15 mars 2000

[Abbé René de Reboul, fssp - Vivons dans la Justice et la Piété] Epilogue

SOURCE - Abbé René de Reboul, fssp - Bulletin "Vivons dans la Justice et la Piété" - mars 2000

Fraternité St-Pierre Maison Ste Odile 16, rue Francis Clerc 25000 Besançon 03 81 53 73 76 

“La Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre a tenu une assemblée générale à Rome du 8 au 11 février 2000. Elle a été convoquée par le Saint-Siège à cause de certaines difficultés internes. A la Fin des quatre jours de discussion et de réflexion un accord a été trouvé comme base de réconciliation qui permettra une unité plus grande. ” (Communiqué de presse du Supérieur Général, M. l'Abbé J. BISIG ).
 
A notre retour, beaucoup nous ont interrogés sur le contenu de cet "accord". Il n'était pas possible d'en dire plus avant sa diffusion officielle. Voilà qui est apparemment fait. Vous trouverez sûrement ce texte dons le prochain "Tu es Petrus", une bonne occasion de vous abonner !
 
On peut donc ainsi en résumer les termes : la Fraternité Saint-Pierre reconnaît pleinement à ses prêtres la faculté d'user du nouvel "ordo missæ ", dans les conditions indiquées cet automne par le Cardinal MEDINA. Pergratum nobis est! L'exercice de ce "droit propre de tout prêtre de rite romain " ne saurait porter atteinte à l'unité de notre institut.
 
Cependant, et à l'exception de la messe chrismale du Jeudi-Saint, à cause de son caractère propre à signifier l'unité de l'Eglise, il a été demandé aux prêtres de la Fraternité de renoncer volontairement à ce droit de célébrer ou de concélébrer dans le nouveau rite, même de manière occasionnelle. C'est un engagement qui ne doit faire de difficulté pour personne du moment qu'il appartient à la Fraternité Saint-Pierre. Notre attachement à l'ancienne tradition demeure bien réel, ainsi que notre volonté de la faire connaître et estimer par une plus grand part de fidèles catholiques. La légitimité d'un tel engagement demande, bien sûr, à être reconnue par l'autorité romaine. Nous nous soumettrons, comme par le passé, à son jugement : C'est, à notre sens, la condition du vrai respect de l'esprit des fondateurs de notre Fraternité, pour lesquels, sans aucun doute l'attachement à Rome primait sur la conservation d'une liturgie, fut-elle sans équivalent. Cette conviction les avait conduits au choix de 1988.
 
Quant à la concélébration du Jeudi-saint, nous devons bien comprendre son enjeu. Nous avons beaucoup critiqué les abus de la liturgie moderne avec leurs conséquences néfastes pour la transmission de la foi. Mais nous oublions facilement les abus d'un autre genre dont l'ancienne liturgie a été le prétexte et qui ont conduit souvent à une prise distance avec l'autorité ecclésiastique voir à des situations plus préoccupantes. Que chacun répare là où il a péché. Ainsi, la concélébration est attendue de nous plus que de quiconque. De notre côté nous souhaitons vivement un assagissement de la nouvelle liturgie (il est clair que nous ne participerons pas à n'importe quelle cérémonie), afin qu'elle redevienne apte a véritable transmission de la foi.

Enfin, il restera les cas de force majeure. Ce sont des choses qui arrivent : "Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui après l'avoir dépouillé et roué de coups, s'en allèrent, le laissant à demi mort. Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu le vit et passa outre. Mais un samaritain qui était en voyage arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié ... " (Luc 10/30 ss). On connaît les bonnes raisons qui disuadent ces hommes du temple de se tourner vers ce malheureux : leur rite, un très ancien rite pour le coup et très vénérable, leur défend de toucher un cadavre sous peine d'impureté et d'inaptitude à offrir ce jour le sacrifice (Lv 22/4). Ils ne veulent pas prendre ce "risque", quitte à laisser un homme mourir. Quant à notre samaritain, inobservant de ce genre de prescription par défaut congénital, il est accessible à un rite vraiment nouveau, celui de la charité. Que celui qui a des oreilles pour entendre qu'il entende. Nous sommes "Iiés" à la liturgie tridentine, mais il y des cas...!

Abbé René de Reboul
 
Mars 2000 - bulletin n°117

[Abbé Pierre Marie Laurençon, fsspx - Lettre à Nos Frères Prêtres] « Unité ! Unité ! »

SOURCE - Abbé Pierre Marie Laurençon, fsspx - Lettre à Nos frères Prêtres - mars 2000

C’est par cette acclamation, réclamée aux foules, que Jean-Paul II ponctua ce 18 janvier 2000, jour introductif à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. A ce cri, des images se sont associées : celle, par exemple, du pape entouré du métropolite orthodoxe Athanasios et de l'archevêque anglican de Canterbury, Georges Carey, tous trois à genoux après avoir ouvert ensemble la porte sainte ; celle encore de l’Evêque de Rome invitant le Métropolite Amba Bishoi (Eglise Copte orthodoxe d'Alexandrie) l'archevêque Longin (patriarcat de Moscou), et Christian Krause (président de la Fédération luthérienne mondiale), à brandir après lui le livre des Evangiles en direction des quatre points cardinaux. Avec la liturgie de la Parole qui se déroula ensuite à l’intérieur de la basilique, nous étions face à la plus grande rencontre œcuménique qui n’ait jamais existée, réunissant en une seule célébration 50 représentants de 22 confessions différentes. Symboliquement, Jean-Paul II voulut que cette cérémonie se déroulât à la basilique saint Paul hors-les-Murs, là même où fut annoncée la convocation du Concile Vatican II.
   
Par delà ces moments médiatiquement forts, il nous faut réfléchir. Car les gestes sont porteurs de symboles. Ainsi, ouvrir la porte sainte – celle qui mène à Dieu (IM, 8) – revient à celui qui est en possession du pouvoir des clés (Mt. 16, 19). De même, brandir l’Evangile aux quatre faces du monde manifeste l’universalité de la mission évangélisatrice que le Christ confia à l’Eglise (Mt. 28, 19). Que signifient donc ces gestes, lorsqu’ils sont réalisés dans un sanctuaire catholique par des responsables anglicans, protestants ou orthodoxes ? Georges Carey, Athanasios ou Christian Krause ont-ils donc le pouvoir des clés ? Nous voici acculés à une alternative redoutable : soit nous gardons à ces rites leur symbolique liturgique, au risque de les rendre blasphématoires ; soit nous délaissons leur sens sacré, et nous voilà obligés de reconnaître combien cette pratique de l’œcuménisme est dissolvante et trompeuse : elle anémie la richesse catholique, elle induit en erreur tout un peuple chrétien qui, lui, est resté attaché au symbole. Ce 18 janvier, donc, malgré l’invitation expresse du pape, le peuple romain ne reprit pas le cri qui avait fait le succès du voyage à Bucarest.
   
Si symptomatiques soient-ils du malaise actuel, ces faits ne retiendront pas outre mesure notre attention ici. C’est beaucoup plus en profondeur que nous voudrions analyser l’équivoque œcuménique. Jamais peut-être le mot Unité ne fut sur autant de lèvres chrétiennes. Pourtant, lorsqu’il s’agit de définir le mot, de manifester comment se réalise cette adhésion au Christ, pôle de l’unité, le langage devient tout à coup évasif. On parle d’« unité dans la diversité », de « consensus différencié » ou d’« accords sur des vérités fondamentales de la foi ». Y aurait-il donc des vérités de foi jugées accessoires, sur lesquelles puissent se faire la différentiation ? Avec une telle notion (ou « a-notion ») de l’Unité, ne sommes-nous pas en train de bâtir de main d’homme, là où le Christ voulait une unité foncièrement surnaturelle ? Telle est la crainte sur laquelle nous a laissé le document luthéro-catholique sur la Justification. Si nous nous permettrons ici d’en manifester les limites, c’est afin de pouvoir ensuite redéfinir ce que pourrait être un œcuménisme fructueux. C’est ainsi, nous semblet-il, que nous pourrions apporter notre contribution au débat sur l’œcuménisme que Jean-Paul II a inscrit au frontispice de cette année jubilaire.
     
Abbé Pierre Marie Laurençon,  Supérieur pour la France de la Fraternité Saint-Pie X

[Abbé Patrick de La Rocque, fsspx - Lettre à Nos Frères Prêtres] L’accord sur la justification, ou l’œcuménisme dissolvant

SOURCE - Abbé Patrick de La Rocque, fsspx - Lettre à Nos Frères Prêtres - mars 2000

Le 31 octobre dernier, le cardinal Cassidy cosignait avec le Dr. Krause, président de la Fédération Luthérienne mondiale, une Déclaration Commune (DC) sur la Justification 1 . Un tel accord, touchant le point central du protestantisme, devrait a priori nous réjouir. 
 De tout temps, l’Eglise, soucieuse d’unité, a tenté des démarches pour favoriser la pleine communion avec les chrétiens de confession non catholique. Cependant, tant par son histoire que par son contenu, le document sur la Justification révèle une méthodologie œcuménique foncièrement nouvelle, qui doit d’autant plus retenir notre attention qu’aux dires de Jean-Paul II, la Déclaration commune «constitue une base sûre pour d’autres avancées œcuméniques» 2 . Sa raison d’être est simple: sans qu’il mène en rien à une claire profession de foi catholique, cet accord sur "des" vérités fondamentales de la foi a pour seul but avoué 3 de rendre caduques les condamnations doctrinales énoncées par le concile de Trente. Cette ligne de conduite va malheureusement s’avérer des plus dangereuses pour l’intégrité de la foi catholique. 
PRESENTATION DU DOCUMENT
Divisé en deux parties, le corps du document présente tout d’abord un exposé fondamental de la justification, admis par les deux Eglises (§ 14 à 18). A cette première partie, dite "de compréhension commune", viennent s’ajouter 21 paragraphes (19 à 39) que nous pourrions appeler "de différentiation". Reprenant sept points litigieux, ceux-ci sont présentés chacun en trois temps: l’acception commune de la vérité de foi, le développement spécifique aux catholiques, et enfin la doctrine propre aux protestants. L’intégralité du document est censée parfaitement compatible avec la foi catholique. 
     
Fruit de quinze ans de dialogues officiels entre luthériens et catholiques, ce texte fut rendu public dès 1997 par le Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens 4 . Au paragraphe 5, on y lisait: «Cette déclaration […] exprime un consensus sur des vérités fondamentales de la doctrine de la justification et montre que des développements qui demeurent différents ne sont plus susceptibles de provoquer des condamnations doctrinales.» 
     
Pourtant, quelques mois plus tard, Rome se voyait obligée de désavouer son propre fruit: une curieuse «réponse de l’Eglise catholique» à «l’Eglise catholique» précisait que ce texte n’était pas compatible avec la foi catholique. Etaient visés non seulement l’exposition des spécificités protestantes, mais également le cœur même du document, la fameuse "compréhension commune" 5. Au bon sens qui réclamait une refonte complète du document, on préféra la vieille tactique déjà usitée lors du concile Vatican II: face au tollé provoqué par l’équivocité des passages relatifs à la collégialité, on adjoignit au texte demeuré intact une nota explicativa reléguée en fin de document. Arriva ce à quoi il fallait s’attendre: lorsque se répandit par le monde l’enseignement du Concile, la note explicative passa aux oubliettes 6 . Ainsi donc, le texte sur la justification, jugé «incompatible avec la foi catholique», ne subit aucune modification ; on y ajouta simplement une Annexe (ADC) qui, en précisant quelques points, venait «confirmer le bien fondé du consensus atteint dans la Déclaration commune» 7 . 
    
