SOURCE - Un prêtre catholique - antimodernisme.info - juin 2012
Table
des matières
Introduction
I - L’œuvre de Mgr Lefebvre
1. L’œuvre de Mgr Lefebvre jusqu’en 1988 :
maintenir la Tradition
2. Continuer cette œuvre après sa mort
# Dans
l’esprit de foi
# Il est nécessaire de mettre la Tradition à l’abri des influences
modernistes et libérales
# La Tradition ne peut continuer qu’avec un ou
plusieurs évêques
# Ces évêques doivent avoir les mêmes principes que
Mgr Lefebvre pour continuer l’œuvre dans le même esprit
# Le sermon du
29 juin 1987
3. Attitude de Rome
# Réaction de Rome
# Mgr Lefebvre tente un accord avec réticence
#
Les bons fidèles craignaient cet accord
# Visite du cardinal Cagnon :
approbation de l’œuvre
4. Mgr Lefebvre refuse tout accord avec Rome
# Le désaccord vient d’une opposition de doctrine avouée par les
évêques
# Le désaccord vient non seulement des erreurs doctrinales mais
aussi de la perversité de leur esprit…
# …et de leur manque d’honnêteté
#
Rome ne veut pas la même chose que lui
# Mgr Lefebvre se donne les moyens
de continuer l’œuvre : « opération survie », les sacres de 19885.
D’autres acceptent un accord avec Rome
# Ils pensent trouver dans cet accord les garanties suffisantes pour
continuer la Tradition : confiance sans fondement
# Les communautés qui
ont passé cet accord avec Rome
# On les appelle « ralliés »
II - Les intentions
1. Mgr Lefebvre
# Remettre en honneur la Tradition et lui redonner dans l’Église la
place qui lui est due
# Examiner si Rome veut sincèrement protéger la Tradition
2. Rome
# Réconciliation et non pas reconnaissance de la Tradition comme
voulait Mgr Lefebvre
# Faire rallier tous les traditionalistes à
Rome
# Pleine communion ecclésiale qui inclut la collaboration des ralliés sous la direction des évêques diocésains et qui détermine la composition de la commission romaine.
# Pleine communion ecclésiale qui inclut la collaboration des ralliés sous la direction des évêques diocésains et qui détermine la composition de la commission romaine.
# C’est autre chose qu’une question de rite :
toute une conception de l’Église
# Dans ce cadre deux tendances sont
manifestes
# Il faut penser comme tous les évêques, reconnaître l’orthodoxie
de la nouvelle messe et adhérer au concile Vatican II
# Fidélité à la
Tradition vivante
3. Les ralliés
# Ils ne veulent pas pleinement suivre la
Tradition
# Être dans l’obéissance
# Être dans la légalité
(situation canonique régulière) ; être relevé des censures
# Être
dans l’Église ; l’Église est visible
# Travailler dans l’Église
à ce que la Tradition retrouve son droit de cité
# C’est l’Église
qui sauve et non nous qui sauvons l’Église
# S’opposer à l’esprit
de parti et au schisme
# Garder ses amitiés ; faire cesser les divisions et les souffrances
# S’ouvrir
# Garder ses amitiés ; faire cesser les divisions et les souffrances
# S’ouvrir
# Favoriser l’apostolat et l’afflue des vocations en ôtant les
obstacles apparents de schisme
# Être un pont entre Rome et la Fraternité
Saint Pie X
# Les laïcs sont incompétents pour juger de certaines choses
religieuses ; ils prennent leur bien où ils peuvent
III - Les termes de l’accord : le Motu proprio du 2 juillet 19881. Un fondement sentimental et non doctrinal
2. Première conséquence : l’œcuménisme liturgique
3. Deuxième conséquence
: de l’œcuménisme liturgique à l’œcuménisme doctrinal
# Dérive progressive
# La pleine acceptation de l’œcuménisme pratiqué par
Jean-Paul II
# La pleine acceptation des principes sous-jacents à cette pratique
4. La réponse du pape Pie XI
5. Tradition vivante
# Sens des mots
# Novateurs
# Infaillibilité
IV - Un accord pratique ?
1. Attitude subversive
2. Se soumettre volontairement aux autorités romaines : se mettre sous
influence moderniste
3. Intégrer la Tradition dans le système moderniste : le pluralisme
V - Confirmation : l’accord de Campo
# Être reconnus par Rome
# Le concile Vatican II « à la lumière de la Tradition »
#
La nouvelle messe
# Avec le pape
# collaborer au combat contre les
erreurs !
# Omission de la profession publique de la foi
VI - Confirmation : l’Institut du Bon Pasteur
# Les premiers membres
# Réconciliation
# La messe
# Évolutionnisme et pluralisme
# Conclusion
VII - La participation à la messe chez les ralliés
# Un exemple
# Quelques notions
# Retour sur l’exemple
# Application : participation à la messe chez les ralliés
# Un
autre exemple à méditer
# Un attrape-nigauds ! ce que Mgr Lefebvre
pensait de la messe chez les ralliés ou de la messe à indult...
# Mgr
Lefebvre aux fidèles du Canada
VIII - Conclusion
1. Rectitude d’intention
2. Vivre de foi, non de sentiment
3. Soumission à la sagesse, vraie obéissance
# Soumission à la
sagesse divine
# Obéissance
# Conseils des saints
# En résumé
Introduction
Face à la crise dans l’Église, Mgr Lefebvre a donné la preuve de
l’union remarquable entre plusieurs vertus : le respect dû à
l’autorité ; la prudence : il restait méfiant à l’égard des
autorités qui avaient si gravement trahi la foi catholique et qui ne donnaient
aucune garantie de leur retour à la Tradition ; la docilité et
l’attention à la Providence sans jamais la précéder ; l’espérance
: l’Esprit Saint pourrait agir dans ces autorités pour les ramener à
la Tradition ; l’attachement profond et fort à la foi catholique et à
l’Église ; la défense du règne de Jésus-Christ.
De plus, il fut un digne successeur des Apôtres, fidèle à sa charge d’évêque,
gardien de la foi et pasteur des brebis.
Les âmes désorientées par le concile Vatican II, la nouvelle messe et les
réformes post conciliaires ont reconnu en lui un père et un docteur de la foi.
Ces âmes ne s’y sont pas trompées. La Providence leur montrait un père en
qui elles trouvaient réconfort et encouragement ; en son enseignement,
elles trouvaient des principes et des directives, appliqués à la situation
exceptionnelle, qu’est la crise dans l’Église. Cet enseignement faisait
preuve d’une grande sagesse. Laquelle demeure un guide précieux, tant que
dure la crise.
C’est dans cet esprit que le présent document a été rédigé.
I - L’œuvre de Mgr Lefebvre
1. L’œuvre de Mgr Lefebvre jusqu’en 1988 : maintenir la Tradition
« Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome
catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au
maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité.
« Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome
de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée
clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes
qui en sont issues. (…)
« Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne
peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique
clairement exprimée et professée par le magistère de l’Église depuis
dix-neuf siècles.
« S’il arrivait, dit saint Paul, que nous-même ou un Ange venu du
ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit
anathème » (Gal. 1, 8) (Déclaration du 21 novembre 1974)
« Parce que nous voulons rester catholiques. C’est vraiment la
raison pour laquelle nous sommes poursuivis, c’est parce que nous voulons
rester catholiques. Nous sommes poursuivis parce que nous voulons garder la
messe catholique, parce que nous voulons garder la foi catholique, parce que
nous voulons garder le sacerdoce catholique. Nous sommes poursuivis à cause de
cela. » (Mgr Lefebvre, Écône, 4 septembre 1987, Sel
de la Terre n°31, p. 201)
« Il y a un combat qui est mené dans l’Église pour faire disparaître
le passé, la tradition de l’Église. Cette persécution continuelle contre
ceux qui veulent demeurer catholiques, comme l’étaient les papes avant
Vatican II. Voilà notre position. Nous
continuons ce que les papes ont enseigné et ont fait avant
Vatican II. Nous nous opposons à ce qu’ont fait les papes Jean XXIII, Paul
VI et Jean-Paul II actuellement, parce qu’ils ont accompli une rupture avec
leurs prédécesseurs. Nous préférons la tradition de l’Église à l’œuvre
de quelques rares papes qui s’opposent à leurs prédécesseurs.
« Cependant nous avons voulu
garder le contact avec Rome, au cours de ces années, depuis 1976, au
moment où nous avons reçu la suspens a
divinis, parce que nous continuions à faire des ordinations
sacerdotales. Nous avons voulu garder le contact avec Rome, espérant que la
Tradition retrouverait un jour ses droits. Mais ce fût peine perdue.
« Devant le refus de Rome de
prendre en considération nos protestations et nos demandes de retour à
la Tradition, et devant mon âge car j’ai maintenant 82
ans, je suis dans ma 83e
année, il est évident que je sens la fin venir, il me faut un successeur.
» (Conférence de Mgr Lefebvre du 15 juin 1988, Fideliter,
29-30 juin 1988, p. 8-9)
2. Continuer cette œuvre après sa mort
# Dans l’esprit de foi
- fermeté dans l’attachement aux principes (se battre pour eux)
« Ce n’est pas de gaieté de
cœur que nous avons eu des difficultés avec Rome.
Ce n’est pas par plaisir que nous avons dû nous battre. Nous l’avons fait
pour des principes, pour garder la foi catholique. » Parlant des moines
du Barroux, Mgr Lefebvre ajoute : « Ils
ont pratiquement abandonné le combat de la foi. Ils ne peuvent plus attaquer
Rome. C’est ce qu’a fait aussi
le Père de Blignières. Il a changé complètement. Lui qui avait écrit tout
un volume pour condamner la liberté religieuse, il écrit maintenant en faveur
de la liberté religieuse. Ce n’est pas sérieux. On ne
peut plus compter sur des hommes comme ceux-là, qui n’ont rien compris
à la question doctrinale.
» (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°79, janvier-février 1991, p. 6.)
- l’essentiel n’est pas la messe, mais la doctrine
En 1986, à Écône, Mgr Lefebvre avertissait les séminaristes : ce
n’est pas donner la messe qui résout les problèmes, il faut dépasser cette
conception. (14 janvier 1986) « Ce n’est pas une petite chose qui nous
oppose. Il ne suffit pas qu’on nous dise : vous pouvez dire la messe
ancienne, mais il faut accepter cela. Non, ce n’est pas que cela qui nous
oppose, c’est la doctrine. C’est clair.
« C’est ce qui est grave chez Dom Gérard et c’est ce qui l’a
perdu.
« Dom Gérard n’a toujours vu que la liturgie et la vie monastique.
Il ne voit pas clairement les problèmes théologiques du Concile, de la liberté
religieuse. Il ne voit pas la malice de ces erreurs. Il n’a jamais été très
soucieux de cela. » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°66, novembre-décembre 1988, p. 14 ; cf. Fideliter,
n°87, septembre 1990, p. 1)
D’aucuns ont écrit que, au Concile Vatican II, la seule messe célébrée
était la messe traditionnelle. Cela n’a pas empêché ledit concile de
promulguer les décrets funestes sur la liberté religieuse et l’œcuménisme…
(L’Hermine, année 2005, n°6)
- un accord sur la messe seulement : une impasse
Les ralliés disent : «
Oh, pourvu qu’on nous accorde la bonne messe, on peut donner la main à Rome,
il n’y a pas de problèmes. » Mgr Lefebvre répond : «
Voilà comment ça marche ! Ils sont dans une impasse car on ne peut pas à
la fois donner la main aux modernistes et vouloir garder la Tradition. » (Mgr
Lefebvre, Fideliter, n°87, septembre
1990, p. 3)
- ne pas minimiser les difficultés, ni magnifier la Rome actuelle
« Il faut placer les événements
qui se passent aujourd’hui et qui vont se passer demain — particulièrement
la consécration épiscopale de quatre jeunes évêques
le 30 juin — dans le contexte de nos difficultés avec Rome, non seulement
depuis 1970, depuis la fondation d’Écône, mais depuis le Concile.
« Au Concile, moi-même et un certain nombre d’évêques nous avons
lutté contre le modernisme et contre les erreurs que nous estimions
inadmissibles et incompatibles avec la
foi catholique. Le problème de fond, c’est cela. C’est une
opposition formelle, profonde, radicale, contre les idées modernes et modernistes
qui sont passées à travers le Concile. » (Conférence de Mgr Lefebvre
du 15 juin 1988, Fideliter, 29-30 juin
1988, p. 8-9)
En 1987, lors des tractations avec Rome, il avait été question d’un
cardinal visiteur qui aurait eu plus ou moins d’autorité sur les œuvres de
la Tradition. Parlant de lui, Mgr Lefebvre disait : « Et puis, je
le vois d’ici, je le vois au milieu de nous, et avec de petits groupes, il va
aller se promener avec des séminaristes : « Mais vous exagérez
les difficultés. Mais voyons, le Concile : mais vous prenez ce que vous
voulez, il ne faut pas comprendre le Concile à la lettre... mais ceci, mais
cela... » Minimiser, minimiser, minimiser nos difficultés, n’est-ce
pas, minimiser notre résistance. « Mais la liturgie, la liturgie...
: puisqu’on vous accorde la messe de saint Pie V, vous pouvez quand même
bien dire une fois de temps en temps la messe nouvelle. Elle n’est pas hérétique.
Elle n’est pas schismatique. Il ne faut pas exagérer. » Minimiser,
minimiser ; et puis, au contraire, magnifier ce que le Saint-Siège va
nous donner : « Il faut s’entendre... Qu’est-ce que vous
attendez ? Il ne faut pas être comme cela avec des catégories et un
esprit difficile. » » (Mgr Lefebvre, Écône, 4 septembre 1987, Sel
de la Terre n°31, p. 198)
- dénoncer ouvertement les auteurs de l’autodémolition de l’Église et de la foi
« Il ne faut pas avoir peur d’affirmer que les autorités romaines
actuelles depuis Jean XXIII et Paul VI se sont faites les collaboratrices
actives de la Franc-maçonnerie Juive internationale et du socialisme mondial.
Jean-Paul II est avant tout un politicien philo-communiste au service d’un
communisme mondial à teinte religieuse. Il attaque ouvertement tous les
gouvernements anti-communistes, et n’apporte par ses voyages aucun renouveau
catholique.
« Ces autorités romaines conciliaires ne peuvent donc que s’opposer
farouchement et violemment à toute réaffirmation du Magistère traditionnel.
Les erreurs du Concile et ses réformes demeurent la norme officielle consacrée
par la profession de foi du Cardinal Ratzinger de mars 1989. »
Une certaine piété ou une sainteté apparente plus que réelle ne saurait
suffire : « J’entends dire : « Vous exagérez
! il y a de plus en plus de bons évêques qui prient, qui ont la foi, qui
sont édifiants... » Seraient-ils des saints, dès lors qu’ils
admettent la fausse liberté religieuse, donc l’État laïque, le faux œcuménisme,
donc l’admission de plusieurs voies de salut, la réforme liturgique, donc la
négation pratique du sacrifice de la Messe, les nouveaux catéchismes avec
toutes leurs erreurs et hérésies, ils contribuent officiellement à la révolution
dans l’Église et à sa destruction. » (Mgr Lefebvre, Itinéraire
spirituel, p. 10-11)
- combattre pour la foi à l’exemple des martyrs
Dans une conférence aux séminaristes d’Écône, Mgr Lefebvre disait (nous
le résumons) : Il ne faut pas se laisser entraîner par une dureté, une
crispation sentimentale contre cette situation en rejetant toute hiérarchie.
C’est une tendance assez naturelle car nous souffrons. Il ne faut pas tout
rejeter car comment ferions-nous plus tard pour revenir à une situation normale
? C’est un esprit schismatique.
D’un autre côté, il ne faut pas se laisser entraîner par le découragement
: certains ne peuvent pas rester toujours comme ça, en donnant
l’impression qu’ils sont en dehors de l’Église, qu’ils sont désobéissants.
Ce découragement, cette lassitude du combat n’est pas l’esprit de l’Église,
de ceux qui ont combattu pour la foi, qui ont versé leur sang pour garder la
foi : les martyrs ont refusé de verser l’encens à l’idole du moment.
Les libéraux, au contraire, veulent s’entendre avec les ennemis de l’Église,
ils veulent être en bon terme avec le monde, ils préfèrent abandonner la foi
pour être bien avec le monde plutôt que d’être martyrs. Il faut garder
l’esprit des martyrs : souffrir avec l’Église et pour l’Église.
(Conférence à Écône, 3 décembre 1982)
# Il est nécessaire de mettre la Tradition à l’abri des influences modernistes et libérales
- Se protéger de Rome et des évêques
Cette protection est nécessaire car il est dans l’ordre des choses que le
supérieur exerce une influence sur l’inférieur. Si le supérieur s’oppose
à la foi catholique, que deviendra l’inférieur ?
« Il y en a qui sont prêts à sacrifier le combat de la foi en disant
: Rentrons d’abord dans l’Église ! (…) Taisons notre problème
dogmatique. (…) Ne parlons plus de la malice de la messe. (…) Ne disons plus
rien sur les questions de la liberté religieuse, des droits de l’homme, de
l’œcuménisme. Taisons-nous, taisons-nous, et puis comme cela nous pourrons
rentrer dans le cadre de l’Église, et, une fois que nous serons à l’intérieur
de l’Église, vous allez voir, on va pouvoir combattre, on va pouvoir faire
ceci, on va pouvoir faire cela… C’est absolument faux ! On ne rentre
pas dans un cadre, et sous des supérieurs, en disant que l’on va tout
bousculer lorsqu’on sera dedans alors qu’ils ont tout en mains pour nous
juguler ! Ils ont toute l’autorité. » (Mgr Lefebvre, Écône, 21
janvier 1984)
« J’aurais bien signé un accord définitif après avoir signé le
protocole, si nous avions eu la
possibilité de nous protéger efficacement contre le modernisme de Rome
et des évêques. Il était indispensable que cette protection existât.
Autrement nous aurions été pris par Rome d’un côté et par les évêques de
l’autre, qui auraient essayé de nous influencer, de nous faire accepter le Concile
évidemment, en fait de faire disparaître la Tradition. » (Mgr
Lefebvre, « Après
les ralliements sonnera l’heure de vérité », Fideliter
n°68, mars-avril 1989, p. 15)
Cette protection lui paraissait si nécessaire qu’il la voulait pour toute
personne : « C’est donc un devoir strict pour tout prêtre
voulant demeurer catholique de se séparer de cette Église conciliaire, tant
qu’elle ne retrouvera pas la tradition du Magistère de l’Église et de la
foi catholique. » (Mgr Lefebvre, Itinéraire
spirituel, 1990, p. 31)
- Se protéger des groupes de fidèles libéraux
« Surtout s’il y avait un
arrangement (avec Rome), nous serions envahis par quantité de
monde : Maintenant que vous avez la Tradition et êtes reconnus par
Rome, on va venir chez vous.
« Il y a quantité de gens qui
vont garder leur esprit moderne et libéral, mais qui viendront
chez nous parce que cela leur fera plaisir d’assister de temps en temps à une
cérémonie traditionnelle, d’avoir des contacts avec les
traditionalistes.
« Et cela va être très
dangereux pour nos milieux. Si nous sommes envahis par ce monde-là
que va devenir la Tradition ? Petit à petit, il va y avoir une espèce
d’osmose qui va se produire, une
espèce de consensus. Oh, après tout, la nouvelle messe ce n’est pas si mal
que ça, il ne faut pas exagérer. Tout doucement, tout doucement on va finir par
ne plus voir la distinction entre le libéralisme et la Tradition. C’est très
dangereux. » (Mgr Lefebvre,
Conférence faite au séminaire Saint-Curé-d’Ars à Flavigny le 11
juin 1988, Fideliter n°68, mars-avril
1989, p. 23)
- Seul un milieu entièrement dégagé des erreurs modernes peut permettre le renouveau
« Seul un milieu entièrement dégagé des erreurs modernes et des mœurs
modernes peut permettre le renouveau de l’Église. Ce milieu est celui
qu’ont visité le Cardinal Gagnon et Mgr Perl, milieu formé de familles
profondément chrétiennes, ayant de nombreux enfants, et d’où proviennent de
nombreuses et excellentes vocations. » (Lettre au Pape, 20 mai 1988, Fideliter,
29-30 juin 1988.)
- Deux moyens pour être protégé de Rome : des évêques traditionnels et une une commission romaine chargée de régler les rapports de la Tradition avec Rome
« Nous avons accepté alors d’entrer dans ce nouveau dialogue, mais
à la condition que notre identité soit
bien protégée contre les influences libérales par des Évêques pris dans la
Tradition, et par une majorité de
membres dans la Commission Romaine pour la Tradition. » (« Pourquoi
cet arrêt des colloques par Mgr Lefebvre alors qu’un accord était signé le
5 mai 1988 ? » Fideliter,
29-30 juin 1988)
« Que fallait-il pour être protégés
de Rome et des évêques ? Moi, je voulais une
commission à Rome qui soit composée entièrement de traditionalistes et qui
aurait été comme une délégation de la Tradition à Rome. Quand des difficultés
sur place seraient survenues, on aurait pu s’adresser à cette commission
ayant la possibilité de nous défendre puisque composée de gens de la
Tradition. Cette commission devait comprendre sept membres. Moi, je demandais
que les sept membres soient de la Tradition. Ils n’ont pas voulu. » (Mgr
Lefebvre, « Après
les ralliements sonnera l’heure de vérité », Fideliter
n°68, mars-avril 1989, p. 15)
(cf. Mgr Lefebvre, Lettre au
Cardinal Ratzinger 24 mai 1988, Fideliter
29-30 juin 1988, p. 48)
# La Tradition ne peut continuer qu’avec un ou plusieurs évêques
« Depuis déjà plusieurs années
j’essayais de faire entendre à
Rome qu’avançant en âge, il me fallait assurer ma succession,
que quelqu’un un jour ou l’autre, prenne ma place. On ne peut pas avoir des
séminaires et des séminaristes sans un évêque ; les fidèles eux-mêmes
ont besoin aussi d’un évêque
pour la transmission de la foi et celle des sacrements,
en particulier celui de la confirmation. On était très conscient de cela à
Rome. » (Mgr Lefebvre, Fideliter
n°70, juillet-août 1989, p. 5)
# Ces évêques doivent avoir les mêmes principes que Mgr Lefebvre pour continuer l’œuvre dans le même esprit
« Je ne crois pas possible pour
une communauté de rester fidèle
à la foi et à la Tradition, si les évêques n’ont pas cette foi et cette
fidélité à la Tradition. C’est
impossible. L’Église est quand même faite avant tout des évêques.
On a beau avoir des prêtres, les prêtres sont influencés par les évêques.
Ce sont tout de même les évêques qui font les prêtres et donc qui les orientent,
que ce soit dans les séminaires, par des prédications, des retraites ou par
tout un ensemble de choses. Il est impossible de garder la Tradition avec
des évêques progressistes. » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°70, juillet-août 1989, p. 5)
« Rome comprend cette nécessité,
mais le Pape acceptera-t-il que les
Évêques soient des membres de la
Tradition ? Pour nous, il ne
peut en être autrement. Toute autre solution serait le
signe qu’on veut nous aligner sur la Révolution conciliaire, et là
notre devoir de la désobéissance
resurgit immédiatement. » (Mgr Lefebvre, « L’obéissance
peut-elle nous obliger à désobéir ? », Fideliter
29-30 juin 1988, p. 63)
# Le sermon du 29 juin 1987
En 1985, Mgr Lefebvre avait soumis à Rome un document, Dubia
ou Mes doutes sur la liberté religieuse,
dans lequel il exprimait l’opposition entre la doctrine du Concile Vatican II
sur la liberté religieuse et l’enseignement traditionnel et antérieur de
l’Église. En mars 1987, Rome répond à ces Dubia
et y réaffirme les principes faux. Dans le sermon du 29 juin 1987, Mgr Lefebvre
menace Rome de sacrer des évêques. Il explique que cette réponse aux Dubia
est un signe qu’il attendait pour accomplir cet acte, un signe « plus
grave qu’Assise (la réunion de toutes les religions à Assise en octobre
1986). Car une chose est d’accomplir une action grave et scandaleuse, autre
chose d’affirmer des principes faux, qui ont dans la pratique des conclusions
désastreuses », à savoir le découronnement de Notre Seigneur Jésus-Christ
et le « panthéon de toutes les religions. »
3. Attitude de Rome
# Réaction de Rome
« À Rome, on a eu peur que
j’arrive vraiment à consacrer des évêques et c’est alors qu’il a été
décidé de faire une ouverture plus grande vis-à-vis de ce que nous demandions
depuis toujours. » « C’est incroyable mais ils ont peur
d’un évêque traditionnel qui
travaille contre les erreurs conciliaires et cela ils ne peuvent pas le
supporter. » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°70, juillet-août 1989, p. 2, 15)
# Mgr Lefebvre tente un accord avec réticence
- Quelle confiance ?
« Est-ce qu’on prend la main
qui nous est tendue ? Ou
est-ce qu’on la refuse ? Moi, personnellement, je n’ai aucune
confiance. Cela fait des années et des années que je fréquente ce milieu,
des années que je vois la manière dont ils agissent. Je n’ai plus aucune confiance.
» (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°70, juillet-août 1989, p. 2)
- Dialogue de sourds par opposition de doctrines
Mgr Lefebvre n’était pas trop favorable à des colloques et accord
purement diplomatiques.
