19 février 2004

[Aletheia n°53] Le témoignage du Cardinal Oddi

Aletheia n°53 - 19 février 2004
LE TEMOIGNAGE DU CARDINAL ODDI (1910-2001)
En 1992, lors de la préparation d’une biographie de Paul VI, j’interrogeai à Rome, ou par écrit, plusieurs cardinaux qui avaient été ses collaborateurs. Tous me firent, dans leurs appartements du Vatican et/ou par des échanges de courrier, un accueil bienveillant et acceptèrent de répondre longuement à ses questions. Tous sauf un. Cardinal français de curie, encore en fonction aujourd’hui et réputé pour le sens élevé qu’il a de sa dignité, il n’avait daigné m’accorder, dans son immense bureau romain, que quelques pages photocopiées de sa bibliographie.
Tout autrement chaleureux fut l’accueil du cardinal Oddi. Après avoir été Nonce apostolique en Europe et au Moyen-Orient, il avait été créé cardinal en 1969 par Paul VI et, sous le pontificat de Jean-Paul II, il avait été Préfet de la Congrégation pour le clergé (1979-1986). Il fut un de ces cardinaux que, par paresse intellectuelle, on qualifie de “ conservateurs ”.
Finalement, de sa retraite de Morfasso, il m’adressait, le 18 août 1992, une longue réponse dactylographiée, en français, aux diverses questions que je lui avais posées. Le cardinal Oddi m’écrivait : “ Faites en ce que vous jugez opportun. Je m’excuse des erreurs de frappe et peut-être de langue. Corrigez là où vous jugez opportun ou nécessaire ”. J’ai utilisé certains éléments de ce témoignage dans mon Paul VI. Le pape écartelé (Perrin, 1993). Je publie, cette fois intégralement, avec quelques corrections de style, les réponses du cardinal Oddi. Elles éclairent certains épisodes de l’histoire récente de l’Eglise.
Yves Chiron
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Quand avez-vous fait connaissance du futur Paul VI ?
J’ai fait la connaissance de Mgr Montini en 1934. Il était à la Secrétairerie d’Etat et moi élève de l’Académie Pontificale qui prépare le personnel destiné aux services du Saint-Siège, en particulier pour la diplomatie vaticane. En 1936, j’ai été envoyé à la Délégation apostolique de Téhéran puis, en 1939, à la Délégation Apostolique de Beyrouth.
Avant qu’il ne devienne Pape, je n’étais pas particulièrement lié à Mgr Montini.
Paul VI vous a-t-il consulté sur des sujets précis ?
C’est au cours d’entretiens avec lui, quand il était encore Substitut à la Secrétairerie d’Etat, que nous avons parlé de l’organisation à donner aux services diplomatiques du Saint-Siège, à commencer par le choix et la préparation du personnel, des intérêts à porter aux différents problèmes, etc.
Quand il est devenu Pape en 1963, j’étais depuis un an Nonce Apostolique en Belgique et au Luxembourg et représentant du Saint-Siège auprès des Communautés européennes. C’est justement à propos de l’intérêt à porter à cette nouvelle organisation que le pape m’a consulté. Il désirait connaître ce que j’en pensais.
Pendant que j’étais en poste à Bruxelles, Paul VI m’a aussi plus d’une fois consulté sur la marche du Concile qui le préoccupait énormément. Au point que, en 1965, le Concile terminé, il m’a confié qu’il avait remercié le bon Dieu d’avoir pu le conclure car Dieu seul pouvait prévoir où auraient pu arriver certaines tendances qui s’étaient manifestées au cours des discussions…
Toutes les fois que j’ai eu l’honneur d’être reçu en audience par le Saint-Père, après m’avoir écouté, il m’exposait sa pensée sur les problèmes les plus vifs du moment ayant la bonté de me demander ce que j’en pensais ; par exemple, sur l’habit des prêtres et des religieux ou sur les changements dans la liturgie. Je me rappelle que le Saint-Père partageait ma pensée sur la communion dans la main, et je sais – probablement je n’étais pas le seul à soulever de graves objections – qu’il a retiré, au moins pour une année, l’autorisation qu’il avait donnée à certains épiscopats, par exemple en Belgique qui était à l’avant-garde en matière.