Reste à savoir si, de cette conjugaison du document initial avec son annexe, se dégage un accord de vue entre les protestants et la doctrine catholique. Faute de pouvoir réaliser ici une étude systématique du document, nous voudrions simplement, de par l’analyse d’un point central, manifester les graves carences théologiques de cet accord.
LA JUSTIFICATION ET LA GRACE HABITUELLE.
On connaît la thèse de Luther: la grâce, loin d’être un don inhérent à l’âme qui la rend agréable à Dieu, n’est qu’un "vêtement" venant couvrir l’âme "de l’extérieur". Demeurant en elle-même pécheresse, l’âme adhère par la foi à la justice du Christ, ce qui rend son péché non imputable. 
   
Face à cette doctrine, la déclaration commune vient certes reconnaître que la justification entraîne un renouvellement intérieur de l’âme 8. Cependant, toute définition de termes étant soigneusement évitée, il nous faut lire l’ensemble du document pour savoir si, par l’expression "renouvellement intérieur de l’âme", il faut entendre ou non le don de la grâce sanctifiante, qui rend l’âme formellement juste ; c’est là que se situe la véritable pomme de discorde en la matière. 
     
Or, à chaque fois, le renouvellement de l’âme est présenté comme effet intérieur d’une justice formellement extrinsèque: «Lorsque les luthériens insistent sur le fait que la justice du Christ est notre justice, ils veulent avant tout affirmer que par la déclaration du pardon le pécheur reçoit la justice devant Dieu en Christ et que sa vie n’est renouvelée qu’en union avec le Christ» (DC 23) Nous apercevons ici la distinction luthérienne entre le fait d’être justifié d’une part, et le renouvellement de vie concomitant de l’autre: la justice apparaît exclusivement comme "déclaration de pardon", toujours parfaite en soi (§ 38). Le renouvellement de vie (c’est à dire les bonnes œuvres), n’étant qu’une conséquence concomitante à cette justice (§ 37), ne produit pas d’augmentation de la vie surnaturelle. Est donc ouvertement nié tout mérite surnaturel (§ 38) parce qu’est niée l’existence de la grâce habituelle dans l’âme. 
     
Ecoutons l’un des rédacteurs de ce document, le pasteur protestant Eero Huovinen 9 , expliquant ce refus de la grâce sanctifiante: «Si la grâce devient quelque chose que l’être humain possède "habituellement", on peut être amené à penser que la justification n’est pas réalisée "par la grâce seule"». On ne peut être plus clair! Pour montrer comment cette négation est compatible avec la Déclaration, le finlandais précise ce qu’il entend par renouvellement intérieur: non pas le don d’une grâce créée qui rend formellement juste, mais une action du Christ "en" nous, par la foi: «Non seulement la foi a pour objet l’œuvre du Christ, mais le Christ est présent dans la foi elle-même ; le Christ n’est pas "hors" de nous, il vient "en" nous. A travers la foi, le Christ vit dans l’être humain. Puisque le Christ est notre justice, non seulement nous sommes déclarés justes, mais nous sommes rendus justes. L’annexe au Communiqué commun officiel exprime cette idée dans un langage biblique: "nous sommes authentiquement et intérieurement renouvelés par l’action du Saint Esprit, en demeurant toujours dépendants de son œuvre en nous" (ADC 2a)» 10. Par la justification au moyen de la foi, le Christ vient "en" moi, et sa justice est le formel de mon renouvellement intérieur.
   
Rien de nouveau, donc, sous le soleil luthérien. Nous retrouvons simplement ici la phrase de Luther, In ipsa fide Christus adest. Et nous retrouverions toute l’acuité des condamnations du concile de Trente, si nous prenions la peine de les lire: «Si quelqu’un dit que les hommes sont justifiés sans la justice du Christ, par laquelle il a mérité pour nous, ou qu’ils sont formellement justes par cette justice, qu’il soit anathème» (Dz. H. n°1560). Ou encore: «Si quelqu’un dit que les hommes sont justifiés ou bien par la seule imputation de la justice du Christ, ou bien par la seule rémission des péchés, à l’exclusion de la grâce et de la charité qui est répandue dans leurs cœurs […], qu’il soit anathème» (Dz. H. n°1561).
UNE FOI CATHOLIQUE AMBIGUË
Si la nouveauté est plutôt là où on ne l’attendait pas: dans les rangs catholiques. Les clarifications catholiques données après chaque point de la deuxième partie sont des prodiges d’ambiguïté, qui frisent dangereusement les erreurs protestantes. Prenons des exemples:
   
«La grâce justifiante ne devient jamais une possession de la personne dont cette dernière pourrait se réclamer face à Dieu» (DC § 27). S’il est vrai que la grâce sanctifiante n’est pas indépendante de Dieu, on doit cependant reconnaître qu’elle est une possession de la personne, puisque ce don créé est inhérent à l’âme justifiée. De même, l’expression "se réclamer face à Dieu" est maladroite. Le SaintEsprit ne nous a-t-il pas appris à prier en nous appuyant sur ses dons déjà reçus comme gages de nouvelles bénédictions? «Juge-moi, Yahvé, selon ma justice et selon mon intégrité» (Ps. 7, 9)
   
Plus tendancieuse encore, la phrase décrivant la nature de l’acte de foi: «Avec le concile Vatican II, les catholiques affirment "croire signifie se confier pleinement en Dieu"» (DC 36). Le concile de Trente, pour sa part, avait défini: «Si quelqu’un dit que la foi qui justifie n’est rien d’autre que la confiance en la miséricorde divine qui remet les péchés par égard pour le Christ, ou qu’elle est seulement la confiance par laquelle nous sommes justifiés, qu’il soit anathème» (Dz. H. n°1562).
   
Arrêtons là une liste que nous ne voulons nullement exhaustive. Est suffisamment manifesté l’abandon de la belle consigne donnée par le concile Vatican II pour ce type de dialogue: «Il faut absolument exposer clairement la doctrine intégrale. Rien n’est plus étranger à l’œcuménisme que ce faux irénisme, qui altère la pureté de la doctrine catholique et obscurcit son sens authentique et incontestable» (Unit. Red. 11).
CONCLUSIONS
Loin d’être la reconnaissance d’une foi commune, cette Déclaration s’avère plutôt être une expression commune de deux fois demeurées différentes, et incompatibles en tant que telles. Comme le soulignait Jean-Paul II, ce texte nous manifeste l’ultime étape de l’œcuménisme moderne: non pas un œcuménisme syncrétiste – on insistera beaucoup sur le côté différencié de ce consensus –, mais un œcuménisme de choix, de libre choix entre des confessions désormais considérées comme égales. Pour ne prendre qu’un exemple, je voudrais citer le bulletin paroissial de la cathédrale de Dijon, distribué cette année lors de la semaine pour l’unité des chrétiens. L’article est intitulé: Se passionner pour l’Unité. En voici les premières lignes: «Incompréhensible! A partir de l’Evangile trois univers chrétiens se sont créés: orthodoxe, catholique et protestant. La vie les a rendus de plus en plus différents et hostiles. On se résignait. On finissait par vivre comme si les autres n’existaient pas. Pourtant, chez les catholiques on rêvait d’une unité retrouvée par le "retour au bercail". Orthodoxes et protestants allaient venir à Rome en avouant: "Vous seuls, catholiques, êtes dans le vrai". C’était vraiment du rêve, et on s’est réveillé. En 1950, à la première conférence missionnaire générale d’Edimbourg, on a enfin réalisé que cette division ne pouvait plus durer, mais que le chemin de l’unité ne passait pas par le suicide des orthodoxes et des protestants. Tous devaient exister à fond, se comprendre, et sympathiser» 11.
   
Cet œcuménisme différencié, censé préserver la spécificité et la richesse propre de l’Eglise catholique, a en fait pour passage obligé ce faux irénisme dénoncé par le concile Vatican II ; en l’occurrence, il pare l’enseignement catholique de couleurs protestantes. Si le phénomène n’est pas nouveau – on se rappelle, par exemple, l’enseignement tendancieux donné par Mgr Dubost à l’occasion des JMJ 12 – il atteint désormais des textes doctrinaux portant le contreseing romain. La chose peut aller loin: dans un document de 1998, signé du cardinal Cassidy, on affirme par exemple que les différences existantes dans les affirmations sur la manière dont le Christ est présent dans l’Eucharistie «ne doivent pas être considérées comme entraînant la séparation des Eglises» 13. Transsubstantiation ou impanation, peut-être serez-vous bientôt libres de choisir, pour autant que vous choisissiez votre Eglise! Au sens strict du terme, nous serions alors arrivés à l’ère de l’hérésie, du choix en matière de foi!
   
Une telle recherche de l’unité, contraire à la charité, est corrosive. Sous prétexte d’apporter la diversité dans l’unité, elle dissout la foi catholique. Saint Jean, l’apôtre de l’amour et de l’unité, a été clair quant à cette attitude: «Omnis spiritus qui solvit Jesus Christus, tout esprit qui dissout Jésus n’est pas de Dieu» (I Jn. 4, 3). C’est pourquoi nous n’hésitons pas à dénoncer ce faux œcuménisme: ceux qui promeuvent une telle unité bâtissent de main d’homme une unité factice fondée sur le sable (Mt. 7, 26), aux dépends de cette unité si belle et foncièrement surnaturelle voulue par le Christ, dont le premier fondement est la profession explicite de la foi catholique (Mt. 16, 18).
Abbé Patrick de La Rocque, de la Fraternité Saint-Pie X
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NOTES 
1 - Traduction officielle dans l’Osservatore Romano en langue française du 07/12/99, p. 6 à 10
2 - Jean-Paul II, Discours à la délégation de la Fédération luthérienne mondiale, Documentation Catholique n° 2219 du 6/02/2000
3 - DC n° 5, 7, 13, 40 à 42
4 - Documentation Catholique n° 2168 du 19/10/97, p. 875 à 885
5 - Documentation Catholique n° 2187 du 02/08/98, p. 713 à 715
6 - Pour manifester l’inefficacité pratique de l’Annexe, prenons pour seul exemple ce tract distribué dans l’une de nos cathédrales de France. Pour affirmer «qu’une page d’histoire du christianisme qui s’est tournée à Augsbourg, le 31 octobre 1999», ce dé- pliant fait une longue citation de la Déclaration commune: «Justification signifie que Christ lui-même est notre justice, nous participons à cette justice par l’Esprit Saint et selon la volonté du Père. Nous confessons ensemble: c’est seulement par la grâce, par le moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite que nous sommes acceptés par Dieu» (DC 15). Et le tract d’affirmer une assertion ouvertement hétérodoxe, en opposition radicale avec l’enseignement catholique: «Le croyant est donc sauvé par le moyen de la foi et non par ses actions méritoires. Conséquence immédiate: les condamnations échangées au XVI° siècles entre catholiques et luthériens deviennent caduques». Ce tract invite donc le lecteur à choisir la Déclaration commune contre le Concile de Trente. (Chrétiens ensemble, bulletin du groupe œcuménique de Dijon, n° 12, janvier 2000)
7 - Documentation Catholique n° 2209 du 01/08/99, p. 720 à 722
8 - DC nos 16, 17, 22, 23, 26, 28.
9 et 10 - Interview de Eero Huovinen in 30 Jours, n° 6/7 – 1999, p. 20
11 - Bulletin de la paroisse Saint Bénigne, n° 64 – 2000.
12 - Chargé de l’organisation des JMJ en 1997, Mgr Dubost fut le rédacteur de l'Album officiel des XII° journées mondiales de la Jeunesse, publié par la revue Magnificat. De manière très pédagogique, Mgr. Dubost profite des innombrables photos souvenirs pour rappeler en termes simples les grands thèmes chrétiens. Le premier chapitre, intitulé "Signes de croix", est en fait une théologie du baptême … mais ô combien protestantisante! Écoutons-le: «Depuis le baptême, tout commence par le signe de croix. Il recouvre le chrétien comme un vêtement. Il proclame la foi en Dieu qui se fait amour en mourant sur la croix parce qu'il est amour en lui-même. C'est le signe des débuts». De manière très habile, l'auteur applique ces mots tant au signe de croix (C'est le signe dont le logo des Journées Mondiales a habillé la Tour Eiffel) qu'au baptême: «Ainsi Paris allait vivre un nouveau baptême, immergé sept jours durant dans la foi de tous ces jeunes qui inondaient ces rues.» Si l'image est belle, la théologie sous-jacente est luthérienne: le baptême, en nous plongeant dans la foi de l'Église, n'efface pas le péché originel, mais recouvre au moyen d'un vêtement de grâce une âme toujours pécheresse en elle-même ; exactement comme on peut recouvrir la Tour Eiffel du signe de la croix, tout en laissant inchangée la Tour Eiffel. Il serait intéressant de relire tout le texte de Mgr Dubost à cette lumière, notamment les pages consacrées à l’Eucharistie.
13 - «Facing Unity» in Deepening Communion. International Ecuménical Documents with Roman Catholic Participation, Washington, 1998, préface du Cardinal Cassidy, n° 33.