« Nous n’avons pas la même façon de concevoir la réconciliation.
Le cardinal Ratzinger la voit dans le sens de nous réduire, de nous ramener à
Vatican II. Nous, nous la voyons comme un retour de Rome à la Tradition. On ne
s’entend pas. C’est un dialogue de sourds. Je ne peux pas beaucoup parler
d’avenir, car le mien est derrière moi. Mais si je vis encore un peu et en
supposant que d’ici à un certain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille
nous revoir, reprendre langue, à ce moment-là c’est moi qui poserais les
conditions. Je n’accepterai plus d’être dans la situation où nous nous
sommes trouvés lors des colloques. C’est fini.
« Je poserais la question au plan doctrinal : Est-ce que vous êtes
d’accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui vous ont précédés
? Est-ce que vous êtes d’accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale
Dei Libertas de Léon XIII, Pascendi de
Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani
generis de Pie XII ? Est-ce que vous êtes en pleine communion avec
ces papes et avec leurs affirmations ? Est-ce que vous acceptez encore le
serment anti-moderniste ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de
Notre Seigneur Jésus-Christ ?
« Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est
inutile de parler. Tant que vous n’aurez pas accepté de réformer le Concile
en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédés, il n’y a
pas de dialogue possible. C’est inutile.
« Les positions seraient ainsi plus claires. » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°66, novembre-décembre 1988, p. 12-13)
# Les bons fidèles craignaient cet accord
« Nos vrais fidèles, ceux qui ont compris le problème et qui nous
ont justement aidés à poursuivre la ligne droite et ferme de la Tradition
et de la foi, craignaient les démarches que j’ai faites à Rome. Ils m’ont
dit que c’était dangereux et que je perdais mon temps. » (Mgr
Lefebvre, Fideliter, n°79, p. 11)
# Visite du cardinal Gagnon : approbation de l’œuvre
Envoyé par Rome le cardinal Gagnon visite toutes les maisons et les œuvres
de la Fraternité Saint Pie X et des communautés amies ; partout il
rencontre un accueil empressé et bienveillant. À la fin de sa visite, le 8 décembre
1987, il assiste publiquement à la messe pontificale de Mgr Lefebvre et aux
engagements des jeunes séminaristes dans la Fraternité Saint Pie X. Il écrit
sur le livre d’or du séminaire : « Que la Vierge immaculée écoute
nos prières ferventes pour que l’œuvre de formation merveilleusement
accomplie en cette maison trouve tout son rayonnement pour la vie de l’Église.
» (cf. la vie de Mgr Lefebvre écrite par Mgr Tissier de Mallerais,
Clovis, p. 580)
4. Mgr Lefebvre refuse tout accord avec Rome
# Le désaccord vient d’une opposition de doctrine avouée par les évêques
- Opposition doctrinale et non liturgique
Le refus du nouveau rite révèle « une attitude plus profonde,
parfois cachée, parfois clairement affirmée, de refuser l’autorité du
Concile et des Papes Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II. Ce refus lui-même
provenait d’une conception fixiste de la
Tradition contraire à l’enseignement de la Constitution conciliaire Dei
Verbum, d’un refus catégorique à priori de
tout le mouvement œcuménique tel que le reprend et le réoriente le Décret
conciliaire Unitatis redintegratio, d’un
rejet total de la nouvelle relation avec le
judaïsme, avec les autres religions (présentée dans la déclaration Nostra
aetate) et finalement avec les hommes
de notre temps (Constitution Gaudium et
spes et Déclaration Dignitatis humanae
sur la liberté religieuse). » (Cardinal Albert Decourtray, archevêque
de Lyon, aux membres du Conseil presbytéral et du Conseil diocésain de
pastorale réunis en session extraordinaire, 2 septembre 1988)
L’évêque de Laval, en février 2003, dans le Courrier
de la Mayenne, met aussi le doigt sur la cause du désaccord :
« refuser l’enseignement de Vatican II sur les points essentiels :
liberté religieuse, œcuménisme, messe (la nouvelle), autorité du Pape dans
l’Église et des évêques dans leur diocèse (selon Vatican II, c’est à
dire la collégialité qui introduit la démocratie dans l’Église) ».
Puis il dévoile la vraie raison de cette opposition : « Il n’y a
pas une expression de foi de toujours. La foi est vécue comme une
nouveauté perpétuelle, source de vie. La foi s’incarne dans l’Histoire...
»
Suite à l’entretien de Mgr Fellay avec le pape Benoît XVI le 29 août
2005, le cardinal Medina disait lui aussi : « Si le Saint-Père le
veut, dès demain, il peut prendre une décision concernant les problèmes
liturgiques, je n’y vois aucune difficulté. En revanche, si l’on ne se met
pas d’accord sur les problèmes doctrinaux posés par certains membres de la
Fraternité on obtiendra des décisions utiles et sympathiques mais sans arriver
à la pleine communion, si vivement souhaitée. L’autorisation, pour tous les
prêtres, de célébrer selon la forme ancienne du rite romain ne résoudra pas
le problème de fond qui existe avec la Fraternité Saint-Pie X. Si ses membres
disaient, par exemple, nous repoussons le concile Vatican II, alors on se
trouverait devant une situation difficile à résoudre. » (26 septembre
2005, agence de presse I. Media, DICI n°121, p. 11)
De la même façon, Mgr Vingt-Trois, dans Le
Figaro du 22 septembre 2005, affirmait : « On sait que le
dialogue avec la Fraternité Saint Pie X n’est pas d’abord conditionné par
la liturgie. Cette question est un simple drapeau agité pour mobiliser des
braves gens et leur faire croire qu’il s’agit du véritable enjeu. Leur
problème réside dans le refus du concile Vatican II, du dialogue
interreligieux et du respect dû par tous à la conscience personnelle. »
Suite à la fondation de l’Institut du Bon Pasteur, les évêques français
ont donné le même avis. Mgr Vingt-Trois, le 26 octobre 2006 à l’Institut
catholique de Paris, déclare que « sous couvert de la mobilisation pour
la défense d’une forme liturgique, c’est bien à une critique radicale du
concile Vatican II que l’on a assité. (…) Le problème n’est pas
exclusivement liturgique mais il demeure un problème ecclésiologique. »
Les évêques de la Province de Normandie à tous leurs prêtres, le 17 octobre
2006, les évêques de la Province de Besançon, Strasbourg et Metz dans un
communiqué du 25 octobre 2006 redoutent que « l’usage du Missel romain
de 1962 ne relativise les orientations du concile Vatican II. » Mgrs
Dagens, Defois et Noyer ont le même jugement. (DICI n° 145, 4 novembre
2006)
- Une conception évolutive de la vérité
On aura noté que tout doit évoluer : il ne faut pas « une
conception fixiste de la Tradition », disait le cardinal
Decourtray. « La foi est vécue comme une nouveauté perpétuelle
», affirmait de son côté l’évêque de Laval. « J’ai
toujours voulu rester fidèle à Vatican II, cet aujourd’hui de l’Église,
sans nostalgie pour un hier irrémédiablement passé, sans impatience pour un
demain qui ne nous appartient pas », écrivait le futur Benoît XVI
(Cardinal Ratzinger, Entretien sur la foi,
Fayard, 1985, p. 17)
Rien n’est plus contraire à la notion même de vérité et de dépôt
immuable de la foi. C’est le cœur de la crise de l’Église. C’est en ce
sens qu’il faut les comprendre lorsqu’ils parlent de Tradition vivante.
(Voir plus bas IV, 5)
# Le désaccord vient non seulement des erreurs doctrinales mais aussi de la perversité de leur esprit…
« Et nous aussi nous avons choisi
d’être contre-révolutionnaires, avec le Syllabus,
contre les erreurs modernes,
d’être dans la vérité catholique et de la défendre.
« Ce combat entre l’Église et
les libéraux modernistes, c’est celui du concile Vatican II. Il ne faut pas
chercher midi à quatorze heures. Et cela va très loin. Plus on analyse
les documents de Vatican II et l’interprétation qu’en ont donné les
autorités de l’Église, plus on s’aperçoit qu’il s’agit non seulement
de quelques erreurs, l’œcuménisme,
la liberté religieuse, la collégialité, un certain libéralisme, mais
encore d’une perversion de l’esprit.
« C’est toute une nouvelle philosophie, basée sur la philosophie
moderne du subjectivisme. » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°87, septembre 1990, p. 5 ; cf. Fideliter,
n°79, p. 3)
# …et de leur manque d’honneteté
« Mais, je pense que, à mon sens, nous n’avons pas affaire à des
gens honnêtes. C’est cela qui est terrible, nous n’avons plus affaire à
des gens honnêtes. Autrefois, quand j’allais à Rome comme délégué
apostolique, j’avais affaire à des gens honnêtes, à des gens qui voulaient
le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, à des gens qui travaillaient pour le
salut des âmes. Maintenant, ce n’est plus cela, ce n’est pas cela.
« Ils ne travaillent pas pour le salut des âmes, ils travaillent pour
la gloire humaine de l’Église dans le monde, la gloire purement humaine.
» (Mgr Lefebvre, Écône, 4 septembre 1987, Sel
de la Terre n°31 p. 205-206)
# Rome ne veut pas la même chose que lui
Rome ne veut ni la Commission, ni les évêques, comme le comprend Mgr
Lefebvre.
« Cette Commission est un organisme du Saint-Siège au service de la
Fraternité et des diverses instances avec lesquelles il faudra traiter pour établir
et consolider l’œuvre de réconciliation. De plus, ce n’est pas elle, mais
le Saint-Père qui, en dernière instance, prendra les décisions : la
question d’une majorité ne se pose donc pas ; les intérêts de la
Fraternité sont garantis par sa représentation au sein de la Commission, et
les craintes que vous avez exprimées par rapport aux autres membres n’ont pas
lieu de persister, dès lors que le choix de ces membres sera effectué par le
Saint-Père lui-même. » (Lettre du cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre,
30 mai 1988, Fideliter 29-30 juin 1988,
p. 50)
« En attendant l’approbation de la structure juridique définitive
de la Fraternité, le Cardinal-visiteur se portera garant de l’orthodoxie de
l’enseignement dans vos séminaires, de
l’esprit ecclésial et de
l’unité avec le Saint-Siège. Au cours de cette
période, le Cardinal-visiteur décidera également de l’admission
des séminaristes au sacerdoce, en tenant compte de l’avis
des Supérieurs compétents. » (Lettre du cardinal Ratzinger à
Mgr Lefebvre, 28 juillet 1987, Fideliter
29-30 juin 1988, p. 29-30)
« Etant donné le refus de considérer nos requêtes, et étant évident
que le but de cette réconciliation n’est pas du tout le même pour le
Saint-Siège que pour nous, nous croyons préférable d’attendre des temps
plus propices au retour de Rome à la Tradition. » (Lettre de Mgr
Lefebvre au Pape, 2 juin 1988, Fideliter
29-30 juin 1988)
# Mgr Lefebvre se donne les moyens de continuer l’œuvre : « opération survie », les sacres de 1988
« Devant le refus de Rome de prendre en considération nos
protestations et nos demandes de retour à la Tradition, et devant mon âge car
j’ai maintenant 82 ans, je suis dans ma 83e
année, il est évident que je sens la fin venir, il me faut un successeur. Je
ne peux pas laisser cinq séminaires à travers le monde, sans
évêque pour ordonner ces séminaristes, puisqu’on ne peut pas faire de prêtres
sans évêque. Et que tant qu’il n’y aura pas d’accord avec Rome, il n’y
aura pas d’évêques qui
accepteront de faire des ordinations. Donc je me trouve
dans une impasse absolue et j’ai un choix à faire : ou bien mourir et laisser
mes séminaristes comme cela dans l’abandon et laisser mes séminaristes
orphelins, ou bien faire des évêques. Je n’ai pas le choix. » (Mgr
Lefebvre, Conférence du 15 juin 1988, Fideliter
29-30 juin 1988, p. 9)
« Aujourd’hui, cette journée c’est l’opération ‘survie’,
et si j’avais poursuivi avec Rome, en continuant les accords que nous avons
signés et en poursuivant la mise en pratique de ces accords, je faisais l’opération
‘suicide’. » (Sermon du 30 juin 1988, Fideliter
n°64, p. 6)
5. D’autres acceptent un accord avec Rome
# Ils pensent trouver dans cet accord les garanties suffisantes pour continuer la Tradition : confiance sans fondement
Depuis les débuts de la Tradition, Rome fit plusieurs tentatives pour détacher
des prêtres et des séminaristes de l’œuvre de Mgr Lefebvre ; elle
leur promettait la messe traditionnelle et tous les avantages d’une reconnaissance
légale. Rome n’a jamais tenu ses promesses. Mgr Lefebvre rapporte quelques
faits.
« En ce qui concerne les séminaristes partis en 1977 à Rome, on leur
avait promis la messe traditionnelle, et puis au bout d’un certain temps,
trois ou quatre mois, on leur a dit : « Maintenant quand même il
faut vous adapter un petit peu ; rester figés sur la messe de Saint Pie
V, quand même, il faut s’ouvrir un petit peu. » Et pour les ouvrir, on
a fait une cérémonie œcuménique avec un Bouddha sur l’autel. Alors,
l’abbé Daniel Séguy, de Montauban, a pris la statue et l’a brisée par
terre. Ce fut la fin du séminaire Léonin. » (Mgr Lefebvre, en août
1987 au Barroux)
Dom Augustin, supérieur du monastère bénédictin de Flavigny, «
s’est rallié à Rome (en 1985) avec l’espoir qu’on lui garderait la
Tradition, qu’il conserverait dans son monastère, c’est-à-dire la messe
traditionnelle pour ses moines, pour la messe conventuelle. Eh bien, Rome a exigé
que pour la messe conventuelle ce soit la messe du Concile et non pas la messe
ancienne. Au lieu de nous dire vous pouvez garder la Tradition, on change la
Tradition. » (Mgr Lefebvre, Conférence du 15 juin 1988, Fideliter
29-30 juin 1988, Écône)
En 1986, était fondé le séminaire Mater
Ecclesiae pour accueillir les transfuges d’Écône. « Vous avez
entendu parler, sans doute, et vous avez fait quelques articles dans les
journaux, il y a deux ans, sur les transfuges d’Écône, les fameux transfuges
d’Écône ! Étaient partis d’ici, d’Écône, neuf séminaristes.
Celui qui a été le chef en quelque sorte de cette petite rébellion, l’abbé...,
est resté dans le séminaire pendant un certain temps, il cachait bien son jeu,
et il est arrivé à déterminer huit autres séminaristes à quitter Écône.
(…) Oh ! C’est formidable ; c’est une occasion unique. Si on
leur promet monts et merveilles, il y en aura d’autres qui vont venir. Il
l’a dit explicitement. Le cardinal Ratzinger l’a dit : « Je
suis heureux qu’il y en ait qui aient quitté Écône et j’espère bien
qu’il y en aura d’autres qui suivront les premiers. »
Nous ne pouvons pas avoir confiance, ce n’est pas possible. » (Mgr
Lefebvre, Conférence du 15 juin 1988, Fideliter
29-30 juin 1988)
Comment alors le supérieur de la Fraternité Saint Pierre a-t-il pu écrire
: « Les difficultés ne manqueront pas, nous ne nous faisons aucune
illusion. Mais nous avons déjà pu faire l’expérience consolante que, dans
ces difficultés, Rome nous soutient efficacement. Et le grief selon lequel
Rome, en nous “divisant”, combattrait la tradition par la tradition, trahit
une bien piètre foi dans la force en elle-même de cette tradition vivifiante
» ? (Abbé Joseph Bisig, Tu es
Petrus, mars 1989)
Un autre écrit : « Ce qui est plus important, et que la
Fraternité ne voit pas, c’est que de nouveaux hommes d’Église sont
maintenant à l’œuvre, qui sont des hommes de foi et qui manifestent
clairement cette foi. Mgr Thomas (évêque de Versailles) est justement de
ceux-là. C’est une raison supplémentaire pour ne pas accepter un schisme et
je l’ai dit publiquement dès les
premières menaces faites à Écône, il y a déjà un an. » (R. P. Bruno
de Blignière, Famille chrétienne, 21
juillet 1988) Quel aveuglement !
# Les communautés qui ont passé cet accord avec Rome
En 1988 : monastère bénédictin Sainte Madeleine du Barroux ;
Fraternité Saint Pierre ; monastère bénédictin de Fontgombault et
ses filles (Triors, Randol) ; Institut de la Sainte Croix de Riaumont
; Institut du Christ-Roi (Mgr Wach) ; Opus Mariae (R.P. Wladimir)
; bénédictines de Joucques et du Barroux ; dominicaines de
Pontcalec ; Fraternité Saint Vincent Ferrier de Chéméré-le-Roi,
couvent dominicain qui auparavant était sédévacantiste.
Les uns et les autres sont régis par le Motu Proprio Ecclesia
Dei adflicta du 2 juillet 1988.
En 2002 : les prêtres du diocèse de Campos au Brésil, régis par un
accord spécial.
Le 8 septembre 2006, à grand renfort médiatique, la commission Ecclesia
Dei a érigé, par un décret signé du cardinal Castrillon Hoyos, un nouvel
institut de droit pontifical, l’Institut du Bon Pasteur (Bordeaux).
# On les appelle « ralliés »
On les appelle « ralliés » car dans les faits comme dans les
principes ils ne sont plus du côté de leurs anciens compagnons d’armes, mais
du côté de ceux qu’ils combattaient auparavant comme ennemis de la foi, de
la Tradition et du règne social de Jésus-Christ. Nous montrerons ci-après
qu’ils sont ralliés dans les principes en examinant les intentions, la
soumission volontaire à l’influence moderniste, et les termes de l’accord.
Ils sont ralliés aussi dans les faits, en voici quelques exemples :
- Quant à la messe
Ils concélèbrent la nouvelle messe et même la célèbrent, et ne nient
plus son opposition à la foi catholique. Certains prêtres encouragent les fidèles
à remplir l’obligation dominicale par l’assistance à la nouvelle dans leur
paroisse plutôt que d’assister à l’ancienne messe dans une chapelle de la
Fraternité Saint Pie X. Dom Gérard et Mgr Wach l’ont concélébrée avec le
pape Jean-Paul II ; Mgr Rifan, de son côté l’a concélébrée le 8
septembre 2004 à Aparecida au Brésil. L’abbé Ribeton, de la Fraternité
Saint Pierre, disait : « Je ne crois pas que célébrer la messe
selon le nouvel ordo puisse en soi constituer un désordre moral objectif
» (Forum catholique,
13.11.2006), au contraire de Mgr Lefebvre : « La nouvelle messe
conduit au péché contre la foi, et c’est l’un des péchés les plus
graves… » (La messe de toujours,
Clovis 2005, p. 396) L’abbé de Tanouärn, de l’Institut du Bon Pasteur,
affirme que cette messe nouvelle est « un rite légitime » (Valeurs
actuelles, 1.12.2006), et participa activement à la messe
d’enterrement de P. Pujo, célébrée selon le nouveau rite. Ce même Institut
reconnaît « l’égalité de droit positif des deux formes du rite, la
licéité de la liturgie de Paul VI et sa validité. » Il dénonce la
mise en cause de son identité propre, à savoir : « qui célèbre
en pratique seulement la messe traditionnelle serait suspect d’exclure “par
principe” l’ordo de Paul VI. » (Abbé Christophe Héry, La
Pastorale, n°2, novembre 2009)
- Quant au Concile Vatican II
Ils publient des ouvrages pour prouver que la déclaration du concile Vatican
II sur la liberté religieuse est en pleine conformité avec la Tradition. (R.
P. Basile du Barroux, et les dominicains de Chéméré)
Ils approuvent le nouveau Catéchisme de
l’Église catholique publié en 1992 et son Compendium
publié en 2005 : l’un et l’autre reprennent les erreurs du Concile
sur la liberté religieuse, l’œcuménisme, la collégialité et d’autres
encore.
Ils se réfèrent au nouveau Code de Droit Canon de 1983 qui met en
application les réformes du Concile Vatican II dans la vie de l’Église.
Ils écoutent en communauté la lecture des méditations du chemin de Croix
du “bienheureux” Jean-Paul II. (Le Barroux, Lettre
aux Amis, été 2011)
Ils jugent mauvais le communiqué publié par le supérieur de la Fraternité
Saint Pie X le 12 septembre 2011. Le supérieur, M. l’abbé de Cacqueray
y dénonce la réunion interreligieuse d’Assise, célébrée en mémoire des
25 ans de la première du genre, le 27 octobre 1986. M. l’abbé de Tanoüarn,
lui, vole au secours de celle de 2011 : « Lorsque le pape demande
aux religions de se concevoir elles-mêmes comme un service de paix et non comme
une caution de violence […] il accomplit un geste important et légitime.
» Comme si les papes n’avaient pas depuis longtemps condamné les réunions
interreligieuses, comme si le faux (fausses religions) pouvait servir le bien et
la paix.
- Quant aux contacts incessants avec le clergé diocésain
Ces contacts conduisent certains à des compromissions et finalement à
entrer dans les diocèses sous l’autorité de l’évêque. Les bons rapports
avec les évêques ne leur apportent pas que des joies : récupération
par les diocèses des centres paroissiaux de Versailles, Lyon, et Orléans.
- Rupture de contact avec ceux qui continuent l’œuvre de Mgr Lefebvre
Cette division vient d’eux seuls : « Que la Fraternité de Mgr
Lefebvre ait été voulue par Dieu, nous le croyons aussi. Et c’est justement
parce que nous voulons rester fidèles à la foi catholique que nous devons le
quitter. C’est parce que l’on ne s’est pas assez considéré comme des
serviteurs inutiles, que l’on s’est crû indispensable. Cette magnifique
œuvre a été voulue par Dieu, elle ne l’est plus. Dieu fera naître
d’ossements desséchés — si nécessaire — de nouveaux fils d’Israël
(cf. vision prophétique d’Ezéchiel ch. 37). N’oublions jamais. »
(Document collectif des prêtres de la Fraternité Saint Pierre contre les
sacres, début 1989)
- Division, imposée par Rome et les évêques
À Versailles à la rentrée 1988, Mgr Thomas reconnaît l’existence
juridique de l’Abbé Porta et de Notre-Dame des Armées, pour une durée expérimentale
d’un an, à la condition expresse que plus aucun rapport ne soit entretenu
avec la Fraternité St Pie X et ceux qui la soutiennent. En conséquence les prêtres
n’ayant pas désapprouvé les sacres ne sont plus autorisés à pénétrer
dans la chapelle même pour prêcher au cours d’une messe privée…
Les ralliés l’avaient vite compris : « Je dis qu’eux ne
veulent pas que nous dépendions de ces quatre évêques (consacrés par Mgr
Lefebvre). Moi, je n’y tiens pas plus que ça parce qu’au fond, l’Église
ne tient pas à ces quatre évêques, elle tient en elle-même par ses propres
lois. » (Dom Gérard, Radio Courtoisie, 28 août 1988)
Cette division est imposée par le pape lui-même dans son Motu proprio du 2
juillet 1988 : « afin qu’ils remplissent le grave devoir qui
est le leur de demeurer unis au Vicaire du Christ dans l’unité de l’Église
catholique, et qu’ils ne continuent pas à soutenir ce mouvement, de quelque
façon que ce soit… » (Motu proprio de Jean-Paul II, 2 juillet 1988)
II - Les intentions
Les intentions dans la tentative d’accord entre Rome et Mgr Lefebvre sont
opposées. C’est pourquoi aucun accord n’est possible.
Par contre il y a convergence d’intention entre les ralliés et Rome…
# Remettre en honneur la Tradition et lui redonner dans l’Église la place qui lui est due
- Non pas un accord diplomatique pour forcer le ralliement
« Pendant quinze ans on a
dialogué pour essayer de remettre la Tradition en
honneur, à la place qui lui est due dans l’Église. Nous nous sommes heurtés
à un refus continuel. Ce que Rome accorde à présent en faveur de la tradition,
n’est qu’un geste purement politique, diplomatique pour forcer les ralliements.
Mais ce n’est pas une conviction dans les bienfaits de la Tradition.
» (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°79, janvier-février 1991, p. 4 ; cf. Fideliter,
n°70, juillet-août 1989, p. 4)
- Mais donner à la Tradition les moyens de se développer librement
« Afin d’enrayer l’auto démolition
de l’Église, nous supplions le Saint-Père, par votre intermédiaire,
de procurer le libre exercice de la
tradition en procurant à la tradition les
moyens de vivre et de se développer pour le salut de
l’Église catholique et le salut des âmes, que soient reconnues les œuvres
de la tradition, en particulier les séminaires,
et que S.E. Mgr Castro-Mayer et moi-même puissions
nous donner les auxiliaires de notre choix pour garder
à l’Église les grâces de la Tradition, seule source de
rénovation de l’Église. » (Lettre de Mgr Lefebvre au cardinal
Ratzinger, 8 juillet 1988, Fideliter
29-30 juin 1988, p. 25)
- Continuer l’œuvre entreprise : le sacerdoce
« Dieu a suscité la Fraternité sacerdotale saint Pie X pour le
maintien et la perpétuité de son sacrifice glorieux et expiatoire dans l’Église.