Mon impression était que le Saint-Père n’était pas d’accord personnellement avec certaines innovations dans la “ conduite extérieure ” des prêtres ; avec certaines innovations liturgiques. J’avais même l’impression qu’il en souffrait mais il craignait de n’être pas obéi dans plusieurs parties du monde catholique.
La seule consultation formelle a été au sujet de l’interprétation qui mettait les cardinaux à la retraite complète après 80 ans. Le pape devait-il se retirer à 80 ans ? Ma réponse a été un net NON. Il ne devait pas se retirer. Puisque le choix venait de Dieu, c’est donc Lui qui devait dire “ STOP ”, pas les hommes !
Plus d’une fois, au cours d’audiences privées, Paul VI m’a entretenu du problème de la fameuse “ pilule ”. Tout le monde sait que le Pape a dit n’avoir jamais eu tant de calme d’esprit que depuis qu’il était arrivé à la conclusion du problème.
Vous avez déclaré que le canon 2, introduit par la réforme liturgique, était “ peu clair et imprécis ”. Quel jugement portez-vous sur la réforme liturgique et sur la façon dont elle a été appliquée ?
Ce que j’ai dit au sujet du canon 2 est exact. J’ai dit aussi que le cardinal Siri m’avait confié qu’il adoptait souvent le canon 2 qu’il trouvait très intéressant. Je vous dirai que moi-même j’adopte facilement et volontiers le canon 2.
Je me rappelle que j’ai eu l’occasion de dire au Saint-Père Paul VI que personnellement je n’étais pas d’accord avec toute cette transformation de la liturgie comme si on s’était aperçu que jusqu’à maintenant on avait suivi une fausse route… J’ai souvent protesté contre la presque suppression du latin même dans la messe, malgré la claire volonté du Concile, et j’ai eu l’occasion de dire au Pape que cette suppression était en opposition avec les dispositions-mêmes du Concile. Le Saint-Père avait l’intention de demander aux Evêques du monde catholique d’avoir au moins une Messe en latin dans les principaux centres du diocèse, surtout pour offrir ce service aux étrangers.
Une liste d’ecclésiastiques francs-maçons, qui comprend le nom de plusieurs cardinaux et de prélats, a circulé. En avez-vous eu connaissance ? Qu’en pensez-vous ?
Je me rappelle effectivement qu’un prélat ami m’a montré une longue liste (160 noms à peu près, si je ne me trompe) d’ecclésiastiques, haut placés, qui étaient qualifiés de membres de la franc-maçonnerie. Je me rappelle avoir dit à ce collègue de ne pas prendre au sérieux cette liste, à mon sens fabriquée par des “ conservateurs ” pour dénigrer les “ progressistes ”. Je connaissais assez bien personnellement certains ecclésiastiques de cette liste et j’étais sûr à cent pour cent qu’ils n’avaient aucun rapport avec les francs-maçons. La liste est tout de même arrivée aux mains du Saint-Père.
Qu’il puisse y avoir parmi les ecclésiastiques quelque inscrit à la maçonnerie était possible, mais il s’agirait de cas vraiment minimes et de personnes d’importance assez réduite. C’est encore ce que je pense aujourd’hui, bien que, au cours de mon service diplomatique, j’aie nourri quelque soupçon pour certaines personnes d’Eglise.
Quels ont été vos rapports avec Mgr Lefebvre ?
Sans avoir de sympathie pour le mouvement, je me suis occupé du problème Lefebvre. Déjà en France – à l’époque où j’étais secrétaire du Nonce Roncalli à Paris –, je m’étais occupé de ce Monseigneur car j’avais eu l’occasion de connaître son travail en Afrique et j’admirais sa conduite.
