27 novembre 2019

[Rivarol] Abbé Francesco Ricossa: «Comment évaluer le fascisme d’un point de vue intégralement catholique?»

SOURCE - Abbé Francesco Ricossa - Rivarol - propos recueillis par Jérôme Bourbon - 27 novembre 2019

RIVAROL : Monsieur l’abbé, en tant que directeur de la revue doctrinale Sodalitium, vous donnez chaque fin d’année un cycle de conférences à Paris, ce dimanche 1er décembre, de 14h45 à 18h45, à Paris, dans le dixième arrondissement, à deux pas de la gare de l’Est (Espace Dubail, 18 passage Dubail). En 2019 vous avez choisi comme sujet: «les amis et les ennemis de la royauté du Christ». Pouvez-vous nous en dire plus?
Abbé Francesco RICOSSA : En 1919, il y a tout juste un siècle, trois fondations de mouvements ou revues eurent lieu en Italie : le mouvement fasciste né des tranchées, le Parti populaire italien (les démocrates-chrétiens de Luigi Sturzo) et la revue anti-moderniste et catholique intégrale, très peu connue en France, Fede e Ragione (Foi et Raison). Ce triple anniversaire est une bonne occasion d’étudier ces trois courants de pensée (le fascisme, la démocratie-chrétienne et le catholicisme intégral) à travers la doctrine de la royauté sociale du Christ que nous défendons.
R. : Pouvez-vous nous parler d’abord de la revue Fede e Ragione?
Abbé F. R. : Cette revue, d’abord mensuelle, puis hebdomadaire, a été animée par l’abbé Paolo de Töth et Mgr Benigni et qui furent deux des collaborateurs du pape saint Pie X pendant son pontificat. Cette revue dura jusqu’à fin 1929. Ce qui en France a le plus ressemblé à la revue Fede e Ragione, c’est la RISS, la Revue internationale des sociétés secrètes. Fede e Ragione était plus proche encore des idéaux catholiques intégraux. Je traiterai dans cette première conférence des thèmes abordées dans cette revue mais surtout des difficultés qu’elle a rencontrées avec la ligne tracée sous les pontificats de Benoît XV et de Pie XI et surtout avec la secrétairerie d’Etat du cardinal Gasparri. Afin de donner les bonnes idées que les militants catholiques aujourd’hui doivent suivre. Et d’autre part afin de montrer que les difficultés qui se sont manifestées à Vatican II pouvaient déjà se trouver en germe auparavant.
R. : Pourquoi la revue s’est-elle arrêtée brusquement à la fin de 1929 après dix ans d’existence ?
Abbé F. R. : La revue Fede e Ragione s’est arrêtée de manière inattendue. Non à la façon de certains périodiques qui commencent à paraître de moins en moins, à perdre des lecteurs, à connaître des difficultés économiques. Le paradoxe, c’est que la revue était en plein essor mais elle subissait hélas des attaques de plus en plus fortes issues des jésuites de la Civilta cattolica et de la secrétairerie d’Etat du cardinal Gasparri. La revue était protégée par l’ordinaire du lieu, l’évêque de Fiesole, un petit diocèse près de Florence où la revue était imprimée. L’arrêt brusque de cette revue à la fin de 1929 tient probablement à deux facteurs cumulés : d’une part les pressions qui sont venues du côté de ces éléments catholiques (les jésuites de la Civilta cattolica et la secrétairerie d’Etat) et d’autre part le gouvernement fasciste, dans le climat apaisé des accords du Latran avec le Saint-Siège, n’a pas laissé vivre cette expérience, sans doute sous l’influence du Vatican. Mussolini qui avait de l’estime pour cette revue et son directeur disait pourtant : « Qu’on ne touche pas à l’abbé de Thöt, c’est le seul qui dit la vérité, qui parle clairement et qui est même capable de me critiquer ».