Il s’est choisi de vrais prêtres instruits et convaincus de ces mystères
divins. Dieu m’a fait la grâce de préparer ces lévites et de leur conférer
la grâce sacerdotale pour la persévérance du vrai sacrifice, selon la définition
du Concile de Trente.
« C’est ce qui nous a valu la persécution de la Rome antichrist.
Cette Rome, moderniste et libérale,
poursuivant son oeuvre destructrice du Règne de Notre Seigneur comme le
prouvent Assise et la confirmation
des thèses libérales de Vatican II sur la liberté religieuse. Je me vois
contraint par la Providence divine
de transmettre la grâce de l’épiscopat catholique que j’ai reçue, afin
que l’Église et le sacerdoce catholique continuent à subsister pour
la gloire de Dieu et le salut des âmes.
» (Lettre aux futurs évêques 29 août 1987, Fideliter
29-30 juin 1988.)
# Examiner si Rome veut sincèrement protéger la Tradition
« Au cours des derniers contacts que j’ai eus à Rome, j’ai
plusieurs fois voulu sonder leurs intentions, mesurer s’il y avait un véritable
changement. Cela n’apparaissait pas impossible après le constat des échecs
catastrophiques et désastreux qui ont suivi le Concile et après aussi la
visite du cardinal Gagnon et de Mgr Perl qui avaient eux-mêmes constaté les
fruits du bon travail de la Fraternité. (…) Si
je suis allé discuter à Rome, c’est parce que je
voulais essayer de voir si nous pourrions réaliser un accord avec les autorités
ecclésiastiques, tout en nous mettant à l’abri de leur libéralisme et en
sauvegardant la Tradition. Force m’a bien été de constater qu’aucun accord
ne pouvait être réalisé qui nous donne à la fois toute garantie et la conviction
que Rome voulait sincèrement concourir à la préservation de la Tradition.
» (Mgr Lefebvre, Fideliter
n°68 p.7 et 15 ; cf. « Pourquoi cet arrêt des colloques par Mgr
Lefebvre alors qu’un accord était signé le 5 mai 1988 ? » Fideliter
29-30 juin 1988, p. 66)
2. Rome
# Réconciliation et non pas reconnaissance de la Tradition comme voulait Mgr Lefebvre
« Le 2 juin j’ai écrit de
nouveau au Pape : inutile de continuer les colloques et les contacts. Nous
n’avons pas le même but. Vous
voulez nous rallier et nous réconcilier et nous, nous voulons
être reconnus tels que nous sommes. Nous voulons continuer la Tradition,
comme nous le faisons. » (Mgr Lefebvre, Fideliter
n°70 p. 4)
« Alors que nous parlons de réconciliation, Mgr Lefebvre ne veut
entendre parler que de reconnaissance. La différence n’est pas mince. La réconciliation
suppose un effort réciproque, ainsi que l’admission des erreurs passées. Mgr
Lefebvre prétend que l’ensemble de l’Église a tort et que lui, Mgr
Lefebvre, et ses adeptes ont toujours raison. » (Cardinal Gagnon, 31
juillet 1988, Avvenire)
# Faire rallier tous les traditionalistes à Rome
« Tout ce qui leur a été
accordé, ne leur a été consenti que dans le but de faire en sorte que tous
ceux qui adhèrent ou sont liés à la Fraternité s’en détachent
et se soumettent à Rome. J’ai eu l’occasion de voir au moins trois
lettres que Mgr Perl
a envoyées en réponse à des personnes qui lui avaient écrit. C’est toujours
la même chose. Il faut absolument faire un effort auprès de ceux qui n’ont
pas compris la nécessité de se rallier au Pape et au Concile. C’est dommage,
écrit-il, de constater qu’il n’y a pas eu plus de ralliements. » (Mgr
Lefebvre, Fideliter, n°79, janvier-février
1991, p. 5.)
# Pleine communion ecclésiale qui inclut la collaboration des ralliés sous la direction des évêques diocésains et qui détermine la composition de la commission romaine.
- Pleine communion ecclésiale
« À propos de la liberté d’action des évêques locaux par rapport
à la Commission Ecclesia Dei, le
cardinal Mayer a rappelé ce que précise le Motu proprio du 2 juillet dernier
(n° 5). La Commission a la charge, expliqua le cardinal, de collaborer
avec les évêques, avec les dicastères de la Curie romaine et les milieux intéressés,
dans le but de faciliter la pleine communion ecclésiale de prêtres, séminaristes,
communautés ou religieux et religieuses pris individuellement, qui jusqu’ici
étaient de diverses manières reliés à la Fraternité fondée par Mgr
Lefebvre… » (Famille chrétienne,
3 novembre 1988)
« Il est évident que, loin de chercher à mettre un frein à
l’application de la réforme entreprise après le concile, cette concession
est destinée à faciliter la communion ecclésiale des personnes qui se sentent
liées à ces formes liturgiques. » (« Audience du Saint-Père aux
religieux de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux », Osservatore
romano, 2 octobre 1990)
Que signifie cette pleine communion ? Ce qui suit le manifeste.
- Obéissance
« C’est au nom de l’obéissance au vicaire du Christ, que nous
vous demandons un acte public de soumission, afin de réparer ce que vos écrits,
vos propos, votre attitude ont d’offensant à l’égard de l’Église et de
son magistère. » (Paul VI, Lettre à Mgr Lefebvre, 29 juin 1975, cité
par J. Madiran, La condamnation sauvage de Mgr
Lefebvre)
Rien n’a changé depuis. Mgr Lefebvre y a répondu : « Il faut
reconnaître que le tour a été bien joué et le mensonge de Satan
merveilleusement utilisé. L’Église va se détruire elle-même par voie
d’obéissance. (…) Il réussit à faire condamner ceux qui gardent la foi
catholique par ceux-là mêmes qui devraient la défendre et la propager.
» (Mgr Lefebvre, 13 octobre 1974, Le
coup de maître de Satan, éd. Saint Gabriel, p. 6)
- Apostolat sous la direction des évêques
L’archevêque d’Avignon explique à ses prêtres que le pape a accordé
au monastère bénédictin du Barroux « la pleine réconciliation avec le
Siège Apostolique avec la possibilité d’utiliser les livres liturgiques en
vigueur en 1962 et de développer un rayonnement pastoral par des œuvres
d’apostolat et de conserver les ministères actuellement assumés, compte tenu
des canons 679-683 qui portent sur la collaboration organisée entre les
Instituts religieux et le clergé séculier et sur la coordination de toutes les
œuvres et activités apostoliques sous la direction de l’évêque diocésain
(can 680). » (Lettre de Mgr Bouchex, archevêque d’Avignon, aux prêtres
de son diocèse, 17 août 1988)
C’est donc à une dépendance étroite et quotidienne que le canon 680
soumet le monastère du Barroux : « Entre les divers instituts et
aussi entre ceux-ci et le clergé séculier, que soit encouragée une
collaboration organisée ainsi que, sous la direction de l’évêque diocésain,
une coordination de toutes les œuvres et activités apostoliques, restant saufs
le caractère, le but de chaque institut et les lois de fondation. »
(Nouveau code de droit canon, 1983)
La Fraternité Saint Pierre est érigée en société cléricale de vie
apostolique de droit pontifical. Cependant, comme dans le cas du monastère du
Barroux, cela ne signifie nullement l’indépendance à l’égard des évêques
afin d’être soustrait à leur influence délétère.
« Pour favoriser l’unité nécessaire de 1’Église, les membres de
la Fraternité Saint Pierre poursuivront avec une particulière diligence la
communion avec l’évêque et le presbyterium diocésains, selon la norme des
canons 679-683. De même, ils observeront dans l’exercice du ministère
pastoral les prescriptions du droit, particulièrement celles qui ont trait à
la célébration valide et licite des sacrements de pénitence et de mariage,
ainsi qu’aux notations à transcrire dans les livres paroissiaux selon le
canon 535, § 1. » (Commission pontificale Ecclesia Dei, le 18 octobre
1988, Augustin, cardinal Mayer, président.)
Il en est de même pour l’Institut du Bon Pasteur. (cf. plus bas VI)
- Composition de la commission romaine
« Cette Commission est un organisme du Saint-Siège au service de la
Fraternité et des diverses instances avec lesquelles il faudra traiter pour établir
et consolider l’œuvre de réconciliation. De plus, ce n’est pas elle, mais
le Saint-Père qui, en dernière instance, prendra les décisions : la
question d’une majorité ne se pose donc pas ; les intérêts de la
Fraternité sont garantis par sa représentation au sein de la Commission, et
les craintes que vous avez exprimées par rapport aux autres membres n’ont pas
lieu de persister, dès lors que le choix de ces membres sera effectué par le
Saint-Père lui-même. » (Lettre du cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre,
30 mai 1988)
# C’est autre chose qu’une question de rite : toute une conception de l’Église
« En réalité, si Mgr Lefebvre n’a pas accepté le protocole qui
lui était proposé, c’est précisément parce qu’il a compris soudain sa
signification réelle. « Ils voulaient nous tromper », a-t-il dit
équivalemment. Cela signifiait : « Ils voulaient nous faire
accepter le Concile. » Ceci
montre combien on aurait tort de réduire cette douloureuse affaire à une
question de latin ou de rituel, voire même de protestation contre certains
abus. C’est toute une conception de l’Église universelle et de l’Église
particulière, du ministère épiscopal et du ministère de Pierre, qui est ici
en cause. » (Cardinal Decourtray, Discours à l’assemblée plénière
des évêques de France, Lourdes, 26 octobre 1988, DC n° 1973, p. 22)
« La question de fond n’est pas une question de latin, ni même de
liturgie, si importante soit-elle. Ce qui est enjeu, c’est le mystère de l’Église.
» (Mgr Jullien, archevêque de Rennes, Le
Choc du mois, 10 décembre 1988) (Voir aussi plus haut, I 4)
# Dans ce cadre deux tendances sont manifestes
Soit ramener les ralliés à la nouvelle messe et au concile Vatican II, en
excluant tout retour en arrière.
Soit intégrer la Tradition (avec l’ancienne messe) dans l’espace
pluraliste et évolutionniste : « L’ancien rite romain conserve
dans l’Église son droit de cité au sein de la multiformité des rites
catholiques, tant latins qu’orientaux. » (Cardinal Castrillon-Hoyos,
homélie du 24 juin 2003 lors d’une messe célébrée selon l’ancien rite)
La Tradition ne sera qu’une forme parmi d’autres de spiritualité, une
voie parmi d’autres d’apostolat : la liberté…
# Il faut penser comme tous les évêques, reconnaître l’orthodoxie de la nouvelle messe et adhérer au concile Vatican II
- Tout doit s’aligner sur ce que les évêques pensent :
« Le cardinal Ratzinger l’a dit ouvertement en répondant au grand
journal de Francfort Die Welt qui l’interrogeait après les sacres :
Il est inadmissible et on ne peut pas accepter qu’il y ait dans l’Église
des groupes de catholiques qui ne se soumettent pas à ce que pensent d’une
manière générale les évêques dans le monde. » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°66, novembre-décembre 1988, p. 11)
- Célébrer la nouvelle messe :
« Voici un exemple qu’a donné le cardinal Ratzinger. Par exemple à
Saint- Nicolas-du-Chardonnet, Monseigneur, quand le protocole sera signé, que
les affaires seront réglées, il est évident que Saint-Nicolas-du-Chardonnet
ne va pas rester comme maintenant. Pourquoi ? Parce que Saint-Nicolas est
une paroisse de Paris et dépend du cardinal Lustiger. Par conséquent il sera
absolument nécessaire que dans la paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet il y
ait une messe nouvelle régulièrement, tous les dimanches. » (Mgr
Lefebvre, Conférence de presse, Écône 15 juin 1988, Fideliter
29-30 juin 1988, p. 17)
- Adhérer au Concile Vatican II :
« Quant à ceux qui, non sans mérite, ont refusé l’acte
schismatique du 30 juin et demandé la réconciliation, il est clair qu’ils
doivent, avec notre aide amicale et priante, confiante, patiente, mais
exigeante, progresser sur le chemin de l’adhésion véritable au Concile dans
sa totalité. » (Cardinal Decourtray, Discours à l’assemblée
plénière des évêques de France, Lourdes, 26 octobre 1988, DC n° 1973,
p. 22)
Au monastère bénédictin de Flavigny, plusieurs choses furent imposées
:
« Tout d’abord, l’adoption, pour la célébration de la messe, du
rite dit de Paul VI. Lors de la visite canonique effectuée au monastère par
Dom Prou et le P. Roualet, vicaire général du diocèse de Dijon, chaque moine
signe la lettre du cardinal Ratzinger à Mgr Lefebvre (que celui-ci a toujours
refusé de signer) sur l’acceptation de la légitimité du rite de Paul VI et
du Concile. Ceci permet de régulariser les ordinations faites par Mgr Lefebvre,
signe que la réconciliation est acquise. Enfin à la demande du cardinal
Ratzinger, Mgr Balland organise dans le monastère une série de sessions sur le
Concile de Vatican II. » (L’actualité
religieuse dans le monde, avril 1988) (Voir aussi plus haut I, 4)
# Fidélité à la Tradition vivante
Le Motu proprio, les déclarations des papes Jean-Paul II et Benoît XVI
ainsi que celles des évêques n’ont qu’une seule voix pour faire l’éloge
de la Tradition vivante. Nous verrons quel sens il faut lui donner. (voir plus
bas en IV, 5)
3. Les
ralliés
Les motifs qui les poussent à cet accord avec Rome sont les suivants :
# Ils ne veulent pas pleinement suivre la Tradition
Suivre pleinement la Tradition consiste à conserver la foi, dénoncer les
erreurs, garder l’ancienne messe pour des motifs de foi, rejeter le Concile en
raison de son opposition au règne de Jésus-Christ.
- Pour la plupart des ralliés, garder la messe, les sacrements et le catéchisme suffit
« Ce que nous demandions depuis le début (messe de saint Pie V, catéchisme,
sacrements, le tout conforme au rite de la Tradition séculaire de 1’Église),
nous était octroyé, sans contrepartie doctrinale, sans concession, sans
reniement. » (Dom Gérard, 18 août 1988)
« Rendez-nous l’Écriture, le catéchisme et la messe !
Telle fut notre lettre au pape Paul VI en 1972. Telle est en 1988 notre
lettre au pape Jean-Paul II. » (J. Madiran, Itinéraires,
octobre 1988)
Mgr Lefebvre et les évêques ont déjà donné la réponse : ce
n’est pas une question de rite ou de messe, mais de doctrine, de principes et
plus profondément d’une philosophie.
- Se centrer sur l’essentiel : la messe
D’autres arguent qu’il faut se centrer sur l’essentiel : la
messe. En effet, le plus important est de garder la foi ; or, par la
messe, on reçoit les grâces qui permettent de garder la foi ;
l’essentiel est donc de garder la messe.
Nous répondons ainsi : il est vrai que la messe donne les grâces qui
permettent de conserver la foi. Or on ne peut pas conserver la foi sans
combattre les erreurs : c’est pourquoi, dit H. Hello, « cette détestation
de l’erreur est la pierre de touche à laquelle se reconnaît l’amour de la
vérité. » (L’homme, Perrin
1941, p. 214) Par conséquent l’assistance à la messe de toujours donne les
grâces et l’esprit de combat contre les erreurs ; si l’esprit de
combat n’est pas présent, c’est qu’alors ces grâces sont mal reçues.
- Nous n’avons pas les lumières pour juger le pape
Par ailleurs, disent-ils, nous n’avons pas les lumières pour juger le pape
sur les erreurs qu’il commettrait ; Dieu seul en est juge. Comme de bons
fils nous devons cacher les misères de notre Saint Père, à l’imitation des
fils de Noé qui ont caché la honte de leur père. N’ajoutons pas scandale
sur scandale.
Voici notre réponse. Il y a juger et juger : juger de la conformité
ou de la difformité des paroles et des actes d’une personne par rapport à la
vérité ou à la loi divine est à la portée de tous ceux qui ont étudié
leur catéchisme. Quant à juger des dispositions secrètes et des intentions
cachées, cela ne nous appartient pas : c’est réservé à Dieu. Ayons
soin de discerner ce qui est objectif : les paroles et les actes, et ce
qui est subjectif : les intentions.
Quand le loup est dans la bergerie le vrai scandale est de ne pas crier au
loup ! le scandale est de ne pas avoir souci du bien de Dieu, son honneur,
et du bien des brebis qu’il faut protéger du loup. Le scandale est encore de
ne rien faire pour empêcher sa mauvaise influence.
# Être dans l’obéissance
Obéissez ! obéissez ! n’ont cessé de répéter les autorités
romaines à Mgr Lefebvre.
Certains ont pensé que l’obéissance aux autorités actuelles était
compatible avec la fidélité à la Tradition.
« Nous relevons le défi et continuons tranquillement notre route, en
bénéficiant d’un statut capable non seulement de nous maintenir fidèles à
notre tradition liturgique avec la bénédiction de l’Église, mais encore si
Dieu le veut, de servir de trait d’union entre ces deux exigences
imprescriptibles : Tradition et obéissance... » (Dom Gérard, dans
la Lettre aux Amis du Monastère, n°44)
Cet argument ne tient pas devant les faits qui montrent les fruits vénéneux
de l’obéissance mal comprise. Nous donnerons plus bas (VI, 3) les motifs qui
ne permettent pas la soumission volontaire à des autorités qui s’opposent à
la foi catholique.
# Être dans la légalité (situation canonique régulière) ; être relevé des censures
Les évêques consacrés par Mgr Lefebvre « sont sans doute plus sûrs
doctrinalement, plus catholiques, que bon nombre d’évêques actuels !
Mais le pape est le pape, les évêques sont chefs de leurs diocèses et peuvent
seuls donner la juridiction pour les confessions ou les mariages, même si, par
ailleurs leurs déclarations et leurs comportements ont plutôt détruit l’Église
qu’ils ne l’ont édifiée. » (Abbé Laffargue, juillet 1988)
Cet argument repose sur un désordre. Ce qui fait l’appartenance à l’Église
c’est d’abord la foi, l’adhésion à toutes les vérités enseignées par
l’Église. La loi, le droit canon, est au service de la foi et de la
sanctification des âmes et non l’inverse. Si l’opposition à Rome n’était
qu’une question de discipline, d’obéissance ou de charité, c’est la loi
et son application qui devrait régler le conflit. Mais nous l’avons dit,
c’est une opposition sur la doctrine et sur les principes les plus
fondamentaux : c’est une question philosophique et théologique et non
de situation canonique régulière.
# Être dans l’Église ; l’Église est visible
« Est-il désormais établi que l’on ne peut pas faire son salut
dans l’Église visible : la société des fidèles sous l’autorité du
pape ? Faut-il obligatoirement en sortir pour ne pas perdre son âme
? » (Lettre de J. Madiran à Mgr Lefebvre, 26 août 1988)
« À n’importe quel moment l’offre pouvait comporter une part de
perfidie. Mais quoi qu’il en soit, c’est dans l’Église visible qu’il
faut que soient réinstallés la messe, la doctrine, etc. » (J. Madiran, Itinéraires,
avril 1989)
« Il est préjudiciable que la Tradition même de l’Église soit reléguée
hors de son périmètre officiel visible. Cela est contraire à l’honneur de
l’Épouse du Christ. La visibilité de l’Église est un de ses caractères
essentiels. » (Dom Gérard, 18 août 1988)
Mgr Lefebvre se riait de ces arguties.
« Cette histoire d’Église visible de Dom Gérard et de M. Madiran
est enfantine. C’est incroyable que l’on puisse parler d’Église visible
pour l’Église conciliaire par opposition à
l’Église catholique que nous essayons de représenter et de continuer.
Je ne dis pas que nous sommes l’Église catholique. Je ne l’ai jamais dit.
Personne ne peut me reprocher d’avoir jamais voulu me prendre pour un pape.
Mais, nous représentons vraiment l’Église catholique telle qu’elle était
autrefois puisque nous continuons ce qu’elle a toujours fait. C’est nous
qui avons les notes de l’Église visible :
l’unité, la catholicité, l’apostolicité, la sainteté. C’est
cela qui fait l’Église visible. » (Mgr Lefebvre, Fideliter
n°70, p. 6)
De même, le 9 septembre 1988, Mgr Lefebvre disait dans une conférence aux
prêtres à Écône : « Vous continuez, vous représentez vraiment
l’Église. Je crois qu’il faut vous convaincre de cela : vous représentez
l’Église catholique. Non pas qu’il n’y ait pas d’Église en dehors de
nous, il ne s’agit pas de cela. Mais ces derniers temps, on nous a dit qu’il
était nécessaire que la Tradition entre dans l’Église visible. Je pense
qu’on fait là une erreur très grave.
« Où est l’Église visible ? Elle se reconnaît aux fruits
qu’elle a toujours donnés de sa visibilité : elle est une, sainte,
catholique et apostolique.
« Où sont les véritables marques de l’Église ? Sont-elles
davantage dans l’Église officielle ou chez nous, en ce que nous représentons,
en ce que nous sommes ?
« Il est clair que c’est nous qui gardons l’unité de la foi, qui
a disparu de Église officielle. Un évêque croit à ceci, l’autre n’y
croit pas, la foi est diverse, leurs catéchismes abominables comportent des hérésies.
Où est l’unité de la foi dans Rome ?
« Où est l’unité de la foi dans le monde ? C’est bien nous
qui l’avons gardée. L’unité de la foi réalisée dans le monde entier
c’est la catholicité. Or, cette unité de la foi dans le monde entier
n’existe plus, il n’y a donc plus de catholicité pratiquement. Il y a bientôt
autant d’Églises catholiques que d’évêques et de diocèses. Chacun a sa
manière de voir, de penser, de prêcher, de faire son catéchisme. Il n’y a
plus de catholicité.
« L’apostolicité ? Ils ont rompu avec le passé. Ils ne
veulent plus de ce qui s’est passé avant le concile Vatican II. Voyez le Motu
proprio du Pape nous condamnant, il dit bien que la Tradition vivante, c’est
Vatican II, qu’il ne faut pas se reporter avant Vatican II, que cela ne
signifie rien. Pour lui, l’Église porte la Tradition (qui évolue) avec elle
de siècle en siècle, et alors toute la Tradition se trouve dans l’Église
d’aujourd’hui. Mais quelle est cette Tradition ? À quoi se
rattache-t-elle ? Comment se rattache-t-elle au passé ? (…)
« L’apostolicité : nous, nous sommes rattachés aux Apôtres
par l’autorité. Mon sacerdoce me vient des Apôtres ; votre sacerdoce
vous vient des Apôtres. Nous sommes les fils de ceux qui nous ont donné l’épiscopat.
Notre épiscopat descend du saint Pape Pie V et par lui nous remontons aux Apôtres.
Quant à l’apostolicité de la foi, nous croyons la même foi que les Apôtres.
Nous n’avons rien changé et nous ne voulons rien changer.
« Et puis la sainteté. On ne va pas se faire des compliments ou des
louanges. Si nous ne voulons pas nous considérer nous-mêmes, considérons les
autres et les fruits de notre apostolat, les fruits des vocations, de nos
religieuses, des religieux et des familles chrétiennes. Quand Mgr Perl disait
aux religieuses dominicaines que c’était sur des bases comme les leurs
qu’il faudrait reconstruire l’Église, ce n’est tout de même pas un
petit compliment.
« Tout cela montre que c’est nous qui avons les marques de l’Église
visible. S’il y a encore une visibilité de l’Église aujourd’hui, c’est
grâce à vous. Ces signes ne se trouvent plus chez les autres. (…)
« Ce n’est pas nous, mais les modernistes qui sortent de l’Église.
Quant à dire “sortir de l’Église visible“, c’est se tromper en
assimilant Église officielle et Église visible. Nous appartenons bien à
l’Église visible. (…) Sortir, donc, de l’Église officielle ? Dans
une certaine mesure, oui, évidemment. » (Mgr Lefebvre, conférence à Écône,
9 septembre 1988, Fideliter n°66, p.
27)
Qui est dans l’Église ? Les catholiques. Les modernistes, en raison
de leurs erreurs, n’appartiennent pas à l’Église. Ils forment ce que
l’un d’eux a appelé l’Église conciliaire.
# Ne pas être excommunié
Les épouvantails, schisme, excommunication, mettent en fuite les passereaux
inattentifs au sens des mots et aux réalités.
L’excommunication est une peine infligée par l’Église à un baptisé en
punition d’une faute grave. Elle exclut le coupable de la communion ecclésiastique
et par suite prive de certains biens (messe, sacrements, sacramentaux, prières
publiques, indulgences). Il ne faut pas la confondre avec l’hérésie qui sépare
de la foi catholique, ni avec le schisme qui sépare de l’unité catholique.
Garder la foi catholique et prendre les moyens de la conserver n’est pas
aux yeux de l’Église une faute qui mérite une peine, mais une action très
bonne, digne de louange. C’est pourquoi l’excommunication lancée par les
autorités romaines en 1988 contre Mgr Lefebvre et les quatre évêques sacrés
par lui est nulle et le demeure.
Les seuls excommuniés sont les modernistes : Mgr Lefebvre l’a
souvent proclamé.
« On nous dit schismatiques, on nous dit excommuniés. Demandons-nous
qui nous accuse ainsi et pourquoi on nous excommunie. Ceux qui nous excommunient
sont déjà excommuniés eux-mêmes depuis longtemps. Pourquoi ? Parce
qu’ils sont modernistes. D’esprit moderniste, ils ont fait une Église
conforme à l’esprit du monde. Et c’est saint Pie X qui a condamné les
modernistes et les a excommuniés. Et pourquoi nous excommunient-ils ?