J’ai eu l’occasion de faire connaître ma pensée et mon jugement au Saint-Père qui avait l’air de considérer avec sympathie l’Evêque en question. Il l’a même reçu en audience privée pour régler le problème, la Commission cardinalice n’étant pas arrivée à une conclusion. Si cette rencontre n’a pas obtenu le résultat désiré, je doute que la responsabilité en revienne tout entière à Mgr Lefebvre. Selon ce que celui-ci m’a raconté après sa rencontre avec Paul VI, le Pape avait reçu des informations fausses au sujet de la situation des Lefebvristes.
Quant à la situation de l’Eglise en France, je me suis toujours demandé si le Saint-Père en avait pleine connaissance, surtout à propos de la situation des séminaires.
Vous estimez que le “ troisième secret de Fatima ” est relatif à la crise de l’Eglise ? Pourquoi, selon vous, n’a-t-il pas encore été rendu public ?
Au commencement de 1960, au cours d’une audience avec Jean XXIII, je me suis permis de lui dire que j’étais scandalisé du fait que toute l’Eglise catholique parlait de ce Secret et que, au moment annoncé pour sa publication, le “ Secret ” avait disparu. Le Saint-Père m’a répondu : “ Ne m’en parle pas ” et il a fait un geste comme pour dire que c’était une chose qui n’était pas digne d’attention. J’ai répondu que je ne pouvais pas être de cet avis sans perdre un peu la confiance dans le sérieux de l’Eglise. Le Saint-Père sourit et l’on passa à un autre sujet.
Mais le papier qui était supposé contenir le Secret fut de nouveau placé dans l’armoire du Saint-Père. J’ai su plus tard que le texte écrit par Sœur Lucie avait été lu par le minutante portugais de la Secrétairerie d’Etat en présence du Pape, du cardinal Ottaviani et de Mgr Capovilla, puis remis à sa place.
On m’a dit que Paul VI avait lu, lui aussi, le message. Je suis sûr qu’il a été lu par Jean-Paul II. Pourquoi n’a-t-il pas été publié ?[1]  Jean XXIII ne l’avait pas jugé digne de publication et Paul VI a dû partager la même opinion. Je ne peux pas deviner pourquoi le Pape Paul VI n’a pas évoqué le Secret au cours de son voyage à Fatima en 1967. Mais il a fait venir Sœur Lucie à la cérémonie au terme de laquelle il a présenté la voyante à la foule.
J’ai su, au cours d’un entretien que j’ai eu avec Sœur Lucie, que Jean-Paul II avait discuté longuement avec elle, en 1983, et ils s’étaient tous deux trouvé d’accord pour estimer que “ la publication aurait pu être mal interprétée, dans un mauvais sens … ” C’est exactement ce que Jean-Paul II a déclaré dans un discours en Allemagne et qu’il a répété dans un déjeuner avec un certain nombre de cardinaux.
Le Secret n’est plus un secret à mon avis. Je reste fidèle à mon interprétation… jusqu’au moment où on publiera le texte officiel ! J’ai dit à Sœur Lucie, au cours de l’entretien que j’ai eu avec elle, que je ne voulais pas connaître le texte. Même si je me suis permis d’ajouter : “ Je n’arrive pas à comprendre que l’on puisse juger la Sainte Vierge moins prudente que les hommes ”.
J’ajoute un petit mot à vos questions. Dans certains milieux ecclésiastiques, on reproche au pape Paul VI :
a) d’avoir privé les cardinaux octogénaires du droit de vote pour l’élection du pape. Le cardinal Felici, juriste, ayant été consulté par le Pape Paul VI lui avait répondu : “ Juridiquement le Pape ne peut pas priver des ayant droits du vote comme membres du Sacré-Collège. Car il s’agit de priver d’un droit sans qu’il y ait eu faute. Mais, par son pouvoir direct, le Pape peut supprimer le Sacré-Collège le jour-même… ” Il est certain que cette privation de droit a été considérée, par un certain nombre de cardinaux, comme une “ punition ” non méritée.
