SOURCE - Rorate Caeli - version française par Riposte Catholique - 15 novembre 2014
Il nous a paru intéressant de publier la traduction de cet article de Don Pio Pace paru sur le blogue américain Rorate Cæli, le 13 novembre dernier.
L’assemblée extraordinaire du Synode des Évêques était à peine terminée que les partisans de la libéralisation de la discipline de l’Eglise concernant l’indissolubilité du mariage ouvraient un second front, celui de la « simplification » des procédures canoniques de la déclaration de nullité.
La rétrogradation du cardinal Burke de son poste de préfet de la Signature apostolique trouve dans cette affaire sa véritable signification. Son rôle dans la nomination des évêques pour les États-Unis sous Benoît XVI ne suffit à expliquer sa rétrogradation, parce que, pour neutraliser son influence, il suffisait (comme cela a été fait) de le retirer de la Congrégation pour les évêques, où il a été remplacé par le cardinal Wuerl. Mais à sa place de « Premier Juge » de l’Église romaine, il était un obstacle sérieux à la réalisation d’un projet actuellement à l’étude : faire des procédures de déclaration de nullité un « divorce catholique » dans le nom.
Les grandes lignes de ce projet, sans doute déjà relativement réglé en secret, peuvent se résumer en quatre points:
1. Une considérable accélération et simplification de la procédure. Actuellement, la procédure (constitution des dossiers, instruction, audition des époux, des témoins, des experts, plaidoirie, et puis ensuite deuxième instance) prend généralement un an et demi, ce qui n’est pas très long, étant donné qu’il s’agit de déclarer inexistante une promesse faite pour toute la vie. La procédure nouvelle serait réduite à quelques mois. Cela suppose un accroissement du personnel des tribunaux diocésains qui sont déjà engorgés, ce qui est pratiquement impossible dans de nombreux pays. Ce qui est donc envisagé, c’est un examen sommaire de chaque cause.
2. La suppression de la double confirmation. Dans la discipline actuelle, extrêmement sage et prudente compte tenu de ce qui est en jeu, afin d’atteindre avec certitude une décision qui soit aussi objective que possible, quand un jugement de nullité a été formulé par un collège de trois juges, l’ensemble du processus est alors obligatoirement soumis à un appel automatique pour une confirmation en deuxième instance, avec nouvel examen du dossier et prononcé d’une nouvelle décision. Si la deuxième décision est identique à la première, le premier jugement (de nullité ou non) est confirmé. Sinon, il est rejeté. La partie demandant une déclaration de nullité peut alors déposer un recours devant le Tribunal de la Rote romaine, qui sert de troisième instance de jugement. Dans le projet actuellement à l’étude, il n’y aurait plus besoin de confirmation par une seconde délibération.
3. La déclaration de nullité consiste à dire que, au moment du mariage, le consentement des époux n’a pas vraiment existé. Le Code de Droit Canonique prévoit un certain nombre de cas de nullité matrimoniale : incapacité de contracter un mariage en raison de l’absence d’un usage suffisant de la raison (Can 1095) ; exclusion du mariage lui-même en raison du rejet d’éléments essentiels, tels que la fidélité à un seul conjoint ou que l’indissolubilité (Can 1101) ; erreur sur la personne, tromperie, violence, et aussi l’incapacité pour des raisons psychiques à assumer les obligations du mariage (généralement, l’immaturité : canon 1095 § 3). De fait, les cause les plus importantes des nullités de mariage sont souvent que les contractants souffrent« d’un grave défaut de discernement concernant les droits et devoirs dans le mariage », ou que « pour des causes de nature psychique, [ils] ne peuvent assumer les obligations du mariage ». Les tribunaux laxistes (ceux des États-Unis sont souvent cités, mais il y en a beaucoup d’autres) se basent principalement sur cette dernière raison: le manque de maturité des époux, ou de l’un d’eux. Une manière très simple de transformer les déclarations de nullité dans un « divorce catholique » serait donc d’élargir la jurisprudence sur la question de la définition de l’immaturité qui rend le consentement inexistant, ce que les décisions des tribunaux romains peuvent facilement réaliser. A 20 ou 30 ans, ou même plus, on est toujours plus ou moins immature
4. La considération de l’absence de la foi de l’un des conjoints. Une idée qui gagne le monde ecclésiastique est que, dans un certain nombre de cas, les époux qui contractent un mariage sacramentel n’ayant pas la foi catholique, leur mariage serait invalide. Cette thèse va à l’encontre doctrine catholique sur les sacrements, qui distingue leur validité de leur fructuosité. Le réalisme sacramentel exige en effet que l’acte sacramentel soit un acte humainement perceptible, constitué par un rite établi par l’Église. Si le rite est utilisé d’une manière sérieuse, la validité de l’acte sacramentel est présumée, même si le ministre ou le sujet n’a pas la foi catholique (principede l’ex opere operato). Par exemple, les fidèles qui assistent à une messe n’ont aucune obligation de contrôler si le prêtre célébrant croit ou non en la présence réelle dans l’Eucharistie, tant qu’il accomplit avec sérieux le rite prescrit par l’Église. Les séminaristes ordonnés jadis dans les pays communistes n’avaient pas à se préoccuper de la possibilité que leur évêque aurait pu être un agent communiste caché. On peut (hélas!) recevoir le baptême ou la confirmation validement, pour de mauvaises fins, sans avoir la foi. Naturellement, l’acte sera sacrilège et la grâce sacramentelle sera empêchée par cet obstacle, mais il n’aura pas lieu de le réitérer ou de le contester. De la même manière, si l’un des conjoints n’a pas la foi catholique, ou les deux, mais s’ils sont tous deux baptisés dans l’Eglise et veulent se soumettre librement au rite catholique du mariage, ils s’unissent validement.
