SOURCE - Bertrand Y. (blog) - 22 mars 2016
Suite à notre article Le pape Léon XIII et « la plus grande des nations », il est bien naturel que nous répondions à la nouvelle attaque contre ce pape qui vient de paraître dans un périodique pourtant plutôt catholique et non progressiste, comme, semble t il, dans un nouveau livre sur la question du « Ralliement » dont il est fait la recension mais nullement la critique. Sous la plume cléricale de son rédacteur en chef, l’article s’intitule Aux origines de la crise de l’Eglise,, ce qui donne d’emblée la tendance.
Suite à notre article Le pape Léon XIII et « la plus grande des nations », il est bien naturel que nous répondions à la nouvelle attaque contre ce pape qui vient de paraître dans un périodique pourtant plutôt catholique et non progressiste, comme, semble t il, dans un nouveau livre sur la question du « Ralliement » dont il est fait la recension mais nullement la critique. Sous la plume cléricale de son rédacteur en chef, l’article s’intitule Aux origines de la crise de l’Eglise,, ce qui donne d’emblée la tendance.
Le pape, élu en 1876, est accusé de ne pas avoir tenu compte du contexte, alors, très favorable à une nouvelle restauration de la monarchie en France, en ayant voulu, dès cette date, dit on, « le ralliement massif des catholiques français à la République ». A supposer que cela soit avéré, il l’est également qu’en fait il ne leur demandera de se soumettre (jamais le pape n’a utilisé l’expression très tendancieuse de « ralliement à la République » que l’on doit aux catholiques qui ont voulu justifier leur désobéissance en le discréditant) au gouvernement en place qu’en 1892 (encyclique « Au milieu des sollicitudes ») ; ce qui prouve donc qu’il a agi sans précipitation mais au contraire après enquête approfondie et mûre réflexion. Comme nous l’avons déjà montré, il n’a cependant pas probablement pris la juste mesure du degré de haine du catholicisme chez ces gouvernants, par excès de bonté, lui. Or, à cette dernière date, les circonstances étaient notablement différentes de la première car la IIIème république était désormais bien établie. De plus, le comte de Chambord, l’aîné des prétendants au trône de France conformément à la loi salique, qui avait été, en effet, plébiscité par une majorité de députés, juste après la chute du Second Empire (1870), avait, en réalité, depuis cette même époque, renoncé à régner pour une raison déterminante, inconnue de la plupart mais très vraisemblablement pas du pape, qui est à elle seule toute une histoire dans l’histoire... Enfin, on était de nouveau dans une crise ouverte de persécutions contre la suprématie de l’Eglise dans la société civile à laquelle il convenait sans doute de ne pas ajouter des motifs de tension entre les deux protagonistes.
On lui fait surtout, au fond, le grief d’être un pape démocrate, d’avoir une prétendue inclination vers le régime démocratique, manifestement honni par notre auteur car, en tant que tel, nécessairement porteur, selon ce dernier, d’une législation antichrétienne. Alors que ce pape ne fait qu’être fidèle à la doctrine on ne plus catholique au travers de la pensée de son docteur commun, Saint Thomas d’Aquin, qui reconnaît aussi bien la démocratie que la monarchie comme régimes politiques bons en eux-mêmes que des catholiques peuvent donc légitimement soutenir, étant donné que tout Etat, à la différence de l’Eglise et d’elle seule, peut changer de régime politique. Ce n’est donc pas la république en tant que telle qui est coupable d’attaquer l’Eglise mais certains sectaires bien connus qui s’en sont rendu les maîtres à leurs fins partisanes (sinon il faudrait dire aussi que l’Eglise catholique est mauvaise car en son nom, les modernistes qui y ont pris tous les pouvoirs, font tout le mal que l’on sait!).
Fort de cette confusion, on ne craint pas de mettre ce « démocratisme » soi disant papal sur le même plan que le modernisme ; et d’en faire le péché originel de la crise présente dans l’Eglise. Rien que cela ! Quel crime invraisemblable chez ce pape si orthodoxe, auteur d’encycliques magistrales contre la franc-maçonnerie et le libéralisme, entre autres! Ce n’est pas parce que de soi disant catholiques d’aujourd’hui veulent changer le gouvernement de l’Eglise de monarchie en démocratie, ce à quoi Léon XIII était certainement à mille lieux de penser, qu’il existe en soi un lien nécessaire entre accepter la démocratie pour un Etat et ce « démocratisme spirituel ». Et le modernisme, qu’en tant que thomiste convaincu ce pape réprouvait sans aucun doute totalement, est infiniment plus que lui la cause majeure de la crise présente. On est en plein délire, en pures vues de l’esprit, comme avec ce rêve du pape tout autant invraisemblable de pouvoir compter sur ce gouvernement français et républicain, qui en 1892 combat ouvertement l’Eglise, pour reconstituer les Etats pontificaux (comme s’il pouvait avoir oublié les déconvenues de Pie IX avec le Second Empire)!
N’est ce pas, en fait, par esprit partisan et maurrassien que ce grand pape est condamné si injustement, que son orthodoxie est gravement mise en cause pour une question nullement de foi (les divers régimes politiques possibles), que de se permettre de juger ainsi de haut ce successeur de Pierre? Qui plus est, un bon siècle après l’évènement, avec la connaissance très approximative qu’on peut avoir des circonstances que lui connaissait, à l’évidence, de façon beaucoup plus complète et précise.
Peut être n’est il pas inutile de préciser que, si Maurras eut quelques mérites dans le combat contre le progressisme, en général, et, dans une certaine mesure, dans la défense de l’action bénéfique de l’Eglise, il était en philosophie bien plus disciple d’un Auguste Comte que de l’Aquinate (et, ceci pouvant expliquer cela, n’avait pas la foi).
Avec ce dernier, notre maître à nous, nous n’avons bien sûr rien contre le régime monarchique en soi, à l’opposé des progressistes ; mais nous n’avons aussi rien contre le régime démocratique en soi ; étant entendu que chacun de ces régimes a ses propres avantages et inconvénients, ce pourquoi l’Ange de l’Ecole leur préférait, d’ailleurs, un régime mixte dans lequel les avantages des deux s’ajoutent mais les défauts se neutralisent. A bon entendeur salut!
Bertrand Y., le 18 mars 2016