SOURCE - Paix Liturgique - Lettre 534 - 22 mars 2016
Ce lundi 14 mars 2016, le cardinal Raymond Leo Burke était à Paris pour présenter son livre La Sainte Eucharistie, sacrement de l’Amour divin, qui vient de sortir aux éditions Via Romana et qui s’ouvre par un entretien donné par le cardinal à l’abbé Claude Barthe, dont nous avions eu le privilège de publier en avant-première, l’été dernier, quelques morceaux choisis (voir notre lettre 499).
Ce lundi 14 mars 2016, le cardinal Raymond Leo Burke était à Paris pour présenter son livre La Sainte Eucharistie, sacrement de l’Amour divin, qui vient de sortir aux éditions Via Romana et qui s’ouvre par un entretien donné par le cardinal à l’abbé Claude Barthe, dont nous avions eu le privilège de publier en avant-première, l’été dernier, quelques morceaux choisis (voir notre lettre 499).
Dans le droit fil de cet entretien, au cours duquel le cardinal voyait dans le Motu Proprio Summorum Pontificum « l’expression la plus haute de la pensée du cardinal Ratzinger », nous vous proposons cette semaine quelques-uns des propos tenus la semaine dernière par le cardinal Burke, en introduction à une conférence de presse donnée à Paris, le 14 mars, et reproduits par le blog du magazine L’Homme nouveau, accompagnées de nos habituels commentaires.
En cette semaine de Pâques, sommet de la vie eucharistique de l’Église, nous vous invitons à lire et faire lire l’ouvrage du cardinal Burke, véritable traité de dévotion eucharistique.
I – Les souvenirs du cardinal (source)
« Les plus beaux souvenirs de jeunesse de mon éducation dans la foi et les mœurs catholiques, que ce soit à la maison, dans les écoles catholiques ou plus tard au petit séminaire sont tous associés à la Messe dominicale et à la dévotion eucharistique, mais aussi à la dévotion au Cœur Sacré de Jésus, qui en est le prolongement. […] Cette merveille du mystère eucharistique, mystère de la Foi, est intimement liée avec l’accès régulier au sacrement de la Pénitence, nous disposant à toujours mieux recevoir Notre Seigneur, le Pain Céleste. Tout en m’émerveillant de la présence réelle du Seigneur, j’ai approfondi mon amour pour Lui et mon désir de rester toujours près de Lui et de Lui plaire en toutes choses. Une occasion particulière de cette intimité eucharistique s’est présentée à l’âge de dix ans, lorsque je suis devenu enfant de chœur, assistant le prêtre à la célébration de la Sainte Messe et aux autres rites sacrés. L’opportunité de voir de plus près toute la beauté exquise du rite de la Messe et, en particulier, le ministère irremplaçable du prêtre qui offre le Sacrifice, a été une grâce dont je suis encore aujourd’hui très reconnaissant. […]
Je viens d’une région rurale des États-Unis, caractérisée par de petites exploitations agricoles, et j’ai grandi dans une petite ferme. Pourtant, la beauté de la sainte Liturgie, conservée par l’Église partout dans le monde, est aussi parvenue jusque dans ma contrée, et les fidèles faisaient les sacrifices nécessaires pour sauvegarder et promouvoir le plus beau don de Dieu pour nous. […] Durant mes dernières années à l’école et au début de mes études universitaires, qui étaient toujours dans le cadre du séminaire, tout ce dont je viens de parler subit un changement radical dans mon pays. Malgré le fait que je n’avais que dix-sept ou dix-huit ans, j’en ai été profondément marqué. Les églises furent réaménagées et les plus belles choses enlevées, surtout les maîtres-autels qui habituellement, dans cette région lointaine, étaient importés de l’Europe ou étaient fabriqués par des artisans européens. Il n’y avait plus l’attention soigneuse aux linges sacrés, aux vases et aux ornements, tandis que le chant grégorien et la polyphonie sacrée étaient abandonnés en faveur de musiques contemporaines, médiocres et souvent banales. Le latin ne se faisait guère ou jamais entendre, et les traductions anglaises des textes liturgiques utilisaient un langage ordinaire et peu soutenu. La chose la plus frappante fut le changement radical du rite de la Messe, réduisant largement son expression. Cette situation a été aggravée par les expérimentations liturgiques apparemment interminables et qui parfois m’ont laissé l’impression de ne pas avoir vraiment assisté à la Sainte Messe. […] Toute la destruction de la beauté liturgique a été justifiée au nom du soi-disant "esprit du concile Vatican II", même si, en réalité, ces choses n’avaient rien avoir avec la vraie réforme désirée par les Pères conciliaires. À vrai dire, il y avait là une manifestation dévastatrice d’une certaine interprétation du concile Vatican II, en discontinuité avec la tradition ininterrompue de la doctrine et de la discipline de l’Église. »
II – Les réflexions de Paix liturgique
1) Le cardinal Burke est aujourd’hui l’épouvantail des libéraux. Lui sont en fait reprochés la clarté de ses propos, leur parfaite fidélité à la vérité évangélique et à la Tradition de l’Église, et son grand sens de la liturgie – qui le porte à célébrer avec une extrême révérence aussi bien l’une que l’autre forme du rite romain. Les critiques à son encontre sont d’autant plus violentes que son parcours ecclésiastique est pleinement postconciliaire.
