SOURCE - Abbé Bouchacourt, fsspx - Le Chardonnet (bulletin de St Nicolas du Chardonnet - octobre 2002
A chaque rentrée paroissiale, résonnent du haut de la chaire les appels pathétiques du curé pour appeler à venir renforcer les rangs de la chorale, prêter main forte à 1'équipe du ménage, inscrire ses enfants au catéchisme, ou dans un mouvement dans lequel ils pourront se dévouer etc., etc.
A chaque rentrée paroissiale, résonnent du haut de la chaire les appels pathétiques du curé pour appeler à venir renforcer les rangs de la chorale, prêter main forte à 1'équipe du ménage, inscrire ses enfants au catéchisme, ou dans un mouvement dans lequel ils pourront se dévouer etc., etc.
Ces appels suscitent deux sortes de réaction. Il y a d'abord les indifférents, ceux qui ne se sentent jamais concernés par ce qu'ils entendent et qui, par contre, savent à qui ces paroles s'adressent... Ceux-là sont incurables, ils font et feront le désespoir des curés jusqu'à la fin des temps. Lorsqu'ils arriveront devant saint Pierre, au terme de leur vie, les mains vides, ils trouveront probablement très injuste la sentence divine les concernant et diront pour leur défense: « Mais qu'avons-nous fait pour mériter cela?» et Dieu leur répondra: « Rien, et c'est bien là votre tort».
Il y a ensuite, ceux qui, en entendant les ?aroles de leur curé, se sentent interpellés et gUI, avec enthousiasme, vont s'inscrire immédiatement après la messe; qui à la chorale, qui aux scouts, qui au ménage. .. C'est alors un plaisir de rencontrer les responsables de ces différents services, la rayonnante qui. pleins de reconnaissance, remercient leur pasteur chaleureusement pour ses paroles convaincantes. Ces mêmes responsables, la semaine écoulée, la mine défaite, viennent lui annoncer que sur les dix inscrits de dimanche dernier, deux se sont présentés et qu'un seul persévérera. Comment expliquer ce syndrome qui frappe toutes les paroisses et les prieurés d'aujourd'hui?
Le monde dans lequel nous vivons, nourrit chez nous tous un individualisme forcené. Il faut vivre dans l'instant, jouir le plus possible et agir comme je veux, quand je veux. .. La notion du bien commun, du service gratuit est totalement ignorée et méprisée. Force est de constater que nous-mêmes, dans nos milieux, nous n'en sortons pas indemnes.
Il faut se rappeler cette phrase de l'Évangile: « Le Christ est venu, non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » Mt.XX,28. Ce que le Christ a fait pour nous racheter, nous, enfants de Dieu, coupables de L'avoir offensé, responsables de Ses souffrances durant la Passion, nous avons le devoir de l'imiter en servant à notre tour. Ce service est l'aumône de notre temps que nous offrons à Dieu pour réparer nos péchés, mériter Sa grâce et Le louer. Ce temps que Dieu nous donne, nous aurons a en rendre compte un jour.
Rendre service exige de l'abnégation, de la persévérance, de la constance et beaucoup d'humilité. Dès lors que l'on s'inscrit à telle ou telle œuvre, il faut s'y tenir: car c’est notre devoir d'état, sauf raison grave. De notre fidélité dépend aussi la persévérance de beaucoup d'autres personnes. Ainsi nous servons le bien commun. Pourquoi reste-ton si sourd aux appels? Pourquoi tant d'abandons? Parce que l'on veut se servir en rendant service! La constance qui est demandée exige de faire des choix pour durer dans l'accomplissement de sa tâche. Il faudra organiser sa vie en fonction des engagements pris et non renoncer à ces engagements à la première gêne rencontrée. Voilà le martyre du devoir d'état, l'héroïsme des saints. Ah ! certes, cela est pesant, nous ne serons pas toujours remerciés comme nous le désirerions mais savoir que Dieu voit tout, compte tout et que cela Lui plait, nous aidera à persévérer. C’est la pureté d’intention qui sera récompensée par Dieu au centuple de sa valeur. Quel placement !..
Ce qui fait le malheur de nos contemporains, c'est l'impossibilité qu'ils ont de porter la croix que Dieu place sur leurs épaules afin de mériter le ciel. Le paradis se conquiert... Comme vous le savez, on ne juge de la valeur d'un soldat que dans le combat et non dans la paix, de même que l'on apprécie l'amitié d'une personne à la fidélité qu elle nous manifeste lorsque l'épreuve nous touche. Dieu aime notre fidélité dans la constance de nos combats quotidiens. Il nous demande de Le servir sans nous servir en accomplissant Sa volonté.
Si notre siècle comprenait cela, il serait moins malheureux. A commencer par ces époux qui envisagent de se séparer dès que des dissensions se font jour sans regarder ce qu'il faudrait corriger pour sauver leur foyer. L'instant incline à la séparation, le bien commun exige l'union. C'est ce même esprit qui tue la pratique religieuse chez beaucoup. On ne va à la messe que lorsque l'on en salut de nos âmes. Il en ira de même pour la prière que l'on maintiendra tant qu'y sont jointes des consolations, mais, dès que l’aridité nous touche, alors on l'abandonne. Je citerai le bienheureux Jean d'Avila pour vous convaincre de l'erreur de telles attitudes: « Mieux vaut mille fois être dans les labeurs des aridités et des tentations, par la volonté de Dieu, que de goûter de célestes suavités dans la contemplation en dehors de cette divine volonté ».
Ce désir de se servir dans le service empoisonne la société, telles les autorités civiles qui nous gouvernent et qui, pour continuer à plaire, sacrifient à l'opinion publique des mesures nécessaires pour sauver la société; c'est de la démagogie et l'on en meurt! L'autorité est un service, une abnégation de soi-même. Ce virus a atteint aussi l'Église; voyez les Journées mondiales de la jeunesse qui rassemblent des foules immenses sans aucun profit. Les statistiques sont là, implacables. Au lendemain des J.M.J. de 1997, en France, il n'y eut ni remontée des vocations, ni augmentation de la pratique religieuse. Ces rassemblements sont purement émotionnels et sans lendemain. Les autorités-ecclésiastiques; en les organisant; suscitent les acclamations, elles s'illusionnent, elles se servent elles-mêmes et desservent l'Église. Pour sortir de cette crise qui n'en finit pas il faudrait que les prêtres reprennent leur service dans les confessionnaux obscurs, qu'ils enseignent le catéchisme et les vérités divines dans l'humilité des salles paroissiales. Il faut enfin que la messe nous soit rendue, chaque jour, dans chaque église, sur chaque autel. C'est cela le service du prêtre et des évêques, rien que cela, tout cela!
Alors, chers amis, n'oubliez pas, à l'occasion de cette rentrée, de vous donner sans compter, sans calcul; vous arracherez ainsi du Cœur de Notre-Seigneur les grâces si nécessaires pour votre salut. Il faut pour y parvenir une âme forte, de cette force qui, comme le disait Cicéron, « est une manière consciente d’affronter les périls et de supporter les labeurs ».
Bon courage à tous!