Il y a plusieurs semaines maintenant que de graves soupçons pèsent sur l’école catholique hors contrat de L’Angelus situé à Presly (Cher), une école de garçons de 109 pensionnaires (du CE1 à la terminale) créée en 2010. Son directeur l’abbé Régis Spinoza, 46 ans, vient d’être mis en examen, vendredi 30 juin, pour « violences physiques et psychologiques sur mineurs », « travail forcé » et « travail dissimulé ».
« Des faits qu’il ne reconnaît pas », précise Me Ludivine Lamoure, son avocate. A noter qu’aucun délit d’agression sexuelle n’a été retenu, contrairement à ce qu’avait laissé entendre le procureur de la République de Bourges, Joël Garrigue, lors d’une conférence de presse le 6 juin dernier. L’abbé Spinoza est néanmoins soumis à un strict contrôle judiciaire qui lui interdit notamment de diriger l’école ou tout autre établissement scolaire, d’être au contact des enfants, du personnel et des familles de L’Angélus et d’habiter le département du Cher.
Le 2 juin dernier la gendarmerie a perquisitionné les lieux et auditionné une soixantaine d’élèves. Le même jour, la préfecture du Cher a pris en urgence un arrêté de fermeture temporaire de l’établissement, sur le fondement de la protection de l’enfance. L’affaire, révélée en mars après le signalement de parents d’élèves auprès de l’Education nationale, pour « mauvais traitements et comportements équivoques », et le témoignage d’anciens enseignants, a conduit le parquet à ouvrir une enquête préliminaire. « On s’est également rendu compte que de nombreux bénévoles travaillaient à temps plein, en étant rétribués soit en nature (repas, hébergement, enfants scolarisés), soit au black (sic) », a déclaré le procureur qui s’est interrogé « sur le décalage entre les recettes engagées et les prestations fournies ». Les frais de scolarité sont de 450 euros par mois pour le collège et 550 euros pour le lycée.
Le témoignage de la mère d’une victime
Au cours de notre enquête, nous avons été approchés par deux des trois familles de victimes qui ont porté plainte. Nous retranscrivons ce qu’elles nous ont déclaré. Nous donnons également la parole à Séverine Bernard, présidente de l’Association des parents d’élèves de la fraternité enseignante qui soutiennent l’abbé Spinoza (et qui sont les plus nombreuses) et nous publions un extrait de la lettre que l’abbé Spinoza a adressé aux bienfaiteurs et amis de L’Angelus.
La première chose que me dira cette mère, Sophie S. (*), lors de notre entretien, c’est que compte tenu de ce que ses fils ont eu à subir, elle vit très mal le fait que « certains forums et sites amis » jettent l’opprobre sur eux, les traitant comme des brebis égarées qui salissent les écoles catholiques et font le jeu des journaux de gauche : « Nous voulons nous défendre de l’image que les défenseurs de l’abbé Spinoza donnent de nous. Notre action est celle de parents qui prenons nos responsabilités, qui avons voulu protéger nos enfants et les sauver mais aussi protéger les autres. Nous ne pouvions pas nous taire. Nous souhaitons avant tout protéger l’école hors contrat en général des retombées qui pourraient sortir de cette affaire, protéger aux yeux de nos enfants l’image du prêtre et de l’Eglise. » Sophie S. a été entendue par les gendarmes avec ses fils le jeudi 15 juin à la brigade de recherches de Vierzon :
« Au cours des auditions de mes fils j’ai appris beaucoup de choses. Violences physiques très précises. Et bien plus violentes que ce que l’on peut imaginer. Violences verbales régulières récurrentes sur certains enfants. Habitudes de situations physiques très limites, caresses, élèves mis sur les genoux et câlins. Pour mon fils aîné, il a fallu l’auditionner deux fois pour qu’il ose parler. Il a subi une emprise psychologique terrible, il est aujourd’hui en dépression. Le psychologue vers qui mon fils de 13 ans a été orienté par le procureur et qui est un spécialiste de ce genre de cas, a diagnostiqué qu’il avait subi un harcèlement moral, des violences psychologiques alternant tentatives de séduction et tentatives de le briser moralement. »
Pour Séverine Bernard, présidente de l’Association des parents d’élèves de la fraternité enseignante (qui n’a aucun de ses cinq enfants dans l’école dirigée par l’abbé Spinoza mais un neveu dont elle a la charge), il sagit d’un « complot et d’une cabale » :
« Il s’agit d’une vengeance personnelle des familles et anciens professeurs. Il n’y a pas de violences psychologiques. Je ne comprends pas de quoi on parle. Si certains ont pris deux ou trois claques c’est fort possible, j’en conviens, mais ça ne justifie pas ce à quoi on assiste… A part “le poireau” qui est une méthode très simple de l’abbé qui consiste à envoyer un élève qui ne veut pas travailler sur une chaise pendant une, deux, trois heures, peut-être plus pour certains, je n’en sais rien, voilà. (…) Ces familles ont eu de gros problèmes avec leurs enfants, il s’agit d’enfants difficiles avec des familles à problèmes, l’abbé a pris des enfants dont personne ne voulait, il a accepté des élèves qu’il n’aurait pas dû accepter et je crois que ces familles ont tendance à mordre la main qui les a nourris. J’attends des preuves. (…) On frôle l’affaire d’Outreau ici ! L’abbé subit un contrôle judiciaire disproportionné. Je reçois des dizaines de coups de fil de parents révoltés par le traitement réservé à l’abbé. (…) L’abbé est extrêmement paternel, c’est sa nature, son caractère et sa personnalité. Avec la rigueur d’un père, la douceur et la gentillesse d’un père. Sa vie, ce sont les enfants. C’est aujourd’hui ce qu’on lui reproche. »
Reste que malgré un recours administratif, l’école n’a pas rouvert et que des scellés judiciaires ont été posés à l’entrée de l’établissement en raison de la gravité des charges. L’enquête se poursuit.
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