas, sur une porte, une affiche invite à une manifestation ce
dimanche après-midi en hommage à Jeanne d’Arc, très révérée par les
catholiques intégristes. Linda va y participer. «Mais ce n’est pas une manifestation, tente-t-elle de convaincre. C’est plutôt un pèlerinage. Pour les catholiques, Jeanne d’Arc est l’une des saintes patronnes de la France.»
A l’automne, elle a suivi assidûment les bruyantes manifestations
contre les pièces de théâtre de Romeo Castellucci et de Rodrigo Garcia
(des intégristes avaient alors mené des actions commando contre leurs
pièces jugées blasphématoires. Libération du 24 octobre et du 15 novembre), défilant en tête et brandissant le crucifix de sa grand-mère.
L’opération avait alors donné une certaine visibilité à l’Institut
Civitas, officine de la branche française de la FSSPX qui ne dissimule
pas ses ambitions politiques. Les manifestations ont à nouveau mis à
jour les liens troubles que Saint-Nicolas-du-Chardonnet, et une partie
des lefebvristes, entretiennent avec l’extrême droite, mêlant combat
religieux et combat politique, l’un cachant plus ou moins habilement
l’autre. Révérer Jeanne d’Arc, comme l’ont toujours fait les Le Pen et
le Front national, c’est surtout célébrer, quelle que soit l’époque,
l’héroïne qui a bouté l’étranger hors de France.
Supérieur de la branche française de la FSSPX, l’abbé Régis de
Cacqueray, le curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et l’abbé Xavier
Beauvais, très présents lors des manifestations, incarnent cet
engagement à l’extrême droite d’une partie des milieux lefebvristes.
Mais malgré ces accointances très sulfureuses, l’occupation illégale
de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, reconnue par les tribunaux, n’a pas
cessé. Propriétaire du lieu, la mairie de Paris n’a jamais demandé
l’expulsion. En effet, en France, les cathédrales appartiennent à
l’Etat, et les églises catholiques construites avant la loi de 1905 sur
la séparation de l’Eglise et de l’Etat, aux municipalités.
De son côté, l’archevêché de Paris, l’affectataire officiel, s’est
accommodé, bon an mal an, de cette présence dérangeante au cœur du
Quartier latin et à dix minutes à pied de Notre-Dame.
En 2007, à l’occasion des trente ans de l’occupation, André
Vingt-Trois, archevêque de Paris, donnait un peu de la voix et
rappelait, dans un communiqué, que celle-ci était illégale et que l’état
de fait ne valait pas légitimation.
La prise de la sacristie
L’histoire de la dissidence de Saint-Nicolas-du- Chardonnet commence
le dimanche 27 février 1977. La veille, une annonce paraît dans le
quotidien l’Aurore, annonçant qu’une messe en latin sera
célébrée à la salle de la Mutualité, qui jouxte l’église. Une poignée de
personnes seulement, réunies autour de Mgr François
Ducaud-Bourget qui mène, à Paris, la bataille de la messe en latin, est
dans la confidence. En fait, il s’agit d’investir
Saint-Nicolas-du-Chardonnet. A leur arrivée à la Mutualité, les fidèles
sont discrètement orientés vers l’église. Pierre Bellégo, le curé de la
paroisse y termine un office sans comprendre que, sous ses yeux, est en
train de se dérouler une sorte de prise de la Bastille.
Quelques instants plus tard, l’abbé Ducaud-Bourget entre en
procession, se dirige vers l’autel et célèbre sa messe en latin.
Personnalité haute en couleur, poète, affichant à la fin de sa vie des
opinions royalistes, résistant pendant la guerre (il a notamment aidé
des Juifs à s’enfuir), décoré de la médaille de la Résistance, le vieux
prélat (il a alors 80 ans) a fédéré autour de lui, les années précédent
la prise de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, les traditionalistes qui
rejettent la nouvelle liturgie imposée par le pape Paul VI. Aumônier à
l’hôpital Laennec, à Paris, il célèbre à la chapelle une messe en latin
très fréquentée. En 1971, il est contraint de quitter les lieux.
Un rendez-vous pour l’extrême droite catholique
Les lefebvristes affirment aujourd’hui que cela s’est fait alors sous
la pression de la CGT. Suivi par ses troupes, l’abbé Ducaud-Bourget, à
qui l’archevêché de Paris refuse un lieu de culte, loue des salles pour
poursuivre son combat. La salle Wagram en fait partie.