b) beaucoup de critiques ont été adressées à Paul VI pour la façon dont il s’est conduit avec le cardinal Mindszenty. Celui-ci avait quitté l’Ambassade américaine à Budapest et était venu à Rome, dit-on, avec l’assurance qu’il ne serait pas privé du titre d’archevêque d’Esztergom. Arrivé à Rome, le Saint-Siège lui demanda de renoncer à son diocèse. Le Cardinal a refusé, mais il a été officiellement destitué. Le Cardinal l’a raconté dans ses Mémoires en ajoutant qu’il n’avait autant souffert de sa vie.
On a reproché au Saint-Siège, donc au Pape, d’avoir cédé aux pressions du gouvernement hongrois. C’est certain que le Saint-Siège a agi de cette façon pour le bien des âmes et du pays, mais le cardinal Mindszenty n’a pas jugé de la même manière… C’était l’époque de l’Ostpolitik !
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Vient de paraître : Yves Chiron, Ma Mère, Editions Nivoit (5 rue du Berry, 36250 Niherne). Un livret autobiographique, 18 pages, tirage limité, édition numérotée, 6 euros franco de port.
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[1] Le 13 mai 2000, le texte du Secret a finalement été publié par le Saint-Siège, accompagné d’une interprétation (NDLR).

8 février 2004

[Aletheia n°52] Les “Petits dialogues” de Jean Madiran + Vatican II et l’Evangile, par l’abbé de Tanoüarn + Revue des revues

Aletheia n°52 - 8 février 2004
Les “ Petits dialogues ” de Jean Madiran
Dans les milieux catholiques attachés à la Tradition, la discussion ou la saine et intelligente controverse rencontre souvent des obstacles.
Il y a l’ignorance de ce qui se fait et s’écrit ailleurs. Manque de curiosité intellectuelle ou “ manque de temps pour tout lire ” dira-t-on.
Il y aura aussi, fréquemment, chez les mieux informés, silence sur ce que l’autre fait ou écrit. Un silence qui reflète alors un sens très affirmé de sa propre supériorité et la certitude de posséder seul la vérité.
 Ou alors, l’évocation qui est faite des actes et positions d’autrui sera malveillante ou caricaturale. Et, inversement, il y aura des approbations inconditionnelles et paresseuses de tout ce qui se dit et se fait pourvu que cela vienne de ceux qui sont réputés “ proches ”.
Exemple récent de malveillance : on affirmera que Dom Gérard s’est démis de sa charge abbatiale “ sous la pression de Rome ” (cela s’est lu dans un intelligent et agile bulletin proche de la FSSPX).
Exemple de silence : telle éminente revue trimestrielle proche de la Fraternité Saint-Pierre, et qui a un sens aigu de la romanité, a pu, jusqu’ici, faire comme si n’existaient pas les études théologiques du concile Vatican II faites par la Fraternité Saint-Pie X et ceux qui sont proches d’elle.
Les exemples de réel débat sont rares. Il faut tout l’art et l’autorité d’un Jean Madiran pour, à travers ses “ Petits dialogues ” – cinq à ce jour –, éclairer, opposer, rectifier et faire se rencontrer. Ceux qui ne lisent pas Présent les ignore. Ceux qui le lisent distraitement n’ont peut-être pas saisi l’importance et la salubre ambition de ces “ Petits dialogues ”.Les cinq parus à ce jour sont : Petit dialogue inter-laïcs sur la messe tradi (4 décembre 2003), Petit dialogue plus laïc que clérical sur la FSSPX (17 décembre), Petit dialogue inter-laïcs sur l’antérieur et le postérieur (24 décembre), Inter-laïcs : la confession d’Hubert le papiste (14 janvier 2004), Petit dialogue à propos d’un Père abbé émérite (7 février)[1].