Parce que nous voulons rester catholiques. » (Sermon à l’Étoile du
Matin, 10 juillet 1988, Fïdeliter n°
65)
Dans la conférence de presse tenue avant les sacres, Mgr Lefebvre est aussi
clair.
« Alors nous sommes excommuniés par des modernistes, par des gens qui
ont été condamnés par les papes précédents. Alors qu’est-ce que cela peut
bien faire. Nous sommes condamnés par des gens qui sont condamnés, et qui
devraient être condamnés publiquement. Cela nous laisse indifférent. Cela
n’a pas de valeur évidemment. Déclaration de schisme ; schisme avec
quoi, avec le Pape successeur de Pierre ? Non, schisme avec le Pape
moderniste, oui, schisme avec les idées que le Pape répand partout, les idées
de la Révolution, les idées modernes, oui. Nous sommes en schisme avec cela.
Nous n’acceptons pas bien sûr. Nous n’avons personnellement aucune
intention de rupture avec Rome. Nous voulons être unis à la Rome de toujours
et nous sommes persuadés d’être unis à la Rome de toujours, parce que dans
nos séminaires, dans nos prédications, dans toute notre vie et la vie des chrétiens
qui nous suivent, nous continuons la vie traditionnelle comme elle l’était
avant le Concile Vatican II et qu’elle a été vécue pendant vingt siècles.
Alors, je ne vois pas pourquoi nous serions en rupture avec Rome parce que nous
faisons ce que Rome elle-même a conseillé de faire pendant vingt siècles.
Cela n’est pas possible. » (Conférence de presse, Fideliter
29-30 juin 1988)
D’ailleurs, Saint Pie X, par le Motu proprio Praestantia,
du 18 novembre 1907, infligeait cette peine aux modernistes.
« En outre, voulant réprimer l’audace de jour en jour croissante de
nombreux modernistes — qui, par toutes sortes de sophismes et d’artifices,
s’efforcent de ruiner la valeur et l’efficacité non seulement du décret Lamentabili
sane exitu rendu, sur Notre ordre, le 3 juillet de l’année courante,
par la sainte Inquisition romaine et universelle, mais encore de Notre
encyclique Pascendi Dominici Gregis, du
8 septembre de cette même année —, Nous réitérons et confirmons, de
Notre autorité apostolique tant le Décret de cette sainte Congrégation suprême
que Notre Encyclique et nous ajoutons la peine d’excommunication contre les
contradicteurs.
« Nous déclarons et décrétons que si quelqu’un — ce qu’à
Dieu ne plaise — avait assez de témérité pour défendre n’importe
laquelle des propositions, des opinions et des doctrines réprouvées dans
l’un ou l’autre des documents mentionnés plus haut, il encourrait ipso
facto la censure portée par le chapitre Docentes de la Constitution Apostolicae
Sedis, laquelle censure est la première des excommunications latae
sententiae simplement réservée au Pontife romain. Et il doit être entendu que
cette excommunication ne supprime pas les peines que peuvent encourir ceux qui
se seront opposés en quelque manière aux susdits documents en tant que
propagateurs et fauteurs d’hérésies, lorsque leurs propositions, opinions ou
doctrines seront hérétiques, ce qui, à la vérité, est arrivé plus d’une
fois aux adversaires de ces deux documents —, surtout lorsqu’ils se
sont faits les champions du modernisme, c’est-à-dire du rendez vous de toutes
les hérésies. »
Sans doute canoniquement cette peine ne vaut plus, mais elle demeure conforme
à l’esprit de l’Église.
# Travailler dans l’Église à ce que la Tradition retrouve son droit de cité
Les ralliés veulent que la Tradition retrouvent son droit de cité dans l’Église.
« Nous constatons que le fait de la Tradition retrouvant
officiellement son droit de cité est maintenant stigmatisé par ceux qui,
hier encore, y travaillaient. N’est-ce pas là une nouvelle et inquiétante
orientation ? Notre stupeur est grande et la tempête qui s’est levée
à ce sujet nous à profondément attristées. » (Lettre
des moniales de La Font-de-Perthus, l5janvier 1989)
Il faut maintenir la foi dans sa paroisse par la messe : c’est
pourquoi ils choisissent de rester dans leur paroisse. Il faut changer l’Église
de l’intérieur.
Nous nous opposons à ce choix, car il comporte deux illusions :
illusion d’être dans l’Église catholique si on demeure dans l’Église
conciliaire, soumis aux évêques modernistes qui détournent de la foi
catholique ; et fausse conception de l’autorité : ce n’est pas
l’inférieur qui a le pouvoir de changer quelque chose dans l’Église, mais
le supérieur. Ce serait de la subversion que de prétendre attribuer à un inférieur
un pouvoir de direction dans l’Église. Changer l’Église de l’intérieur,
c’est aussi ce qu’ont voulu et fait les modernistes…
« Se mettre à l’intérieur de l’Église, qu’est-ce que cela
veut dire ? Et d’abord de
quelle Église parle-t-on ? Si
c’est de l’Église conciliaire, il faudrait que nous qui avons lutté contre
elle pendant vingt ans parce que nous voulons l’Église catholique, nous
rentrions dans cette Église conciliaire pour soi-disant la rendre catholique.
C’est une illusion totale. Ce ne sont pas les sujets qui font les supérieurs,
mais les supérieurs qui font les sujets.
« Dans toute cette Curie romaine, parmi tous les évêques du monde
qui sont progressistes, j’aurais été complètement noyé. Je n’aurais
rien pu faire, ni protéger les fidèles et les séminaristes. On nous aurait
dit : bon, on va vous donner tel évêque pour faire les ordinations, vos
séminaristes devront accepter des professeurs venus de tel ou tel diocèse.
C’est impossible. À la Fraternité Saint-Pierre ils ont des professeurs qui
viennent du diocèse d’Augsbourg. Quels sont ces professeurs ?
Qu’est-ce qu’ils enseignent ? » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°70, p. 6)
# C’est l’Église qui sauve et non les hommes qui sauvent l’Église
« Le travail est immense et nous devons, dans le respect des autres,
avec une très grande charité et sans nous prendre pour les seuls sauveurs de
l’Église, alors que c’est l’Église qui nous sauve, remplir humblement
notre mission là où la Providence nous a placés. » (Max Champoiseau,
CHAC, Famille Chrétienne,
mars 1989)
La réponse tient en une image : saint François d’Assise soutenant
l’Église en train de s’écrouler. L’histoire des crises de l’Église
est aussi l’histoire des hommes suscités par Dieu pour la relever…
# S’opposer à l’esprit de parti et au schisme
« Ce serait une erreur grave de constituer dans 1’Église une sorte
de grand parti unifié élisant à sa tête un chef faisant manœuvrer ses
troupes à son gré. » (Dom Gérard, 18 août 1988)
C’est faire injure à Mgr Lefebvre que d’en faire un chef de parti. Lui-même
a toujours pris soin de ne pas être et de ne pas se faire appeler chef des
traditionalistes. Il a possédé une autorité morale sur les fidèles :
elle fut normale pour un successeur des apôtres fidèle à sa charge ;
les fidèles et les prêtres ont trouvé en lui le pasteur dont ils avaient
besoin. Cette autorité morale demeure, car ses enseignements et ses principes
dans la crise actuelle gardent toute leur force et leur intérêt.
Quant au schisme, il n’existe que pour ceux qui ne savent pas la différence
entre désobéissance nécessaire à une autorité quelconque et le refus de
reconnaître cette autorité pour ce qu’elle est. Désobéir au Pape n’est
pas se séparer de l’Église, il faut y ajouter autre chose : se
constituer sa propre autorité indépendante. Or Mgr Lefebvre a eu soin de
donner à la Fraternité Saint Pie X sa place reconnue dans l’Église et de ne
pas donner aux évêques sacrés par lui une juridiction sur un territoire donné.
Il n’a jamais eu en lui d’esprit de rébellion, mais de respect envers Rome,
esprit qui s’est transmis et qui demeure. La plus belle preuve en fut
l’accueil chaleureux réservé à l’envoyé du Pape, le cardinal Gagnon,
lors de la visite qu’il fit de toutes les œuvres de la Tradition en 1987.
Par ailleurs, Mgr Lefebvre a souvent dit que les schismatiques sont ceux qui
professent les nouveautés issues du Concile Vatican II. « Nous croyons
pouvoir affirmer en nous tenant à la critique interne et externe de Vatican II,
c’est à dire en analysant les textes et en étudiant les tenants et
aboutissants de ce Concile, que celui-ci, tournant le dos à la Tradition et
rompant avec l’Église du passé est un Concile schismatique. » (Mgr
Lefebvre, Figaro, 2 août 1976)
« Le Magistère d’aujourd’hui ne se suffit pas à lui-même, pour
être dit catholique, s’il n’est pas la transmission du dépôt de
la foi, c’est-à-dire de la Tradition. Un Magistère nouveau,
sans racine dans le passé, et à plus forte raison contraire
au Magistère de toujours, ne peut-être que schismatique, sinon hérétique.
« Une volonté permanente d’anéantissement
de la tradition est une volonté suicidaire qui autorise par le fait même,
les vrais et fidèles catholiques à prendre toutes les initiatives nécessaires
à la survie de l’Église et au salut
des âmes. » (Lettre de Mgr Lefebvre du 8 juillet 1987 au cardinal
Ratzinger)
# Garder ses amitiés ; faire cesser les divisions et les souffrances
« Nous ne voulons plus allumer des incendies, mais les éteindre
; creuser des fossés, mais au contraire rétablir des ponts ou des
passerelles ; prononcer des exclusives ou des condamnations, mais au
contraire comprendre, éclairer, reprendre si nécessaire avec patience et,
surtout, pardonner... » (…)
« L’urgence d’aujourd’hui, c’est de faire baisser la pression
et la souffrance dans les âmes qui ont été déchirées par la crise de l’Église,
et qui, pour certaines, en sont venues à se déchirer entre elles. »
(Abbé Christian Laffargue, alors membre de la Fraternité Saint-Pierre, Famille
Chrétienne, n°585, mars 1989)
Tout cela c’est du sentiment ! Il importe peu à la question. Nous y
répondrons en conclusion.
Disons cependant qu’il n’y a pas de charité sans la foi, et par conséquent
pas d’amitié vraie qui ne soit fondée sur la foi. (Il serait fort utile de
relire l’encyclique de Pie XI sur l’œcuménisme, Mortalium
animos.)
Saint Pie X nous exhortait déjà : « La doctrine catholique
nous enseigne que le premier devoir de la charité ne réside pas dans la tolérance
des convictions erronées quelques sincères qu’elles soient, ni dans
l’indifférence théorique et pratique pour l’erreur ou le vice où nous
voyons nos frères plongés, mais dans le zèle pour leur amélioration...
» (Lettre sur le Sillon)
Le moyen d’éviter et d’accroître les divisions c’est de cesser tout
contact avec ceux qui ont quitté le bon combat de la foi : on évite
ainsi toute polémique inutile et blessante. C’était le conseil de Mgr
Lefebvre.
« Je pense qu’il faut peut-être prendre garde d’éviter tout ce
qui pourrait manifester, par des expressions un peu trop dures, notre désapprobation
de ceux qui nous quittent. Ne pas les affubler d’épithètes qui peuvent être
prises un peu comme injurieuses. Cela ne nous sert à rien, au contraire je
crois. Personnellement, j’ai toujours cette attitude vis-à-vis de tous ceux
qui nous ont quittés — et Dieu sait s’il y en a eu au cours de l’histoire
de la Fraternité ; l’histoire de la Fraternité, c’est presque
l’histoire des séparations — j’ai toujours pris comme principe :
plus de relations, c’est fini. » (Mgr Lefebvre, conférence à Écône,
9 septembre 1988, Fideliter n°66, p.
31)
# S’ouvrir
« Il était important pour la communauté de ne pas trop se replier
sur elle-même, ou sur le milieu traditionaliste, au risque de méconnaître
la situation véritable de l’Église et de ses évolutions internes. (…)
Un des grands mérites des frères du prieuré pourrait bien être d’avoir
initié une nouvelle dynamique que les crispations traditionalistes et
antitraditionalistes ont pour fonction de bloquer. » (G. Leclerc, 30
Jours, mars 1988, sur les dominicains de Chéméré)
Notre réponse veut obliger à définir les mots et les choses qu’elles
signifient. Que veut dire s’ouvrir ? La vraie question est de savoir à
qui ? et à quoi ? et comment ? Le concile Vatican II a été
voulu comme une ouverture au monde, « l’aggiornamento ». On sait
ce qu’il en advint : « la fumée de Satan est entrée dans l’Église
», selon la juste affirmation de Paul VI.
# Favoriser l’apostolat et l’afflue des vocations en ôtant les obstacles apparents de schisme
« Il semble que nous serions coupables si, par suite de notre refus de
saisir l’occasion, des milliers de jeunes étaient pour toujours privés de la
messe latine et grégorienne, la messe face à Dieu, où le Canon s’entoure de
silence, où la Sainte Hostie, centre de l’adoration des fidèles, est reçue
à genoux et sur les lèvres. » (Dom Gérard, 18 août 1988)
L’essentiel n’est pas dans toutes ces choses mais dans la conservation de
la foi et sa transmission...
« Si vous voulez, pour prendre une image, nous étions hier encore
paisiblement retirés comme dans un château fort imprenable. Aujourd’hui,
le pont-levis s’est abaissé : les soldats feront des incursions, étendant
leur conquête ; c’est l’extension même du Royaume qui est en jeu. Il
y a dans l’esprit de la Tradition une dimension missionnaire que la
Providence nous demande d’assumer. Nous ne nous y déroberons pas ».
(Dom Gérard, Le Choc du mois,
septembre 1988)
Dom Gérard semble dire que la Tradition avant les sacres et après les
sacres n’était pas missionnaire et qu’il a fallu attendre de se rallier à
Rome pour le devenir enfin. Il a pourtant connu le MJCF et l’a encouragé
! Il n’y a pas mouvement plus missionnaire et son œuvre continue dans
la Tradition.
# Être un pont entre Rome et la Fraternité Saint Pie X
Certains affirment que la Fraternité Saint Pierre et les messes célébrées
selon l’Indult de 1984 sont un pont vers la Tradition et la Fraternité Saint
Pie X. Ces messes célébrées dans ces conditions seraient favorables à un
retour à la Tradition, car l’ancienne messe a une grande puissance pour
donner la foi. Et on cite des exemples nombreux pour appuyer cette
affirmation.
La réponse tient tout d’abord dans les exemples contraires de prêtres et
laïques qui sont passés de la Fraternité Saint Pierre à la Rome moderniste.
Ensuite il faut observer la nature des choses. La situation des ralliés est
telle qu’elle favorise le passage au modernisme : leur enseignement est
que le concile Vatican II n’est pas contraire à la tradition et que la nouvelle
messe n’est pas opposée à la foi. Leur pratique suit cet enseignement :
ils célèbrent la nouvelle messe au moins quelques fois et écrivent des livres
pour défendre la liberté religieuse de Vatican II. Il est donc dans la nature
des choses que ceux qui fréquentent les ralliés et leurs lieux de messes
finissent par prendre cet enseignement et par conséquent devenir modernistes.
S’il arrive qu’un laïque ou un prêtre venant du modernisme passe de la
Fraternité Saint Pierre à la Fraternité Saint Pie X, ce sera malgré
l’orientation propre des ralliés : au gré de circonstances étrangères
à cette orientation, malgré la nature des choses, il ira vers la Tradition.
À l’inverse, ceux qui quittent la Fraternité Saint Pie X pour le
modernisme agissent contre la nature des choses : l’enseignement qui y
est donné, la pratique de séparation d’avec la Rome moderniste orientent les
esprits vers la Tradition et contre le modernisme. Seules des circonstances étrangères
à cette orientation peuvent expliquer ces défections.
Or on juge d’une chose selon sa nature et non selon des circonstances qui
lui sont étrangères.
Par conséquent selon la nature des choses la Fraternité Saint Pierre et les
ralliés éloignent les âmes de la foi : ils ne sont pas un pont la
Tradition mais une voie de perdition. (Cf. l’article, Ecclesia Dei afflicta
: le sas, Sel de la Terre, n°66,
p. 138)
# Les laïcs sont incompétents pour juger de certaines choses religieuses ; ils prennent leur bien où ils peuvent
« La tâche de la Fraternité sacerdotale est, dit Mgr Lefebvre, de
« faire des prêtres », de faire ces prêtres-là. Nous en sommes
les bénéficiaires. Nous y avons aidé par nos dons, par notre sympathie exprimée
et argumentée, par nos prières. Mais non point par nos conseils et avis, non
point par nos approbations ou réprobations, ce n’est pas de notre compétence.
» (J. Madiran, Itinéraires,
juillet-octobre 1988)
Il est faux de dire que les laïcs ne peuvent jamais juger des choses de la
foi. D’ailleurs, J. Madiran et d’autres, après les sacres, ont cessé de
soutenir et d’aider les prêtres de Mgr Lefebvre. Ce changement est bien venu
d’un jugement désapprouvant.
Dom Guéranger a écrit avec force qu’en certaines circonstances les laïques
pouvaient et devaient juger et choisir et non pas prendre leur bien là où ils
le peuvent.
« Le Jour de Noël 428, l’archevêque de Constantinople Nestorius
profitant du concours immense des fidèles assemblés pour fêter
l’enfantement de la Vierge-mère, laissait tomber du haut de la chaire épiscopale
cette parole de blasphème : “Marie n’a point enfanté Dieu ;
son fils n’était qu’un homme, instrument de la divinité’. Un frémissement
d’horreur parcourut à ces mots la multitude ; interprète de
l’indignation générale, le scolastique Eusèbe, simple laïque, se leva du
milieu de la foule et protesta contre l’impiété. Bientôt, une protestation
plus explicite fut rédigée au nom des membres de cette Église désolée, et répandue
à de nombreux exemplaires, déclarant anathème à quiconque oserait dire
: “Autre est le Fils unique du Père, autre celui de la Vierge Marie”.
Attitude généreuse, qui fut alors la sauvegarde de Byzance, et lui valut l’éloge
des conciles et des papes ! Quand le pasteur se change en loup, c’est au
troupeau à se défendre tout d’abord. Régulièrement, sans doute, la
doctrine descend des évêques au peuple fidèle, et les sujets, dans l’ordre
de la foi, n’ont point à juger leurs chefs. Mais il est dans le trésor de la
Révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de
son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée. Le
principe ne change pas, qu’il s’agisse de croyance ou de conduite, de morale
ou de dogme. Les trahisons pareilles à celle de Nestorius sont rares dans l’Église
; mais il peut arriver que des pasteurs restent silencieux, pour une cause
ou pour une autre, en certaines circonstances où la religion même serait engagée.
Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur seul baptême, en de
telles conjonctures, l’inspiration d’une ligne de conduite ; non les
pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis,
attendent pour courir à l’ennemi, ou s’opposer à ses entreprises, un
programme qui n’est pas nécessaire et qu’on ne doit point leur donner.
» (Année liturgique, Dom Guéranger,
à la fête de Saint Cyrille d’Alexandrie, 9 février)
On peut aussi citer le pape Léon XIII :
« Mais quand les circonstances en font une nécessité, ce ne sont pas
seulement les chefs qui doivent défendre l’intégrité de la foi, mais
chacun est tenu de manifester à autrui sa foi, soit pour instruire et
encourager les autres fidèles, soit pour repousser les attaques des incroyants.
» (Léon XIII, Sapientiae christianae,
10 janvier 1890, PIN n°262-268)
III - Les termes de l’accord : le Motu proprio du 2 juillet 1988
La Fraternité Saint Pierre, la Fraternité Saint Vincent Ferrier, le monastère
Sainte Madeleine du Barroux, l’Institut du Christ-Roi, et d’autres bénéficient
du Motu Proprio Ecclesia Dei Adflicta
du pape Jean-Paul II, publié le 2 juillet 1988.
Suite aux sacres de 1988, en effet, le pape manifestait « à tous
ces fidèles qui se sentent attachés à des formes liturgiques et
disciplinaires antécédentes dans la tradition latine », sa volonté
« de leur faciliter la communion ecclésiale grâce à des mesures nécessaires
pour garantir le respect de leurs justes aspirations. »
Le Motu Proprio ajoutait encore : « on devra partout respecter
le désir spirituel de tous ceux qui se sentent liés à la tradition liturgique
latine en faisant une application large et généreuse des directives données
en leur temps par le Siège apostolique pour l’usage du Missel Romain selon
l’édition typique de 1962. » (Ces directives étaient données en
1984 par un indult, appelé indult de 1984)
Tous ces fidèles et prêtres se réjouissaient : ils gardaient la
messe, tout en bénéficiant d’une reconnaissance canonique de Rome. Tout
allait pour le mieux et la grande peur du schisme était écartée.
Pourtant Rome ne s’était pas cachée : le Motu Proprio n’était
qu’une concession temporaire, « une parenthèse miséricordieuse
pour des personnes qui doivent s’approprier progressivement l’ordo
missae de Paul VI. »[1]
Dom Gérard s’en plaignait en 1994 : il titrait sa Lettre
aux Amis du monastère : Trahison ? Impasse ?
[2]
D’ailleurs, cette intention n’avait pas changé : en 1976 Mgr
Benelli demandait exactement la même chose à Mgr Lefebvre ; après
tout s’arrangerait ...
Il est vrai que Rome a fondé certains de ces instituts avec ce caractère
propre ou « charisme » : la messe exclusivement célébrée
selon l’ancien rite. A cette faible barrière, ces instituts
s’accrochent... sans grand espoir. Le fondement sentimental et non doctrinal
de l’accord en est la raison.
1. Un fondement sentimental et non doctrinal
Comme on vient de le lire, le Motu Proprio permet l’usage de l’ancien
rite à tous ceux « qui se sentent attachés à des formes liturgiques
et disciplinaires » antérieures au Concile. Il faut respecter leur
« désir spirituel » et leurs « justes aspirations
» [3].
Ce n’est donc point pour des raisons doctrinales, pour des motifs de foi que
l’ancienne messe leur est concédée : les raisons de l’attachement
à l’ancienne messe et le rejet de la nouvelle sont sentimentales et
spirituelles.
D’ailleurs le Motu Proprio, en se référant à l’indult de 1984 [4],
obligeait ses signataires à n’avoir « aucune part avec ceux qui
mettent en doute la légitimité et la rectitude doctrinale du Missel romain
promulgué par Paul VI. » Accepter cet indult conduit à refuser à toute
remise en cause de la rectitude doctrinale de cette nouvelle messe.
Aucun doute à ce sujet, l’opposition à Rome au sujet de la nouvelle
messe n’est pas fondée sur la vérité et sur la foi mais sur le sentiment.
Les seize signataires de la lettre [5]
écrite à Rome pour contester la hiérarchie de la Fraternité Saint Pierre
le notaient excellemment : « Les raisons d’une telle opposition
ne sont pas seulement liturgiques, ne sont pas réellement doctrinales, faute
de travail approfondi sur les points considérés comme litigieux en 1988, mais
plutôt psychologiques, voire sociologiques, et à ce titre incontrôlables
comme le révèle l’exacerbation croissante des tensions. »
Les romantiques de la Tradition ? !
2. Première conséquence : l’œcuménisme liturgique
Puisque la foi et la vérité ne sont pas les motifs de leur choix, les ralliés
sont contraints à estimer légitime la coexistence des deux rites.
Le Motu Proprio les y conduit puisqu’il demande que tous prennent
conscience
« non seulement de la légitimité mais aussi de la diversité des
charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat qui constitue
la beauté de l’unité dans la variété. » (Motu Proprio n°5a)
En 1993, cinq ans après le Motu Proprio, la NEF
publiait un numéro spécial intitulé « Bilan du Motu Proprio Ecclesia
Dei ». On pouvait y lire, à propos de l’ancienne et de la
nouvelle messe qu’il faut respecter « les légitimes différences et
préférences. » « Diversités n’est pas division. »
Il faut « la diversité dans l’unité » et le respect «
des sensibilités légitimes ». Et l’on va même jusqu’à demander
« de laisser ce qui divise et se tourner vers le positif. » Aussi
pourra-t-on « apprendre à mieux se connaître et à dialoguer.
»
En 1998, une lettre du monastère Sainte Madeleine du Barroux publiait
« une très intéressante analyse que le R.P. Louis-Marie de Blignière a
fait paraître à l’occasion du dixième anniversaire du Motu Proprio Ecclesia
Dei dans la revue Sedes Sapientiae
(n°64) éditée par la Fraternité Saint Vincent Ferrier. » (Supplément
à Lettre aux Amis du monastère n°87)
Il considère que le Motu Proprio est « un rappel de doctrine ecclésiologique
: la diversité dans l’unité n’est pas une tolérance, mais une
richesse (n° 5a), pour la liturgie (nn° 5c, 6a et b), la
spiritualité (nn°5a et 6a), l’apostolat (n°5a) et la discipline (n°5c).
»
Beaucoup ont pu ainsi « trouver un cadre conforme à leurs
“aspirations traditionnelles”, dans l’obéissance »...