Tout près de là, avenue des Ternes, l’abbé Grégoire Célier, prêtre de
la FSSPX, âgé d’une cinquantaine d’années, officie aujourd’hui à la
chapelle Sainte-Germaine, l’un des autres lieux historiques des
lefebvristes à Paris. Au fond d’une cour, une petite salle de 200 places
a été réaménagée, dans les années 70, en lieu de culte. En fin de
journée, quelques personnes âgées viennent y dire leur chapelet et
entendre la messe en latin. La chapelle Sainte-Germaine était utilisée
par l’abbé Ducaud-Bourget avant qu’il ne s’empare de Saint-Nicolas-
du-Chardonnet. Grégoire Célier, alors âgé de 19 ans, se souvient : «Le 1er mars, quelques jours après le début de l’occupation, je suis allé à Saint-Nicolas. A l’époque, je ne fréquentais pas les milieux traditionalistes mais j’avais des copains qui occupaient l’église.»
Sourire aux lèvres, Grégoire Célier évoque avec une joie gourmande
l’une des tentatives du curé Bellago, replié dans sa sacristie,
d’interrompre la messe en latin : «Il est venu en aube blanche en
clamant que l’occupation était illégale. Son discours a été vite couvert
par un cantique que chantait l’assistance.»
Quelques jours plus tard, Grégoire Célier participe à la prise de la sacristie, toujours aux mains des paroissiens «légaux». «Cela s’est apparenté à une poussée de rugby», raconte-t-il. D’un côté, les paroissiens «légitimes» et de l’autre, les tenants de la messe en latin. « Chaque groupe disait le chapelet à sa manière. Nous avons commencé à pousser et nous avons été les plus forts», poursuit
le prêtre lefebvriste. Dans l’église, les troupes du Ducaud-Bourget
tiennent, jour et nuit, la position. La bataille fait rage. Les
paroissiens évincés éditent un petit journal qu’ils viennent distribuer à
la sortie. Des groupes de catholiques hostiles à l’occupation
manifestent à l’extérieur. Le curé «officiel» de Saint-Nicolas porte
l’affaire devant les tribunaux, obtient une décision d’expulsion. Mais
le tribunal retarde son application et confie une médiation à l’écrivain
catholique Jean Guitton.
Si l’affaire traîne et qu’au final les «illégaux» de Saint-Nicolas -
sans mandat de l’archevêché de Paris - ne seront jamais expulsés, c’est
qu’ils ont bénéficié d’un contexte politique qui leur était alors
favorable. Le 25 mars 1977, Jacques Chirac est élu à la mairie de Paris,
propriétaire de l’église. La légende, savamment entretenue par Philippe
Laguérie lui-même - successeur de Ducaud-Bourget à la tête de
Saint-Nicolas-du-Chardonnet - veut que Bernadette Chirac ait été proche
des milieux «tradis», pesant sur les décisions de son mari.
A y regarder de près, l’affaire est moins simple. Dans son livre de
mémoires (1), paru en 2005, Bernard Billaud, qui fut longtemps le
conseiller aux affaires religieuses de Jacques Chirac, revient en détail
sur ce dossier. Le nouveau maire de Paris ne veut pas de l’épreuve de
force. Il a même quelques comptes à régler avec l’épiscopat français en
butte à la fronde des tenants de la messe en latin. L’année précédente,
en 1976, alors qu’il est Premier ministre, Jacques Chirac a dû essuyer
un affront des évêques qui ont décommandé, au dernier moment, un
déjeuner à Matignon. La rencontre devait rester secrète, mais des fuites
font état du rendez-vous raté dans la presse. Et Jacques Chirac ne le
digère pas. Il tente d’organiser une mission de bons offices entre Mgr Lefebvre
et Paul VI pour remédier à la crise grandissante au sein du
catholicisme. Elu maire de la capitale, en pleine affaire de
l’occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, il somme l’archevêque de
Paris -le cardinal François Marty - de trouver une autre église pour les
partisans de Ducaud-Bourget. Chacun s’accorde sur le fait qu’une
expulsion risque de provoquer de violents incidents - au fil des ans,
l’argument reviendra souvent. L’archevêque de Paris s’exécute et propose
un lieu de culte dans le XIXe arrondissement pour une durée
de trois mois. Après avoir accepté, Ducaud-Bourget se rétracte et
préfère rester avec ses troupes au centre de Paris.
Dans les années qui suivent, le député socialiste Paul Quilès
interpelle, à plusieurs reprises, le gouvernement qui n’exécute pas
l’ordre d’expulsion. Le curé «officiel» de Saint-Nicolas, Pierre
Bellago, ne désarme pas non plus. Au terme d’une longue procédure
judiciaire, il fait même condamner l’Etat pour ne pas avoir procédé à
l’expulsion.
