SOURCE - François Hoffman - Monde et Vie - avril 2019
La Fraternité Saint-Pie x reste assez discrète depuis l'élection de son nouveau supérieur général. Elle est confrontée à de nouveaux défis, dans le plus important est celui de se reporter à la lumière des circonstances actuelles.
La Fraternité Saint-Pie x reste assez discrète depuis l'élection de son nouveau supérieur général. Elle est confrontée à de nouveaux défis, dans le plus important est celui de se reporter à la lumière des circonstances actuelles.
Inutile de faire un dessin au lecteur : la Fraternité Saint-Pie X n'est plus perçue comme autrefois. Les condamnations qui la touchaient ont été retirées une à une par Rome, les papes accédant à chacune de ses demandes. A chaque avancée, ses supérieurs ont remercié les autorités. Ils ont même fait chanter le Magnificat ou le Te Deum. Récemment encore, comme l'avait annoncé Monde & Vie, Mgr Huonder, l'évêque émérite de Coire, a frappé aux portes de la FSSPX pour y passer sa retraite. Avec l'accord du pape François. Sitôt la nouvelle annoncée, les plus durs se sont rebiffés. Comme dans les magazines à grand tirage, certains s'agitent pour découper des phrases ou des images du passé pour discréditer à tout prix le nouveau venu. Mais à ce petit jeu, on aurait pu présenter Mgr Lefebvre en compagnie d'un «pape libéral » ou célébrant face au peuple, voire concélébrant entièrement en vernaculaire. La palme peut toutefois être décernée au site d'un prêtre "résistant" qui a trouvé dans le blason de Mgr Huonder un bouc qui - ni plus, ni moins - correspondrait à Satan. Notre infortuné héraldiste a oublié que c'est tout simplement le bouquetin qui orne les armes du canton montagnard des Grisons où se situe le diocèse de Coire ! Un esprit plus serein aurait plutôt relevé le courage de cet évêque qui a choisi comme devise : « Omnia instaura in Christo » : la devise de saint Pie X! On se demande donc quelle mouche a piqué ceux dont l'héraldique fumeuse cache une absence de sens de l'Eglise... Qu'un évêque rejoigne un établissement de la FSSPX sans que cela ne pose de problème au pape est déjà un signe des temps. La situation est apaisée même si tout n'est pas encore résolu. La configuration n'est plus la même qu'il y a vingt ans. Chaque année des prêtres diocésains - célébrant habituellement le rite de Paul VI - se joignent aux processions de la FSSPX. Tous les 29 juin aux ordinations d'Écône, il n'est pas rare de retrouver des curés italiens. C'est bien cette porosité entérinée au plus haut-lieu de l'Église qui est dans le collimateur des « résistants de la FSSPX qui ont fait du séparatisme un principe. Paradoxalement, ces derniers en viennent à ne jurer que par les années de plomb de la décennie 90. Pourtant. ces circonstances d'isolement ne sont pas un idéal. mais purement accidentelles pour une FSSPX qui ne les avait nullement cherchées. Curieusement, ces années de plomb deviendraient pour quelques esprits chagrins un âge d'or.
La "résistance", une caricature de traditionalisme
Le reproche le plus communément opposé à Mgr Huonder, c'est d'avoir ordonné des prêtres dans la fraternité supposée rivale de la FSSPX : la Fraternité Saint-Pierre. Bref, un crime de lèse-1988 ! Traduction : pour rejoindre la FSSPX, il ne faudrait pas seulement partager ses choix liturgiques et doctrinaux. mais adhérer aux moins intéressantes de ses polémiques. Il faudrait approuver et même vénérer la période qui s'étend grosso-modo de 1988 aux années 2000. Plus tard, Mgr Fellay a plutôt réussi sa politique de désenclavement au point qu'il y a quelques années un cardinal souhaitait confier son séminaire aux prêtres de Mgr Lefebvre ! En mars 2009, au plus fort des polémiques contre Benoît XVI consécutives à l'affaire Williamson, le cardinal Hoyos était même prêt à ordonner des prêtres à Écône. Le feu a été mis aux poudres quand le supérieur général a commencé à envisager une régularisation canonique.
La panique a alors gagné les rangs et une insurrection a conduit des tenants de cette position à quitter le bastion sous prétexte qu'il ne constituait plus une citadelle suffisamment protégée. Derrière Mgr Williamson, plusieurs prêtres ont préféré battre en retraite. Le complexe obsidional de certains a pu être nourn pendant des années par des remparts et des douves dues aux condamnations romaines. Or ces dernières ont progressivement disparu par la bienveillance de Benoît XVI et aussi de François. Faut-il accepter cette bienveillance ? Ou faut-il craindre tous les arrangements venant de Rome, en y voyant autant de cadeaux empoisonnés ? Ne faut-il pas plutôt aspirer à la réconciliation qui semble se dessiner?