[Abbé Jean-Michel Gleize, fsspx] Une Eglise pécheresse, est-ce concevable ?

SOURCE - Abbé Jean-Michel Gleize, fsspx - mars 2000

Conférence donnée au colloque de défense de l’Eglise, Bruxelles, mars 2000. L’auteur est professeur de théologie fondamentale au séminaire d’Ecône. Le style parlé a été conservé.

Introduction

On a beaucoup parlé ces derniers temps de la repentance(1). Et d’un bout à l’autre de cette démarche, le pape Jean-Paul II a fait référence au concile Vatican II, avec au premier chef la constitution Lumen gentium sur l’Eglise. Et dans tous les passages cités(2), l’idée centrale qui se dégage est cette idée de l’Eglise pécheresse. Le mot n’y est pas : entendons-nous bien, le concile et le pape Jean-Paul II évitent soigneusement l’expression, mais l’idée est bien présente(3).

La constitution Lumen gentium suggère implicitement cette idée que l’Eglise est pécheresse, l’Eglise elle-même est atteinte par les fautes de ses membres(4). On pourrait sans difficulté multiplier les citations. Le décret Unitatis redintegratio sur l’œcuménisme évoque lui aussi de façon très explicite la même idée(5). Et enfin, le pape Paul VI, dans la ligne de cet enseignement, aura des expressions très évocatrices, comme par exemple celle-ci qui figure dans un discours de 1972 :

“L’Eglise devrait être sainte et bonne, devrait être telle que l’a pensée et conçue le Christ et parfois nous voyons qu’elle n’est pas digne de ce titre”(6).

Et lorsqu’en 1994, dans la lettre apostolique Tertio millenio adveniente, le pape Jean-Paul II fait référence à cette idée de la repentance, il n’innove pas. Il ne fait que reprendre à son compte un enseignement déjà ancien. Voici deux passages significatifs :

D’abord le § 33 : “Bien qu’elle soit sainte par son incorporation au Christ, l’Eglise ne se lasse pas de faire pénitence. La constitutionLumen gentium de Vatican II dit à ce sujet : “L’Eglise qui comprend des pécheurs en son sein est à la fois sainte et appelée à se purifier et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement.”

Et ensuite le § 35 : “C’est pourquoi la sainte Eglise éprouve le besoin de se repentir profondément des faiblesses de tant de ses fils qui ont défiguré son visage et l’ont empêchée de refléter pleinement l’image de son Seigneur crucifié”(7).

D’autre part, notons aussi que dans tous ces textes, l’insistance est d’abord mise sur cette idée du péché qui rend nécessaire une purification de l’Eglise. L’idée de sainteté qui est affirmée en principe passe ainsi au second plan

Ces textes sont graves, ils doivent retenir notre attention. Considérons si cette notion d’une Eglise pécheresse est recevable pour quelqu’un qui entend professer la foi catholique dans son intégrité : tel sera l’objet de cet exposé.

1) Etat de la question

1.1) Deux éléments fondamentaux.

Si nous étudions l’Evangile, nous y trouvons deux éléments fondamentaux qui vont commander toute notre intelligence du mystère de l’Eglise. Ces deux éléments se trouvent déjà réunis dans la personne du Christ ou plutôt dans sa mission divine. Deux éléments contradictoires en apparence et qui pourtant doivent s’unir parfaitement. C’est ce en quoi consiste le mystère : il y a dans tout mystère une apparente contradiction qui se résout dans une unité supérieure et qui aveugle la raison. Dans le cas de l’Eglise, nous sommes d’abord placés en face de cette apparente antinomie. L’Eglise est sainte et, pourtant aussi, l’Eglise porte le poids du péché.

L’Eglise est sainte, pour commencer – c’est le premier élément. Je ne vais pas m’y attarder. Rappelons simplement les lignes essentielles.

A)”Qui de vous me convaincra d’un seul péché ?”(Jn, 8/46).

C’est la déclaration du Christ devant les Pharisiens. Et à l’image de son Fondateur, l’Eglise elle aussi, puisqu’elle continue la mission divine du Christ, l’Eglise ne connaît pas le péché, elle ne peut pas, cela est exclu d’avance, ce reproche que les Juifs voulaient adresser au Christ. L’Eglise est sainte. C’est la première donnée par laquelle l’Eglise catholique a voulu se caractériser. L’Eglise fondée par le Christ, l’Eglise des apôtres se désigne elle même comme la sainte Eglise catholique. Dans le Credo, au 9e article, nous trouvons cette affirmation : l’Eglise chrétienne se définit comme la sainte Eglise catholique. Et le Symbole de Nicée-Constantinople(8) va au IVe siècle reprendre cette donnée en y ajoutant les deux autres propriétés : l’Eglise catholique est sainte, elle est également une, et elle est également apostolique.

Cette affirmation est une vérité de foi ; et l’Eglise à travers le magistère de ses papes et de ses conciles reprend cette affirmation et solennellement l’impose à l’adhésion de tous ses fidèles :

• C’est d’abord le pape saint Léon IX en 1059 dans sa lettre Congratulamur vehementer(9) : après le Xe siècle, siècle de faiblesses humaines et de désordres s’il en fut, un siècle qui probablement a vu la papauté descendre à son niveau le plus bas, à tel point que les historiens lui ont accolé cette épithète qui en dit long : le siècle de fer… Le Liber pontificalis, en particulier, cette espèce de chronique de la cour pontificale qui est notre principale source de renseignements pour cette période, le Liber pontificalis enregistre avec une placidité ahurissante les désordres les plus graves10. Après le 10e siècle donc, et dans le contexte de la lutte entre le sacerdoce et l’Empire, le pape saint Léon IX réaffirme cette donnée de l’Evangile : malgré les faiblesses de ses pontifes, l’Eglise reste sainte.

• 150 ans plus tard, en 1208, le pape Innocent III dans sa lettre Ejus exemplo(11) contre les hérétiques Vaudois l’affirme également; ces Vaudois sont les premiers réformateurs de l’histoire, on peut les considérer comme les ancêtres des protestants ; et ce sont des gens qui se sont scandalisés trop vite en voyant certains désordres qui avaient pu reprendre le dessus et ternir encore une fois l’idéal évangélique chez les hommes d’Eglise

• vers la fin du siècle, c’est le second concile de Lyon, en 1274(12), qui sous le pape Grégoire X, face aux Grecs schismatiques de Byzance, réaffirme cette vérité de la sainteté de l’Eglise catholique. Le concile précise que la sainteté ne peut pas se trouver ailleurs que dans la véritable Eglise, l’Eglise catholique ; et donc elle ne peut pas se trouver dans le schisme.

• C’est le pape Boniface VIII en 1302(13), contre les prétentions laïcistes du pouvoir temporel. Boniface VIII réagit contre les attaques menées par les hommes de loi du roi de France Philippe IV le Bel, ces fameux légistes ; et les légistes ce sont déjà les premiers représentants d’un état d’esprit laïciste, ceux qui voudraient soustraire l’Etat au droit de regard de l’Eglise et refuser au pape le pouvoir d’intervenir en matière temporelle. Alors le Pape répond : non, l’Etat a besoin de l’Eglise parce que l’Eglise est sainte, et c’est l’Eglise qui doit répandre cette bonne influence dans la société.

• Ce sont enfin les deux grands conciles de l’époque moderne avant Vatican II :

- Le concile de Trente(14) avec la Profession de foi publiée par le pape Pie IV(15) en 1564. Alors que Luther avait injurié les catholiques en disant que le Siège de Pierre, le Siège de l’évêque de Rome était le siège de l’Antéchrist, le pape répond en maintenant cette affirmation : le Siège de Pierre est saint, la hiérarchie de l’Eglise catholique est une institution divine, elle est sainte parce que son fondateur est saint. Et elle a les promesses de la vie éternelle.

- Le concile Vatican I16 sous le pape Pie IX en 1870, face au péril grandissant du rationalisme et de l’immanentisme, réaffirme lui aussi cette donnée essentielle. Il y a deux ordres essentiellement distincts, l’ordre naturel et l’ordre surnaturel. Et au sein de ce deuxième ordre, c’est l’Eglise qui constitue l’intermédiaire obligé pour qui veut entrer en relation avec Dieu.

Il y a donc, vous le voyez, une tradition ininterrompue : un enseignement constant au cours des siècles qui sans cesse rappelle cette vérité de foi : la sainteté de l’Eglise. Et le concile Vatican II lui aussi va réaffirmer cette idée : l’Eglise est indéfectiblement sainte, cela est affirmé en particulier dans Lumen gentium dès le début du chapitre 5.

Passons ensuite au deuxième élément, car il y a aussi une autre donnée, très exactement établie elle aussi par toute la Tradition : le péché est dans l’Eglise. C’est le point difficile et nous allons nous y arrêter un peu plus longuement.

B) Deuxième élément : le péché dans l’Eglise. “Je suis venu appeler les pécheurs et non les justes”(Lc 5, 32)

1) L’Ecriture, les Pères et la liturgie

L’idée est donc déjà dans l’Evangile. Et les apôtres ne s’en cacheront pas non plus(17). Cette idée sera constamment reprise par les Pères de l’Eglise :

• Elle est déjà affirmée par saint Ephrem :”Toute l’Eglise est l’Eglise des pénitents, toute l’Eglise est l’Eglise de ceux qui périssent”(18).

• Saint Augustin affectionne cette idée que l’Eglise – comme l’âme individuelle – est par elle-même laide et pécheresse. Dès qu’elle confesse ses péchés, elle commence à devenir belle par l’action de Celui qui est la Beauté même. Nous avons même un texte de saint Augustin (c’est son 1er discours sur le psaume 103) où il est dit explicitement que le Christ qui a fondé l’Eglise est sans cesse en train de réformer l’Eglise ; donc c’est en quelque sorte l’idée d’une réforme permanente qui est suggérée par saint Augustin :

“Ipse enim reformator tuus qui fuit formator tuus – le Christ lui-même qui fut celui qui t’a formée est aussi celui qui va te réformer, il est ton réformateur”(19).

Voilà un texte qui n’échappera pas à la vigilance de Luther, et qui sera bien sûr souvent cité et mis en évidence par les protestants au XVIe siècle.

Et les Pères vont même plus loin. La Bible nous présente un certain nombre d’exemples de femmes vivant dans l’impureté mais qui ont été choisies par Dieu et qui ont été purifiées à la suite de ce choix. Les Pères de l’Eglise vont y voir la figure de l’Eglise, Eglise pécheresse et purifiée de son péché par l’action incessante du Christ.

• Voici Rahab, la femme de mauvaise vie de Jéricho qui reçut et sauva les éclaireurs d’Israël dépêchés par Josué et qui mérita à cause de cela d’être elle-même sauvée de l’anathème et justifiée : pour Origène(20), c’est l’image de l’Eglise qui comme Rahab a été tirée du paganisme et de l’idolâtrie.