La mise à l’écart des catholiques intransigeants n’a pas eu lieu seulement en Italie à cette époque mais également en France puisque, au même moment, en 1929, un prêtre français, ami et collaborateur de Mgr Benigni, l’abbé Paul Boulin, a dû quitter la collaboration à la RISS à cause de l’intervention du comité de vigilance du diocèse de Paris, ce qui est paradoxal. Un conseil de vigilance installé par le pape saint Pie X pour lutter contre le modernisme est utilisé pour épurer les anti-modernistes. Preuve que, déjà à cette époque, il y avait des choses qui n’étaient pas normales et qui expliquent ce qui s’est passé trente ans plus tard avec l’arrivée de Jean XXIII et Vatican II.
R. : Pourtant le modernisme avait été fermement condamné par saint Pie X ? Comment est-il possible que quinze ans seulement après sa mort on assiste à une forme d’épuration, de mise à l’écart des éléments catholiques les plus anti-modernistes, les plus intransigeants, tant en France qu’en Italie ?
Abbé R. : Le modernisme avait été en effet fermement combattu et condamné par le pape saint Pie X au point que le modernisme dogmatique, celui qui s’occupait de l’exégèse, des dogmes, de la théologie, a dû temporairement battre en retraite et faire comme s’il était mort. A partir de 1914, et même un peu avant, le modernisme a commencé à se retirer dans des domaines qui touchaient davantage le contingent, ce que, dans l’encyclique Ubi arcano Dei, le pape Pie XI appelle fort justement le modernisme social. Ce modernisme s’est réfugié par exemple dans le mouvement liturgique qui date des années 1920 et 1930, dans les questions politiques et sociales (la démocratie-chrétienne, le syndicalisme, l’aconfessionalisme), c’est-à-dire dans des matières où il est plus difficile de distinguer ce qui appartient à la foi et ce qui est de moindre importance. C’est de cette façon que les modernistes ont pu survivre, reprendre des forces, se réorganiser et préparer une revanche éclatante qui est arrivée avec Vatican II. Ils ont eu un certain nombre d’appuis haut placés. Sans cela on ne s’expliquerait pas ce qui est arrivé dans les années soixante et qui prévaut toujours aujourd’hui, soixante ans après. C’est d’ailleurs toujours de pire en pire quand on voit qu’au synode sur l’Amazonie Bergoglio se livre à un culte panthéiste avec la Pachamama, ouvre la voie au mariage des prêtres et fait même un pas, de manière insidieuse, selon le mode d’action habituel des modernistes, vers le sacerdoce des femmes. Qui peut croire sérieusement que cet homme est le vicaire du Christ ?

Même si la doctrine n’a pas changé entre saint Pie X et ses trois successeurs (Benoît XV, Pie XI et Pie XII), comme en témoigne la continuité admirable des encycliques, il n’est pas douteux que les catholiques intégraux qui étaient les plus fidèles collaborateurs de saint Pie X ont été écartés sous Benoît XV et Pie XI et qu’il y a donc eu une inflexion très fâcheuse quant à des choix pratiques, quant à la nomination, à la promotion ou au contraire à la mise à l’écart de certaines personnalités. C’est le début lointain mais réel de la situation que nous vivons aujourd’hui. Je ne suis pas de ceux qui critiquent de manière exagérée les Souverains Pontifes, bien au contraire, mais il est certain qu’il y a eu à cette époque des choix pratiques contestables. Après la condamnation du Sillon par saint Pie X et la soumission apparente de Marc Sangnier, ce dernier a ainsi été considéré comme blanchi et a pu influencer et prendre en main dans les années 1920 et 1930 une part importante des catholiques français. En Italie cela a été un peu pareil avec Don Sturzo, sauf que ce dernier a eu des problèmes avec le régime fasciste auquel il était très hostile.