Enfin, le 26 octobre 1998, le pape Jean-Paul II, recevant les dit-traditionalistes
« Ecclesia Dei » demandait à tous les catholiques des gestes
d’unité pour que « la légitime diversité et les différentes
sensibilités, dignes de respect, ne les séparent pas les uns des autres.
» (D.C. n°2193, p. 1012)
Ce qui est en tout conforme à l’esprit relativiste du Concile :
« l’Église, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de
toute la communauté, ne désire pas, même dans la liturgie imposer la forme
rigide d’un label unique. » (Constitution sur la liturgie Sacrosanctum
Concilium n°37) [6]
Ainsi donc, l’application pratique du Motu Proprio conduit à considérer
nouvelle et ancienne messe comme des diversités légitimes en matière liturgique,
au même titre par lequel coexistaient autrefois les rites lyonnais, ambrosien
et mozarabe avec le rite romain.
Ainsi, la nouvelle messe serait aussi légitime au regard de la foi que ces
anciens rites ! La nouvelle messe ne s’éloignerait donc plus «
dans l’ensemble comme dans le détail de la théologie catholique de la
sainte messe, telle qu’elle a été formulée au concile de Trente » [7]
! Cette mise à égalité des deux messes peut prendre le nom de «
pluralisme liturgique » ou « d’œcuménisme liturgique
».
3. Deuxième conséquence : de l’œcuménisme liturgique à l’œcuménisme doctrinal
#
Dérive
progressive
Mettre les deux messes à égalité, c’est en pratique mettre la vérité
et l’erreur à égalité. « À force de ne pas vivre comme l’on
pense, on finit par penser comme l’on vit. » Vivant dans la mise à égalité
constante de la vérité et de l’erreur, ils en viennent à penser qu’elles
sont équivalentes, tout aussi respectables l’une que l’autre.
En 1991, l’abbé Bisig affirmait la continuité doctrinale entre les deux
messes :
« Je pense d’ailleurs que l’ancienne liturgie permet à ceux qui
disent le nouvel ordo de le comprendre dans le sens traditionnel, ce qui est
important. Dans une conférence, le cardinal Ratzinger regrettait que la réforme
liturgique soit malheureusement trop souvent comprise comme étant en rupture
avec la théologie traditionnelle du sacrifice de la messe. C’est là que
nous pouvons, en continuant l’ancienne liturgie, avoir un rôle important
dans l’Église, pour souligner cette continuité de la théologie sur la
messe » [8].
En septembre 1993, les éditions Sainte Madeleine du Barroux publiaient une
brochure : « Oui ! le catéchisme de l’Église
catholique... est catholique ! » Or il a été amplement démontré
que ce catéchisme publié par le pape Jean-Paul II en 1992, s’inscrit dans la
ligne des réformes entreprises par le concile Vatican II, notamment la
liberté religieuse, l’œcuménisme et la collégialité ! [9]
Par ailleurs, tous les ralliés s’accordent à ne plus considérer la déclaration
sur la liberté religieuse de Vatican II comme contraire à la foi catholique,
comme destructrice du règne social de Jésus-Christ : « Les études
de notre Fraternité et de l’abbaye du Barroux sur la liberté religieuse,
sans cacher les défauts de la déclaration conciliaire Dignitatis
humanae, ont montré la possibilité de la lire dans la continuité du
magistère précédent. »
[10]
Puis en octobre 1998, devant tous les ralliés réunis en pèlerinage à
Rome, Dom Gérard affirmait l’orthodoxie de la nouvelle messe.
# La pleine acceptation de l’œcuménisme pratiqué par Jean-Paul II
Cette conclusion a été clairement énoncée par l’abbé Bisig dans une
interview à un journal polonais en janvier 1999 : « Je ne vois
rien de mauvais dans le fait que des catholiques se donnent un rendez-vous
avec des non-catholiques, qu’ils s’entretiennent entre eux, etc. Assise
avait, en un certain sens, une grande importance, dans la mesure où, dans le
cadre de la prière pour la paix, se rencontraient les fidèles de différentes
religions, cultures, etc. ; bien qu’il faille souligner qu’il n’y a
pas eu de prières en commun, mais que chacun a prié séparément. Il faut
rappeler que c’était encore l’époque d’une menace potentielle, que la
guerre froide durait, qu’il y avait un danger de conflit nucléaire, et
c’est à ce moment, justement, que les leaders des différentes religions ont
été convoqués par le pape afin de prier pour la paix. Tel était le but de
cette rencontre, et il n’y en avait aucun autre. » [11]
Une nouvelle réunion inter-religieuse eut lieu en janvier 2002 dans le même
esprit que celle d’Assise en 1986. L’abbé Garban de la Fraternité
Saint-Pierre tente lui aussi de la justifier. Il rappelle que le Saint-Père
avait voulu éviter « toute apparence de syncrétisme » ; il
fait remarquer que « les participants d’Assise étaient venus pour non
pas pour prier ensemble, mais être ensemble pour prier. La différence est
essentielle. » Mais le Saint-Père est « un prophète »,
dit-il, donc on peut tout justifier…
# La pleine acceptation des principes sous-jacents à cette pratique
Le même abbé Bisig poursuit : « Nous déclarons accepter la
doctrine sur le magistère de l’Église et sur l’obéissance qui lui est
due, telle qu’elle est contenue dans le numéro 25 de la constitution dogmatique
sur l’Église du concile Vatican II. Cette doctrine a été acceptée par tous
nos confrères et, cela va de pair, dans la ligne de cette déclaration, ont été
acceptés évidemment, de la même façon, tous les autres documents de
Vatican II. » [12]
Cette acceptation de Vatican II est la conséquence de l’acceptation des
deux rites mis côte à côte. De la coexistence des deux rites, on passe à la
coexistence des doctrines dont ils sont l’expression. De même que la
nouvelle messe a introduit dans les esprits une foi nouvelle, ainsi la
coexistence des deux rites, conduira à une nouvelle forme de pensée : la
vérité peut subsister à côté de l’erreur, vérité et erreur mises à égalité
... « Peste de l’indifférentisme » disaient les papes.
Cet œcuménisme liturgique conduit donc à l’œcuménisme doctrinal et
religieux. (C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner que leurs arguments
soient si semblables à ceux des protestants lors de la fondation du Conseil
Œcuménique des Églises...)
Il ne faut pas sous estimer la gravité du mal qui atteint les ralliés
: l’indifférentisme détruit tout attachement à la vérité et aux
principes ; il détruit toute pensée ; il rend impossible la foi à
Notre Seigneur Jésus Christ, qui est la Vérité. Cette gravité du mal est
confirmée par les faits : ceux qui fréquentent habituellement les
messes des ralliés tombent dans un certain relativisme de la pensée et du
jugement, joint au relâchement des mœurs et des habitudes de vie ; des
communautés ralliés, comme le Barroux, reçoivent les évêques diocésains
pour des conférences, sermons, retraites, confirmations, comme de bons amis
qu’aucune opposition doctrinale ne sépare...
4. La réponse du pape Pie XI
Pie XI condamne cet œcuménisme destructeur de la foi dans l’encyclique Mortalium
Animos (1928) : « quand il s’agit de favoriser l’unité
entre tous les Chrétiens, certains esprits sont trop facilement séduits par
une apparence de bien. N’est-il pas juste, répète-t-on (...) de
s’abstenir d’accusations réciproques et de s’unir enfin un jour par
les liens de la charité des uns envers les autres. » « On les
voit nourrir l’espoir qu’il serait possible d’amener sans difficultés les
peuples malgré leurs divergences religieuses, à une entente fraternelle sur
la profession de certaines doctrines considérées comme un fondement commun
de vie spirituelle. » [13]
« Sous les séductions et le charme de ces discours, se cache une
erreur assurément fort grave » dit Pie XI sans ménagement. Il poursuit
: « comment concevoir la légitimité d’une sorte de pacte chrétien
dont les adhérents, même dans les questions de foi, garderaient chacun leur
manière particulière de penser et de juger alors même qu’elle serait en
contradiction avec celle des autres ? »
Il nous prévient : « Nous savons très bien que, par là, une
étape est facilement franchie vers la négligence de la religion ou indifférentisme
et vers ce qu’on nomme le modernisme, dont les malheureuses victimes soutiennent
que la vérité des dogmes n’est pas absolue, mais relative, c’est à dire
qu’elle s’adapte aux besoins changeants des époques et des lieux et aux
diverses tendances des esprits, puisqu’elle n’est pas contenue dans une révélation
immuable, mais qu’elle est de nature à s’accommoder à la vie des hommes.
»
C’est pourquoi il condamne toute collaboration, congrès ou action commune
quelconque, car « s’ils le faisaient, ils accorderaient une autorité
à une fausse religion chrétienne. »
Saint Jean lui-même, l’apôtre de la charité, dit encore Pie XI, «
interdisait de façon absolue tout rapport avec ceux qui ne professaient pas la
doctrine du Christ entière et pure [14]
: “Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne
le recevez pas dans votre maison et ne le saluez même pas.” (II Jo 10)
C’est pourquoi puisque la charité a pour fondement une foi intègre et sincère,
c’est l’unité de foi qui doit être le lien principal unissant les disciples
du Christ. »
5. Tradition vivante
D’après Jean-Paul II, jugeant et condamnant les consécrations épiscopales
du 30 juin 1988, « à la racine de cet acte schismatique, on trouve une
notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce
qu’elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition.
» (Motu proprio Ecclesia Dei adflicta,
2 juillet 1988, n°4) Ce « caractère vivant » est à comprendre
comme un apport de nouveautés. Jean-Paul II, en effet, écrit un peu plus loin
: il faudra mettre en lumière certains « points de doctrine qui,
peut-être à cause même de leur nouveauté, n’ont pas encore été bien
compris dans certains secteurs de l’Église. » (n°5 b)
Pour comprendre sa pensée, il faut nous interroger sur le sens des mots.
# Sens des mots
Que veut dire le mot tradition ?
- Tradition signifie tout d’abord ce qui
est transmis, l’objet de cette transmission, à savoir les vérités de
la foi qui constituent le « dépôt de la foi », clos à la mort
du dernier des Apôtres. Après ce dernier, il ne peut y avoir aucune révélation
de nouvelles vérités, ni évolution des vérités déjà révélées dans un
sens nouveau.
- Il signifie ensuite transmettre les
vérités, transmettre la révélation divine. Cet acte de transmission n’est
pas l’œuvre de quiconque mais de l’autorité enseignante, pape et évêques,
autrement dit du magistère.
En ce sens on peut parler de Tradition vivante parce qu’elle est l’acte
d’une autorité actuelle qui, lorsqu’elle enseigne infailliblement, est la
source prochaine de notre foi. L’autorité enseignante a une mission bien délimitée
: transmission de ce qui a été reçu, défense contre l’erreur,
meilleure explication ou mise en évidence des vérités révélées, mais
toujours dans « la même croyance, le même
sens, la même pensée ». [15]
Jamais il ne peut enseigner de nouveautés.
L’Église sur ce sujet donne un enseignement très précis :
« Selon la foi de l’Église universelle, affirmée par le saint
concile de Trente, cette révélation surnaturelle est contenue « dans
les livres écrits et dans les traditions non écrites qui, reçues par les Apôtres
de la bouche même du Christ, ou transmises comme de main en main par les Apôtres,
sous la dictée de l’Esprit Saint, sont parvenues jusqu’à nous. » [16]
« De plus, on doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est
contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que l’Église propose
à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par le
magistère ordinaire et universel. » [17]
« La doctrine de la foi, que Dieu a révélée, n’a pas été proposée
comme une découverte philosophique à perfectionner par l’esprit des hommes,
mais comme le dépôt divin, confié à l’épouse du Christ, pour qu’elle le
garde fidèlement et le déclare infailliblement. En conséquence, le sens des
dogmes sacrés qui doit toujours être conservé est celui que notre Mère la
sainte Église a déterminé, et jamais il n’est loisible de s’en écarter
sous le prétexte et au nom d’une intelligence plus profonde. » [18]
« Si quelqu’un dit qu’il est possible que les dogmes proposés par
l’Église se voient donner parfois, suivant le progrès de la science, un sens
différent de celui que l’Église a compris et comprend encore, qu’il soit
anathème. » [19]
L’assistance du Saint Esprit aux pasteurs qui enseignent n’est pas
promise s’ils enseignent une doctrine nouvelle :
« Car le Saint Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre
pour qu’il fasse connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine,
mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement
la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la
foi. »[20]
#
Novateurs
- Quant à l’objet de la Tradition
Quant à l’objet, c’est à dire les vérités révélées, elles ne sont
pas pour eux immuables. Nous l’avons signalé plus haut (I, 4), les
novateurs ont une conception évolutive de la vérité.
Le futur Benoît XVI écrivait : « L’Église marche vers
l’accomplissement de l’histoire, elle regarde en avant vers le Seigneur qui
vient. Non, on ne retourne pas en arrière et on ne peut pas y retourner.
» (Cardinal Ratzinger, Entretien sur la
foi, Fayard, 1985, p. 40)
Le discours de Benoît XVI aux membres de la curie romaine, le 22 décembre
2005, est tout entier pénétré de cet esprit évolutionniste. Le discours a
pour sujet les diverses interprétations du concile Vatican II.
L’une est celle de la rupture et de la discontinuité entre avant et après
le Concile. Benoît XVI la rejette, car elle dépend d’un « esprit du
Concile » qu’il faut chercher derrière les textes du Concile et qui
« laisse la place à n’importe quelle fantaisie » (C’est
logique : pour un moderniste tout est vie, or la vie n’est pas
discontinue, mais progression continue…).
L’autre est celle « de la réforme, du renouveau dans la continuité
de l’unique sujet-Église ; c’est un sujet qui grandit dans le temps
et qui se développe, tout en restant toujours le même, l’unique sujet du
peuple de Dieu en marche. »
Il cite le pape Jean XXIII dans son discours d’ouverture du Concile :
« Il est nécessaire que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être
fidèlement respectée, soit approfondie et présentée d’une façon qui
corresponde aux exigences de notre temps. » Il faut donc faire une
« distinction entre le dépôt de la foi (…) et la façon dont
celles-ci sont énoncées… » Ce faux principe énoncé par Jean XXIII
donnait toute latitude aux novateurs : changeant les mots pour exprimer la
doctrine avec de nouveaux concepts issus d’une nouvelle philosophie, ils
changeaient nécessairement la doctrine. Voici comment Grégoire XVI y répond
: « Vous veillerez, dit-il aux évêques, sur vous et sur la
doctrine, vous rappelant sans cesse que l’Église universelle est ébranlée
par quelque nouveauté que ce soit, et que, suivant l’avis du pape Agathon,
rien de qui a été défini ne doit être retranché, ou changé, ou augmenté,
mais qu’il faut le conserver pur et pour le sens et pour l’expression.
» (Mirari vos, 15 août 1832) Et
pour l’expression… Pie XII, dans Humani
generis condamne ce relativisme doctrinal et le mépris des formules
dogmatiques reçues par l’Église (12 août 1950). (cf. Romano Amerio, Iota
Unum, p 448-449)
La suite montre que Benoît XVI est un évolutionniste par assimilation des
contraires et par relativisme historique. Selon lui, il y aurait discontinuité
des situations historiques concrètes et continuité des principes :
« dans ce processus de nouveauté dans la continuité, nous devions
apprendre à comprendre (…) que les décisions de l’Église en ce qui
concerne les faits contingents — par exemple, certaine formes concrètes de
libéralisme ou d’interprétation libérale de la Bible — devaient elles
aussi être contingentes. » Il cite comme exemple la liberté religieuse
définie à Vatican II ; moyennant quoi, il peut affirmer que « les
martyrs de la primitive Église (…) sont morts pour leur liberté de
conscience. » Ceci est totalement faux : les martyrs sont morts
pour confesser leur foi en la divinité de Jésus-Christ et leur rejet du culte
idolâtrique rendu à l’empereur. Sur ces point il n’y a aucune liberté
: tout homme doit confesser Jésus-Christ.
À plusieurs reprises Benoît XVI parle de la nécessité de redéfinir, de
façon nouvelle, les rapports entre foi et sciences modernes, entre Église et
État moderne, entre foi et religions.
C’est le modernisme condamné par saint Pie X : « Ils posent
tout d’abord ce principe général que, dans une religion vivante, il n’est
rien qui ne soit variable, rien qui ne doive varier. D’où ils passent à ce
que l’on peut regarder comme le point capital de leur système, savoir l’évolution.
» (Saint Pie X, encyclique Pascendi)
On pourrait objecter qu’il ne veut pas enseigner des nouveautés, mais présenter
les vérités éternelles de façon nouvelle, adaptée aux circonstances et aux
esprits contemporains. Ecoutons Pie IX sur la manière dont il faut comprendre
cette adaptation aux temps modernes : « Les vérité religieuses
demeurent essentiellement immuables. (…) Mais quelques-unes d’entre elles
doivent parfois, suivant les circonstances et les nécessités des temps, être
placées en plus vive lumière et plus fortement établies. Voilà en quel sens
l’Église puise dans son trésor pour en tirer des nouveautés : Elle
tire de son trésor des choses anciennes et nouvelles (Mtth 13, 52)
; ce qui est ancien, en continuant toujours à enseigner les doctrines
maintenant hors de toute controverse, ce qui est nouveau, en donnant par de
nouvelles déclarations une base plus ferme et incontestable à ces doctrines
qui, bien que toujours professées par elle, ont été pourtant l’objet de récentes
attaques. » (16 mai 1870) Face aux attaques du monde moderne, Pie IX
affirme plus fortement les vérités immuables, Benoît XVI les adapte à ce
monde…
- Quant à l’organe de la Tradition
Quant à l’organe, source de ce caractère vivant de la Tradition, il est
exprimé par les phrases suivantes : « L’Église a manifesté
encore cette conviction de foi dans le dernier Concile qui s’est réuni pour
confirmer et affermir la doctrine de l’Église héritée de la Tradition
existant déjà depuis près de vingt siècles, comme réalité vivante qui
progresse, en rapport avec les problèmes et les besoins de chaque époque, en
approfondissant la compréhension de ce que contenait déjà la foi transmise
une fois pour toutes. (…) Étant donné que l’œuvre du Concile dans sa
totalité constitue une confirmation de la vérité même vécue par l’Église
dès le commencement, elle est en même temps renouveau de cette même vérité.
» (Lettre de Jean-Paul II au cardinal Ratzinger, 8 avril 1988) La
doctrine progresse, se renouvelle sans cesse « selon les besoins de
chaque époque ». On comparera à ce qu’en pense saint Pie X :
« Le facteur de l’évolution c’est le besoin de se plier aux
conjonctures historiques, de s’harmoniser avec les formes existantes des
sociétés civiles. » (Encyclique Pascendi
condamnant le modernisme)
Ce progrès, cet approfondissement et cette évolution de la vérité en dépendance
des besoins de chaque époque se font par une prise de conscience des croyants.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre la constitution du concile Vatican II
sur la Révélation (Dei Verbum, n°8)
: « Cette Tradition qui vient des Apôtres se poursuit dans l’Église,
sous l’assistance du Saint-Esprit : en effet, la perception (prise de
conscience) des choses aussi bien que des paroles transmises s’accroît, soit
par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur
, soit par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des choses
spirituelles, soit par la prédication (…) Ainsi l’Église, tandis que les
siècles s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la vérité (le dépôt
de la foi n’est jamais clos)… »
On voit alors combien le discours de Benoît XVI du 22 décembre 2005 est en
parfaite harmonie avec le Concile et le passage cité : « Cet
engagement en vue d’exprimer de façon nouvelle une vérité déterminée,
exige une nouvelle réflexion sur cette vérité et un nouveau rapport vital
avec elle ; il est également clair que la nouvelle parole ne peut mûrir
que si elle naît d’une compréhension consciente de la vérité exprimée et
que, d’autre part, la réflexion sur la foi exige également que l’on vive
cette foi. » La foi est une vie, c’est le principe moderniste.
Saint Pie X explique le moteur de cette évolution : elle résulte
d’une confrontation entre deux forces.
Selon les principes modernistes condamnés par saint Pie X, la révélation
et la foi surgissent des profondeurs de la conscience. De là vient que «
l’Église est une émanation vitale de la conscience collective » et
« à son tour, l’autorité est un produit vital de l’Église ».
« La conscience religieuse, tel est le principe d’où l’autorité
procède, tout comme l’Église, et s’il en est ainsi, elle en dépend.
Vient-elle à oublier ou méconnaître cette dépendance, elle tourne en
tyrannie. » « Il y aurait folie à s’imaginer que le sentiment
de liberté, au point où il en est, puisse reculer. » Il faut donc,
conclue saint Pie X, « chercher une voie de conciliation entre
l’autorité de l’Église et la liberté des croyants. »
Par conséquent, « l’évolution résulte du conflit de deux forces,
dont l’une pousse l’autre au progrès (la conscience collective des
croyants), tandis que l’autre tend à la conservation (l’autorité de l’Église).
» (Saint Pie X, encyclique Pascendi)
[21].
C’est pourquoi les modernistes ont toujours besoin d’une force
conservatrice : sous le pape Benoît XVI, cette force trouve des alliés
de poids dans les « ralliés »…
Ce refus de se voir imposer la vérité est passé dans la catéchèse :
« On ne peut que se réjouir du refus d’endoctrinement qui caractérise,
de façon générale, les démarches d’initiation à la foi, puisqu’en
France les animateurs se montrent respectueux de la liberté de conscience de
leurs auditeurs et cherchent, surtout au niveau de l’adolescence, à les
introduire à la pluralité des références et des pratiques, si caractéristiques
de notre monde. » [22]
« La source réside-t-elle chez l’individu dans une communauté
locale à partir de laquelle les expériences, les découvertes de la foi sont
intégrées à l’ensemble plus grand d’un évêché et finalement d’une Église
mondiale, au sein de laquelle les expériences des corrections et des
amplifications peuvent être apportées par d’autres ?
« Ou la source réside-t-elle dans une révélation donnée une fois
pour toutes, conservée par la tradition, expliquée et transmise à toutes
les générations ? »[23]
Gardons l’esprit catholique : « Or nous souhaitons que les
catholiques n’aient pas horreur seulement des erreurs, mais également de la
mentalité ou de l’esprit des modernistes comme on dit : celui qui se
laisse conduire par cet esprit rejette avec dégoût tout ce qui sent
l’ancienneté, mais cherche avidement partout la nouveauté : dans la
manière de parler de choses divines, dans la célébration du culte sacré,
dans les institutions catholiques, et même dans l’exercice de la piété
privée. » [24]
# Infaillibilité
La question si souvent soulevée de l’infaillibilité du pape et du concile
Vatican II en réalité ne se pose pas : une vérité évolutive exclut
l’infaillibilité. Mgr Lefebvre nous l’explique.
« C’est pourquoi ils ont voulu que Vatican II soit un Concile
pastoral et non un Concile dogmatique,
parce qu’ils ne croient pas à l’infaillibilité. Ils ne veulent pas
de vérité définitive. La Vérité doit vivre et doit évoluer. Elle peut changer
éventuellement avec le temps, avec l’histoire, la science, etc... L’infaillibilité,
elle, fixe à jamais une formule et une vérité qui ne changent plus.
Cela ils ne peuvent pas y croire. C’est nous qui sommes avec l’infaillibilité,
ce n’est pas l’Église conciliaire. Elle est contre l’infaillibilité,
c’est absolument certain.
« Le cardinal Ratzinger est
contre l’infaillibilité, le Pape est contre l’infaillibilité
de par sa formation philosophique. Que l’on nous comprenne bien, nous ne
sommes pas contre le Pape en tant qu’il représente toutes les valeurs du siège
apostolique, qui sont immuables, du siège de Pierre, mais contre le Pape qui
est un moderniste qui ne croit pas à son infaillibilité, qui fait de l’œcuménisme.
Évidemment nous sommes contre l’Église conciliaire qui est pratiquement
schismatique, même s’ils ne l’acceptent pas. Dans la pratique c’est
une Église virtuellement excommuniée, parce que c’est une Église moderniste.
» (Mgr Lefebvre, Fideliter n°70,
p. 8)
IV - Un accord pratique ?
Les ralliés ont manqué de foi aux principes rappelés par Mgr Lefebvre
: ceux qui sont attachés à la Tradition, à la foi catholique, sont
une vraie portion de l’Église, ils représentent réellement l’Église. Ils
n’ont pas d’inquiétude à avoir sur leur appartenance à l’Église, comme
nous l’avons déjà montré plus haut (II, 3) : c’est la foi qui fait,
avant tout, l’appartenance à l’Église.
Trois choses font l’unité de l’Église : l’unité de foi,
l’unité de culte, l’unité de charité sous le même gouvernement. Ce qui
est premier pour appartenir à l’Église, c’est la foi, comme le rappelle
avec force le pape Pie XI.
Les ralliés n’accordent plus aux principes de la foi la primauté dans
l’appartenance à l’Église. Ils considèrent la nouvelle messe comme tout
aussi légitime pour exprimer la foi. Que leur reste-t-ils pour exprimer leur
appartenance à l’Église ? Il ne reste que le gouvernement, la légalité.
Les ralliés, pour être dans l’Église, n’ont donc pas d’autre choix
que de se mettre en bon rapport avec les autorités modernistes : il leur
faut passer un accord avec les autorités romaines.