• Voici encore la fille des Philistins, Dalila, elle aussi idolâtre et pour autant courtisane que Samson va prendre pour épouse : saint Augustin(21) y discerne un symbole, et c’est celui de l’Eglise.

• Voici enfin Thamar dont l’histoire est si étrange pour nous, voici cette épouse de péché, cette femme pécheresse ; le prophète Osée reçoit l’ordre de la prendre pour femme, et l’ordre vient de la part de Dieu : saint Jérôme(22) dit que cette femme annonce l’Eglise.

• Et enfin, sainte Marie-Madeleine : saint Ambroise(23) y voit le type de l’Eglise, l’Eglise qui à travers la figure de sainte Marie-Madeleine a bien pu prendre les dehors d’une pécheresse, tout comme le Christ a pris les dehors d’un pécheur.

Et finalement, l’idée qui ressort en clair de tous ces symboles, c’est bien l’idée que saint Paul exprime dans le chapitre 5e de l’épître aux Ephésiens : l’Eglise a été choisie pécheresse, et c’est le Christ son Epoux qui la purifie de ses souillures(24).

• Pour compléter ce que disent les Pères de l’Eglise, il y a aussi la liturgie. Ce n’est pas par hasard que la liturgie catholique assigne comme évangile à la messe de la dédicace d’une église ce passage de saint Luc(25) qui nous relate la conversion de Zachée, le publicain. Zachée est un pécheur, il est exclu du peuple de Dieu, mais un jour le Christ vient à passer sous son toit, et depuis ce jour, Zachée est purifié et lavé de son péché. Là encore, c’est une image, l’image de l’Eglise pécheresse qui sans cesse se purifie des ses fautes.

2) Le Magistère

Après les Pères, après la liturgie il y a le Magistère.

•Nous le voyons surtout, au XVIe siècle, lorsque l’explosion luthérienne eut mis en évidence la nécessité urgente d’une sérieuse contre-attaque de la part de la hiérarchie : les déclarations les plus autorisées vont se multiplier dans le sens de ce que l’on est bien obligé d’appeler par son nom : une espèce de repentance avant la lettre, un mea culpa des hommes d’Eglise qui reconnaissent leur part de responsabilité dans les abus qui ont pu fournir un prétexte aux réformateurs protestants. Voici par exemple, ce que le pape Adrien VI écrivait au nonce Chieregati, envoyé à la diète de Ratisbonne :

“Nous reconnaissons librement que Dieu a permis cette persécution de l’Eglise à cause des péchés des hommes et en particulier des prêtres et des prélats. La sainte Ecriture nous apprend que les fautes du peuple ont leur source dans les fautes du clergé. C’est pourquoi Notre-Seigneur, lorsqu’il voulut purifier la ville de Jérusalem alla d’abord au Temple … Nous savons que même sur le Saint-Siège depuis nombre d’années beaucoup d’abominations ont été commises : abus des choses saintes, transgression des commandements de telle sorte que tout a tourné au scandale … Nous tous, prélats et ecclésiastiques, nous nous sommes détournés de la voie de la justice”(26)

Nous sommes en 1522. Il faut bien reconnaître que les prédécesseurs du pape Adrien VI n’ont pas toujours été à la hauteur de l’idéal évangélique. Léon X(27) en particulier, le pape qui a condamné Luther et qui est mort en 1521, et auquel Adrien VI venait juste de succéder, Léon X était souvent plus occupé d’art, de jeu et de luxe princier que de questions religieuses. Et Léon X n’était pas un isolé, il avait ainsi tous les défauts et toutes les qualités de son temps, c’est un pape de la Renaissance, comme le furent avant lui Sixte IV, Innocent VIII, Alexandre VI Borgia et Jules II. Alors en 1522, Adrien VI constate ce manque de profondeur religieuse, cette superficialité dans le domaine de la piété, et c’est bien sûr pour le déplorer. Quelques années plus tard, au concile réuni à Trente pour affermir l’Eglise dans sa foi et la réformer dans sa vie, les plus hauts prélats, un cardinal Pole au début même du concile, en 1546, et un cardinal de Lorraine sur la fin en 1562, proclamaient chacun à leur tour un solennel mea culpa :

“Si le sel s’affadit”, rappelait le cardinal Pole, “il n’est plus bon qu’à être foulé aux pieds” ; et il ajoutait cette pensée profonde : “Si nous ne reconnaissons pas tout cela, c’est en vain que nous entrons en concile, en vain que nous invoquons le Saint-Esprit … Tant que cet Esprit ne nous a pas condamnés nous-mêmes devant nous-mêmes, nous ne pouvons pas encore dire qu’il soit entré en nous, et il n’y entrera pas si nous refusons d’être attentifs à nos propres péchés”(28).

Le cardinal de Lorraine se fera l’écho de ces paroles en citant l’Epître de saint Pierre : “Que le jugement commence par la maison du Seigneur”(29). En 1537, une commission de cardinaux et de prélats adressant au pape Paul III un mémoire sur la réforme de l’Eglise reprend également les expressions de l’Ecriture pour dénoncer la responsabilité des membres de la hiérarchie : “C’est par nous que le nom du Christ est blasphémé parmi les Nations”(30).

Plus près de nous, les papes de ces deux derniers siècles n’ont pas hésité à rappeler cette même idée de la présence du péché dans l’Eglise :

• C’est d’abord le pape Pie IX qui affirme la présence de nombreux membres qui ne sont pas saints dans l’Eglise(31).

• C’est ensuite Pie XI dans l’encyclique Mit brennender Sorge de 1937. “La mission divine de l’Eglise qui s’exerce par des hommes et doit s’exercer par des hommes peut être douloureusement obscurcie par l’humain, trop humain, qui par moments foisonne et revient sans cesse comme de la mauvaise herbe dans le froment du Royaume de Dieu”(32).

• Enfin, Pie XII lui aussi rappelle à plusieurs reprises cette vérité : les pécheurs font partie de l’Eglise et le péché en quelque sorte souille malheureusement les membres de ce Corps mystique(33) ; il projette comme des zones d’ombre parmi les fils de lumière(34).

1.2) Ces deux éléments posent une difficulté qu’il faut résoudre.

Ces deux éléments : la sainteté et le péché qui sont tous deux à l’œuvre au sein de l’Eglise, sont opposés et pourtant ils sont vrais tous les deux, ils doivent s’unifier sans se confondre. Il faut en quelque sorte les concilier.

La difficulté peut se résumer ici dans le concept de réforme. Le péché qui est dans l’Eglise en concurrence avec la sainteté appelle une réforme. Réforme au sens le plus étymologique, comme la liturgie nous le laisse entrevoir. Il s’agit pour l’Eglise de rester fidèle à elle-même, il s’agit de conserver et de retrouver, si elle vient à être perdue ou défigurée par le péché la forme d’origine, le vrai visage de l’Eglise. Remettre l’Eglise en forme donc, tel est le sens premier du mot. Et c’est justement la grâce que nous demandons dans l’oraison de la fête du 13 janvier, la fête du baptême de Notre-Seigneur. Le mot s’y trouve : “reformari = reformer, réformer”. Nous demandons la grâce d’être intérieurement réformés. Et l’épisode que la liturgie célèbre en ce jour constitue à lui seul tout un symbole : l’Agneau sans tache, sans péché reçoit le baptême qui efface les péchés. Et donc aussi (c’est le sens de cette image) il y a une Eglise qui se réforme et qui pourtant reste une Eglise sainte ; c’est une Eglise dont il faut sans cesse extirper le péché et qui pourtant n’est pas pécheresse.

Comment peut-on affirmer les deux : l’Eglise se purifie du péché et pourtant l’Eglise est sainte, l’Eglise n’est pas pécheresse ?

Il y a la sainte Réforme, la vraie Réforme : réforme au sens du pape saint Grégoire VII, réforme grégorienne des XIe et XIIe siècles. Réforme qui n’entame pas la sainteté de l’Eglise.

Et il y a aussi la prétendue réforme des réformateurs du XVIe siècle, la Réformation, la fausse Réforme : réforme au sens révolutionnaire et protestant. Fausse réforme qui prétend rejeter une Eglise pécheresse en faisant le procès d’une institution purement humaine et défaillante. Fausse Réforme à laquelle va s’opposer l’œuvre du concile de Trente, œuvre qui justement voudra se présenter comme une Contre-Réforme.

2) Solution : la synthèse catholique

2.1) Définition de la sainteté en général

A) Définition étymologique

Commençons donc par définir le terme essentiel, celui qui commande toute l’intelligence de cette question : la sainteté. Et tout d’abord partons de l’étymologie. L’étymologie d’un mot est toujours intéressante comme point de départ parce qu’elle nous livre l’acception commune du mot. C’est la définition du sens commun et saint Thomas d’Aquin, très souvent dans sa Somme théologique, commence par rechercher cette donnée fondamentale. C’est justement dans la Somme que saint Thomas a consigné cette définition étymologique de la sainteté : il en parle dans son traité sur la vertu de religion, car la religion, dit-il, a pour fin principale de conduire l’homme à l’acquisition de la sainteté.

• Le mot grec correspondant est donc “agios”et il signifie en quelque sorte “élevé au dessus de la condition terrestre” ;

• quant au mot latin à partir duquel le français a pris son origine, il dérive de l’expression “sanguine tinctum” : qui signifie “trempé dans le sang” ; et cette expression a donné naissance au vocable “sancitum”, bientôt contracté en “sanctum”, et cela désigne une situation de stabilité inébranlable. Un état d’appartenance définitive, qui à l’origine était signifié par une aspersion de sang puis sanctionné par la loi, c’est le sens du mot “sancitum”.

Voilà donc les deux idées maîtresses qui se trouvent véhiculées par ce concept de sainteté : on entend par là une situation hors du commun, situation qui arrache celui qui en est le sujet à sa simple condition terrestre ; et on entend par là une situation d’appartenance stable et définitive.

B) Définition théologique

Ces données fondamentales du sens commun se retrouvent dans la définition théologique : la sainteté se définit en fonction du surnaturel et elle fait référence à une stabilité, à une pleine maîtrise qui doit s’effectuer au sein de cet ordre. On pourrait donc déjà dire que la sainteté implique une appartenance stable à l’ordre surnaturel, et c’est en effet d’abord cette participation à la nature divine par la grâce qui définit la sainteté dans ce qu’elle a de plus fondamental. Sainteté commune et accessible à tous qui n’est pas autre chose que cet état de grâce inauguré par le sacrement de baptême, qui peut être recouvré par le sacrement de pénitence s’il vient à être perdu et qui enfin est fortifié, renouvelé, entretenu par le sacrement de l’eucharistie qui donne accès à la sainte communion.

2.2) Sainteté de l’Eglise

Si nous passons à l’Eglise, le point de vue qui en commande la sainteté, c’est bien sûr celui de la cause qui l’a produite dans l’être. L’Eglise est sainte parce que c’est Dieu qui a produit l’Eglise : elle est l’œuvre surnaturelle qui est sortie de ses mains. C’est une institution divine, c’est une fondation de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Et ce point de vue en commande un autre : l’Eglise est sainte d’une deuxième manière, parce que Jésus-Christ l’a établie comme le moyen dont il allait désormais se servir pour communiquer la sainteté.

A) Sainteté selon la fin.

La première chose qui s’impose, c’est bien sûr le but, la principale raison d’être de l’Eglise, c’est comme disent les métaphysiciens, sa cause finale. Et justement, l’Eglise n’est pas autre chose que le moyen et le moyen unique et essentiel que Dieu nous a laissé pour que nous puissions obtenir le salut éternel, le salut surnaturel(35).