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Vatican II et l’Evangile, par l’abbé de Tanoüarn
L’abbé Guillaume de Tanoüarn est sans conteste un des esprits les plus déliés parmi les prêtres traditionalistes. Pour avoir écrit, ici, que sa revue, Certitudes, est la plus libre des revues de la FSSPX ou proches de la FSSPX, il m’a gourmandé dans une autre de ses publications, Pacte.
Au risque de lui déplaire, je maintiens qu’il y a toujours un vif plaisir intellectuel à le lire, même si on est pas toujours d’accord avec lui. Dans la “ lutte doctrinale ” (l’expression est de l’abbé de Cacqueray, supérieur du District de France) que semble privilégier désormais la FSSPX, l’abbé de Tanoüarn est assurément un chevau-leger ou un hussard, au sens littéral d’éclaireur, et non au sens figuré.
L’audace spéculative de ce disciple de Cajétan lui permet d’écrire, dans un ouvrage collectif qui vient de paraître, qu’au second concile du Vatican : “ Le dogme est resté intact ”[2]. Tout en faisant une critique philosophique et théologique du dit-concile.
Cette critique, on la trouve dans un autre ouvrage, qu’il a publié seul cette fois, il y a quelques mois : Vatican II et l’Evangile[3]. La thèse centrale de l’auteur me semble être celle-ci : le concile Vatican II a inauguré une “ nouvelle religion ”, au sens, étymologique, de “ nouvelle manière d’entrer en relation avec Dieu ” (p. 10). Cette nouvelle religion s’articule autour de la place nouvelle faite à la conscience : non plus “ comme un jugement qui permet de distinguer le bien et le mal, mais plutôt comme “le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu“ (Gaudium et Spes, n° 16). La conscience apparaît dans le texte comme le cœur du mystère de l’homme et finalement comme la part divine dans l’homme. ” (p. 101). L’abbé de Tanoüarn fait de la conscience la pierre angulaire de la doctrine de la liberté religieuse qu’a développée le concile Vatican II.
Après avoir montré, au chapitre 8 de son ouvrage, “ le conflit des interprétations ” autour de cette liberté religieuse (thèses accommodatrices du P. Basile Valuet, de Brian Harrison, des RR.PP. André-Vincent et de Margerie), l’abbé de Tanoüarn, au chapitre 9, met en regard la transmission de la foi et la doctrine de la liberté religieuse.
Dans cette doctrine, il n’est plus question d’adhésion à l’autorité de Dieu qui se révèle et d’obéissance de la foi, mais de médiation de la conscience, y compris pour la foi. “ C’est par la médiation de sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine ” dit Dignitatis humanæ [les Pères conciliaires n’ont pas dit loi naturelle, fait remarquer l’abbé de Tanoüarn].
Le concile Vatican II “ ne nie aucun dogme chrétien ” (p. 153) mais “ commande [au sens premier du terme, pourrait-on dire] une nouvelle relation de chacun au contenu de sa foi ”.
La force de l’analyse de l’abbé de Tanoüarn est de montrer la religion conciliaire comme une nouvelle manière de vivre la vieille religion. C’est bien une “ révolution copernicienne ”, selon l’expression de Jean Madiran, qui a eu lieu. L’Eglise, écrit l’abbé de Tanoüarn, “ ne veut plus se proposer à l’humanité comme son unique destin surnaturel : elle se contente de faire signe au peuple de Dieu. Elle s’intitule elle-même “sacrement“, c’est-à-dire signe de Dieu. ” (p. 258-259).
On ne sera pas toujours d’accord avec l’abbé de Tanoüarn. Sans parler de quelques erreurs de détail[4], on pourra contester le diagnostic général : “ Pourquoi la crise dure-t-elle ? Pourquoi semble-t-elle s’aggraver d’année en année ? ” (p. 18).