Dans ces rapports d’autorités traditionalistes avec les autorités
romaines modernistes, trois possibilités sont à envisager : les autorités
romaines peuvent être considérées soit comme des égaux, soit comme des supérieurs,
soit comme des autorités illégitimes dans l’exercice de leur charge. La
première est subversive ; la seconde est celle des ralliés se soumettant
volontairement aux autorités romaines ; la troisième est celle de Mgr
Lefebvre : il maintient le principe d’autorité, mais refuse l’obéissance
car elle n’est pas due à des autorités qui outrepassent les limites de
leur charge, comme nous le verrons plus bas.
1. Attitude subversive
Les autorités de la Tradition ne peuvent pas se considérer comme les égales
des autorités romaines : ce serait une attitude subversive et
schismatique. Elles sont des inférieures.
Mais un inférieur ne peut prétendre passer un accord avec un supérieur ni
dialoguer avec lui : c’est toujours un peu se mettre sur un pied d’égalité
avec lui, c’est glisser sur le terrain de la démocratie. Par conséquent la
seule manière non subversive de s’accorder avec lui c’est la soumission et
l’obéissance volontaires à son autorité.
Par ailleurs dialoguer pour tenter de trouver un accord entre les
traditionalistes et les autorités romaines modernistes, c’est mettre d’un
côté les traditionalistes qui portent avec eux la Tradition et d’un autre
les autorités modernistes qui prétendent représenter l’Église. La
Tradition et l’Église se trouveraient alors en deux camps séparés. Il
semblerait donc y avoir opposition entre la Tradition et l’Église. Les
modernistes, en effet, refusent la Tradition et surtout son caractère immuable
: il est contraire à l’esprit évolutionniste qui les anime.
S’engager dans cette opposition est une nouvelle subversion, car on ne peut
pas séparer l’Église et la Tradition : c’est tout un. La seule manière
de sortir de cette subversion, tout en prétendant garder la foi et être en bon
rapport avec les autorités romaines, est d’intégrer la Tradition dans le
système moderniste.
Les ralliés sont donc contraints à deux choses : se soumettre
volontairement aux autorités romaines et intégrer la Tradition dans le système
moderniste.
2. Se soumettre volontairement aux autorités romaines : se mettre sous influence moderniste
Saint Thomas s’interroge pour savoir s’il est permis d’instituer à
neuf une autorité des infidèles (c. à d. qui n’ont pas la foi) sur les fidèles
: « On ne doit le permettre en aucune manière, car ceci tournerait
au scandale et au péril de la foi. Facilement en effet ceux qui sont soumis à
la juridiction des autres peuvent être changés par ceux qui sont au-dessus
d’eux et dont ils ont à suivre les ordres... » (II II 10 a10, cf Combat
de la foi n°135, sur le dialogue).
C’est du bon sens ! L’expérience des ralliés est là pour le
confirmer : peu à peu ils prennent l’esprit libéral et moderniste.
3. Intégrer la Tradition dans le système moderniste : le pluralisme
L’accord passé entre les ralliés et Rome, nous l’avons vu (III), les a,
peu à peu, conduits à mettre la vérité et l’erreur à égalité. Cet
accord les a intégrés dans l’Église conciliaire avec leur charisme propre,
avec leurs choix liturgiques, doctrinaux et spirituels, comme une légitime
diversité au milieu des autres choix liturgiques, doctrinaux et spirituels
que le modernisme a produit. En ce sens Jean-Paul II leur a dit : «
Les pasteurs et les fidèles doivent avoir une conscience nouvelle non seulement
de la légitimité mais aussi de la richesse que représente pour l’Église
la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat
qui constitue la beauté de l’unité dans la variété : telle est la
symphonie… » (Motu Proprio Ecclesia
Dei Adflicta, 2 juillet 1988, n°5 a)
La Tradition, et donc toutes les vérités révélées par Notre Seigneur, la
messe de toujours qui exprime la foi catholique, la loi de l’Évangile sont réduites
au rang d’opinions et de tendances aussi valables que d’autres. C’est le
pluralisme cher aux politiques d’aujourd’hui. Il n’y a qu’une chose
qu’il exclut c’est la vérité en tant qu’elle oblige tout homme et
condamne l’erreur.
Le mot et non seulement l’idée va être employé par les hommes d’Église.
En 2001, dans un interview donné à The
latin mass, le cardinal Medina affirme : « Je suis conscient
des sentiments de nombreux catholiques pour la sainte messe selon le rite de
saint Pie V. (…) À une époque de l’histoire où le pluralisme jouit du
droit de citoyenneté, pourquoi ne pas reconnaître le même droit à ceux qui
souhaitent célébrer la liturgie selon la manière utilisée durant plus de
quatre siècles ? »
Voyons comment ils expriment l’idée.
En octobre 1998, le pape Jean-Paul II recevait les ralliés venus célébrer
leur dixième anniversaire à Rome : « J’encourage, dit-il, tous
les catholiques à travailler pour l’unité et à renouveler leur attachement
à l’Église de façon que toutes les différences légitimes et les diverses
sensibilités dignes de respect, ne soient pas un motif de séparation mais de
rassemblement pour proclamer ensemble l’Évangile ; ainsi sous
l’impulsion de l’Esprit réunissant les charismes variés, tous pourront
glorifier le Seigneur… »
L’intégration est une question de confiance !
En 1999, la commission pontificale Ecclesia Dei écrivait à l’abbé Bisig,
alors supérieur général de la Fraternité Saint Pierre, que ladite commission
agissait « pour œuvrer à l’intégration des fidèles traditionalistes
dans la réalité de l’Église. La racine des présentes difficultés semble
être le manque de confiance dans la hiérarchie de l’Église à tous les
niveaux, du Saint Siège aux évêques. Peut-être y a-t-il comme fondement de
cette attitude un certain dédain, une certaine défiance de l’œuvre du
second concile du Vatican. (…) Un tel manque de confiance a été à
l’origine du schisme de Mgr Lefebvre et persiste encore. » (13 juillet
1999)
Pour réaliser ce pluralisme, il faut trouver un équilibre en dépassant les
faux antagonismes que certains pourraient découvrir entre les différentes
tendances présentes dans l’Église. Ce qui suppose de ne pas rester figé
dans ses positions doctrinales…
Dans une interview donnée en décembre 2000, le cardinal Castrillon Hoyos
estimait qu’il fallait « trouver un point d’équilibre, pour dépasser
le faux antagonisme que l’on veut créer entre les deux rites. »
Parlant de la Fraternité Saint Pierre, il affirme que « douze ans après
la fondation qui s’est faite en 1988, cette communauté s’efforce de trouver
sa place dans l’ensemble de l’Église, à côté de tant d’autres congrégation
aux finalités diverses. Dans la phase actuelle, je considère qu’il faut
aider les membres de la Fraternité à maintenir l’équilibre entre
l’interprétation authentique du charisme original, ses conséquences, et les
conséquences de leur insertion dans la réalité ecclésiale de l’an 2000.
» (La Nef, n°111, décembre
2000, p. 19)
Dans son discours à Cologne le 19 août 2005, Benoît XVI a parlé en faveur
de l’œcuménisme selon l’esprit de Vatican II qui vise à établir l’unité
des chrétiens. « Cette unité ne signifie pas ce qu’on pourrait
appeler un œcuménisme de retour (qui signifie, selon Pie XI, Mortalium
animos, pousser les non catholiques à entrer dans l’Église
catholique, unique arche de salut) : c’est-à-dire renier et refuser sa
propre histoire de foi. Absolument pas ! Cela ne signifie pas uniformité
de toutes les expressions de la théologie et de la spiritualité, dans les
formes liturgiques et dans la discipline. Unité dans la multiplicité et
multiplicité dans l’unité. » Il termine en disant que « être
en chemin ensemble est une forme d’unité ». (DICI n°120, p. 12) Ce
qui revient à dire que l’unité n’est pas encore acquise, mais qu’elle
est en perpétuel devenir. L’évolution encore !
C’est la pensée actuelle des évêques. On la retrouve dans les discours
du cardinal Kasper : « L’unité conçue comme communion implique
l’unité dans la diversité et la diversité dans l’unité. » (DICI n°125,
p. 11)
Cette communion peut être plus ou moins grande : les orthodoxes, les
protestants y ont leur place depuis le Concile. Pourquoi ne pas donner une place
aux traditionalistes ? Elle est proposée à la Fraternité Saint Pie X.
Une communion imparfaite ne pourrait satisfaire tout le monde… Alors on
devrait s’efforcer d’aboutir à « une unité plus parfaite »,
à « une communion plus pleine » (Cardinal Castrillon Hoyos, 30
Jours, fin septembre 2005 et La télévision italienne TV Canal 5, 13
novembre 2005).
Mais alors où est le « Que votre oui soit oui, que votre non soit non
» ?
Et où sont les mots de saint Paul : « Qu’a de commun la lumière
avec les ténèbres ? Quel accord y a-t-il entre le Christ et Bélial
? » ? (II Cor 6, 14)
V - Confirmation : l’accord de Campos
Le diocèse de Campos au Brésil était toujours demeuré fidèle à la
tradition et à la messe par les soins vigilants de Mgr de Castro Mayer, mort
en 1991.
Le 18 janvier 2002, les prêtres de Campos, par l’intermédiaire de
l’abbé Rifan, signaient un accord avec Rome.
Ils prétendaient ainsi rester fidèles à Mgr de Castro Mayer et à son
combat pour la défense de la foi catholique, tout en ayant l’apparent
avantage d’être unis aux autorités romaines actuelles (par peur irraisonnée
de se séparer de l’Église).
Pendant l’été 2002, l’abbé Rifan fut sacré évêque, et aussitôt il
vint en Europe, et visita les communautés ralliées (comme les dominicains de
Chéméré-le-Roi, Courrier de la Mayenne,
5 octobre 2002), montrant par là un changement d’orientation.
Ce changement d’orientation était déjà inscrit dans leur déclaration
du 18 janvier 2002, jour de l’accord (voir DICI n°43) ; regardons.
# Être reconnus par Rome
Ils ont demandé à Rome : « Que nous soyons acceptés et
reconnus comme catholiques. » Acceptés et reconnus par qui ? Par
ceux qui « travaillent à l’auto démolition de l’Église »,
comme le disait Paul VI, par ceux qui refusent le règne social de Jésus-Christ,
et pervertissent la foi ? Ceux-là sont-ils reconnus comme catholiques par
Notre Seigneur ?
Que faut-il, en effet, pour appartenir à l’Église catholique ? Il
faut croire et professer la doctrine de Jésus-Christ, participer aux mêmes
sacrements, obéir à la même loi, sous l’autorité des pasteurs légitimes.
N’étaient-ils pas catholiques jusqu’à présent ? Alors quel besoin
de se faire reconnaître ?
# Le concile Vatican II « à la lumière de la Tradition »
Le concile Vatican II, ils déclarent l’accepter « à la lumière
de la Tradition ». À la suite du Cardinal Ratzinger, ils distinguent
le Concile et « le pernicieux esprit du Concile » « selon
lequel l’histoire de l’Église devrait commencer à partir de Vatican II.
» (Entretien sur la foi, Fayard,
1985, ch. 2, p. 37) Ils entrent donc dans ce qu’on peut appeler la ‘ligne
Ratzinger’ qui considère que le Concile ne fut pas mauvais, mais que son
application fut désastreuse. La crise de l’Église n’est donc pas due au
Concile mais à une mauvaise application de celui-ci. Pour résoudre la
crise, « Vatican II est une réalité qu’il faut accepter pleinement,
(...) une base sur laquelle il faut construire solidement. » (Entretien
sur la foi, ch. 2, p. 36, Fayard, 1985) C’est pourquoi, dit la déclaration de
Campos, « Nous reconnaissons le concile Vatican II comme l’un des
conciles œcuméniques de l’Église. »
Or là, ne furent pas les jugements portés par NNSS Lefebvre et Castro Mayer
: s’ils ont su y voir des parties conformes à la Tradition, ils ont su
aussi y discerner des parties ambiguës et des documents contraires à la foi,
parmi lesquels ceux sur la liberté religieuse, l’œcuménisme et la collégialité.
Les textes ambigus, à double sens, ont été voulus par les novateurs afin
que, plus tard, ils puissent en tirer le sens désiré. L’un d’eux écrit
: « Nous nous exprimons de façon diplomatique, mais après le
Concile nous tirerons du texte les conclusions qui y sont implicites.
» (Cité dans la Vie de Mgr Lefebvre,
p. 317) L’Esprit de vérité peut-il mettre le sceau de son autorité sur de
tels textes, et voudra-t-il ensuite les utiliser comme « instruments adéquats
pour affronter les problèmes d’aujourd’hui » ? (Card.
Ratzinger, Entretien sur la foi,
Fayard, 1985, p. 36)
Quant aux textes contraires à la Tradition, il a été suffisamment démontré
leur opposition à la foi et leurs conséquences désastreuses pour le règne
social de Jésus-Christ. (cf. Mgr Lefebvre, Ils
l’ont découronné, J’accuse le
Concile ; Savoir et servir N°57, Retrouvons
le vrai Concile, L’esprit et la lettre du Concile, etc.)
Les signataires de Campos ont donc cessé de dire que le concile Vatican II
s’opposait à la foi catholique.
# La nouvelle messe
Quant à la nouvelle messe, ils se contentent de reconnaître sa validité,
si les conditions requises sont présentes, mais ils n’affirment plus
qu’elle « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble
comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe telle
qu’elle a été formulée au concile de Trente. » (Cardinaux
Ottaviani et Bacci, Préface au Bref examen
critique) Il est insuffisant de dire que l’ancienne messe est une
« richesse authentique », qu’elle a « sanctifié beaucoup
d’âmes », qu’elle « constitue une authentique profession de
foi ». Il faut ajouter que la nouvelle messe s’éloigne de la foi
catholique pour se rapprocher du protestantisme (« elle favorise l’hérésie
» disait Mgr Lefebvre) et que par conséquent y assister met la foi en
danger. On ne peut défendre la vérité sans condamner l’erreur.
# Avec le pape, collaborer au combat contre les erreurs !
« Nous nous offrons au Pape pour officiellement, avec lui, collaborer
au combat contre les erreurs et les hérésies ». Donc combattre
contre tous ceux qui répandent des erreurs, donc... contre le Pape qui
propage le faux œcuménisme et la liberté religieuse et le modernisme
! Ou alors il faudra dire un jour que le Pape ne profère aucune erreur et
justifier tout ce qu’il dit et fait... C’est la position des ralliés.
# Omission de la profession publique de la foi
Cette déclaration de Campos est fautive au moins par omission : ne pas
dire que la nouvelle messe est contraire à la foi et que dans le concile
Vatican II il y a des erreurs opposées à la Tradition ; ne pas dire que
le Pape propage ces erreurs. Or, nous enseigne l’Église, on est obligé par
un commandement de Dieu de professer publiquement sa foi quand le silence ou
une parole évasive équivaudrait à un reniement de la foi ou à un mépris
pour la religion, à une injure envers Dieu ou à un scandale pour le prochain.
(Droit canon, canon 1325) N’est-ce
pas cela qui est en cause dans les circonstances actuelles ? N’y
est-on pas obligé même au prix de la perte de sa vie ou de nombreux avantages
humains ?
VI - Confirmation : l’Institut du Bon Pasteur
Le 8 septembre 2006, à grand renfort médiatique, la commission Ecclesia
Dei a érigé, par un décret signé du cardinal Castrillon Hoyos, un nouvel
institut de droit pontifical, en faveur, semble-t-il, de l’ancienne messe et
de la Tradition. C’est une expérience de réconciliation envisagée pour une
durée de cinq ans.
# Les premiers membres
Les fondateurs, les abbés Philippe Laguérie, Paul Aulagnier, Christophe Héry,
Guillaume de Tanoüarn se sont fait remarquer depuis plusieurs années par leur
esprit d’indépendance et d’insubordination qui leur a valu l’exclusion de
la Fraternité Saint Pie X. En outre ils étaient attirés depuis longtemps par
un accord avec Rome. En avril 2001, dans Pacte
n°54, l’abbé Philippe Laguérie écrivait : « Je crois à la
possibilité d’un accord pratique. (…) Il est urgent de se retrouver dans la
communion liturgique et sacramentelle avec l’Église de toujours pour que,
faisant pareil, on finisse par penser pareil. » L’abbé Paul Aulagnier
avait manifesté son soutien aux ralliés, dès 1998, en assistant à une réunion
de ceux-ci à Rome, puis, en 2002, par son approbation chaleureuse des accords
de Campos (cf. ci-dessus).
Se sont joints à eux les abbés Forestier et Perrel, et d’autres encore.
Pourquoi quitter la Fraternité Saint Pie X et entrer dans cet institut
puisque des deux côtés ils ont l’ancienne messe ? Pour Mgr Lefebvre,
c’est une question de foi, mais pour eux la foi n’est plus la raison de leur
choix.
C’est le sentiment : on en jugera par les extraits d’un débat paru
dans Valeurs Actuelles n°3653, du 1er
décembre 2006. Lorsque l’abbé Guillaume de Tanoüarn découvrit l’ancienne
messe pour la première fois, il est « tombé amoureux de ce rite.
» Il vit comme « une souffrance qu’on puisse laisser entendre
que la messe célébrée tous les dimanches dans la plupart des paroisses
n’est pas la messe. » « Il faut accepter la différence des
rites et accepter qu’on puisse avoir une préférence fondée, profonde, pas
seulement subjective ou esthétique, pour le rite traditionnel. » Si
c’est seulement une préférence, c’est un sentiment personnel, subjectif…
Ce n’est plus question de foi : « Si au nom de cette préférence
on anathémise tous les autres et on dit que le rite rénové n’est pas légitime,
on n’a rien à faire dans l’Église. »
La création de cet Institut par le pape Benoît XVI est envisagée par
l’archevêque de Bordeaux, Mgr Ricard, comme « une expérience de réconciliation
et de communion ».
# Réconciliation
Sur quoi peuvent porter un accord, une réconciliation et une communion
?
Pour Mgr Ricard, c’est évident, il faut réaffirmer « l’aspect
extrêmement positif vécu par l’Église depuis le Concile. » Il ne
souhaite pas « que l’accueil de fidèles traditionalistes soit pensé,
soit vécu comme un reniement du Concile. » (Entretien à La
Croix, 11 septembre 2006) Il en est de même pour tous les évêques.
(cf. ci-dessus, I- 4.)
Ils n’ont rien à craindre. En effet, les membres de ce nouvel institut déclarent
« respecter le Magistère authentique du Siège Romain, dans une fidélité
entière au Magistère infaillible de l’Église ». Ils s’engagent à
« une critique sérieuse et constructive du concile Vatican II pour
permettre au Siège Apostolique d’en donner une interprétation authentique.
» (Communiqué des prêtres de l’Institut du Bon Pasteur, 8 septembre
2006, Mascaret n°282) Il n’est donc
plus question, comme ils le disaient auparavant, de rupture entre le Concile et
la foi catholique. Par leur attitude nouvelle à l’égard du magistère des
autorités actuelles de l’Église, ils sont dans la bonne voie pour une pleine
communion.
Pour Mgr Lefebvre les choses étaient très claires : il ne peut pas y
avoir de communion plus ou moins pleine avec des autorités romaines qui
demeurent éloignées de la foi catholique. Aucun dialogue avec eux (mais prédication
de la foi pour les convertir).
« Nous n’avons pas la même façon de concevoir la réconciliation.
Le cardinal Ratzinger la voit dans le sens de nous réduire, de nous ramener à
Vatican II. Nous, nous la voyons comme un retour de Rome à la Tradition.
» (Mgr Lefebvre, Fideliter, n°66,
novembre-décembre 1988, p. 12-13)
Par ailleurs tous ces prêtres du nouvel institut devront pour l’exercice
de leur ministère et leur apostolat dépendre de l’évêque :
« Pour ce qui est de l’apostolat, ils dépendent de l’évêque diocésain
et ils sont obligés d’avoir un accord pour toute implantation dans un diocèse
» précise Mgr Ricard (La Croix,
11 septembre 2006). Alors à quoi et à qui obéiront-ils ?
Quant aux ordinations, il leur faudra recourir aux évêques conciliaires
avec tous les doutes que l’on sait…
# La messe
Les statuts du nouvel institut confèrent le droit de célébrer la messe
selon l’ancien rite, comme étant un rite propre. Les fondateurs interprètent
cela comme « un usage exclusif ». Ce n’est pourtant pas la même
chose. Par ailleurs ils sont au même point que la Fraternité Saint Pierre et
les autres ralliés : ils ont la messe, sans les raisons de la conserver
à savoir la foi et le rejet des erreurs. Ils ont un effet sans sa cause, le goût
de la fraise sans la fraise : cela ne peut pas tenir.
D’ailleurs Benoît XVI veut-il vraiment la restauration de l’ancienne
messe ? Lors des rencontres de Fontgombault, en 2001, le cardinal
Ratzinger s’est prononcé pour une réforme de la réforme du missel de 1969
et pour une évolution du missel de 1962. (Jusqu’à ne faire qu’un seul rite
?) (DICI n 142, p. 11)
« Ce n’est pas une petite chose qui nous oppose. Il ne suffit pas
qu’on nous dise : vous pouvez dire la messe ancienne, mais il faut
accepter cela. Non, ce n’est pas que cela qui nous oppose, c’est la
doctrine. » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°66, novembre-décembre 1988, p. 14 ; cf. Fideliter,
n°87, septembre 1990, p. 1)
« Voilà comment ça marche ! Ils sont dans une impasse, car
on ne peut pas à la fois donner la main aux modernistes et vouloir garder la
Tradition. » (Mgr Lefebvre, Fideliter,
n°87, septembre 1990, p. 3)
# Évolutionnisme et pluralismeL’abbé Guillaume de Tanoüarn, dans le même Valeurs Actuelles n°3653, du 1er décembre 2006, dit qu’il faut « accepter que le rite soit une réalité vivante » ; il ne faut pas donner « l’impression de mythifier une époque. Il est vrai que la Tradition est vivante, ce n’est pas un objet mort, la Tradition ne sent pas le cadavre. » Il reconnaît que le fleuve de l’évolution existe, « mais il y a dans ce fleuve des îlots à sec sur lesquels on peut prendre pied et qui nous aident à nous orienter. » Vers où ?! Sur les questions sensibles (liberté religieuse, dialogue, repentance, etc.) il veut qu’on « puisse avancer ensemble dans une critique constructive d’une époque qui est révolue et dont les aspirations ne sont pas les nôtres. » « Je pense que c’est un idée totalement fausse de penser que la déchristianisation est liée au concile Vatican II. »
Il ne faut pas s’étonner s’il verse dans le pluralisme et la légitime
diversité qui sont des mots d’ordre du faux œcuménisme. Il faut « se
respecter l’un l’autre dans la différence. » « La pluralité
des rites ne fera que mieux manifester l’unité du sacrifice dans ses différentes
facettes. »
# Conclusion
Ils se sont mis, par le simple fait de l’accord, dans une situation de
reniement. D’ailleurs ne se réjouissent-ils pas qu’une communion «
soit enfin pleinement manifestée avec le Saint-Siège ? »
(Communiqué des prêtres de l’Institut du Bon Pasteur, 8 septembre 2006, Mascaret,
n°282, septembre-octobre 2006)
Ne sont-ils pas aveuglés sur la réalité de la crise, quand ils osent
affirmer : « On a un nouveau pape qui a compris la Tradition (…)
Le pape Benoît XVI est un pape traditionaliste. » (AFP, 8 septembre
2006)
Ils en viennent à n’avoir d’esprit filial que pour le pape et les évêques,
et à mépriser à mots à peine couverts Mgr Lefebvre à qui ils doivent tout
: chacun veut avoir ‘‘son petit religion à soi’’ « en se
faisant sa petite mixture personnelle à laquelle personne n’a rien à voir et
rien à dire », dit-il, à propos de la conservation de l’ancienne
messe. (Valeurs Actuelles n°3653, 1er
décembre 2006)
« D’où viennent ces chutes qui atteignent les privilégiés du
sanctuaire ? » s’interroge dom Marmion. « Ces chutes ne
sont pas subites ; il faut en chercher loin l’origine. Les fondements
de la maison étaient minés depuis longtemps par l’orgueil, l’amour propre,
la présomption… » (Dom Marmion, L’idéal
du moine, DDB, 1923, p. 198)
# Mise au pas
Fondé comme une expérience d’une durée de cinq ans, l’IBP est soumis
à une visite canonique en 2011. La conclusion est donnée par Mgr Pozzo en
avril 2012.
Quant à la messe, « il convient de définir cette forme comme rite
propre de l’Institut, sans parler d’exclusivité ». Autrement dit,
les membres de cet Institut ne pourront plus ni exclure ni refuser la nouvelle
messe, par conséquent ils devront la célébrer au moins quelques fois.
Quant au concile Vatican II, d’une part, les professeurs du séminaire
devront enseigner le Catéchisme de l’Église Catholique publié sous
Jean-Paul II, lequel contient toutes les erreurs du Concile et d’autres encore
; d’autre part, « une critique sérieuse et constructive du
concile Vatican II » ne suffit pas, il faut enseigner tout le magistère
de l’Église, y compris le magistère de Jean-Paul II et de Benoît XVI, et
insister sur « l’herméneutique du renouvellement dans la continuité
», principe si cher à Benoît XVI. Ceci revient à accepter pleinement
le Concile et toute ses erreurs.
VII - La participation à la messe chez les ralliés
À la messe ou aux sacrements.