• C’est la première affirmation qui se rencontre au début de la constitution Pastor aeternus du concile Vatican I : le Christ a établi l’Eglise “afin de perpétuer l’œuvre salutaire de la Rédemption”(36). Et le texte développe ici une analogie, une comparaison reprise du texte de saint Paul dans l’épître à Timothée : l’Eglise est la maison du Dieu vivant(37). Cela veut dire en particulier qu’il y aura une distinction : distinction entre la maison et ceux qui l’habitent. Et donc distinction aussi entre l’Eglise qui est le moyen du salut et les hommes qui vont recourir à ce moyen du salut. La sainteté du moyen se distingue donc de la sainteté de ceux qui s’en servent.

• C’est aussi le sens de l’enseignement de Léon XIII dans l’encyclique Satis cognitum en 1896. L’Eglise continue la même mission de Jésus-Christ : elle peut et elle doit reprendre à son propre compte les propres paroles du Fils de Dieu : “Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance”(Jn10, 10). L’Eglise est donc sainte parce qu’elle est pour la sainteté, elle est pour l’union des âmes à Dieu comme le moyen est pour la fin(38).

• Tel est aussi le sens de l’enseignement du pape saint Pie X : d’abord dans l’encyclique E supremi apostolatus de 1903: l’Eglise existe pour prodiguer “les trésors de la grâce divine en vue de la sanctification et du salut des hommes”(39) ; et encore dans l’encyclique Editae saepe de 1910, où le pape affirme de nouveau que l’Eglise est la société qui “fournit au monde les moyens opportuns et nécessaires de salut”(40).

• Tel est encore l’enseignement de Pie XI dans Mortalium animos en 1928 : pour être sauvé, il faut croire, et pour que les hommes puissent croire, il est nécessaire que l’Eglise prêche la doctrine du salut(41).

• Et enfin Pie XII en 1943, dans Mystici corporis rappelle le lien étroit qui existe entre la mission de l’Eglise et l’œuvre de la Rédemption : l’Eglise est l’instrument dont Dieu se sert pour distribuer les fruits de grâce acquis par le Christ sur l’arbre de la Croix.(42)

B) Sainteté essentielle de ce moyen qu’est l’Eglise : le pouvoir

1) Le fait

Il y a ensuite ce qui constitue l’Eglise dans son essence même : et là encore nous allons retrouver la sainteté au cœur de la définition. L’Eglise est essentiellement une société, donc un ordre, une hiérarchie. Il y a dans l’Eglise une relation entre ceux qui dirigent et ceux qui sont gouvernés : tel est l’élément fondamental qui se retrouve dans toute société. Et l’Eglise qui est une société, un ordre politique, va donc se définir par un pouvoir : et ce pouvoir, vous le savez, c’est ce double pouvoir d’ordre et de juridiction institué par le Christ. Pouvoir d’ordre : pouvoir de communiquer la grâce en distribuant les sacrements ; pouvoir de juridiction : pouvoir de gouverner les intelligences en leur communiquant la connaissance des vérités révélées, et pouvoir de gouverner les volontés en les conduisant dans les sentiers de la justice vers le salut éternel.

C’est la hiérarchie qui exerce ce pouvoir, ce sont les évêques, successeurs des apôtres, et c’est à la tête de tous les évêques, le Souverain Pontife, successeur de saint Pierre, qui gouvernent et qui sont donc comme le principe vital de ce corps politique qui est l’Eglise. Vous voyez que, là encore, nous retrouvons cette notion essentielle de sainteté : essentiellement l’Eglise est sainte parce que sa hiérarchie, son double pouvoir d’ordre et de juridiction est saint. Ce pouvoir est saint parce que l’acte qu’il exerce donne aux âmes les moyens nécessaires pour obtenir la sainteté. Ce pouvoir, cette hiérarchie n’existent et ne s’exercent que pour cela : communiquer la grâce et conduire les âmes au salut surnaturel qui est la vie divine.

L’Eglise est donc sainte parce qu’elle donne les moyens de parvenir à la sainteté. Elle est sainte et pure en tout premier lieu dans la foi qu’elle transmet ; elle est sainte dans ses sacrements ; elle est sainte aussi dans ses institutions charitables, et dans la mise en pratique des conseils évangéliques et donc en tout premier lieu dans ses Ordres religieux dont les règlements s’inspirent de cet idéal si élevé.

2) Preuve de ce fait : l’enseignement des papes

Tel est là encore en résumé l’enseignement de toute la Tradition : enseignement du concile Vatican I avec Pastor aeternus(43) où il est dit que les évêques et le pape continuent la mission divine du Christ ; enseignement de Léon XIII dans Satis cognitum(44) ; enseignement de saint Pie X dans Editae saepe(45). Les textes pourraient venir en foule.

Arrêtons-nous simplement à cette idée centrale que l’enseignement de l’Eglise a toujours eu soin de souligner : idée selon laquelle ce pouvoir, cette hiérarchie, ce magistère de l’Eglise sont saints et sacrés par eux-mêmes. A tel point que jamais les péchés des hommes ne pourront remettre en cause cette sainteté. C’est là une distinction très importante : c’est même la distinction essentielle qui doit nous permettre de résoudre l’apparente difficulté. Nous avons vu que des hommes d’Eglise du plus haut rang, un Adrien VI, un cardinal Pole ou un cardinal de Lorraine (et Pole comme de Lorraine furent tous deux bien près de devenir pape), nous avons vu que tous ont reconnu leur responsabilité et leurs fautes : leurs fautes d’hommes d’Eglise et de chefs dans le peuple de Dieu. Mais nulle part ils n’ont parlé d’une prévarication de l’Eglise elle-même. Tous reconnaissent nettement à l’occasion les fautes des personnes, même hiérarchiques, mais tous se refusent à imputer quelque défaillance à l’Eglise elle-même et comme telle. Un dernier exemple est la réponse du cardinal de Noailles, archevêque de Paris, aux objections que lui adressait le protestant Zinzendorf :

“Vous attribuez à cette Eglise qui est l’Epouse de Jésus-Christ toujours pure, toujours sainte par elle-même les fautes de ses ministres : elle en gémit, elle les châtie, mais elle n’en est pas coupable … Condamnez tant qu’il vous plaira la mauvaise conduite des évêques, des cardinaux, des papes, même quand leurs actions ne répondent pas à la sainteté de leur caractère, mais respectez l’Eglise qui leur a donné des règles saintes et qui est conduite par l’Esprit de sainteté et de vérité.”(46)

Et puis les papes eux-mêmes ont distingué. Ils ont même affirmé que l’Eglise ne doit redouter aucun préjudice si elle reconnaît le péché de ses membres : ce péché ne saurait l’atteindre elle-même. Voici par exemple Pie XI en 1923 dans l’encyclique Ecclesiam Dei :

“Les Orientaux schismatiques dissidents ont le devoir d’abandonner leurs antiques préjugés pour chercher à connaître la véritable vie de l’Eglise, de ne point imputer à l’Eglise romaine les écarts qu’elle condamne et auxquels elle s’efforce de remédier.”(47)

Pie XII dans l’encyclique Mystici corporis :

“Que si l’Eglise manifeste des traces évidentes de la condition de notre humaine faiblesse, il ne faut pas l’attribuer à sa constitution juridique mais plutôt à ce lamentable penchant pour le mal des individus que son divin Fondateur souffre jusque dans les membres les plus élevés de son Corps mystique”.(48)

Donc Pie XII fait la distinction : distinction entre les hommes d’Eglise, qui restent des hommes, fussent-ils membres de la hiérarchie, et la fonction juridique qu’ils exercent au nom du Tout-Puissant. Dans ce même passage, Pie XII ajoute que l’Eglise “brille d’un éclat sans tache”dans sa foi, dans ses lois, dans ses conseils évangéliques et dans ses sacrements ; et il précise quelles doivent être les conditions et la signification d’une véritable et juste repentance de la part de l’Eglise : l’Eglise, certes, récite tous les jours le Pater noster et tous les jours elle demande pardon à Dieu ; mais elle demande pardon des fautes de ses fils et non pas de ses propres fautes(49).

Et les papes sont même allés plus loin. Non seulement les péchés des hommes ne portent pas ombrage à la sainteté de l’Eglise, mais même, au contraire, ces péchés contribuent à la mettre davantage en relief ; car si l’on voit que l’institution persévère en dépit des défaillances humaines, c’est un argument qui doit être invoqué en faveur de la divinité de cette institution. L’Eglise constitue alors un véritable miracle moral. Ecoutons par exemple Léon XIII :

“L’historien de l’Eglise sera d’autant plus fort pour faire ressortir son origine divine qu’il aura été plus loyal à ne rien dissimuler des épreuves que les fautes de ses enfants et parfois même de ses ministres ont fait subir à cette épouse du Christ.”(50)

Et puis surtout, il y a ce texte du pape saint Pie X tiré de l’encyclique Editae saepe, qui est plus explicite :

“Seul un miracle de la puissance divine peut faire que malgré l’invasion de la corruption et les fréquentes défections de ses membres, l’Eglise, Corps mystique du Christ puisse se maintenir indéfectible dans la sainteté de sa doctrine, de ses lois et de sa fin, tirer des mêmes causes des effets également fructueux, recueillir de la foi et de la justice d’un grand nombre de ses fils des fruits très abondants de salut”.(51)

3) Preuve de ce fait : les Pères de l’Eglise

Cet enseignement des papes rejoint aussi, en l’expliquant, la doctrine authentique des Pères de l’Eglise. Nous avons vu saint Ambroise, saint Augustin, saint Jérôme parler de l’Eglise pécheresse à propos des personnages de l’Ancien et du Nouveau testament qui figurent l’Eglise. Mais les Pères font la distinction : l’Eglise elle-même est sainte et ce sont ses membres qui sont pécheurs.

• Saint Ambroise : si l’Eglise est faite de bons et de méchants, dit-il, si elle a en elle des pécheurs, elle est elle-même sainte, immaculée ; le péché ne l’atteint pas en elle-même, mais en nous(52).

• Voici encore et surtout saint Augustin qui fut le docteur providentiel face au donatisme : l’erreur de ces schismatiques qui consistait à faire dépendre la sainteté et l’efficacité des moyens de grâce, donc des sacrements, de la sainteté personnelle des ministres. Saint Augustin montre que les sacrements sont saints par eux-mêmes et non pas par les hommes qui les administrent ; et donc la sainteté de l’Eglise lui vient de ses sacrements, sans se mesurer à la valeur des personnes. L’Eglise est faite de pécheurs et de justes, il se trouve des pécheurs même parmi les ministres sacrés ; et pourtant, les sacrements gardent toute leur force de sanctification, même s’ils sont administrés par des ministres indignes(53).

• Nous pourrions encore citer saint Jean Chrysostome avec son Traité sur le sacerdoce où le saint docteur montre lui aussi que les mauvais prêtres n’enlèvent rien à la sainteté du sacerdoce(54).

Tous les saints docteurs catholiques sont donc unanimes : il y a dans l’Eglise la sainteté personnelle de ses membres, mais il y a bien plus que cela : il y a une sainteté incorruptible qui vient à l’Eglise de la foi, des sacrements, des pouvoirs hiérarchiques du sacerdoce.

Saint Augustin résume cette distinction lorsqu’il évoque l’Eglise sous l’aspect d’une communion. L’Eglise est le salut, elle est la sainteté répandue et communiquée, c’est-à-dire l’union à Dieu par et dans le Christ, et elle est aussi le moyen de ce salut, l’institution par laquelle et dans laquelle s’exercent des médiations visibles. Bien sûr, il y a les deux : le salut et le moyen du salut, et ceci est en vue de cela. Telles sont les grandes lignes de l’ecclésiologie augustinienne formulées en particulier dans ces catégories célèbres de communion. Il y a dans l’Eglise une double communion : il y a la communion des saints et il y a la communion des sacrements. Ces deux communions sont en relation l’une avec l’autre, mais elles ne coïncident pas en tous points. On peut participer à la communion des sacrements sans pour autant faire partie intégrante de la communion des saints. L’erreur consiste à confondre les deux : la communion des sacrements appelle alors nécessairement la communion des saints, l’Eglise se définit donc comme l’assemblée des justes. Pour que le péché ne l’atteigne pas en elle-même, il apparaît alors nécessaire qu’aucun pécheur ne fasse partie de l’Eglise.

