SOURCE - Abbé Ludovic Girod, fsspx - La Sainte Ampoule (bulletin) - avril 2013
Nous qui avons reçu le don de la foi, nous pouvons nous demander d’où vient ce don, qui l’a produit en nous. La réponse est immédiate : la foi vient de Dieu, elle n’est pas une production humaine qui se retrouverait, sous des formes diverses mais également respectables, partagée par toute l’humanité.
Le catéchisme nous l’enseigne en quelques mots : la foi est une vertu surnaturelle parce qu’elle a pour principe la grâce divine (c’est sa cause efficiente), parce qu’elle a pour objet les vérités révélées par Dieu (cause formelle) et parce qu’elle a pour fin le salut éternel (cause finale). Notons ici que le foi n’a pas pour but de nous aider à supporter les difficultés de la vie, d’affronter les épreuves avec une hauteur de vue qui manque aux incroyants. Elle n’a pas un but naturel, mais surnaturel : la vie éternelle en Dieu, même si déjà sur la terre elle nous aide grandement.
Mais revenons à l’origine de la foi. Saint Thomas d’Aquin se pose cette question dans sa Somme théologique (IIaIIae, Q 6, art. 1) : « la foi est-elle infusée par Dieu ? ». Il répond par l’affirmative, en s’appuyant sur une citation de saint Paul aux Ephésiens : « C’est par la grâce que vous avez été sauvés dans la foi, et non point par vous-mêmes, afin que nul ne se glorifie : c’est en effet un don de Dieu » (II, 8-9). Nous pourrions ajouter cette affirmation de Notre Seigneur dans l’évangile de saint Jean : « Personne ne vient à moi si mon Père ne l’attire » (VI, 44).
Saint Thomas explique ensuite que deux éléments sont requis pour produire la foi :
1) Que des vérités à croire soient proposées à l’homme (la foi vient donc d’une révélation extérieure et non du tréfonds de la conscience). Cette condition est nécessaire pour que l’homme croie quelque chose de manière explicite.
2) Que l’homme donne son assentiment intérieur aux vérités qui lui sont proposées.
Quant au 1er point, la foi vient nécessairement de Dieu, car les vérités de foi dépassent les capacités de la raison humaine. Elles ne viendraient même pas à l’esprit si Dieu ne nous les révélaient . A certains, Dieu les a révélées immédiatement, comme les prophètes, les écrivains sacrés, les apôtres : c’est le magistère prophétique qui constitue le dépôt de la foi. Au grand nombre, dont nous faisons partie, Dieu les propose en envoyant les prédicateurs catholiques qui exposent fidèlement le contenu du dépôt de la foi. Le magistère prophétique est terminé depuis la mort du dernier des apôtres : l’Eglise désormais transmet ce qu’elle a reçu, tout en essayant d’avoir une meilleure compréhension de ces vérités. Aucune vérité ne peut s’ajouter. Ceux qui parlent d’une nouvelle Pentecôte ou d’un concile prophétique a propos de Vatican II tombent dans une grave erreur.
Quant au second point, l’assentiment intérieur de l’homme aux vérités de la foi, saint Thomas énumère deux causes :
1) Une cause extérieure, comme un miracle accompli devant nous, la prédication lumineuse des dogmes de la foi, ou encore une action plus personnelle, comme un acte de charité, qui touche l’âme et l’ouvre à l’influence de la grâce divine. Mais ces causes ne sont pas suffisantes : tous les témoins d’un miracle, tous les auditeurs d’une brillante prédication, tous les bénéficiaires des oeuvres de miséricorde ne se convertissent pas. Si Emile Zola et Alexis Carrel firent tous les deux un voyage à Lourdes, seul le Docteur Carrel s’ouvrit à la foi.
2) Il faut donc une cause intérieure à l’homme qui, du dedans, le porte à adhérer aux vérité de foi, ces vérités qui dépassent les capacités de la raison et dont nous n’avons pas l’évidence intrinsèque. L’homme qui croit est élevé au-dessus des forces de sa nature, il est mu du dedans pas la grâce de Dieu (une grâce actuelle qui peut l’amener, par l’espérance et la charité, jusqu’à la grâce habituelle).