Concernant la France, on ne parle généralement que de la question de l’Action Française et non pas d’une autre question qui a pourtant eu des conséquences très importantes : c’est celle des associations diocésaines. S’est jouée là une grande bataille qui a eu une influence considérable sur les équilibres du catholicisme français et sur l’épiscopat. Saint Pie X avait refusé les cultuelles, en revanche ses successeurs ont accepté les associations diocésaines, ce qui n’était pas tout à fait la même chose. Donc du point de vue de la doctrine stricto sensu, il n’y a rien à dire. Mais du point de vue des convergences pratiques entre le gouvernement français et le Saint-Siège, et surtout des conséquences que cela a eu chez les catholiques français, et singulièrement dans l’épiscopat, il y a eu comme un changement de ligne assez net qui a été particulièrement malheureux.
R. : Comment juger le fascisme d’un point de vue intégralement catholique ?
Abbé R. : Le fascisme au sens strict concerne seulement l’Italie, pays dans lequel le mouvement fasciste est né, mais dans un sens plus large il concerne toute l’Europe avec des mouvements semblables. C’est toute la question d’un mouvement qui a été une réaction née dans les tranchées à des dangers bien réels. Dans ma seconde conférence, j’étudierai quels sont les points d’accord et de désaccord entre le fascisme et la doctrine du catholicisme intégral et je montrerai comment cette revue de catholiques intégraux, Fede e Ragione, a jugé le fascisme, le fascisme du début, le fascisme-mouvement en 1919, et là c’est une opposition nette, et le fascisme-régime, à partir de la fin de 1922 et de 1923, quand la politique de Mussolini a commencé à changer, en s’éloignant de l’appui de la franc-maçonnerie qui était présent au début et en essayant de trouver un accord entre l’Eglise catholique et le mouvement fasciste.

Mgr Benigni a porté tout d’abord un jugement très sévère sur le mouvement fasciste naissant, en y voyant l’influence de la franc-maçonnerie. Par la suite, quand il a vu qu’il y avait moyen, grâce au gouvernement national de Mussolini, de travailler contre des ennemis communs, c’est-à-dire la franc-maçonnerie et toutes les sectes ésotéristes, le mouvement moderniste et démocrate-chrétien, et d’autres ennemis communs, il a choisi la collaboration. Au point de donner des renseignements au gouvernement, d’abord au ministère des Affaires étrangères, et ensuite au ministère de l’Intérieur. Comment se fait-il qu’un défenseur du catholicisme intégral soit passé d’une position hostile au mouvement fasciste à un soutien actif au gouvernement de Mussolini ? C’est ce qu’il me faudra expliquer dans la conférence.
R. : Quels ont été les rapports entre le fascisme italien et la franc-maçonnerie ?
Abbé F. R. : Le fascisme s’est déclaré ouvertement contre la franc-maçonnerie (non pas tellement sur le fond, il faut le dire, mais plutôt sur le fait que la maçonnerie était une société secrète). Il y a eu le vote du Grand Conseil qui a exclu la possibilité d’appartenir à la fois au parti fasciste et à la maçonnerie, et par la suite fut même votée une loi nationale qui, de fait, a supprimé les sociétés secrètes. Même si cette loi ne fait pas mention explicitement du mot maçonnerie, lorsque ce projet de loi a été discuté au Parlement, il était parfaitement clair que l’on parlait de la franc-maçonnerie.

D’autre part, il est absolument certain que les principaux dirigeants du fascisme italien, au moment de la marche sur Rome en octobre 1922, à l’exception notable de Mussolini, étaient quasiment tous initiés. Les deux obédiences maçonniques, le Grand Orient et la Grande Loge, apportèrent même un soutien économique au fascisme, au début du régime. Mais par la suite des attentats contre Mussolini furent fomentés par la théosophie et des groupes ésotériques. D’une certaine collaboration on est vite arrivé à une franche hostilité. Pourquoi y a-t-il eu ce changement de ligne ? Et jusqu’à quel point ? Ce sera l’un des objets d’étude de ces conférences.
R. : Pie XI venait d’être élu pape depuis quelques mois seulement quand Mussolini est arrivé au pouvoir en octobre 1922. Quelle a été son appréciation du fascisme mussolinien?
Abbé F.R. : L’appréciation du pape Pie XI est nuancée. Il a eu une attitude favorable quand il s’est agi de s’entendre avec le gouvernement de Mussolini au moment des accords du Latran en 1929, lesquels accords ont été précédés par plusieurs années de pourparlers. Il y a eu pendant cette période préparatoire des difficultés mais aussi de réels pas en avant.