Cela est évidemment faux. Nous devons maintenir la distinction.

4) Conclusion : distinction entre deux saintetés

C’est la distinction que le théologien dominicain Cajetan va mettre en relief pour répondre aux attaques de Luther. C’est au mois d’octobre 1518, dans la ville d’Augsbourg en Allemagne, qu’eut lieu l’entrevue décisive entre Martin Luther et le légat du pape : le légat est le maître général de l’Ordre des frères prêcheurs, Cajetan, que le pape Léon X a élevé au cardinalat un an plus tôt. La discussion est impossible, Luther refuse de se soumettre. Et Cajetan a bien vu où se trouvait le danger. Au retour de sa légation en Allemagne, il déclarera que Luther est en train de mettre sur pied une nouvelle église ; et c’est pour démasquer cette erreur qu’il composera à partir de 1519 pour le publier en 1521 un opuscule consacré à la défense du pouvoir pontifical(55). C’est une exégèse très serrée du texte de l’Evangile de saint Matthieu, le “Tu es Petrus”où le Christ institue l’Eglise en confiant le pouvoir des clefs à saint Pierre. Cajetan fait la distinction. Il y a une différence essentielle entre deux saintetés. Sainteté des principes et sainteté des membres. Sainteté du pouvoir, sainteté des offices, donc sainteté des clefs remises par le Christ à saint Pierre. Et puis sainteté de saint Pierre lui-même, sainteté des hommes qui utilisent ce pouvoir, sainteté personnelle des hommes qui portent les clefs du royaume des cieux. L’Eglise possédera toujours les moyens de grâce, les clefs du royaume des cieux et avec cela, elle restera l’unique dépositaire du salut ; mais le pouvoir des clefs ne dépendra pas de la fidélité personnelle de celui qui sera amené à l’exercer(56). Ce qui veut dire que les hommes d’Eglise, même le premier d’entre eux, lorsqu’ils auront à exercer leur autorité, pourront ne pas toujours être à la hauteur de la foi et de la grâce qu’il doivent transmettre. Mais pour autant l’Eglise ne sera menacée ni dans son existence, ni dans sa sainteté. Notre-Seigneur lui-même nous en a assurés : les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre son Eglise.

Et de fait, nous le voyons, même s’il n’est pas possible à l’Eglise de présenter dans son corps historique une suite irrépréhensible d’actions toutes conformes à la loi de l’Evangile, elle peut cependant alléguer la prédication ininterrompue de la vérité : c’est dans celle-ci et non dans celle-là qu’il faut chercher d’abord la sainteté de l’Eglise(57).

5) Conclusion : rapports entre deux saintetés

Cela nous amène à dégager une notion très importante, concernant le rapport qui doit exister entre ces deux saintetés. Le rapport de la sainteté des principes à la sainteté des membres dans l’Eglise, c’est le rapport de la cause à l’effet qui en procède. La sainteté des membres a pour cause la sainteté des principes. C’est donc l’Eglise qui nous rend saints. Mais la réciproque n’est pas vraie : l’Eglise n’est pas sainte seulement parce que ses membres le sont ; et de fait l’Eglise continue d’être sainte même si certains de ses membres ne le sont pas. Ce n’est donc pas le péché ici ou là dans l’Eglise, qui signifierait que l’Eglise n’est plus sainte parce qu’elle ne posséderait plus alors le moyen de produire la sainteté dans les âmes. Pas du tout. S’il y a des pécheurs dans l’Eglise et si dans l’Eglise les pécheurs sont en grand nombre, et même parfois à certaines époques en très grand nombre, cela ne veut pas dire que les principes de la sainteté ne sont plus efficaces ou qu’ils sont devenus moins efficaces ; cela veut dire que de la part des hommes il y a des obstacles qui s’opposent à l’action bienfaisante de ces principes, cela veut dire qu’il y a chez le pécheur un refus. Mais cela ne saurait entamer la sainteté essentielle de l’Eglise. Comme toujours, Dieu, par l’Eglise a donné sa grâce ; mais ce sont les hommes qui n’ont pas voulu la recevoir.

L’Eglise n’est donc pas pécheresse ; parce que le péché n’est pas dans l’Eglise. Il y a seulement dans l’Eglise des pécheurs : il y a, à côté des membres vivants, des membres morts, parce que l’Eglise est divine et humaine à la fois. Divine dans sa source ou dans son rayonnement et humaine dans tout ce qui est exposé à l’influence de cette source et de ce rayonnement.

C) Place non pas du péché mais des pécheurs dans l’Eglise

Plus profondément encore, comprenons bien que l’appartenance des pécheurs à l’Eglise n’est pas une chose accessoire ni même facultative. La constitution apostolique Unigenitus Dei Filius du pape Clément XI58 condamne entre autres la proposition janséniste de Pasquier Quesnel : “On se sépare de l’Eglise non seulement en ne croyant pas à l’Evangile, mais même en ne vivant pas selon l’Evangile”(59). L’Eglise est en quelque sorte le lieu et l’instrument de l’application de la Rédemption du Christ. Le Corps mystique est un corps où la Rédemption se fait et n’est jamais parvenue tant que dure le temps d’ici-bas à son accomplissement définitif ; c’est le corps d’une Eglise qui reste essentiellement militante. Dieu ne refuse sa grâce à aucun de ceux qui croient à la possibilité de la recevoir.

Ainsi donc, les péchés des fils de l’Eglise ne peuvent pas déformer l’Eglise ; l’Eglise pleure ces péchés, mais les larmes qu’elle peut verser ne défigurent pas son visage(60). Malheureusement, les textes que nous avons évoqués en commençant, ceux de Vatican II et ceux des papes Paul VI et Jean-Paul II, tous ces textes, sans nier explicitement la sainteté essentielle de l’Eglise, ne font pas suffisamment la distinction entre les deux saintetés, la sainteté subjective des membres et la sainteté objective des principes(61).

D) Vraie ou fausse réforme ?

C’est justement l’absence de distinction et la confusion qui sont la marque de l’hérésie et qui est aussi la marque des faux réformateurs. Ces faux réformateurs, saint Pie X les dénonce dans l’encyclique Editae saepe. Attention, dit-il, aux faux réformateurs, attention à ces loups qui se sont revêtus de la peau des brebis. Il y avait au XVIe siècle la contre-réforme catholique en face de la fausse réforme protestante ; et de même aujourd’hui encore, dit saint Pie X, l’Eglise catholique doit prendre les armes d’une sainte réforme contre les prétentions du modernisme.

Dans le cas du protestantisme et dans celui du modernisme, le processus est semblable. La sainteté de l’Eglise doit trouver son origine première dans les croyants, dans les fidèles. La sainteté des membres est antérieure à la sainteté des principes et c’est elle qui la fonde. L’Eglise est sainte parce qu’elle n’est plus que l’assemblée des croyants sincèrement convaincus. La hiérarchie de l’Eglise, le dépôt de la foi, les sacrements, les lois ecclésiastiques, tout cela ne doit avoir de consistance que si cela correspond à la pensée et aux aspirations des croyants62. Il y a un renversement. Ce n’est pas l’Eglise qui fait les saints et les croyants, mais c’est l’inverse : ce sont les saints et ce sont les croyants qui font l’Eglise. Et l’Eglise va donc évoluer, elle fera l’objet d’une rénovation et d’une réforme permanente de façon à correspondre aux aspirations des hommes du moment.

Ce n’est donc pas une réforme, mais c’est plutôt une révolution. Saint Pie X le dit clairement :

“Le projet de ces novateurs n’est pas la restauration mais plutôt la déformation et la destruction de la foi et des mœurs”(…) “Ils ont appelé réforme ces révoltes séditieuses et cette perversion de la foi et des mœurs, se donnant à eux-mêmes le titre de réformateurs. Mais en réalité, ce furent des corrupteurs”.

En même temps, saint Pie X explique où doit se trouver la véritable et sainte Réforme, la réforme catholique, la seule qui soit digne de ce nom. Saint Pie X définit le programme de cette réforme à travers l’exemple d’un véritable et saint réformateur, saint Charles Borromée. C’est en 1910 – donc trois siècles exactement après la canonisation du saint évêque de Milan – le 26 mai 1910, que saint Pie X a voulu saisir l’occasion de ce tricentenaire pour adresser un salutaire avertissement à toute la catholicité.

3) Conclusion

Pour conclure, je voudrais simplement évoquerune figure : celle du pape Sixte IV (1471-1484). Le pape qui a donné son nom à la chapelle Sixtine. Le pape qui, sans aucun doute, s’est rendu coupable d’une indulgence excessive vis-à-vis de l’humanisme païen ; c’est en particulier sous son pontificat durant les dernières années du XVe siècle, que l’art se transforme et laisse de plus en plus la porte ouverte à des éléments d’inspiration païenne au détriment de l’esprit évangélique. C’est aussi le pape qui a donné à l’Eglise le scandale de son népotisme.

Mais c’est aussi – et voilà le paradoxe –voilà même le mystère, c’est aussi le pape qui a forgé l’instrument dont l’Eglise allait avoir besoin pour se préserver sainte et pure en face des attaques de ses ennemis. C’est le pape Sixte IV qui va apporter la protection accrue du Saint-Siège aux ordres religieux, spécialement aux ordres mendiants. En 1483, l’année de la naissance de Martin Luther, Sixte IV confie au dominicain Thomas de Torquemada le soin de diriger la Sainte Inquisition espagnole, fondée cinq ans plus tôt.

Et de fait, le péril que représentaient à cette époque les deux grands ennemis de la couronne catholique d’Espagne et de l’Eglise, le péril judaïque et le péril musulman vont être très rapidement conjurés. De fait encore, le protestantisme ne pourra pas s’implanter en Espagne comme il s’implantera en France ou dans le Saint-Empire. Le XVIe siècle sera pour le reste de l’Europe un siècle tragique, jalonné par des luttes fratricides et sanglantes. Pour l’Espagne, ce sera le siècle d’or, le siècle de l’apogée du catholicisme, le siècle de Philippe II. Le 12 août 1484, le pape Sixte IV fera une mort très édifiante, conscient d’avoir peut-être été parfois dans sa personne infidèle à l’idéal des conseils évangéliques ; mais c’est indiscutablement sous son pontificat que l’Eglise a puisé un regain de force en vue de la lutte qui allait bientôt s’engager et dont la foi serait l’enjeu.

Nous voyons là un exemple qui résume bien l’essentiel de cet exposé : malgré l’indignité de ses ministres, l’Eglise garde les promesses de l’indéfectible sainteté et de l’unité de foi.