« Vos principes pour juger des idées et des doctrines, comme de ce
qu’il faut faire, doivent être différents de ceux du monde ; différente
doit être votre conduite, différentes aussi les raisons de vos efforts pour
exercer une influence sur les autres hommes. Prenez vos principes de jugement et
d’estime dans l’évangile du Seigneur et dans la doctrine de son Église
; car il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de son message
(I Cor 1, 21) ; car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu (I Cor 3,
19) ; en effet nous prêchons un Christ crucifié (I Cor 1, 23). Si, au
lieu d’empoisonner son esprit au contact fréquent des choses du monde, on
ne le nourrit soigneusement par la lecture et la méditation des choses de Dieu,
l’étude d’une saine doctrine, la familiarité avec les écrits des auteurs
anciens et modernes qui ont brillé par la fermeté de leur foi et la sûreté
de leur piété, comment pourrait-on apprécier le vrai et le bien ?
» (Pie XII, Allocution aux supérieurs
religieux, Haud mediocri, 11 février 1958)
« Aie confiance en Dieu de tout ton cœur et ne t’appuie pas sur ta
prudence. Pense à lui dans toutes tes voies, et il conduira lui-même tes pas.
» (Pv 3, 5-6)
La parole divine nous invite donc à réfléchir sur nos actions et à méditer
sur la sagesse de Dieu pour les y conformer. Être capable de bien analyser
nos actions et d’en juger par rapport à la loi de Dieu doit être notre
ambition.
Un exemple et quelques notions élémentaires nous donneront des principes
d’analyse de nos actions.
1. Un exemple
Au VIème siècle, vivait Herménigilde,
fils du roi des Wisigoths, en Espagne. Comme son père, il était arien (hérésie
niant la divinité de Jésus-Christ). Il épousa Indegonde, arrière
petite-fille de Clovis. Catholique, celle-ci convertit son mari. Suite à de
mauvais traitements infligés par la reine contre Indegonde, une guerre éclata
entre Herménigilde et son père. Calomnié, accusé de trahison contre le
roi, il fut mis en prison. Ayant découvert que son fils était catholique, le
roi, le jour de Pâques, lui fit apporter la communion par un évêque arien, et
lui dit que c’était l’unique moyen de se réconcilier avec lui. Herménigilde
refusa et reprocha à l’évêque son hérésie. Apprenant ce refus, le roi fit
trancher la tête de son fils d’un coup de hache.
Herménigilde a-t-il bien agi ? Recevoir la communion est une chose
bonne. Alors, pourquoi la refuser sous peine de mort ? Comment juger de
son acte ?
2. Quelques notions
Chacun prendra en main un bon livre de doctrine chrétienne, et y apprendra
que trois choses concourent à la bonté ou à la malice d’un acte humain :
la fin ; l’objet de l’acte ; les circonstances.
La fin de l’acte est l’intention pour laquelle j’agis. En toutes choses
j’agis pour une fin et cette fin doit être un bien honnête (la science, la
vertu) et non le seul plaisir ou l’utilité. Ce bien honnête est lui-même un
moyen qui m’ordonne à mon Souverain Bien qui est Dieu. En toutes choses je
dois agir pour plaire à Dieu : « Quoique vous fassiez, que vous
mangiez ou vous buviez, ou tout autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu,
» nous enseigne saint Paul.
L’objet de l’acte c’est ce que je fais, mais considéré dans sa
conformité ou non conformité à la loi de Dieu : prier Notre Seigneur est
bon en soi-même ; prendre le bien d’autrui n’est ni bon ni mauvais en
soi-même, mais prendre le bien d’autrui contre sa volonté est mal (c’est
le vol) ; vendre ou distribuer des moyens anticonceptionnels est mauvais
en soi-même ; marcher n’est ni bon ni mauvais en soi-même, mais indifférent.
Quelles que soient les circonstances, quelle que soit la fin poursuivie,
l’objet est bon ou mauvais ou indifférent en soi-même, suivant sa
conformité ou non conformité à la loi divine et à la droite raison.
Cependant nous devons faire quelques observations, sur les rapports entre
l’objet de l’acte et la fin.
Plus nous agissons par un amour fervent de Dieu, plus l’acte, bon par son
objet, est rendu meilleur par cette charité.
Inversement un acte bon par son objet peut devenir moins bon ou mauvais par
la fin recherchée : faire l’aumône (objet bon) par vaine gloire (fin
mauvaise).
Mais une action mauvaise par son objet ne peut jamais devenir bonne par la
fin ou intention fixée : mentir pour rendre service ; voler pour
faire l’aumône ; lors d’un accouchement difficile, tuer l’enfant
dans le sein de sa mère, pour sauver celle-ci de la mort. « Ne faisons
pas le mal pour qu’il en vienne un bien. » (Rom 3, 8)
Quant à l’acte indifférent par son objet, il est rendu bon ou mauvais par
la fin recherchée : partir en voyage (objet indifférent) pour aller
rendre service à un ami (intention bonne), comme Notre Dame auprès de sa cousine
Élisabeth, ou partir en voyage pour préparer le cambriolage du siècle.
Cependant regarder l’objet et la fin de l’acte ne suffit pas, il faut
aussi être attentif aux circonstances : personne, chose, lieu, moyens,
manière, temps.
La personne : ici on considère la condition sociale de la personne qui
accomplit l’action (prêtre, religieux, laïc marié ou non...), sa réputation
en bien ou en mal, ses qualités morales. Un évêque qui s’active à balayer
une pièce, nous remplit d’admiration par son humilité, tandis que le même
travail fait par la mère de famille nous laisse (à tort) indifférents. Un
menteur qui dit du mal faux de quelqu’un (calomnie), n’est pas écouté ;
mais si c’est une personne réputée pour sa droiture, elle sera écoutée...
La quantité ou la qualité de l’objet de l’acte : voler 500 F est
plus grave que voler 10F ; frapper un homme qui est aussi son père, est
une faute et contre le cinquième commandement et contre le quatrième.
Les moyens utilisés : tuer avec un couteau ou du poison ; honorer
Notre Seigneur, mais en répandant du parfum précieux sur sa tête comme le fit
sainte Marie-Madeleine.
La manière : par malice, faiblesse ou ignorance, par crainte ou violence,
de bonne ou mauvaise foi.
Le lieu : dérober quelque chose dans une église ajoute au vol le sacrilège.
Si une action bonne, au lieu de rester secrète, est faite sur la place
publique, elle édifie (« Qu’en voyant vos bonnes œuvres les hommes
glorifient votre Père qui est dans les cieux ») ; si elle est
mauvaise elle attire les autres au mal (scandale) ; que dire des journaux,
livres, revues, télévision, films... (« Mieux vaudrait pour lui qu’on
lui attachât au cou la meule »...)
Le temps : le jour (par exemple, manger de la viande, mais un vendredi)
ou la durée (avoir de la rancune envers une personne une heure ou un mois).
On aura remarqué que ces circonstances ajoutent à l’objet une autre
valeur morale soit en bien soit en mal : combien devons-nous y être
attentifs !
3. Retour sur l’exemple
Le roi propose la communion à son fils des mains d’un évêque hérétique,
comme unique moyen de se réconcilier.
L’objet de l’acte, communier, est chose bonne.
L’intention, se réconcilier avec son père et éviter la mort, est bonne.
Mais il y a les circonstances ! Recevoir la communion est acte de
culte, et participer de façon active au culte d’une religion, c’est
professer cette religion. Par conséquent recevoir la communion d’un évêque
catholique, c’est professer la religion catholique, et recevoir la communion
d’un évêque hérétique, c’est professer l’hérésie et donc
abandonner la foi catholique. Même la menace de la mort ne peut le permettre.
C’est pour sa fidélité à la foi catholique jusqu’à la mort que Herménigilde
est couronné de gloire au ciel.
De plus, dans ce cas, la réconciliation entre Herménigilde et son père
n’aurait pas été une simple réconciliation par pardon des offenses, mais
une réunion dans l’hérésie arienne. Union mauvaise en soi.
L’Église, d’ailleurs, nous enseigne : « Les fidèles de Jésus-Christ
sont tenus de professer ouvertement leur foi, toutes les fois que leur silence,
leur faux-fuyant, ou leur manière d’agir, seraient une négation implicite de
la foi, ou injure envers Dieu, ou scandale du prochain. » (Droit
Canon, c. 1325)
4. Application
: participation à la messe chez les ralliés
Pourquoi ne peut-on pas assister aux messes des ralliés (et aux messes concédées
par les évêques modernistes et dites pour cela messes selon «
l’indult de 1984 ») ?
L’objection courante est la suivante : la messe selon l’ancien rite
est la bonne, alors pourquoi ne pas y participer dans l’intention de
satisfaire à l’obligation dominicale ?
La réponse consiste à distinguer l’objet de l’action et les
circonstances.
L’objet de l’action est la participation à la bonne messe : il
est bon en lui-même, c’est évident. Mais il y a les circonstances :
# Circonstance de personne
Le prêtre qui célèbre est imbu de modernisme. Croit-il à la doctrine de
la présence réelle et du sacrifice ?
Dans une grande ville, l’évêque avait accordé la messe à Indult. Le célébrant
habituel est un dimanche remplacé par le vicaire épiscopal (habitué à la
nouvelle messe). À la fin de la messe, il avoue à un fidèle : j’ai
failli m’arrêter au milieu de la messe, car je n’y crois pas. Il avait bien
perçu la différence entre les deux rites, mais n’adhérait pas à la
doctrine exprimée par l’ancien. Messe valide ? Agréable à Dieu ?
Autre exemple. Le curé du Chamblac, dans l’Eure, fidèle à la Tradition,
avait demandé que sa messe d’enterrement soit l’ancienne. L’évêque d’Évreux,
Mgr David, célèbre soi-même cette messe. Il prononce les paroles de la consécration
recto tono du début du récit (Qui pridie quam pateretur) à la fin des paroles
consécratoires, sans aucun mouvement du corps et sans aucun changement dans la
façon de prononcer. Récit ou acte de consacrer ? Rien d’extérieur ne
permettait de le discerner. Ce n’est pas le latin qui change leurs
habitudes…
En ces circonstances, la messe ancienne célébrée par un tel prêtre
est-elle un acte de culte agréable à Dieu ?
Et il y a le sermon…
Et il y a les personnes fréquentées aux messes des ralliés (ou aux messes
à indult) : leur libéralisme, leur manque de fermeté, même sur la
doctrine ; le passage de l’évêque du lieu ; les revues, etc. ...
Cette circonstance de personne met en évidence un danger manifeste de
corruption de la foi et des habitudes de vie chrétienne.
# Circonstance de lieu
La bonne messe est célébrée dans une église où se célèbre aussi la
nouvelle messe.
Elle est célébrée entre deux messes nouvelles : de façon visible et
habituelle les deux messes sont mises à égalité, ce qui revient à mettre la
vérité et l’erreur à égalité.
Il y a un seul et même tabernacle pour les deux messes : les ciboires
consacrés à l’ancienne messe serviront à la communion à la nouvelle messe,
par exemple pour des divorcés remariés… Ou on donnera la communion à
l’ancienne messe avec les hosties consacrées à la nouvelle. Quelle objection
pourrait y faire celui qui ne voit que la présence réelle (à supposer
qu’elle existe avec la nouvelle messe) : c’est le même Saint
Sacrement ! La réponse avec la circonstance de lieu est insuffisante.
C’est une question de culte différent, comme nous l’expliquerons
ci-dessous.
# Qualité de l’acte
La qualité de l’objet de l’acte est quelque chose qui modifie cet objet,
qui lui ajoute une autre valeur morale. L’objet ici est la bonne messe ;
mais elle est donnée par des autorités qui travaillent à l’autodémolition
de l’Église ; ils ne l’ont permise aux ralliés que pour s’opposer
aux vrais défenseurs de la Tradition, pour diviser leur force. Elle est
permise pour faire entrer dans le pluralisme qui admet toutes les opinions et préférences
religieuses, mais qui exclut l’attachement à la vérité joint au rejet de
l’erreur. Participer à l’ancienne messe célébrée dans ces conditions
c’est accepter aussi cette qualification morale que nous venons de décrire.
C’est participer à l’autodémolition de l’Église...
En allant plus loin, il semble légitime d’appliquer les principes mis en
œuvre dans l’exemple que nous avons donné ci-dessus.
La messe est un acte de culte, et y participer c’est professer la foi et la
religion de ce culte. Or, chez les ralliés, si les apparences sont identiques
(messe, sacrements, etc.), la foi et la religion, elles, ont changé. La foi a
fait place à un sentiment et leur religion est entrée dans le pluralisme,
principe faux qui admet la coexistence pacifique des divers opinions et des
diverses religions.
En effet, le Motu Proprio du 2 juillet 1988 leur concède l’ancienne messe,
pour satisfaire « leurs justes aspirations », pour «
respecter le désir spirituel de tous ceux qui se sentent liés à la tradition
liturgique latine », et non par motifs de foi qui font comprendre que la
nouvelle messe s’éloigne de la foi catholique et se rapproche du
protestantisme : du sentiment et non l’attachement à la vérité
joint au rejet de l’erreur.
Ils sont entrés dans le pluralisme, car en pratique ils mettent les deux
messes à égalité selon les termes du Motu Proprio : il y a entre les
divers rites liturgiques « diversité des charismes » et «
unité dans la variété ». De façon conséquente, ils sont passés, au
plan doctrinal, à l’admission des erreurs du concile Vatican II, qui
concernent la liberté religieuse et l’œcuménisme et qui sont la source du
pluralisme. (Cf. ci-dessus : Les principes de leur dérive doctrinale.)
Le Motu proprio de Benoît XVI, de juillet 2007, met explicitement les deux
messes à égalité (forme ordinaire et forme extraordinaire). C’est toujours
le faux principe du pluralisme.
Participer de façon active à l’ancienne messe célébrée dans de telles
conditions, c’est adhérer à cette foi-sentiment et à ce pluralisme. Nul
ne peut l’admettre.
La messe célébrée dans ces conditions ne peut pas être un acte de culte
agréable à Dieu.
Par conséquent, on ne peut jamais y participer, pas même une fois pour
satisfaire à l’obligation dominicale.
L’exemple de saint Herménigilde et l’exemple suivant confirment nos
principes.
5. Un autre exemple à méditer
Dans l’Angleterre d’Élisabeth I, quand la messe fut déclarée illégale
et le Prayer Book imposé à tous, le
grand mouvement de séparation de Rome et du catholicisme inauguré par Henri
VIII trouvait son achèvement. On combattit toutes les anciennes pratiques
religieuses : rosaire, dévotion à la sainte Vierge et aux saints, pèlerinages,
jeûne, confessions. La messe surtout fut l’objet de leur haine. On ridiculisa
l’Hostie par des parodies burlesques et des sobriquets comme «
Jack-in-the-box », « viande-à-vers ».
En 1581, un acte fut promulgué qui punissait d’une lourde amende et
d’une année d’emprisonnement quiconque aurait entendu la messe, et
d’une amende aussi (20 livres par personne et par mois : de quoi ruiner
une famille !) quiconque refuserait d’assister aux offices anglicans (Morning
prayer).
Les prêtres, réunis en une sorte de concile secret, étudièrent attentivement
cette difficile question.
Certains fidèles pouvaient arguer avec quelque raison, qu’on ne relevait
rien de spécifiquement anticatholique dans la Morningprayer
à laquelle il suffisait de participer pour échapper à la persécution :
ne se composait-elle pas d’un credo identique au leur, de textes de l’Écriture,
de psaumes, et de prières traduites pour la plupart de livres catholiques ?
En nombre d’endroits, les nouveaux curés devaient s’abstenir de prêcher et
se contenter de lire des homélies où ils exhortaient leurs ouailles à la
vertu, en termes inattaquables.
Mais on ne toléra aucun compromis. L’importance même que le Gouvernement
attachait à la participation à ces prières lui conférait la valeur d’acte
d’adhésion à l’Église anglicane. À la participatio in sacris (c’est à
dire au fait de prier en commun avec des non catholiques) s’ajoutait la
reconnaissance formelle de la suprématie de l’État en matière spirituelle.
L’un des prêtres porta donc une condamnation radicale qui excluait de la
communauté catholique ceux qui se conformaient à la loi. « Un acte
aussi public, déclara-t-il, que de se rendre en une église où l’on fait
profession d’attaquer la vérité, de défigurer l’Église catholique du
Christ, d’exciter contre elle à l’hostilité et à la haine, constitue la
plus grave iniquité possible. » (Vie d’Edmond Campion, jésuite,
prêtre et martyr, pendu sur l’ordre de la reine Élisabeth I en 1581, et
canonisé en 1970.)
6. Un attrape-nigauds !
Voici ce que Mgr Lefebvre pensait de la messe chez les ralliés ou de la
messe à indult...
« Cher monsieur l’abbé..., (lettre à un prêtre de la FSSPX)
« À votre bonne lettre, reçue hier à Saint Michel, je réponds
aussitôt pour vous dire ce que je pense au sujet de ces prêtres qui reçoivent
un « celebret » de la Commission Romaine, chargée de
nous diviser et de nous détruire.
« Il est évident qu’en se mettant dans les mains des autorités
actuelles conciliaires, ils admettent implicitement le Concile et les Réformes
qui en sont issues, même s’ils reçoivent des privilèges qui demeurent
exceptionnels et provisoires.
« Leur parole est paralysée pour cette acceptation. Les Évêques
les surveillent !
« C’est bien regrettable que ces prêtres ne prennent pas
conscience de cette réalité. Mais nous ne pouvons tromper les fidèles.
« Il en est de même pour ces « Messes
traditionnelles » ! organisées par les diocèses (messes
à indult). Elles sont célébrées entre deux Messes conciliaires. Le prêtre célébrant
dit aussi bien la nouvelle que l’ancienne. Comment et par qui est distribuée
la sainte communion ? Quelle sera la prédication ? Etc...
« Ces Messes sont des « attrape-nigauds »
qui entraînent les fidèles dans la compromission !
« Beaucoup ont déjà été abandonnés.
« Ce qu’ils doivent changer, c’est leur doctrine libérale et
moderniste.
« Il faut s’armer de patience et prier. L’heure de Dieu
viendra.
« Que Dieu vous accorde de saintes fêtes de Pâques.
« Bien cordialement vôtre en Christo et Maria. »
(Mgr Lefebvre, Saint Michel en Brenne, le 18 mars 1989)
# Mgr Lefebvre aux fidèles du Canada
À propos des catholiques assistant aux messes célébrées sous les
conditions de l’indult, Mgr Lefebvre disait :
« C’est une position très ambiguë et non conforme à celle
que nous défendons, et que les traditionalistes ont toujours défendue. Ils
acceptent également la légitimité et l’orthodoxie de la messe nouvelle :
ce que nous refusons d’affirmer. Nous ne disons pas que la nouvelle messe
est hérétique, ni qu’elle est invalide, mais nous refusons de dire qu’elle
est légitime, qu’elle est parfaitement orthodoxe. Si bien que les fidèles se
demandent s’ils doivent assister à ces messes qui sont maintenant autorisées
par les évêques. Pour nous, c’est toujours la même consigne :
nous pensons qu’il ne faut pas aller à ces messes parce qu’il est dangereux
d’affirmer que la messe nouvelle est aussi valable que l’ancienne. Peu à
peu ces prêtres qui acceptent ces conditions auront les mêmes tendances que
ceux qui disent la messe nouvelle, et un jour, peut-être, ils la diront eux-mêmes
et attireront nos traditionalistes vers la nouvelle messe.
« Oui, je reconnais bien que le pays est grand, immense, et que
les fidèles ont parfois de longues distances à parcourir pour assister le
dimanche à la messe traditionnelle. Mais je pense que ces fidèles ont intérêt
à n’aller, s’il le faut, qu’une seule fois par mois ou bien à faire
vraiment un sacrifice tous les dimanches pour aller à la messe ancienne, à la
vraie messe plutôt que de s’habituer à une messe nouvelle ou à une messe
ancienne qui est mélangée avec les rites nouveaux et qui risque de devenir un
jour, ni plus ni moins, la messe nouvelle.
« Il vaut mieux demeurer fidèle à la messe ancienne dans
toute son intégrité, et, par conséquent, savoir faire une heure et demie de
route s’il le faut le dimanche pour venir à la messe. Que de gens dans le
monde font une heure et demie ou même deux heures de route pour aller à leur
travail tous les jours. Alors, je pense que l’on peut le dimanche ou au moins
tous les quinze jours faire un effort pour aller à la messe ancienne, pour
aller à la vraie messe, pour avoir la grâce de la vraie messe. »
(Mgr Lefebvre, Communicantes, août
1985)
VIII - Conclusion
1. Rectitude d’intention
Nous devons en toutes choses agir pour plaire à Dieu et non aux hommes :
« Est-ce la faveur des hommes que je me concilie ou celle de Dieu ?
Si je plaisais encore aux hommes je ne serais pas serviteur du Christ. »
(Gal 1, 10)
Dans la crise de l’Église, notre intention ne peut pas être de chercher
la sécurité d’une reconnaissance sociale par l’autorité ecclésiastique,
ni de poursuivre une paix fausse qui nous dispense du combat, ni d’établir un
accord ou une unité qui n’est qu’un mensonge.
Dom Guéranger, à la fête de saint Hilaire, exalte le courage de ce grand défenseur
de la foi, qui n’eut pas à combattre contre un persécuteur menaçant les
vies mais séduisant les esprits et flattant les cœurs pour mieux les perdre.
Il rapporte les plaintes de saint Hilaire à Dieu :
O Dieu tout-puissant, « contre vos ennemis avoués, j’aurais
combattu avec bonheur. (...) Mais aujourd’hui nous avons à combattre contre
un persécuteur déguisé, contre un ennemi qui nous flatte, contre Constance
l’antéchrist, qui a pour nous non des coups mais des caresses ;
qui ne proscrit pas ses victimes pour leur donner la vie véritable, mais les
comble de richesses pour leur donner la mort ; qui ne leur octroie
pas la liberté des cachots, mais leur donne une servitude d’honneurs dans ses
palais ; qui ne déchire pas les flancs, mais envahit les cœurs.
(...) Il ne dispute pas de peur d’être vaincu ; mais il flatte
pour dominer ; (...) il procure une fausse unité pour qu’il n’y
ait pas de paix ; il sévit contre certaines erreurs, pour mieux détruire
la doctrine du Christ ; il honore les évêques afin qu’ils cessent
d’être évêques ; il bâtit des églises tout en ruinant la foi.
(...) »
Il est facile et permis de faire le parallèle avec les autorités actuelles
de l’Église dans leurs rapports avec ceux qui voudraient rester fidèles à
la foi tout en profitant des avantages proposés : les honneurs,
l’abandon du combat doctrinal, la fausse unité.
Dom Guéranger en donne la cause : l’esprit mondain, le défaut
d’une foi profonde conduisant et dirigeant tous les actes de la vie,
l’habitude de la diplomatie plus que du combat sans merci contre les ennemis
de la foi. Voici ce qu’il dit : « À toutes les époques,
l’Église a eu en son sein des demi fidèles que l’éducation, une certaine
bienséance, quelques succès d’influence et de talent, retiennent parmi les
catholiques, mais que l’esprit du monde a pervertis. Ils se sont fait une église
humaine, parce que le naturalisme ayant faussé leur esprit, ils sont devenus
incapables de saisir l’essence surnaturelle de la véritable Église. Accoutumés
aux variations de la politique, aux tours habiles à l’aide desquels les
hommes d’État arrivent à maintenir un équilibre passager à travers les
crises, il leur semble que l’Église dans la déclaration même des ses
dogmes, doit compter avec des ennemis, qu’elle pourrait se méprendre sur
l’opportunité de ses résolutions, en un mot que la précipitation peut
attirer sur elle, et sur ceux qu’elle compromettra avec elle, une défaveur
funeste. »
Le cardinal Pie fait parler saint Hilaire comme il suit :
« J’ai peur de la terrible responsabilité qui pèserait sur moi
par la connivence, par la complicité de mon silence. J’ai peur enfin du
jugement de Dieu, j’en ai peur pour mes frères sortis de la voie de la vérité,
j’en ai peur pour moi dont c’est le devoir de les y ramener. »
On ajoutait : « Mais n’y a-t-il pas des réticences
permises, des ménagements nécessaires ? » Hilaire répondait
que l’Église n’a vraiment pas besoin qu’on lui fasse la leçon, et
qu’elle ne peut oublier sa mission essentielle. Or cette mission la voici :
« Ministres de la vérité, il vous appartient de déclarer ce qui
est vrai. » (Œuvres du Cardinal Pie, t6, Rome 14 janvier 1870) (Dom
Guéranger, Année liturgique, Noël,
à la fête de saint Hilaire) [25]
2. Vivre de foi, non de sentiment
L’erreur des ralliés est d’avoir posé comme fondement le sentiment plus
que la vérité et la foi.
L’homme dont la raison est illuminée par la vérité et la foi, peut et
doit dominer ses sentiments et ses passions : « Mais
votre concupiscence sera sous vous, et vous la dominerez. » (Gen 4,
7) La vie est un combat continuel contre nos désirs : « Ne
te laisse pas aller à tes concupiscences, et détourne-toi de ta propre volonté.
