SOURCE - La Vie - 23 mars 201
Depuis quelques semaines, des membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) ont annoncé un rapprochement « imminent » des Lefebvriste avec Rome. Dans un long entretien paru le 22 mars sur le site d’information de la FSSPX, Mgr Bernard Fellay, qui avait opposé un démenti à ces annonces, estime que les discussions doctrinale « avancent » en effet, même s’il fait part de ses réserves à l’égard du pape François et de la nature réelle des pourparlers.
Depuis quelques semaines, des membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) ont annoncé un rapprochement « imminent » des Lefebvriste avec Rome. Dans un long entretien paru le 22 mars sur le site d’information de la FSSPX, Mgr Bernard Fellay, qui avait opposé un démenti à ces annonces, estime que les discussions doctrinale « avancent » en effet, même s’il fait part de ses réserves à l’égard du pape François et de la nature réelle des pourparlers.
« Est-ce que l’on avance
vraiment ? Je pense que oui, mais c’est très certainement lent », explique
Mgr Fellay, chef de file des traditionalistes, qui juge positivement les
discussions actuelles avec le Saint-Siège. Celles-ci ont repris après le coup
d’arrêt de février 2012, lorsque Mgr Fellay avait refusé de signer le préambule
doctrinal proposé par Rome pour sceller la réconciliation, après des
discussions doctrinales plus intenses, favorisées par la levée des
excommunications de évêques ordonnés par Mgr Lefebvre. Ces pourparlers ont
adopté une forme plus souple, donc « pas tout à fait officielle, mais
plus qu’officieuse puisque ce sont des évêques qui ont été envoyés par
Rome ». « J’estime que cela en vaut la peine », relève
l’évêque lefebvriste.
Éviter toute
« compromission » reste la priorité de Bernard Fellay. « Evidemment
cela nous rend rigides, (…) ce qui rend la chose plus difficile, mais il n’y a
pas pour nous de solution facile. » Pour le Supérieur de la FSSPX, la
question de fond est désormais la suivante « quelle amplitude, quelle
liberté, nous seraient données (…), dans le cas d’une régularisation
? (…) à savoir précisément que nous soyons acceptés tels que nous
sommes. »
Pour le supérieur de la FSSPX, la
bienveillance des papes Benoît XVI et François a quelque chose de paradoxal. « Le
paradoxe d’une volonté d’avancer vers on peut presque dire « Vatican
III », dans le pire sens qu’on puisse donner à cette expression, et
d’autre part la volonté de dire à la Fraternité : vous êtes les bienvenus. C’est
vraiment un paradoxe, presque une volonté d’associer les contraires. »
La FSSPX, "une périphérie"
Mgr Fellay juge cependant les
deux derniers papes de manière différents. Chez Benoît XVI, il relève« son
côté conservateur, son amour pour l’ancienne liturgie, son respect pour la
discipline antérieure dans l’Eglise ». « Chez le pape François, on ne
voit pas cet attachement ni à la liturgie, ni à la discipline ancienne, on
pourrait même dire : bien au contraire. (…) Une des explications est
la perspective du pape François sur tout ce qui est marginalisé, ce qu’il
appelle les « périphéries existentielles ». Je ne serais pas étonné
qu’il nous considère comme une de ces périphéries auxquelles il donne
manifestement sa préférence. »
Mgr Fellay voit aussi chez le pape
François « une accusation assez constante contre l’Eglise
établie, (…) qui est un reproche fait à l’Eglise d’être
auto-satisfaite, une Eglise qui ne cherche plus la brebis
égarée. (…) On voit très bien que lorsqu’il dit « pauvreté »,
il inclut aussi la pauvreté spirituelle, des âmes qui sont dans le péché, qu’il
faudrait en sortir, qu’il faudrait reconduire vers le Bon Dieu ».
« Et dans cette perspective-là, il voit dans la Fraternité une société
très active, – surtout quand on la compare à la situation de
l’establishment. » Selon l’évêque lefebvriste, le pape François
aurait lu deux fois la biographie de Mgr Lefebvre écrite par Mgr Tissier de
Mallerais. « Je pense que cela lui a plu ».
« La Divine Providence se
débrouille pour mettre de bonnes pensées chez un pape qui, sur beaucoup de
points, nous effraye énormément, estime Mgr Fellay. (…) Cette manière
est très surprenante, car il est très clair que le pape François veut nous
laisser vivre et survivre. »
Accepter le Concile ?
Mgr Fellay revient longuement
aussi sur l’acceptation du Concile Vatican II. Selon lui les questions
classiques sur lesquelles on achoppe, qu’il s’agisse de la liberté religieuse,
de la collégialité, de l’œcuménisme, de la nouvelle messe, ou même des nouveaux
rites des sacrements, sont des questions ouvertes. « Jusqu’ici on a
toujours insisté pour dire: vous devez accepter le Concile. » Or,« les
documents du Concile sont totalement inégaux, et leur acceptation se fait selon
un critère gradué, selon un barème d’obligation, clame Mgr Fellay. Ceux
qui, d’une manière totalement erronée, prétendent que ce concile est
infaillible, ceux-là obligent à une soumission totale à tout le Concile. Alors
si « accepter le Concile » veut dire cela, nous disons que nous
n’acceptons pas le Concile. Parce que, précisément, nous nions sa valeur
infaillible. »
Mgr Fellay plaide aussi pour la
levée de la méfiance mutuelle. « Cette méfiance, il est certain que nous
l’avons. Et je pense que l’on peut aussi dire qu’il est certain que Rome l’a
par rapport à nous », estime Mgr Fellay, qui salue les occasions (encore
trop rares selon lui) où des délégués du Saint-Siège se sont rendus dans des
établissements de la FSSPX. Il s’agit, dit-il, de sortir des réunions de bureau
et de mieux se connaître.
« Il faut arriver à une
confiance minimale, à un climat de sérénité, pour éliminer ces accusations a
priori, affirme Mgr Fellay. Cela demande aussi des actes où se
manifeste une bonne volonté qui ne soit pas celle de nous détruire. Or, c’est
toujours un peu cette idée-là qui est chez nous, (…) répandue d’une
manière assez courante: s’ils nous veulent, c’est pour nous étouffer, et
éventuellement nous détruire, nous absorber totalement, nous désintégrer. Ce
n’est pas une intégration, c’est une désintégration ! Evidemment, tant que
cette idée règne, on ne peut s’attendre à rien. »