Puis, par la suite, il y a eu un affrontement sur la question de l’éducation chrétienne de la jeunesse, il y eut même une encyclique de Pie XI, Divini Illius magistri, sur la question, et un autre affrontement sur la question de l’action catholique. Là ils sont presque arrivés à la rupture.

Les réserves de Pie XI à l’égard du fascisme ressemblent à celles des catholiques intégraux, ce qui est logique puisqu’il s’agit de catholiques dans un cas comme dans l’autre, mais il y a des nuances. Les catholiques intégraux avaient beaucoup apprécié l’encyclique programme de Pie XI, Ubi arcano Dei consilio, mais la ligne suivie par la secrétairerie d’Etat du cardinal Gasparri était tout à l’opposé, et surtout celle du directeur de la revue jésuite, Civilta cattolica, le père Rosa, l’ennemi mortel des catholiques intégraux. Les catholiques intégraux italiens, comme Mgr Benigni, se sont donc montrés globalement plus favorables au fascisme-régime que le Saint-Siège.
R. : Quel regard porter sur le Parti populaire chrétien, sujet de votre troisième conférence, démocratie-chrétienne qui semble avoir été souvent appuyée après-guerre par le pape Pie XII dans le souci de combattre le communisme, alors très puissant en Italie ?
Abbé F. R. : Dès la naissance du Parti populaire italien en 1919, la revue Fede e Ragione exprime une condamnation totale. Pendant ses dix ans d’existence, elle critique fortement la démocratie-chrétienne, notamment sur la question de l’aconfessionalisme. Le Parti populaire italien se définit en effet comme un parti qui ne devait ni être ni se déclarer catholique.

Quelle fut par ailleurs l’attitude de Pie XII par rapport à la démocratie-chrétienne ? D’abord il faut savoir que le catholicisme intransigeant et intégral sous le pontificat de Pie XII après la guerre n’existait quasiment plus, ce qui est tragique. Hormis le communisme, le seul mouvement organisé qui sortait de la guerre avec une victoire était démocrate-chrétien. Le pape a donc tenu compte de ce rapport de forces, soucieux de combattre un communisme puissant et menaçant. Toutefois le pontificat de Pie XII n’a pas été une identification complète avec la démocratie-chrétienne. On connaît les problèmes sérieux entre De Gasperi, le chef de la démocratie-chrétienne et Pie XII qui a été jusqu’à refuser de recevoir celui qui était pourtant le chef du gouvernement italien. Pie XII était très au fait de ces questions. Quand il a voulu la canonisation du pape Pie X, il savait à quelles oppositions il était confronté et il a bien connu Mgr Benigni dont il fut en 1911 le successeur comme sous-secrétaire aux affaires extraordinaires de la secrétairerie d’Etat. Pie XII s’est donc rendu compte du problème, mais peut-être pas assez, et la situation était de toute façon déjà très critique après la guerre.
R. : Que faut-il faire selon vous pour un militant catholique aujourd’hui ?
Abbé R. : Défendre la royauté sociale de Jésus-Christ. Il faut être intégralement catholique, c’est-à-dire non seulement adhérer à tout l’enseignement du Christ et de l’Eglise, ce qui est le minimum pour être catholique, mais au-delà il faut organiser toute la société selon les principes de la foi et de la morale catholiques, de l’enseignement du Christ et du magistère de l’Eglise. Il n’y a aucun domaine de la vie sociale de l’homme (politique, économique, civilisationnelle, familiale, éducative) où ne doivent s’appliquer les principes de la Révélation et du magistère. Tous ces mouvements populistes actuels que les media appellent de droite ou d’extrême droite ou qui parfois se désignent eux-mêmes sous le nom de gauche nationale, il faut les juger d’abord du point de vue du catholicisme et de la doctrine de la royauté sociale de Jésus-Christ. Et de ce point de vue on ne peut qu’être sévère. Salvini en Italie, même s’il tient des discours de bon sens sur la maîtrise de l’immigration, ne veut nullement remettre en question le “mariage” homosexuel non plus que l’avortement ou le caractère laïc de l’Etat. Il en est de même pour Marine Le Pen en France et pour tous les partis populistes en Europe et en Occident qui sont de surcroît soumis au sionisme et au judaïsme international, ce qui est inacceptable.