Abbé Jean-Michel GLEIZE, professeur de théologie fondamentale au séminaire d'Ecône
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Notes
  1. Cf pour l’essentiel La documentation catholique 2222 du 19 mars et 2223 du 2 avril 2000.
  2. Il s’agit du chapitre 5 de la constitution : La vocation universelle à la sainteté. Les lieux qui nous intéressent et que Jean-Paul II cite en la circonstance se trouvent aux § 39 et 40. Mais l’idée est évoquée dans tout le corps de la constitution, principalement : chapitre 1, § 8 ; chapitre 2, § 9 et chapitre 3, § 27.
  3. Cf le Commentaire authentique du texte de la constitution, donné dans l’édition officielle des décrets conciliaires, collection « Unam sanctam », 51b, tome 2, aux Editions du Cerf. Le péché dans l’Eglise, par K. Rahner, s.j. aux pages 373-391.
  4. Il est dit expressément que l’Eglise est toujours à purifier (« semper purificanda » : LG, 1, § 8) ; elle ne cesse de s’appliquer à la pénitence et à la rénovation (« paenitentiam et renovationem continuo prosequitur » : LG, ibidem) ; elle ne cesse de se renouveler (« seipsam renovare non desinat » : LG, 2, § 9). Cela implique donc au moins une rénovation morale ; et l’Eglise ne peut être le sujet de cette rénovation purificatrice d’elle-même sans être ou avoir d’abord été aussi celui du péché et de la culpabilité. « Prétendre qu’ici le terme Eglise ne signifie tout à coup que la foule moyenne des fidèles en particulier serait herméneutiquement de l’arbitraire pur. L’Eglise signifie la même chose que partout ailleurs dans la constitution, tout simplement l’Eglise » (K. Rahner, art. cit. pages 383-384).
  5. Chapitre 4, § 6 : « Bien que l’Eglise catholique ait été enrichie de la vérité révélée par Dieu ainsi que de tous les moyens de grâces, néanmoins ses membres n’en vivent pas avec toute la ferveur qui conviendrait. Il en résulte que le visage de l’Eglise resplendit moins aux yeux de nos frères séparés ainsi que du monde entier, et la croissance du royaume de Dieu est entravée. C’est pourquoi tous les catholiques doivent tendre à la perfection chrétienne ; ils doivent, chacun dans sa sphère, s’efforcer de faire en sorte que l’Eglise, portant dans son corps l’humilité et la mortification de Jésus, se purifie et se renouvelle de jour en jour, jusqu’à ce que le Christ se la présente à lui-même, glorieuse, sans tache ni ride ».
  6. Osservatore romano du 28 février 1972, cité par Romano Amerio : Iota unum, page 113.
  7. Et encore dans la dernière lettre apostolique Novo millenio ineunte, du 6 janvier 2001, au § 6 : « L’Eglise entière a voulu se rappeler les infidélités par lesquelles beaucoup de ses fils ont au cours de l’histoire jeté une ombre sur son visage d’Epouse du Christ ».
  8. Dz 150
  9. Dz 684
  10. Pour s’en donner un bref aperçu, le lecteur pressé pourra consulter l’excellente synthèse de Léon Homo : Rome médiévale (476-1420), Payot 1934, spécialement en son chapitre 3, aux pages 70-74 puis 78-80. La situation la plus critique est atteinte avec le pontificat de Jean XII (955-964). « Du moins, et c’était peut-être son unique vertu, Jean XII avait-il pleine conscience de son indignité ; par une charte délivrée au monastère de Subiaco, il ordonne aux moines de chanter quotidiennement cent Kyrie et cent Christe pour le repos de son âme ».
  11. Dz 792
  12. Session 4 du 6 juillet 1274, Dz 854
  13. Bulle Unam sanctam du 13 novembre 1302, Dz 870
  14. Session 3 du 4 février 1546, Dz 1500 (Décret de Symbolo fidei)
  15. Bulle Inunctum nobis du 13 novembre 1564, Dz 1862
  16. Constitution Dei Filius, chapitre 1, Dz 3001 et chapitre 3, Dz 3014
  17. 1ère Epître de saint Paul aux Corinthiens, 5/1 et 5/6 ; Epître de saint Jude, verset 4 ; 1e Epître de saint Jean, 2/18-19 et Apocalypse, 3/1.
  18. Paraenetica 38.
  19. Enarratio in Psalmum 103, sermo 1, § 4.
  20. Homélies 1 et 49 sur l’Evangile de saint Matthieu
  21. Sermo 374, § 2Commentaire sur le Prophète Osée, chapitre 1.
  22. Commentaire sur l’Evangile de saint Luc, livre 6, § 13
  23. Eph, 5/26-27. « Ut illam sanctificaret, mundans lavacro aquae in verbo vitae ».
  24. Lc, 19/1-10
  25. Adrien VI : Instructions au nonce Chieregati (1522) cité dans Pastor : Histoire des Papes, tome 9, pages 103 et sq.
  26. Mgr Léon Cristiani en a tracé un portrait fort suggestif dans son ouvrage Du Luthéranisme au protestantisme, 1911, pages 52-53 et renvoie à celui qu’en fait Imbart de la Tour au tome 2 de son histoire des Origines de la Réforme.
  27. Admonition des légats à la 2e session du concile, le 7 janvier 1546 dans Concilii Tridentini Actorum, tomus 4, pars prima, pages 550-551.
  28. 1 Pe, 4/17
  29. Consilium delectorum cardinalium et aliorum praelatorum de emendanda Ecclesia, 1537. Cité par Pastor : Histoire des Papes, tome 11, pages 138 et sq.
  30. « Il est toujours vrai cependant que l’Eglise est composée d’hommes lesquels souvent « de pulvere sordescunt » ; et bien que l’un de ses caractères soit celui de la sainteté parce qu’elle est sainte par son Fondateur, sainte par sa doctrine, sainte par la sainteté d’un grand nombre de ses membres, elle renferme aussi néanmoins dans son sein de nombreux membres qui ne sont pas saints et qui l’affligent, la persécutent et la méconnaissent » (Allocution à des pèlerins savoyards du 15 septembre 1876 – § 435 de l’édition de Solesmes).
  31. 14 mars 1937, AAS, page 152.
  32. Mystici corporis, § 1024
  33. Radio-message de Pâques aux fidèles du monde entier, 6 avril 1958 – § 1512 de l’édition de Solesmes.
  34. On peut légitimement se demander si telle est toujours la principale ambition des hommes d’Eglise depuis la fin du 20e siècle, lorsqu’on lit par exemple dans la constitution pastorale Gaudium et spes de Vatican II que le concile se propose « d’offrir au genre humain la collaboration sincère de l’Eglise pour l’instauration d’une fraternité universelle » (§ 3) ou lorsqu’on entend le pape Jean-Paul II dire aux jeunes rassemblés à Tor Vergata pour les 15e JMJ, le 19 août 2000, que l’un des principaux objectifs de la Nouvelle Evangélisation est de « rendre cette terre toujours plus habitable pour tous » (DC 2232 des 3 et 17 septembre 2000).
  35. « Le Pasteur éternel et l’Evêque de nos âmes, afin de perpétuer l’œuvre salutaire de la Rédemption, a décidé d’édifier la sainte Eglise, dans laquelle, comme dans la demeure du Dieu vivant, tous les fidèles seraient rassemblés par le lien d’une seule foi et d’une seule charité » (Pastor aeternus, Dz 3050)
  36. « Domus Dei quae est Ecclesia Dei vivi » (1 Tim, 3/15)
  37. « Cela est plus évident encore si l’on considère le dessein du divin Auteur de l’Eglise. Qu’a cherché, qu’a voulu Jésus-Christ Notre-Seigneur dans l’établissement et le maintien de son Eglise ? Une seule chose : transmettre à l’Eglise la continuation de la même mission, du même mandat qu’il avait reçu lui-même de son Père. C’est là ce qu’il avait décrété de faire et c’est ce qu’il a réellement fait. « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi aussi je vous envoie » (Jn, 20/21). « Comme vous m’avez envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde » (Jn, 17/18). Or, il est dans la mission du Christ de racheter de la mort et de sauver ce qui avait péri … La mission de l’Eglise est donc de répandre au loin parmi les hommes et d’étendre à tous les âges le salut opéré par Jésus-Christ et tous les bienfaits qui en découlent » (Léon XIII : Satis cognitum, du 29 juin 1896, § 550 de l’édition de Solesmes – Les Enseignements pontificaux)
  38. « Où est la voie qui nous donne accès auprès de Jésus-Christ ? Elle est sous nos yeux : c’est l’Eglise. C’est pour cela que le Christ l’a établie après l’avoir acquise au prix de son sang, pour cela qu’il lui a confié sa doctrine et les préceptes de sa loi, lui prodiguant en même temps les trésors de la grâce divine pour la sanctification et le salut des hommes » (saint Pie X : Encyclique E Supremi apostolatus du 4 octobre 1903, § 654 de l’édition de Solesmes)
  39. « Le Christ est en effet « la voie, la vérité et la vie » (Jn, 14/6). Il est venu « pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en surabondance » (Jn, 10/10). Mais parce que l’accomplissement de ces devoirs avec l’aide de la nature seule est bien au-dessus de ce que les forces de l’homme peuvent atteindre par elles-mêmes, l’Eglise possède en même temps que son droit d’enseigner le pouvoir de gouverner la société chrétienne et celui de la sanctifier. En effet, par le moyen de ceux qui en vertu de leur rang propre et de leurs fonctions sont ses ministres et ses coopérateurs, elle fournit au monde les moyens opportuns et nécessaires de salut » (Encyclique Editae saepe du 26 mai 1910, § 731 de l’édition de Solesmes)
  40. « Le double précepte du Christ (celui d’enseigner et celui de croire en vue de la possession du salut éternel) ne peut se comprendre que si l’Eglise expose intégralement et publiquement la doctrine évangélique et si dans cet exposé elle est à l’abri de tout péril d’erreur » (Encyclique Mortalium animos du 6 janvier 1928, § 866 de l’édition de Solesmes)
  41. « De même qu’au premier instant de l’Incarnation le Fils du Père éternel combla la nature humaine qu’il s’était substantiellement unie de la plénitude du Saint-Esprit, pou en faire un instrument apte de sa divinité dans l’œuvre sanglante de la Rédemption, ainsi voulut-il à l’heure de sa précieuse mort enrichir son Eglise de l’abondance des dons du Paraclet pour la rendre un instrument efficace et à jamais durable du Verbe incarné dans la distribution des fruits divins de la Rédemption » (Encyclique Mystici corporis du 29 juin 1943, § 1031 de l’édition de Solesmes)
  42. De même donc qu’il envoya les Apôtres qu’il s’était choisis en les appelant du monde, de la même façon que lui-même avait été envoyé par le Père, ainsi, il voulut qu’il y eût dans son Eglise des pasteurs et des docteurs jusqu’à la consommation du siècle. Afin que l’épiscopat lui-même fût un et indivis et que toute la multitude des croyants fût conservée dans l’unité de foi et de communion par l’intermédiaire de prêtres unis les uns aux autres, à cette fin, plaçant le bienheureux Pierre à la tête de tous les autres apôtres, il établit dans sa personne le principe perpétuel et le fondement visible de l’une et l’autre unité, pour que sur la solidité de ce fondement soit construit le temple éternel et afin que se dresse sur la fermeté de cette foi la grandeur de l’Eglise qui devait être élevée au ciel (Dz 3051).
  43. « Sur le point de retourner au ciel, il envoie ses apôtres en les revêtant de la même puissance avec laquelle son Père l’a envoyé lui-même, et il leur ordonne de répandre et de semer partout sa doctrine. Seront sauvés tous ceux qui obéiront aux apôtres ; ceux qui n’obéiront pas périront » (§ 561) ; « La mission des apôtres n’était point de nature à pouvoir périr avec la personne même des apôtres ou disparaître avec le temps, car c’était une mission publique et instituée pour le salut du genre humain … Comment cela eût-il pu se réaliser dans les seuls apôtres, que leur condition d’hommes assujettissait à la loi suprême de la mort ? La Providence divine avait donc réglé que le magistère institué par Jésus-Christ ne serait point restreint aux limites de la vie même des apôtres mais qu’il durerait toujours. De fait nous voyons qu’il s’est transmis et qu’il a passé comme de main en main dans la suite des temps Les apôtres en effet consacrèrent des évêques et désignèrent nominativement ceux qui devaient être leurs successeurs immédiats dans le ministère de la parole. Mais ce n’est pas tout : ils décrétèrent que leurs successeurs se choisiraient eux-mêmes des hommes propres à cette fonction. Il est donc vrai que de même que Jésus-Christ a été envoyé par Dieu, et les apôtres par Jésus-Christ, de même les évêques et tous ceux qui ont succédé aux apôtres ont été envoyés par les apôtres » (§ 565).
  44. « Cette divine mission, perpétuellement transmise à ceux qui doivent agir comme légats du Christ, est à proprement parler celle d’enseigner toutes les nations » (§ 730)
  45. Cité par A Salmon : La Catholicité du monde chrétien d’après la correspondance inédite du comte Louis de Zinzendorf avec le cardinal de Noailles et les évêques appelants, 1719-1728, 1929, pages 21-22.
  46. Encyclique Ecclesiam Dei du 12 novembre 1923, AAS 1923, page 580.
  47. § 1065 de l’édition de Solesmes. Et encore au § 1066 : « Assurément notre pieuse Mère brille d’un éclat sans tache dans les sacrements où elle engendre ses fils et les nourrit ; dans la foi qu’elle garde toujours à l’abri de toute atteinte ; dans les lois très saintes qu’elle impose à tous et les conseils évangéliques qu’à tous elle propose ; enfin dans les grâces célestes et les charismes surnaturels par lesquels elle engendre avec une inlassable fécondité des troupes innombrables de martyrs, de confesseurs et de vierges ».
  48. ibidem : « Ce n’est cependant pas à elle qu’il faut reprocher les faiblesses et les blessures de certains de ses membres au nom desquels elle-même demande pardon à Dieu tous les jours : « Pardonnez-nous nos offenses » et au salut spirituel desquels elle se consacre sans relâche avec toute la force de son amour maternel »
  49. Lettre aux évêques et au clergé de France du 8 septembre 1899 (Acta Leonis XIII, tome 7, page 295)
  50. § 726 de l’édition de Solesmes. Et précédemment, au § 724 : « Quand la licence des mœurs est plus déchaînée, plus féroce l’élan de la persécution, plus perfides les embûches de l’erreur, quand ces maux semblent la menacer de la dernière ruine, lui arracher même nombre de ses fils pour les jeter au tourbillon de l’impiété et des vices, c’est alors que l’Eglise éprouve le plus efficacement la protection divine ».
  51. « Ex maculatis immaculata » (Commentaire sur Lc, 1/17) ; « Non in se sed in nobis vulneratur Ecclesia. Caveamus igitur ne lapsus noster vulnus Ecclesiae fiat » (De virginitate, 48).
  52. Traités 5 et 6 sur l’Evangile de saint Jean ; livre 3 du de Baptismate contra Donatistas.
  53. De sacerdotio, livre 3, § 10 ; Homilia 4, § 4 et 5 : « Quand tu verrais un prêtre indigne, n’attaque pas le sacerdoce ; ce n’est point la chose qu’il faut blâmer mais celui qui use mal de ce qui est beau, car si Judas fut traître c’est la condamnation non de l’apostolat mais de sa propre vie ; ce n’est pas un grief contre le sacerdoce c’est un péché de sa conscience ».
  54. De divina institutione Pontificatus totius Ecclesiae in persona Petri apostoli. Cf l’article de J.D.M. Maes, op : Le pouvoir pontifical d’après Cajetan in Ephemerides theologicae Lovanienses, 705-721 – 1935, 12.
  55. Le pape pécheur ne cesse pas d’être pape. Cf Dz 1212, 1213, 1220, 1222, 1224, 1230 : propositions condamnées de Jean Huss par le Concile de Constance (Session 15 du 6 juillet 1415) et par le Pape Martin V (Décret du 22 février 1418). Tout le drame qui a mis aux prises le dominicain Jérôme Savonarole (1452-1498) avec le pape Alexandre VI Borgia (1492-1503) trouve son origine dans le refus de cette distinction. Refus qui dans le cas de Savonarole correspond à une attitude empirique et non pas à un système clairement défini : on ne doit pas considérer Savonarole comme l’héritier de Wyclif et Huss ni comme un précurseur de Luther. Sa théologie reste catholique : il maintient la nécessité de l’Eglise pour le salut et l’obéissance due en principe à l’autorité du pape. « Mais attaché théoriquement à la doctrine catholique, Savonarole s’est laissé entraîner par la fougue de son éloquence et de ses convictions prophétiques à des manières de parler et d’agir que le catholicisme ne comporte pas. A prendre à la lettre son langage on aurait pu croire que non seulement l’Eglise avait besoin de réformes mais qu’elle n’existait plus » (Félix Vernet dans l’article Savonarole du Dictionnaire apologétique de la foi catholique, col 1226). Cf. la lettre à Alexandre VI du 3 mars 1497 et les sermons des 7 et 14 mars de la même année.
  56. Romano Amerio : Iota unum, chapitre VI, § 58 : Sainteté de l’Eglise, page 113.
  57. Du 8 septembre 1713.
  58. Proposition condamnée 78, Dz 2478. « Separatur quis a populo electo tam non vivendo secundum Evangelium quam non credendo Evangelio ».
  59. Cf Romano Amerio : Stat veritas – Suite à « Iota unum », page 99 (Appréciation sur le § 35 de Tertio millenio adveniente).
  60. Cf Romano Amerio : Iota unum, page 113.
  61. Saint Pie X a déjà dénoncé les erreurs de cette nouvelle fausse réforme du modernisme : en 1907 le décret Lamentabili du Saint-Office énumère en les réprouvant quelques-unes de ces erreurs qui portent atteinte à la constitution divine de l’Eglise. Il y a surtout la proposition 54 : « Les dogmes, les sacrements, la hiérarchie, tant dans leur notion que dans la réalité ne sont que des interprétations et des évolutions de la pensée chrétienne qui ont accru et perfectionné par des développements extérieurs le petit germe latent dans l’Evangile ».