Il est vrai que dans ce cas, le manque de foi peut influencer l’acceptation des fins du mariage, qui sont de l’ordre naturel mais que l’Eglise catholique est l’une des rares institutions à reconnaître. En fait, la vraie raison de la nullité dans un tel cas ne sera pas l’absence de foi, mais ce à quoi peut conduire parfois cette absence, par exemple, le refus de l’indissolubilité du mariage. Mais la fabrication d’un empêchement « non-foi » conduirait à des absurdités : le sacrement devrait être refusé lorsque l’un des futurs époux (ou les deux) dit qu’il n’a pas la foi catholique (le plus souvent il se demande s’il a vraiment la foi). Faudrait-il imaginer une « dispense de foi » accordée par l’évêque pour procéder au mariage, comme il doit accorder une dispense lorsqu’un des époux n’est pas baptisé, ou est baptisé dans une autre confession chrétienne ?
+
Les hommes qui portent ce projet de réforme libérale des déclarations de nullité sont très divers: des « politiques », comme le cardinal hondurien Oscar Maradiaga, Président du Conseil des cardinaux nommés par le pape pour réfléchir sur la réforme de la Curie romaine, des « penseurs », comme Mgr. Vincenzo Paglia, président du Conseil pour la Famille, qui a ébloui Benoît XVI par son panache de « sociologue théologien » et sa connaissance des anthropologues contemporains, des membres Du haut appareil judiciaire comme Mgr Pinto, Doyen de la Rote romaine, enfin des « seconds couteaux », comme Mgr Maurice Monier, auditeur de la Rote romaine, qui aimerait établir les annulations fondée sur l’absence de foi.
Il est indéniable qu’un problème pastoral majeur existe aujourd’hui : la vérification de la véracité de l’accord des époux concernant l’indissolubilité du mariage et l’accueil des enfants lors des préparations au mariage. On entend souvent dire que la majorité des mariages sacramentels actuels ne seraient pas valides. De là la conclusion : il faut beaucoup élargir la possibilité de déclarer les nullités. C’est un argument spécieux. Si il est vrai, en effet, qu’un grand nombre de mariages contractés actuellement sont nuls et de nul effet, ce fait est dû à l’insuffisance des précautions prises lorsque les candidats au mariage sont reçus afin d’assurer leur consentement. En fait, l’affirmation que 80% des mariages actuellement célébrés sont nuls et non avenus – une affirmation qui est attribuée à François, en regard de laquelle on a souligné que de très nombreuses annulations étaient accordées par les tribunaux ecclésiastiques Buenos Aires – devrait logiquement conduire à un très grand « rigorisme » : il faudrait refuser la célébration du sacrement du mariage à 80% de ceux qui le demandent et n’admettre comme « dignes » que 20% des demandeurs ! Parce que continuer à célébrer des mariages qu’on affirme par ailleurs sans valeur, et ensuite les déclarer nuls avec une procédure sommaire dès que des difficultés surviennent entre les conjoints, serait se moquer du sacrement et scandaliser ceux qui le reçoivent. Il est vrai que ce nouveau mariage sacramentel si facile à défaire serait beaucoup plus attrayant pour les couples modernes : le nombre des mariages, devenus des mariages au rabais, recommencerait d’augmenter …
Et afin de faire avancer ce projet dans l’opinion ecclésiastique, en particulier parmi les évêques, il est présenté comme une solution « centriste » « raisonnable », qui tient compte des réalités « pastorales », projet à égale distance du « extrêmes » qui se sont manifestés au Synode : au nom d’une pastorale de « bon sens », l’indissolubilité du mariage serait ainsi contournée.
+
Le fait est que la situation du mariage catholique aujourd’hui est extrêmement alarmante. Il est indéniable que de grands efforts doivent être faits en ce qui concerne la préparation des fiancés afin de les sensibiliser sur la beauté et les exigences de ce qu’ils envisagent. Là, comme dans tant d’autres domaines, le défi pour l’Eglise de demain est celui de la bonne transmission du catéchisme.