Notre but est donc de former les militants catholiques d’aujourd’hui de sorte qu’ils ne se laissent pas attirer par des mouvements et surtout des doctrines qui ne sont pas fondés sur la doctrine de la royauté sociale du Christ. Quelles que soient les difficultés, et elles sont nombreuses aujourd’hui, le militant catholique doit militer avec le drapeau catholique de la royauté sociale de Jésus-Christ bien levé. Il faut apprendre et défendre les bons principes car très souvent il y a beaucoup de confusion chez les militants catholiques d’aujourd’hui. Il est donc indispensable de se former sur toutes les questions qui concernent la doctrine sociale, étudier les bonnes sources, les bons auteurs et même retrouver une tradition qui est hélas assez méconnue.

26 novembre 2019

[Rémi Fontaine] Note à propos de Jean-Louis Touraine et Présent: pour l’honneur d’un journal(iste)!

SOURCE - Rémi Fontaine - 26 novembre 2019

Rapporteur (LREM) de la mission d’information sur la loi bioéthique, le professeur Jean-Louis Touraine s’est fait connaître à la fin des années 1970 en réalisant des greffes de cellules souches fœtales. Ne cachant pas être initié au Grand Orient de France, il a récemment déclaré parmi d’autres affirmations transgressives : « Il n’y a pas de droit de l’enfant à avoir un père à quelque moment que ce soit ! » Le journal Présent s’honorait jusque-là d’avoir été l’un des premiers à pointer sa logique d’apprenti sorcier, au grand mécontentement du mandarin lyonnais.

Il se trouve en effet que le déjà célèbre professeur a intenté naguère un procès en diffamation contre le quotidien Présent à ses débuts, suite à la parution de deux articles du 26 novembre 1983, cosignés par Hugues Kéraly (cofondateur et rédacteur en chef du journal) et moi-même, après que l’Association internationale contre l’exploitation des fœtus humains ait elle-même saisi le Conseil national de l’Ordre des médecins

Dans un livre multipliant les contrevérités et les désinformations, l’actuel gérant du néoPrésent, Francis Bergeron, prétend aujourd’hui désigner ce double article comme une « faute professionnelle ». Évoquant en effet les condamnations passées du journal pour « diffamation », il écrit dans cet ouvrage publié chez un éditeur confidentiel très peu en phase avec la pensée catholique de Jean Madiran : 

« Précisons que ces diffamations (du moins cela a-t-il été jugé comme tel) étaient assez insignifiantes, tant dans leur portée que dans leur condamnation, à l’exception d’un article de Rémi Fontaine [il omet Kéraly !] qui s’en était pris à trois chercheurs lyonnais en immunologie [il omet de nommer Touraine !], accusés de se livrer à un “abominable” trafic de fœtus. Les condamnations financières furent considérables dans cette dernière affaire et Présent dut publier à ses frais le texte de la condamnation dans cinq journaux, ainsi que dans ses colonnes. Cela coûta une fortune au journal. Erreur de jeunesse de Fontaine, sans doute, mais la faute professionnelle était plutôt grave. La direction de Présent de l’époque eut l’élégance de ne pas renvoyer le (alors jeune) journaliste. »

Loin de considérer cet article comme une grave « faute professionnelle », cette direction (tellement différente de celle d’aujourd’hui) eut surtout l’élégance de me féliciter et de m’encourager à poursuivre ce combat pour la culture de vie ainsi défendue au niveau des principes. A tel point même que Me Georges-Paul Wagner faisait toujours référence à ce procès avec une certaine fierté, comme on peut en juger aux Vingt ans de Présent :

« Une fois, je m’en souviens, au tribunal correctionnel de Lyon, où Rémi Fontaine comparaissait pour une prétendue diffamation, nous vîmes un juge assesseur se plonger de toute son âme dans la lecture de nos articles, pendant que nos adversaires péroraient et que le ministère public requérait. Il nous accordait l’exclusivité totale et en pleine audience, c’était beau comme l’antique Lugdunum ou, si on veut, comme un camion. »