La crise s’ “ aggrave ”-t-elle ? L’abbé de Tanoüarn ne voit-il poindre vraiment aucun signe de restauration ? La situation française ne doit pas masquer les changements dans d’autres pays. Et en France elle-même, sans parler de certaines abbayes, n’y a-t-il pas des évêques qui commencent à parler et à enseigner comme aucun évêque français ne l’avait fait jusque-là depuis des décennies ?
L’abbé de Tanoüarn nous dit lui-même : “ En 1993 [périodisation peut-être contestable], Jean-Paul II moraliste a effectué sa contre-révolution ! ” (p. 284). Au début de son livre, il reconnaît aussi :  “ si imprégné soit-il de la nouvelle religion conciliaire, le catéchisme de l’Eglise catholique, publié en 1992, réaffirme tous les dogmes sans atténuations. L’enseignement romain le plus officiel est théologiquement complet, c’est un fait ! ” (p. 18). Affirmation reprise encore à la fin de l’ouvrage : le Catéchisme de l’Eglise catholique est une “ représentation correcte de la foi ” (p. 282).
Ce qui contredit complètement ce que la FSSPX avait affirmé lors de la parution du Catéchisme dans des ouvrages de controverse publiés par certains de ses prêtres et sous l’autorité du Supérieur général d’alors[5].
Aux philosophes et aux théologiens qualifiés d’examiner et de juger plus amplement de la validité des analyses de l’abbé de Tanoüarn sur le concile Vatican II et sa “ nouvelle religion ”. La force de ces analyses ne peut que retenir l’attention des lecteurs non prévenus et les amener à s’interroger sur cette nouvelle praxis chrétienne instaurée “ en toute légalité ecclésiastique à l’intérieur du Bercail ” (p. 285).
2005  verra le 40e anniversaire de la clôture du concile Vatican II. Presque deux générations élevées dans une “ nouvelle religion ” qui n’est pas le contraire de la religion catholique, mais une nouvelle façon de concevoir et de vivre cette religion.
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Revue des revues
. Le diocèse de Nanterre est un des diocèses de France où, malgré des demandes anciennes et répétées, depuis 1985, les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle n’ont pu obtenir de leurs évêques successifs que soient appliqués les privilèges du motu proprio Ecclesia Dei. Une “ Association pour la paix liturgique dans le diocèse de Nanterre ” vient de se créer. Elle publie régulièrement un bulletin pour informer des démarches qu’elle a entreprises auprès du nouvel évêque du diocèse, Mgr Daucourt. On peut recevoir ce bulletin et soutenir l’association en écrivant à l’Association pour la paix liturgique, 7 rue des Marguerites, 92500 Rueil-Malmaison.
. Divinitas est une “ Revue internationale de recherche et de critique théologique ” fondée par Mgr Piolanti et dirigée aujourd’hui au Vatican par Mgr Brunero Gherardini. Dans le dernier numéro paru, anno XLVI, 2/2003, on peut lire :
L.J. Elders, s.v.d. Dangers threatening the Christian Faith.
P. Bonifacio Honings, o.c.d., Le persone con handicaps e la sessualità. Un tema-problema attinente al progetto di Dio in materia di bi-sessualità.
Vittoria Valentino, E. Avogadro Della Motta (1798-1865), un difensore rigoroso dei diritti della Chiesa e del Papa.
Mgr Brunero Gherardini, Canonizzazione ed infaillibilità
Yves Chiron, Il y a 40 ans. L’ouverture de Vatican II. Mise en perspective historique.
Mgr Brunero Gherardini, Œcumenica - 2 [suite d’une étude critique sur les initiatives et déclarations œcuméniques de ces dernières années].
L’abonnement à la revue, trimestrielle, est de 40 ¤ pour l’étranger : Divinitas, Palazzo dei Canonici, 00120 Città del Vaticano.
. La Revue d’Histoire de l’Eglise de France, imprimée à Paris (26 rue d’Assas, 75006 Paris) et qui est, avec la Revue d’Histoire ecclésiastique, imprimée à Louvain, la principale revue d’histoire religieuse, publie dans son  dernier numéro (n° 223, juillet-décembre 2003), une longue recension, pages 529-536, de la biographie de Mgr Lefebvre rédigée par Mgr Tissier de Mallerais.