Saint Thomas cite l’erreur des pélagiens (hérétiques du Ve siècle qui suivaient l’enseignement du moine Pélage) pour lesquels, si l’achèvement de la foi vient bien de Dieu, son commencement vient du libre arbitre de l’homme, sans aide de la grâce. Comme le montre saint Thomas, Dieu ne nous rejoint pas en cours de route dans l’oeuvre du salut : nous ne pouvons faire aucun pas sans lui, et encore moins le premier que les autres.
L’article suivant de la Somme examine le cas particulier de la foi dite informe. La foi informe est la foi de celui qui n’est pas en état de grâce. Alors que la privation de la grâce entraîne la disparition dans l’âme des vertus surnaturelles et des dons, la foi demeure cependant, sauf dans le cas d’une faute spécifique contre la foi. Dieu laisse dans l’âme du pécheur un vestige de sa présence, qui ne peut produire à lui seul de fruits surnaturels, mais sur lequel s’appuient les grâces de conversion que le Bon Dieu enverra par la suite. La foi informe est encore un don gratuit de Dieu.
Comme l’écrit le Père Bernard, dans son commentaire de l’édition de la Revue des Jeunes : « La foi est faite de la rencontre de deux choses, d’une grande proposition extérieure et objective et d’une ferme adhésion intérieure et subjective. D’un côté comme de l’autre, Dieu est au fond le seul qui soit cause de tout : toutes les autres influences sont causes secondes et instrumentales aux mains de Dieu ; il demeure la cause première et principale ».
Les modernistes n’aiment pas parler de la grâce sanctifiante, de la vie surnaturelle, du Ciel et de l’Enfer. Pour eux, tous les hommes sont effectivement sauvés, même s’ils ne le savent pas encore. Bon, il y a quand même des exceptions : tous ces intégristes nostalgiques de la Chrétienté médiévale et qui s’obstinent à croire à l’Enfer. La foi pour eux n’est pas tant l’adhésion de notre intelligence, sous l’influence de la grâce, aux vérités révélées par Dieu. Elle est décrite comme une rencontre avec le Christ, une expérience religieuse qui éclaire notre vie, nous donne la paix et la confiance dans nos difficultés. Mgr Herbreteau, évêque d’Agen, écrit ainsi dans son message de Carême 2013 : « Je suis convaincu que croire en Lui permet, non pas de résoudre les grandes questions de l’existence, mais de donner une cohérence et une finalité à notre vie. D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Comment trouver le bonheur ? Pourquoi le mal ? Toutes ces questions qui nous taraudent, quelles que soient notre situation sociale, notre âge, notre état de santé, nos tristesses ou nos joies, trouvent dans la foi au Christ une signification apaisante ».
De plus, toutes les religions peuvent amener les âmes à Dieu. La foi d’un musulman ou d’un juif, d’un animiste ou d’un hindouiste sera une voie pour le salut, même si l’Eglise seule possède l’intégralité des moyens du salut. On en arrive à ce paradoxe étonnant : même un athée de bonne volonté (sic !) est en réalité en marche vers Dieu. C’est la raison pour laquelle Benoît XVI a invité des personnalités athées à se joindre à la cérémonie inter-religieuse d’Assise en 2011. Ce n’est plus tant l’obligation de rechercher la vraie religion et la liberté de la professer qui importe que la liberté de professer la religion de son choix et l’obligation pour les Etats de ne pas rechercher la vraie religion. Mais à force d’enseigner que toute foi vient de Dieu, nous voyons bien qu’elle n’est plus qu’une construction humaine qui perd toute transcendance, un plus dans ma vie, la réponse à une religiosité naturelle.
Notre foi vient de Dieu : nous devons chaque jour le remercier pour ce don qui nous dispose à la vie éternelle, qui nous permet de croire ici-bas aux vérités que nous contemplerons dans l’éternité bienheureuse, quand nous verrons Dieu face à face.
Abbé Ludovic Girod