Si tu contentes les désirs de ton âme, elle fera de toi la joie de tes
ennemis. » (Eccli 18, 30-31)
C’est pourquoi tout homme doit se mettre généreusement à l’école de Jésus-Christ
et mortifier ses tendances mauvaises : « Celui qui veut
venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix chaque
jour, et qu’il me suive. » (Luc 9, 23)
Lorsque cette purification est suffisamment achevée, l’âme est avant tout
conduite par les vertus, surtout les vertus théologales. L’homme est alors maître
de soi-même, beaucoup plus à l’abri de ses sentiments et ses passions,
beaucoup plus à l’abri, par conséquent, des troubles et inquiétudes suscités
par la crise de l’Église (la grande peur du schisme) et par le monde.
S’il n’y parvient pas, alors son âme est ballottée au gré de ses
« désirs » et « préférences »
aussi spirituels soient-ils. Il est également la proie facile du démon et de
l’esprit du monde.
Dans ce combat saint Ignace nous a laissé un instrument précieux :
les règles du discernement des esprits, tout particulièrement celles de la
première semaine des exercices spirituels. Il y est dit que c’est le propre
du mauvais esprit de causer aux âmes « de la tristesse et des
tourments de conscience, d’élever devant elles des obstacles, de les troubler
par des raisonnements faux, afin d’arrêter leur progrès dans le chemin de la
vertu… »
« Mon juste vit de la foi. »
3. Soumission à la sagesse, vraie obéissance
Les ralliés sont menacés par la « peste de l’indifférentisme »,
puisqu’ils mettent vérité et erreur à égalité, comme nous l’avons vu.
Quel remède leur apporter ?
Soyons d’abord attentifs à l’avertissement de Mgr Freppel.
« Le plus grand malheur pour un siècle ou un pays, c’est
l’abandon ou l’amoindrissement de la vérité. On peut se relever de tout le
reste ; on ne se relève jamais du sacrifice des principes. Les caractères
peuvent fléchir à des moments donnés et les mœurs publiques recevoir quelque
atteinte du vice ou du mauvais exemple, mais rien n’est perdu tant que les
vraies doctrines demeurent debout dans leur intégrité. Avec elles, tout se
refera tôt ou tard, les hommes et les institutions, parce qu’on est toujours
capable de revenir au bien lorsqu’on n’a pas quitté le vrai.
Ce qui enlèverait jusqu’à l’espoir même de salut, ce serait la désertion
des principes, en dehors desquels il ne se peut rien de solide et de durable.
Aussi le plus grand service qu’un homme puisse rendre à ses semblables aux époques
de défaillance et d’obscurcissement, c’est d’affirmer la vérité sans
crainte, alors même qu’on ne l’écouterait pas ; car c’est un sillon
de lumière qu’il ouvre à travers les intelligences et, si sa voix ne
parvient pas à dominer les bruits du moment, du moins sera-t-elle recueillie
dans l’avenir comme la messagère du salut. » (Mgr Freppel, Panégyrique
de saint Hilaire, 19 janvier 1873)
# Soumission à la sagesse divine
Pour être soumis à la sagesse divine il faut une certaine indépendance
d’esprit.
L’indépendance d’esprit n’est pas l’indépendance à l’égard de
la réalité ou de l’autorité de Dieu enseignant par l’Église. Elle est
simplement la capacité à reconnaître les limites de toute autorité
enseignante : ces limites sont la vérité connue par
l’intelligence soumise à la réalité et celle reçue par la foi dans la
soumission au magistère de l’Église. Aucune autorité humaine ne peut
obliger un baptisé à l’obéissance si ces limites sont franchies. Et ce
baptisé ne peut franchir ces limites car il doit être en tout et toujours
soumis à la sagesse de Dieu qu’il reçoit de la réalité et de la révélation.
L’étude et l’amour de la vérité sont les premiers fondements nécessaires
à cette soumission.
Les papes sont revenus souvent sur la nécessité de l’étude de la
doctrine chrétienne ; citons Pie XII : « Prenez
vos principes de jugement et d’estime dans l’évangile du Seigneur et dans
la doctrine de son Église ; car il a plu à Dieu de sauver les
croyants par la folie de son message (I Cor 1, 21) ; car la sagesse
de ce monde est folie devant Dieu (I Cor 3, 19) ; en effet nous prêchons
un Christ crucifié (I Cor 1, 23). Si, au lieu d’empoisonner son esprit au
contact fréquent des choses du monde, on ne le nourrit soigneusement par la
lecture et la méditation des choses de Dieu, l’étude d’une saine doctrine,
la familiarité avec les écrits des auteurs anciens et modernes qui ont brillé
par la fermeté de leur foi et la sûreté de leur piété, comment pourrait-on
apprécier le vrai et le bien ? » (Pie XII, Allocution aux supérieurs
religieux, Haud mediocri, 11 février
1958, SVP n° 3944ss)
Par ailleurs saint Paul nous rappelle que l’amour de la vérité est nécessaire
et non sa seule connaissance : beaucoup périssent, dit-il,
« parce qu’ils n’ont pas ouvert leur cœur à l’amour de la vérité
pour être sauvés. » (II Thes 2, 10) Cet amour s’accompagne
naturellement de la détestation de l’erreur : « Aimer
une chose et haïr son contraire relève d’un même principe. Ainsi l’amour
d’une chose cause la haine de son contraire. » (Saint Thomas I II
29 a2 ad2) C’est pourquoi, dit E. Hello, « cette détestation de
l’erreur est la pierre de touche à laquelle se reconnaît l’amour de la vérité. »
(L’homme, Perrin 1941, p. 214)
Cet amour de la vérité conduit à l’effort constant pour conformer la vie
à la pensée, à faire que la règle de vie soit la vérité tout entière.
Il conduit également à prendre les mesures de prudence nécessaires à la
protection de la vérité et de la foi. L’enseignement et l’exemple de Mgr
Lefebvre sont alors un dépôt précieux. C’est pourquoi nous constatons
« que beaucoup de ceux qui n’ont pas connu le mouvement
traditionaliste et son histoire avant 1988 sont fascinés par la figure de Mgr
Lefebvre. » (Lettre de 16 prêtres de la Fraternité Saint Pierre.
Favorables aux nouveautés, ils désapprouvent cette attirance vers Mgr
Lefebvre. Fideliter, nov.-déc.1999, n°132,
p. 37)
# Obéissance
L’autre fondement à cette indépendance d’esprit est une juste
conception de l’obéissance.
Les ralliés posent comme fondement le sentiment plus que la vérité, leur
préférence plus que la vertu de foi. Ils choisissent l’ancienne messe par préférence
personnelle. Or le supérieur leur commande la nouvelle. Quel motif ont-ils de
ne pas obéir ? Aucun ! En effet, le sentiment et la préférence
personnelle doivent céder devant la volonté du supérieur.
Par conséquent, à tant nous clamer qu’il faut être dans l’obéissance,
eux-mêmes n’y seront vraiment que lorsqu’ils diront ou assisteront exclusivement
à la nouvelle messe. Mais alors qu’en sera-t-il de leur obéissance à Dieu ?
Mgr Lefebvre et ceux qui ont suivi sa ligne de conduite prudentielle sont de
vrais obéissants : désobéir aux supérieurs par nécessité de
demeurer dans l’obéissance à Dieu, à l’Église, et à la foi de toujours.
Mgr Lefebvre a donné en mars 1988 quelques notions sur l’obéissance. Les
voici.
« Les principes qui déterminent
l’obéissance sont connus et tellement conformes à la saine raison
et au sens commun qu’on se
demande comment des personnes intelligentes peuvent affirmer
qu’ils préfèrent se tromper
avec le Pape que d’être dans la
Vérité contre le Pape.
« Ce n’est pas cela que nous enseigne
la loi naturelle, ni le Magistère de l’Église. L’obéissance
suppose une autorité qui donne un
ordre ou édicte une loi. Les
autorités humaines même instituées par Dieu n’ont d’autorité
que pour atteindre le but assigné
par Dieu et non pas pour s’en détourner.
Lorsqu’une autorité use de son
pouvoir à l’encontre de la loi
pour laquelle ce pouvoir lui est
donné, elle n’a pas droit à
l’obéissance et on doit lui désobéir.
« On accepte cette nécessité
de la désobéissance vis-à-vis du père de famille qui encourage sa fille
à se prostituer, vis-à-vis de l’autorité
civile qui oblige les médecins à
provoquer des avortements et à tuer des innocents, mais on accepte à
tout prix l’autorité du Pape qui serait
infaillible dans son gouvernement
et dans toutes ses paroles. C’est
bien méconnaître l’histoire et ignorer ce qu’est en réalité
l’infaillibilité.
« Déjà saint Paul a
repris saint Pierre qui ne « marchait pas
selon la vérité de l’Évangile » (Gal.
II, 14). Ailleurs saint Paul encourage
les fidèles à ne pas lui obéir s’il lui arrivait de prêcher un
autre évangile que celui qu’il a
enseigné précédemment (Gal. I, 8).
« Saint Thomas, quand il parle
de la correction fraternelle, fait
allusion à la résistance de saint
Paul vis-à-vis de saint Pierre et il commente ainsi :
« Résister en face et en
public dépasse la mesure de la correction
fraternelle. Saint Paul ne l’aurait pas fait envers saint Pierre
s’il n’avait pas été son égal en quelque manière... Il faut
cependant savoir que s’il s’agissait
d’un danger pour la foi les supérieurs
devraient être repris par leurs
inférieurs même publiquement.
Cela ressort de la manière et de
la raison d’agir de saint Paul
à l’égard de saint Pierre, dont il était le sujet, de telle
sorte, dit la glose de saint Augustin,
‘que le Chef même de l’Église
a montré aux supérieurs que
s’il leur arrivait par hasard de quitter le droit chemin, ils acceptassent
d’être corrigés par leurs inférieurs’. » (St Th. 2a. 2ae. q.
33. art. 4. ad 2)
« Le cas qu’évoque saint
Thomas d’Aquin n’est pas chimérique
puisqu’il a eu lieu vis-à-vis
de Jean XXII de son vivant. Celui-ci
crut pouvoir affirmer comme une
opinion personnelle que les âmes
des élus ne jouissaient de la vision béatifique qu’après
le jugement dernier. Il écrivit
cette opinion en 1331 et en 1332 il prêcha une opinion semblable
au sujet de la peine des damnés.
Il entendait proposer cette
opinion par un décret solennel.
« Mais les réactions très
vives de la part des Dominicains,
surtout ceux de Paris, et des Franciscains
le firent renoncer à cette opinion en faveur de l’opinion
traditionnelle définie par son
successeur Benoît XII en 1336.
« Et voici ce que dit le
Pape Léon XIII dans son Encyclique
Libertas
praestantissimum du 20 juin
1888 : « Supposons donc une prescription
d’un pouvoir quelconque qui
serait en désaccord avec les principes de la droite raison et avec les
intérêts du bien public (à plus forte raison avec
les principes de la foi), elle
n’aurait aucune force de loi… »,
et un peu plus loin : « Dès que le droit de
commander fait défaut ou que le
commandement est contraire à la
raison, à la loi éternelle, à
l’autorité de Dieu, alors il est légitime de désobéir,
nous voulons dire aux hommes, afin d’obéir à Dieu ».
« Or notre désobéissance est motivée par la nécessité de
garder la foi catholique. Les ordres qui nous sont donnés expriment
clairement qu’ils nous le sont
pour nous obliger à nous soumettre
sans réserve au Concile Vatican II,
aux réformes post-conciliaires et
aux prescriptions du Saint Siège, c’est-à-dire à des orientations et
à des actes qui minent notre foi et détruisent
l’Église, ce à quoi il est impossible
de nous résoudre. Collaborer à la destruction de l’Église,
c’est trahir l’Église et Notre
Seigneur Jésus-Christ.
« Or tous les théologiens
dignes de ce nom enseignent que si
le Pape par ses actes détruit l’Église, nous ne pouvons pas lui obéir,
(Vitoria, Obras, pp. 486- 487 ;
Suarez, de fide, disp. X, sec. VI. n°16 ;
saint Robert Bellarmin, De Rom.
Pont., livre II. c. 29 ; Cornélius a Lapide, ad
Gal. 2, 11, etc...) et il doit être repris respectueusement mais
publiquement.
« Les principes de l’obéissance
à l’autorité du Pape sont ceux
qui commandent les relations entre une autorité déléguée et ses sujets.
Ils ne s’appliquent pas à l’autorité divine qui est toujours infaillible
et indéfectible et donc ne suppose
aucune défaillance.
« Dans la mesure où Dieu
a communiqué son infaillibilité
au Pape et dans la mesure où le Pape
entend user de cette infaillibilité,
qui comporte des conditions bien précises pour son exercice, il ne peut
y avoir de défaillance.
« En dehors de ces cas précis,
l’autorité du Pape est faillible
et ainsi les critères qui obligent à l’obéissance s’appliquent
à ses actes. Il n’est donc pas inconcevable qu’il y ait un devoir
de désobéissance vis-à-vis du
Pape.
« L’autorité qui lui a
été conférée l’a été pour des fins précises
et en définitive pour la gloire de la Trinité, de Notre Seigneur
Jésus-Christ et le salut des âmes.
« Tout ce qui serait
accompli par le Pape en opposition
avec cette fin n’aurait aucune
valeur légale et aucun droit à l’obéissance,
bien plus obligerait à la désobéissance
pour demeurer dans l’obéissance
à Dieu et à la fidélité à l’Église.
« C’est le cas de tout
ce que les derniers Papes ont
commandé au nom de la liberté religieuse et de l’œcuménisme depuis
le Concile : toutes les réformes faites
en ce nom sont dénuées de tout droit et de toute obligation.
Les Papes ont alors utilisé leur
autorité contrairement à la fin
pour laquelle cette autorité leur a été donnée. Ils ont droit à
notre désobéissance.
« La Fraternité et son histoire
manifeste publiquement cette nécessité
de la désobéissance pour
demeurer fidèles à Dieu et à l’Église. Les années 74-75-76
laissent le souvenir de cette joute
incroyable entre Écône et le Vatican, entre le Pape
et moi-même.
« Le résultat fut la condamnation, la « suspens a
divinis », nulle de plein
droit, le Pape abusant
tyranniquement de son autorité
pour défendre ses lois contraires
au bien de l’Église et au bien
des âmes.
« Ces événements sont
une application historique des
principes concernant le devoir de désobéissance.
« Ce fut l’occasion du départ
d’un certain nombre de prêtres amis
et de certains membres de la
Fraternité, effrayés par cette condamnation
et ne comprenant pas ce devoir de désobéir
en certaines circonstances.
« Or douze années ont
passé, officiellement la condamnation demeure,
les relations avec le Pape sont tendues, d’autant plus
que les conséquences de l’œcuménisme approchent de l’apostasie,
ce qui nous a obligés à des réactions
véhémentes.
« Cependant l’annonce d’une consécration
épiscopale le 29 juin dernier émeut Rome, qui décide
enfin de répondre à notre demande
d’une Visite apostolique en
envoyant le 11 novembre 1987 le
Cardinal Gagnon et Mgr Perl. Autant
qu’on a pu en juger par les
discours et réflexions des
Visiteurs, leur jugement est des
plus favorables et le Cardinal
n’hésite pas à assister à la
Messe Pontificale du 8 décembre
que célèbre le prélat « suspens
a divinis ».
« Que conclure de tout cela sinon
que notre désobéissance porte de
bons fruits, reconnus par les
envoyés de l’autorité à laquelle nous désobéissons ?
« Et nous voici affrontés
à de nouvelles décisions à prendre. Nous
sommes plus que jamais encouragés
à donner à la Fraternité les
moyens de continuer son œuvre
essentielle : la formation
de vrais prêtres de la Sainte Église Catholique et Romaine,
c’est-à-dire de me donner des
successeurs dans l’Épiscopat.
« Rome comprend cette nécessité,
mais le Pape acceptera-t-il que les
Évêques soient des membres de la
Tradition ? Pour nous,
il ne peut en être autrement.
Toute autre solution serait le
signe qu’on veut nous aligner sur la Révolution conciliaire, et là
notre devoir de la désobéissance
resurgit immédiatement.
« Les pourparlers sont en
cours et nous connaîtrons bientôt
les vraies intentions de Rome.
Elles décideront de l’avenir. Il
nous faut continuer à prier et à veiller.
Que l’Esprit Saint nous conduise
par l’intercession de Notre-Dame de Fatima. » (Mgr
Lefebvre, « L’obéissance peut-elle nous obliger à désobéir ? »,
29 mars 1988, Fideliter 29-30 juin
1988)
Mieux connaître cette vertu d’obéissance, et ses limites à l’égard de
supérieurs humains, mieux la pratiquer à l’imitation de Jésus Christ,
dont la nourriture était de faire la volonté de son Père, tel est le chemin
où Dieu nous appelle. Tous les saints ont posé la perfection dans la
pleine et aimante soumission à la volonté de Dieu. Suivons leur exemple,
sans concession pour le monde ou la nature, mais dans une fidélité toujours
plus grande à Notre Seigneur. Cela nous conduira peut-être à l’héroïsme
de la sainteté. Mais n’est-ce pas la seule réponse à la décomposition
toujours plus grande du monde et à la crise dans l’Église ?
# Conseils des saints
- Conseil de saint Vincent de Lérins
- « Que
fera donc le chrétien catholique, si quelque parcelle de l’Église vient à
se détacher de la communion de la foi universelle ?
- Quel
autre parti prendre, sinon de préférer au membre gangrené et corrompu le
corps dans son ensemble qui est saint ?
- Et
si quelque contagion nouvelle s’efforce d’empoisonner, non plus seulement
une petite partie de l’Église, mais l’Église tout entière à la fois ?
- Alors
encore, son grand souci sera de s’attacher à l’antiquité, qui, évidemment,
ne peut plus être séduite par aucune nouveauté mensongère.
- Et
si dans l’antiquité même, une erreur se rencontre qui soit celle de deux ou
trois hommes, ou d’une ville, ou même d’une province ?
- Alors,
il aura grand soin de préférer à la témérité ou à l’ignorance d’un
petit nombre, les décrets (s’il en existe) d’un concile universel tenu
anciennement au nom de l’ensemble des fidèles.
- Et
si quelque opinion vient enfin à surgir qu’aucun concile n’ait examiné ?
- C’est
alors qu’il s’occupera de consulter, d’interroger, en les confrontant, les
opinions des ancêtres, de ceux d’entre eux notamment qui vivant en des temps
et des lieux différents sont demeurés fermes dans la communion et dans la foi
de la seule Église catholique et y sont devenus des maîtres autorisés ;
et tout ce qu’ils auront soutenu, écrit, enseigné non pas individuellement,
ou à deux, mais tous ensemble, d’un seul et même accord, ouvertement, fréquemment,
constamment, un catholique se rendra compte qu’il doit lui-même y adhérer
sans hésitation. »[26]
- Conseil de saint Augustin
« Souvent même la divine Providence permet que, par suite de
graves violences partisanes de la part d’hommes charnels, même des justes
soient chassés de la communauté chrétienne. Si les victimes de cet affront
injuste le supportent en toute patience pour la paix de l’Église, sans
fomenter de mouvements soit schismatiques, soit hérétiques, elles donneront
à tous l’exemple de la droiture de sentiment et de la pure charité qu’il
faut apporter au service de Dieu. L’intention de ces hommes-là est donc de
rentrer au port, une fois les bourrasques apaisées ; ou bien, s’ils ne
le peuvent, soit que la tempête se prolonge, soit qu’ils craignent par leur
retour d’en susciter une semblable ou plus furieuse, ils gardent la volonté
de pourvoir au salut de ceux-là mêmes dont les menées séditieuses les ont
obligés à partir, sans jamais s’isoler ni former de coteries, défendant
jusqu’à la mort et servant par leur témoignage la foi qu’ils savent que prêche
l’Église catholique. Leur couronne, ils la reçoivent dans le secret, du Père
qui voit dans le secret. Le cas est rare, mais pas pourtant sans exemple. Il est
même plus fréquent qu’on pourrait croire. »[27]
# En résumé
Le meilleur résumé de tout ce que nous avons examiné se trouve dans les
paroles suivantes de Mgr Lefebvre :
« C’est un dialogue de sourds. Je ne peux pas beaucoup parler
d’avenir, car le mien est derrière moi. Mais si je vis encore un peu et en
supposant que d’ici à un certain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille
nous revoir, reprendre langue, à ce moment-là c’est moi qui poserais les
conditions. Je n’accepterai plus d’être dans la situation où nous nous
sommes trouvés lors des colloques. C’est fini.
« Je poserais la question au plan doctrinal : Est-ce
que vous êtes d’accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui
vous ont précédés ? Est-ce que vous êtes d’accord avec Quanta
Cura de Pie IX, Immortale Dei,
et Libertas de Léon XIII, Pascendi
de Pie X, Quas Primas de Pie XI,
Humani generis de Pie XII ?
Est-ce que vous êtes en pleine communion avec ces papes et avec leurs
affirmations ? Est-ce que vous acceptez encore le serment
anti-moderniste ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de
Notre Seigneur Jésus-Christ ?
« Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il
est inutile de parler. Tant que vous n’aurez pas accepté de réformer le
Concile en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédés, il
n’y a pas de dialogue possible. C’est inutile.
« Les positions seraient ainsi plus claires. »
(Mgr Lefebvre, Fideliter, n°66,
novembre-décembre 1988, p. 12-13)
[1]
Mgr Raffin, NEF, Novembre 1992, p. 15
cité par Dom Gérard, Lettre aux Amis du
monastère n°70. Il cite encore une lettre de Mgr O’Sullivan du 5 juillet 1993 :
« Le Cardinal Innocenti ouvrit la discussion en nous disant qu'il
s'agissait d'une commission temporaire qui travaillait d'elle-même à disparaître. »
[2]
Lettre aux Amis du Monastère n°70.
[3]
Motu Proprio Ecclesia Dei adflicta, 2
juillet 1988 n°5 et n°6.
[4]
Lettre Quattuor abhinc annos, 3 octobre
1984.
[5]
29 juin 1999 cf. Fideliter n° 132,
Nov.-Dec. 1999.
[6]
Cité par Dom Gérard dans sa Lettre aux Amis
du monastère n° 87.
[7]
Bref examen critique, Cardinaux
Ottaviani et Bacci.
[8]
La NEF, n°9, Septembre 1991, p15.
[9]
Abbé Simoulin, Le catéchisme assassiné,
Ed. St. Irénée.
[10]
Sedes Sapientiae n°64, éditée par la
Fraternité St Vincent Ferrier, et citée par la Lettre
aux Amis du Monastère n°87.
[11]
Traduction donnée par le Sel de la Terre
n°30 p. 182.
[12] Sel de la Terre n°30 p. 184.
[13] Le concile Vatican II tient ce même faux langage en affirmant que
l'Église « dans sa tâche de favoriser l'unité et l'amour entre
les hommes considère d'abord ce qui leur est commun. » (Déclaration
sur les religions non Chrétiennes n°1)
[14] La Fraternité Saint Vincent Ferrier, dans ces rapports avec les
modernistes, ne suit pas cette règle de prudence rappelée par Pie XI :
« Des passerelles ont été établies entre des cercles qui
s'ignoraient. Des collaborations intellectuelles se sont dessinées (...)
Des liens se sont tissés à l'occasion d'activités communes (pèlerinages,
congrès, publications). » Sedes
Sapientiae n°64
[15] St. Vincent de Lérins, Commonitorium
c.23
[16] Concile Vatican I, constitution Dei Filius, c.2, F.C. 155
[17] Concile Vatican I, constitution Dei Filius, c.3, F.C.93
[18] Concile Vatican I, constitution Dei Filius, c. 4, F.C.103, citant St.
Vincent de Lérins, Commonitorium, c.
[19] Concile Vatican I, constitution Dei Filius, c. 4, canon 3, F.C.116
[20] Concile Vatican I, constitution Pastor aeternus c.4, F.C.481
[21] Encyclique Pascendi, 1907 ; cf J.B. Lemius, Catéchisme sur
le modernisme, n°182 à 183.
[22] P. de Vaucelles s.j., La catéchèse
comme fait social, novembre 1979, cité par A. de Lassus, La
catéchèse française, AFS, supplément au n°151, p. 14.
[23] P. Van Munster, secrétaire générale de la conférence épiscopale de
Hollande, dans une conférence intitulée : « L’Église
catholique en Hollande - Histoire récente et projets », publiée
par la conférence épiscopale française en 1981, cité par A. de Lassus, La
catéchèse française, AFS, supplément au n°151, p.18-19.
[24] Benoît XV, Encyclique Ad beatissimi
Apostolorum, 1er novembre
1914.
[25] « 1- Examinez à fond l'intention avec laquelle vous
agissez. L'amour avec lequel vous agissez est mille fois plus important que
l'exactitude matérielle que vous apportez dans vos actions. 2- Examinez pour
voir si votre cœur est entièrement libre : a- par rapport aux
personnes ; b- par rapport aux occupations, étant disposé à tout
moment à changer d'occupation au moindre signe de la divine volonté ;
c- par rapport aux choses, ne tenant à rien, ni pour vous, ni pour les autres,
si la charité le demande. » (Dom Marmion, L'union
à Dieu, DDB 1937, p. 23)
[26] Saint Vincent de Lerins, Commonitorium
c. 3
[27] De vera religione, 6, 11. Trad.
Pegon. Bibliothèque augustinienne, Desclée de Brouwer.