2) Né en 1948, ordonné prêtre par Paul VI en 1975, puis évêque par Jean-Paul II en 1995, le cardinal est en effet particulièrement bien placé pour juger du « changement radical » subi par l’Église au nom « du soi-disant "esprit du concile Vatican II" », changement qui s’est tout particulièrement et très visiblement manifesté dans la liturgie. Comme le pape Benoît XVI, dans son fameux discours de décembre 2005 à la Curie romaine sur l’herméneutique du concile Vatican II, le cardinal Burke voit dans l’actuation des réformes conciliaires« une manifestation dévastatrice d’une certaine interprétation du concile Vatican II, en discontinuité avec la tradition ininterrompue de la doctrine et de la discipline de l’Église ».
3) On remarquera la force – la force tranquille, tant cet homme est paisible – des propos de Raymond Burke concernant la réforme liturgique quand il dit que « la chose la plus frappante fut le changement radical du rite de la Messe, réduisant largement son expression », précisant ensuite que « cette situation a été aggravée par les expérimentations liturgiques apparemment interminables » qui lui ont « parfois laissé l’impression de ne pas avoir vraiment assisté à la Sainte Messe ». Répondant aux questions qui lui étaient posées, le cardinal a insisté : c’est le rite lui-même qui a été appauvri, défectuosité accentuée ensuite par les « abus » liturgiques.
4) Les propos du cardinal Burke sont d’autant plus importants qu’ils se nourrissent de l’expérience personnelle du prélat et de ses souvenirs d’enfant, en particulier de la grande dévotion eucharistique de sa famille. C’est grâce à la piété de sa famille, toute simple serions-nous tentés d’ajouter (messe dominicale, dévotion au Sacré-Cœur), que la vocation sacerdotale a fait son chemin en lui. Et le cardinal de souligner la « grâce » qu’il a eu de devenir enfant de chœur car le service de l’autel lui a donné « l’opportunité de voir de plus près toute la beauté exquise du rite de la Messe et, en particulier, le ministère irremplaçable du prêtre qui offre le Sacrifice ».
5) En fait, ce dont le cardinal Burke témoigne, c’est de la puissance missionnaire de la liturgie. Combien de vocations religieuses sont nées de familles catholiques ayant fait de la messe dominicale et de la Sainte Eucharistie le cœur de leur vie de famille ? Combien de vocations sacerdotales sont nées dans des familles où le service de l’autel était un honneur et une joie non seulement pour les garçons qui y accédaient mais aussi pour tous les autres membres de la famille ? L’exemple personnel du cardinal Burke permet de comprendre à la fois pourquoi l’écroulement de la liturgie a été accompagné d’un dramatique effondrement des vocations et pourquoi ces vocations fleurissent encore dans les familles, et les écoles, qui placent toujours la célébration des saints mystères au cœur de leurs activités. Dans un entretien qu’il a accordé à L’Homme nouveau en marge de la parution de son livre et d’une nécessité d’une profonde réforme dans l’Église, le cardinal précise d’ailleurs : « Dieu suscite aujourd’hui encore la création de véritables écoles catholiques, souvent créées à l’initiative des parents pour transmettre avec intégrité la foi catholique en même temps que donner une véritable éducation. Aux États-Unis, beaucoup de familles se sont tournées également vers le homeschooling (écoles à la maison) quand ils ne pouvaient pas trouver les écoles répondant aux exigences d’une véritable éducation catholique classique ».
6) Rappelons pour finir ce que le cardinal Burke disait en liminaire de l’entretien donné à l’abbé Barthe, qui forme l’introduction de son livre sur l’eucharistie « [Le Motu Proprio Summorum Pontificum] montre ce qu’a été pour [Benoît XVI] la compréhension du concile Vatican II ». Ce qui est une manière de reformuler puissamment le critère de l’« herméneutique de continuité » de Benoît XVI : Summorum Pontificum, comme clé d’interprétation du concile Vatican II.