Les Chapelles-Bourbon, le 5 octobre. La messe
en latin célébrée par l’abbé Baumann (de dos) attire des fidèles venus de loin. |
SOURCE - Éléonore Sok-Halkovich - Le Parisien - 15 novembre 2014
Une église a été confiée aux adeptes de la messe traditionnelle. C'est le quatrième lieu officiel de ce culte recensé dans le département.
Ce dimanche matin, les chants grégoriens résonnent sous la coupole blanche de l'église Saint-Vincent, aux Chapelles-Bourbon. Depuis la rentrée, la messe moderne a cédé sa place à la messe en latin. Ses adeptes étaient contraints de se réunir dans une grange de Tournan-en-Brie depuis plus d'une dizaine d'années. Ils disposent désormais des clés de cet édifice du XVIII e siècle tous les dimanches matin, de 10 h 30 à 12 heures.
Le nouveau public de fidèles -- plus jeune et plus familial -- fait presque salle comble. Dos à l'assemblée, l'abbé Vincent Baumann mène l'office en alternant latin et français. Ici, personne ne se ménage ; assis, debout, à genoux, on chante de tous ses poumons, avec la chorale de jeunes gens aux voix angéliques.
L'actualité politique est commentée en français
La parole sacrée s'efface lorsque, pendant l'homélie, le jeune abbé évoque des sujets d'actualité et n'hésite pas à faire un peu de politique. « Les deux dangers que nous rencontrons, c'est ce gouvernement aux pieds d'argile et le synode sur la famille, ce sont des Goliath qui essaient d'abattre notre sainte mère l'Eglise », martèle-t-il.
Des allusions qui ne gênent pas Pierre-Alain, 34 ans, venu d'une ville avoisinante avec sa femme et ses sept enfants. « L'abbé en parle car il y avait une manifestation ce jour-là ( NDLR : la Manif pour tous). Il y a des choses que l'Eglise défend, mais la messe n'est pas faite pour ça », tempère-t-il. Son épouse, Magalie, 35 ans, s'est tournée vers le rite tridentin pour sa force d'évocation. « En me concentrant sur la langue, je parviens vraiment à m'évader. J'ai l'impression de sortir du temps pour traverser les siècles », analyse-t-elle. « J'ai grandi dans une famille baignée de modernisme avec des parents progressistes, raconte de son côté Françoise, 54 ans. Je suis à la recherche du beau. En latin, je ressens plus la foi. »
C'est Benoît XVI qui a tendu la main aux traditionalistes
Cette mère de famille a connu l'office dans la grange de Tournan, mené par l'abbé de Tanoüarn de la Fraternité Saint-Pie-X (Paris Ve). « On se sentait mis à l'écart, et les conditions étaient rudes : il faisait froid, l'hiver, la neige entrait. Alors pour nous, c'est une reconnaissance d'être ici », raconte-t-elle. « Il y avait une hostilité dans les années 1970-1980, reprend Pierre-Alain. La situation a beaucoup évolué. Désormais, les gens sont plutôt neutres, voire intrigués. »
« Ces fidèles ont fait une démarche auprès de l'évêque, relaie le père François Corpechot, responsable du pôle de Mormant auprès de l'archevêché. Il n'avait pas accédé à la demande des intégristes se réclamant de Mgr Lefèvre, de la Fraternité Saint-Pie-X. Le Centre Saint-Paul (Paris IIe), auquel est rattaché l'abbé Baumann, est traditionaliste, mais il fait partie de l'Eglise. C'est un signe d'ouverture afin d'inciter à la rencontre et au dialogue. » Depuis que le pape Benoît XVI a tendu la main aux catholiques traditionalistes en 2007, le nombre des messes tridentines a doublé. Chaque dimanche en Seine-et-Marne, des messes en latin sont aussi célébrées à Fontainebleau, Meaux et Melun. Dans toute la France, l'Association Ad Majorem Dei Gloriam (AMDG) en répertorie plus de 280.