[Abbé Christan Bouchacourt, fsspx - Le Chardonnet] Plaidoyer pour une mère...

Abbé Christan Bouchacourt, fsspx - Le Chardonnet - mars 2000

Chaque vingt-cinq ans, depuis 1300, a lieu une Année Sainte dans l'Église au cours de laquelle les catholiques sont invités à la conversion, à retrouver la grâce de leur baptême, à purifier leur âme et à se libérer de l'esclavage du péché. Ce temps est aussi l'occasion d'approfondir les vérités de la foi, de s'approcher avec plus de profit des sacrements et de redécouvrir la splendeur de la liturgie.
 
Une année sainte ou jubilaire devrait être une période de réelle joie spirituelle mais il nous faut constater, hélas, que nous vivons un long chemin de croix. Les rassemblements inter-religieux, comme les célébrations œcuméniques à répétition, défigurent tous les jours un peu plus cette Église que nous aimons.
 
La sainteté même de l'Église va être bafouée le 12 mars prochain par la journée de repentance présidée par le pape. Le but d'une telle journée est de demander pardon pour des prétendues fautes que d'autres ont commis hier ou dans un passé lointain, sous-entendant par-là que l'Église en porterait la responsabilité ; ainsi les ennemis de notre religion exulteront et les catholiques n'en seront que plus humiliés. Nous ne pouvons admettre cela ! Pas plus qu'un enfant ne peut tolérer que sa mère soit salie ; nous ne tolérons pas que l'Église, notre Mère, soit ainsi flagellée non seulement par ses ennemis mais encore par ceux qui la gouvernent.
 
En effet, l'Église a reçu l'ordre du Christ de se répandre de par le monde "Allez enseigner toutes les nations..." Alors l'Évangile se répandit dans l'empire romain malgré les persécutions. Très rapidement, les premiers monastères furent érigés ; les bénédictins, par exemple, essaimèrent un peu partout en Occident ; les moines défrichèrent les forêts, apprirent aux populations à travailler la terre et instruisirent les enfants. Le paganisme, avec toutes ses monstruosités, recula. Une civilisation naissait : la chrétienté ! S'élevèrent alors des églises et des cathédrales construites bénévolement par les catholiques eux-mêmes après leur journée de travail. Beaucoup de grandes villes françaises ont pour origine un monastère. L'Église ouvrit un peu partout des dispensaires, des hôtels-Dieu, des hôpitaux gratuits pour les indigents et cela, bien avant l'existence de la Sécurité Sociale...
 
L'Église favorisa aussi le savoir, en ouvrant les grandes universités qui firent la gloire de la chrétienté, comme par exemple la Sorbonne à Paris et l'Université de Salamanque en Espagne. Elle voulut aussi être un instrument de paix. Voyant les hommes s'entre-tuer le pape Jean XV, en 990, lança l'idée de la Trêve de Dieu qui interdisait, sous peine d'excommunication, de faire la guerre pendant l'Avent et le Carême niais aussi du mercredi au lundi suivant, ce qui laisse peu de jours pour la guerre!
 
L'Église défendra ses lieux saints menacés par les musulmans. N'avait-elle pas raison de s'inquiéter lorsqu'elle lisait dans le Coran les citations suivantes ? : "Il n'y a point auprès de Dieu d'animaux plus vils que ceux qui ne croient point et restent infidèles" (sourate VIII, verset 57) ou encore "tuer les idolâtres partout où vous les trouverez, faites-les prisonniers, assiégez-les dans toutes les embuscades" (sourate IX, verset 5) ou enfin "admonestez vos femmes dont vous craignez l'infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les" (sourate IX, verset 34).
 
Les états catholiques vont en effet commencer la conquête du continent américain. Doit-on les condamner pour avoir mis fin à la civilisation aztèque qui "offrait" 20 000 sacrifices humains par an, si ce n'est plus ? Peut-on leur reprocher d'avoir mis fin à la civilisation Inca qui enterrait leurs rois défunts avec quelques serviteurs et servantes, bien vivants, eux, sans compter le cannibalisme qu'elle pratiquait?
 
L'Église, au Moyen-Age, eut le souci de protéger l'ouvrier sans défense ; Le leader socialiste Louis BLANC le reconnaîtra dans son Histoire de la Révolution française. "Protéger les faibles était une des préoccupations les plus chères du législateur chrétien".
 
La Révolution française détruisit réorganisation sociale en interdisant, entre autre, les corporations. Les ouvriers furent alors exploités par la révolution industrielle et le capitalisme du XIXè siècle. De grands catholiques tels qu'Albert de MUN et René de LA TOUR du PIN déposèrent une proposition de loi interdisant de faire travailler avant 13 ans, les garçons, et 16 ans, les femmes, et limitant la journée à 11 heures de travail ; cette proposition fut repoussée par 8 voix dont 2 socialistes...!
 
Les patrons catholiques eurent le soin aussi de veiller sur les familles en lançant, dès 1916, les premières allocations familiales qui furent définitivement adoptées et généralisées par le régime de Vichy. Les congés payés étaient eux-mêmes en vigueur dans un très grand nombre d'entreprises dirigées par des patrons catholiques, et cela bien avant 1936. L'encyclique de Léon XIII, Rerum Novarum, avait donné un élan magnifique à la doctrine sociale. La liste des bienfaits de l'Église depuis 2 000 ans est considérable. Devant les attaques répétées contre notre religion, l'Église notre Mère ne devait-elle pas rappeler tous ces bienfaits à ses enfants et au monde ? Bien sûr elle est constituée d'hommes faillibles et pécheurs mais leurs fautes et leurs désordres ne peuvent et ne doivent pas lui être attribués mais à la nature humaine pécheresse.
 
Il me semble cependant, qu'à la place de cette lamentable repentance, on pourrait attendre un réel repentir : Celui de toutes les réformes engagées depuis le concile Vatican Il qui ont bouleversé de fond en comble l'Église. Beaucoup de ceux qui sont à l'origine de ces réformes sont encore vivants comme le sont les évêques qui cherchent à les imposer. Combien d'hommes et de femmes ont perdu la foi depuis 35 ans ! Combien de prêtres ont abandonné leur sacerdoce ! Combien de pauvres gens sont allés se réfugier dans les sectes parce qu'ils étaient désorientés par leurs pasteurs Là il me semble qu'il y aurait matière à demander pardon...
 
Gardons courage, nous sommes certains qu'un jour ce temps arrivera, la Vierge ne nous l'a-t-elle pas promis à Fatima : "A la fin, mon Coeur Immaculé triomphera".
 
Abbé Christian BOUCHACOURT