L’auteur de la recension, le P. Pierre Blet, s.j., après une ample présentation de l’ouvrage et des principaux événements de la vie de Mgr Lefebvre, conclut très justement : “ Les liens de l’auteur de cette longue biographie avec Mgr Lefebvre, liens d’affection et de parenté spirituelle, porteront des lecteurs à mettre en cause a priori l’impartialité de son travail. En réalité, on sent dans cet ouvrage la volonté de retrouver et de dire la vérité. L’ouvrage est rédigé selon les règles de la méthode historique : les faits et les textes cités sont appuyés sur des références à des sources manuscrites ou imprimées. […] On pourra peut-être relever dans quelques pages, en particulier dans les récits de la vie de Mgr Lefebvre, missionnaire au Gabon, archevêque de Dakar et délégué apostolique, quelques accents hagiographiques. Mais cela n’empêche pas Tissier de Mallerais d’exposer en toute clarté et sans réticence les positions tenues par Mgr Lefebvre […] Il déclare sans ambages que l’archevêque Lefebvre reconstruisait le passé quand il affirmait à tort avoir refusé sa signature à deux actes du concile, Dignitatis humanæ et Gaudium et spes. De même l’auteur ne craint pas d’exposer sans réticence l’évolution des idées de Mgr Lefebvre sur un point particulièrement névralgique, son jugement sur la nouvelle messe, partant d’une tolérance sous condition pour arriver à une condamnation absolue. En revanche, l’auteur évoque sans glose les faux pas des interlocuteurs de l’archevêque, à commencer par l’attribution du plus petit évêché alors vacant à l’archevêque de Dakar, délégué apostolique pour l’Afrique francophone, d’Alger à Madagascar, plus tard la lettre expédiée pour lui enjoindre d’accepter le deuxième concile du Vatican en mettant cette assemblée œcuménique sur le même plan, sinon au-dessus, du concile de Nicée, ou encore le rejet de l’appel au suprême tribunal de la Signature apostolique (ce que les historiens d’Ancien Régime appellent la justice retenue). ”
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[1] Présent, 5 rue d’Amboise, 75002 Paris, le numéro : 1,50 ¤.
[2] Abbé Guillaume de Tanoüarn “ Explication de la déclaration finale ”, in La religion de Vatican II. Etudes théologiques, Editions des Cercles de Tradition de Paris, 2003, p. 360. Cet ouvrage collectif, de 432 pages, qui rassemble les actes du 1er symposium organisé par la FSSPX et les religieux du couvent d’Avrillé en octobre 2002, est en vente en promotion (au prix de 24,30 ¤) jusqu’au 28 février. Commandes à adresser au Couvent de la Haye-aux-Bonshommes, 49240 Avrillé.
[3] Vatican II et l’Evangile, Editions Servir (15 rue d’Estrées, 75015 Paris), 332 pages, 15 ¤.
[4] C’est par erreur, ou distraction, que l’abbé de Tanoüarn, écrit : “ Qui consulte la bibliothèque personnelle de Jean-Baptiste Montini, conservée à Milan, se rend compte que le pontife a lu et annoté les œuvres des théologiens les plus progressistes… ” (p. 8). Cette bibliothèque ne se trouve pas à Milan mais à Brescia, la ville natale du pape ; elle est conservée à l’Istituto Paolo VI, où j’ai pu la consulter lors de la préparation de mon Paul VI, le Pape écartelé, Perrin, 1993.
[5] Conférences des abbés Simoulin, Lorans et Marcille publiés sous le titre : Le nouveau Catéchisme de l’Eglise catholique est-il catholique ? Examen critique, préface de l’abbé Schmidberger, Editions Fideliter, 1993 et abbé Michel Simoulin, Le Catéchisme assassiné, Editions Saint-Irénée, 1997.