Nommé archevêque de Paris en 1981, Jean-Marie Lustiger va, lui aussi, temporiser. Il rend visite à Mgr Ducaud-Bourget
qui lui aurait promis, selon l’un des proches collaborateurs à l’époque
du dissident catholique, de lui rendre, avant sa mort, Saint-Nicolas.
Les relations entre les deux hommes sont cordiales. Le passé de
résistant du vieux Ducaud-Bourget ayant certainement joué dans
l’attitude de Jean-Marie Lustiger, dans sa volonté de ne pas aller à
l’affrontement avec les occupants de Saint-Nicolas. Mais, en 1984, le
«putschiste» meurt sans avoir honoré sa promesse.
Et une nouvelle ère s’ouvre à Saint-Nicolas : au combat religieux va se mêler clairement le combat politique.
Une église qui ne désemplit pas
L’abbé Philippe Laguérie, prêtre lefebvriste, formé au séminaire d’Ecône ouvert en Suisse par Mgr Lefebvre,
est désormais aux commandes de Saint-Nicolas. Séminariste, il a
participé à la prise de l’église. Partisan de l’Algérie française, il
célèbre des messes à la mémoire de Jean Bastien-Thiry - l’un des
instigateurs, en 1962, de l’attentat du Petit-Clamart contre le général
de Gaulle -, réunit la fine fleur de la presse d’extrême droite pour les
anniversaires de l’occupation.
En 1996, à la mort de Paul Touvier emprisonné à Fresnes, Laguérie
célèbre une messe à Saint-Nicolas à la mémoire de l’ancien milicien.
Trois ans plus tôt, il a tenté la prise d’une autre église, au centre de
Paris - Saint-Germain-l’Auxerrois -, située à côté du musée du Louvre. «A la fin de la messe, l’abbé Laguérie est monté en chaire pour dire que nous allions prendre Saint-Germain l’Auxerrois, raconte Côme de Prévigny, alors âgé de 11 ans, présent ce jour-là avec ses parents. Certains sont partis à pied, d’autres en voiture.»
A la tête d’une troupe de 400 personnes, l’abbé Laguérie occupe
l’église. Prudents, les parents de Côme de Prévigny se retirent avec
leurs enfants. L’occupation va durer une après-midi avant que les forces
de l’ordre n’interviennent. L’abbé Laguérie n’avait pas choisi
Saint-Germain-l’Auxerrois par hasard : outre sa position stratégique,
c’est là, qu’en 1572, les cloches avaient sonné pour donner le signal du
massacre de la Saint-Barthélémy et, chaque année, le 21 janvier, une
messe y est célébrée à la mémoire de Louis XVI.
Régulièrement, des politiques s’inquiètent de l’occupation de
Saint-Nicolas, devenu un rendez-vous pour l’extrême droite catholique,
et tentent de faire pression sur les autorités civiles. «J’habitais le quartier à l’époque et je militais à Ras l’front. Je voyais ce qui se passait dans cette église»,
raconte Tristan Mendès France, auteur célèbre sur la blogosphère et
petit-fils de Pierre. En 1999, il pousse le sénateur socialiste Michel
Dreyfus-Schmidt - pour qui il travaille comme assistant parlementaire - à
interpeller le ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement. Sans
succès. Dans sa réponse, le ministre se retranche, une nouvelle fois,
derrière les troubles que pourrait susciter une expulsion, invoque la
laïcité pour ne pas avoir à s’immiscer dans les affaires internes de
l’Eglise catholique, fait remarquer que l’archevêché de Paris -
l’affectataire légal du lieu - n’a pas réclamé le départ des occupants.
L’actuel maire de Paris, Bertrand Delanoë, et son équipe, défendent
aussi cette position.
En 2002, Sylvain Garel, conseiller de Paris (Verts), tente de faire
avancer le dossier. Il fait voter un vœu par la majorité municipale,
demandant au maire et au préfet de police «de tout mettre en œuvre pour faire cesser l’occupation illégale de Saint-Nicolas-du-Chardonnet». «C’est l’unique fois où les élus socialistes ont mis en minorité leur maire»,
s’enorgueillit aujourd’hui Sylvain Garel. Il y a peu, l’élu des Verts
s’est ému de la présence dans l’une des chapelles de l’église d’une
stèle à la mémoire des partisans de l’Algérie française. Malgré les
dérives politiques, les autorités civiles ont montré, de fait, une
certaine tolérance. Un autre argument a, semble-t-il, pesé, ou du moins
été régulièrement avancé pour justifier l’inaction : fixer cette
mouvance à Saint-Nicolas permet aussi de mieux la surveiller.
Pour les lefebvristes, solidement enracinés à Saint-Nicolas, le coup
de force de 1977 a payé. L’église ne désemplit pas et les générations se
renouvellent. «Que m’importent les messes à Pétain ou Bastien-Thiry,
explique Marie-Alix, une femme d’une cinquantaine d’années qui a suivi
sa scolarité dans les réseaux des écoles de la Fraternité Saint-Pie-X. A Saint-Nicolas, je trouve la liturgie et la doctrine catholiques qui me conviennent.»
En 1984, le cardinal Lustiger avait habilement tenté d’allumer un
contre-feu en autorisant la célébration de la messe en latin dans trois
paroisses à Paris. L’initiative n’a cependant pas vidé
Saint-Nicolas-du-Chardonnet de ses fidèles. Est-ce parce qu’ils
adhéreraient au projet politique des ses curés ?
L’abbé Beauvais, l’actuel «patron» du fief lefebvriste, ne cache pas
sa déférence pour le maréchal Pétain et son admiration pour le général
Franco. Il est très actif au sein de l’Institut Civitas qui affiche sa
volonté d’être présent aux élections municipales de 2014. C’est l’un des
tenants de l’engagement sur le terrain politique, une option que ne
partageaient pas tous les prêtres lefebvristes. Sa présence à
Saint-Nicolas-du-Chardonnet lui assure une influence.
Difficile d’évaluer le nombre de fidèles prêts à le suivre . Mais
tous ne le sont pas. Après avoir fréquenté de longues années
Saint-Nicolas-du-Chardonnet, par attachement à la liturgie ancienne,
Huguette Pérol a récemment pris ses distances, offusquée des outrances
de l’abbé Beauvais et de la publication de caricatures de Benoît XVI
dans le bulletin mensuel de l’église. «Je ne partage pas ces options politiques», dit-elle. Veuve d’un ancien ambassadeur de France en Italie, elle reçoit à sa table Mgr Bernard Fellay, le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X, installé en Suisse.
Ce dernier est en train de négocier un accord, voulu par le pape,
pour mettre fin au schisme lefebvriste de 1988 et préparer le retour au
bercail romain. Les pourparlers avancent et Benoît XVI devrait prendre
position d’ici la fin du mois. Huguette Pérol soutient à cent pour cent
la démarche de Bernard Fellay. «Je ne veux pas d’un accord à n’importe quel prix»,
réplique, pour sa part, Côme de Prévigny. Ces positions reflètent les
débats intenses qui ont lieu actuellement dans les milieux lefebvristes.
Retour à Rome ou non ? A quelles conditions et avec quelle garantie
d’autonomie ? Comme d’autres, en France et à l’étranger, l’abbé de
Cacqueray et l’abbé Beauvais sont peu disposés aux concessions.
Une bataille sans succès
Pour l’heure, bien malin qui pourrait dire qui suivra Bernard Fellay s’il ralliait Rome. En 2007, Mgr Fellay
était là pour fêter les trente ans de la «prise» de l’église. S’il y
avait des sécessions au sein de la Fraternité Saint-Pie-X, nul n’est
prêt à abandonner à l’autre ce lieu emblématique. Une majorité d’évêques
français voit avec inquiétude le retour au sein de l’Eglise catholique
des troupes lefebvristes et de leurs prêtres, notamment à cause de
l’activisme politique de certains. Ces liens des lefebvristes avec
l’extrême droite sont une spécificité française souvent mal comprise au
Vatican qui ne voit que l’aspect religieux de l’affaire. Quand le pape a
rétabli, il y a cinq ans, l’usage de la messe en latin (une demande
formulée par Bernard Fellay pour aboutir à un accord), les évêques
français ont bataillé sans succès pour empêcher Benoît XVI de prendre
cette décision.
Les combats d’hier, les tentatives de prise d’églises réussies ou
non, qui ont aussi lieu ailleurs qu’à Paris, ont laissé de profondes
traces. Ce dimanche après-midi, au cours de leur manifestation en
hommage à Jeanne d’Arc, l’abbé de Cacqueray et l’abbé Beauvais vont
pouvoir compter leurs troupes. «Personne ne doit manquer ce rendez-vous», lisait-on à Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
(1) «D’un Chirac l’autre» de Bernard Billaud, Editions de Fallois.