A l’occasion de ses cinquante ans de barreau, je rappelais également sa défense alors quasi-prophétique (comme celle de Me Jean-Baptiste Biaggi pour Kéraly) sur le principe de l’indisponibilité du corps humain :

« Je garde en mémoire l’éloquence et la sagesse de cette plaidoirie qui n’avait pu, malgré tout, convaincre le juge féminin d’alors. Tout avait été dit avec talent et justesse. Mais nous venions évidemment trop tard aux yeux du monde et des DHSD (droits de l’homme sans Dieu). A contre-courant du vent idéologique dominant, confrontés déjà à la force injuste de la loi Chirac-Veil. » 

Profitant en effet de l’« IVG » légalisé, ces médecins usaient de certains « tissus fœtaux » intacts (empruntés selon des procédés très spéciaux) comme d’un matériel disponible à des fins thérapeutiques, disaient-ils, la fin justifiant bien sûr les moyens. Le Professeur Touraine en usait alors au terme d’une filière assez discrète et de ce qu’il faut bien appeler une discrimination, qui, pour notre malheur, fut considérée cette fois positive par la justice. Nous fûmes donc condamnés en dépit de notre antiracisme humain authentique. Paradoxe du temps…

« Tout avait été dit, témoignais-je donc, mais – une fois n’est pas coutume – nous avons perdu ce procès. Restait pour autant notre honneur d’avoir défendu de notre mieux les plus faibles parmi les plus petits de l’espèce humaine. » Ayant relu ces deux articles [toujours disponibles] à la lumière de ce que nous vivons aujourd’hui en matière de soi-disant « bioéthique » et au regard de la carrière de Jean-Louis Touraine, il n’y a aucunement à en rougir comme l’insinue ce texte. Pas plus que SOS-Tout-petits devrait avoir honte de ses procès perdus ! Si ce n’est qu’une nouvelle saillie de Francis Bergeron contre d’anciens collaborateurs historiques de Présent, outre des méthodes peu orthodoxes, elle révèle aussi et surtout que la ligne éditoriale de son nouveau journal n’est pas aussi fidèle à ses origines qu’il le prétend…

Rémi Fontaine

[Laurent Mauron - Le Parisien] Yvelines : l’agrandissement de l’école catholique traditionaliste fait des vagues

SOURCE - Laurent Mauron - Le Parisien - 26 novembre 2019

Les riverains contestent le permis de construire qui permettrait à cet établissement de Fontenay-le-Fleury proche de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X de s’agrandir de 1 485 m2.
Dans cette école privée hors contrat de 145 élèves, on trouve uniquement des filles, scolarisées du CP à la 1e. Le cours Sainte-Clotilde est dirigé à Fontenay-le-Fleury par les Sœurs Dominicaines de Saint-Jésus de Fanjeaux, congrégation liée à la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, mouvement qui regroupe les « catholiques de tradition ». Autrement dit, des intégristes.

Depuis son rachat en 2014, l'école est installée dans le château de Ternay, ancienne résidence de Sacha Guitry, rue René-Dorme. L'institution a déposé une demande de permis de construire en vue d'un agrandissement de ses locaux de 1 485 m2 pour porter leurs effectifs à 200 enfants et 18 Sœurs. Celui-ci prévoit l'édification de 10 salles de classe supplémentaires, d'un réfectoire et d'une salle polyvalente.

Le projet inquiète les riverains de l'établissement, qui font circuler une pétition contre cette construction, déjà signée par 70 personnes. Ils ont également pris un avocat, qui a déposé, ce mardi, une requête en annulation du permis devant le tribunal administratif de Versailles.
Les riverains craignent «des problèmes en matière de circulation et de stationnement»
« Nous sommes vent debout contre ce projet qui pose des problèmes en matière de circulation et de stationnement », précise Benoît Ayela, porte-parole des riverains, furieux, aussi, « de ne pas avoir été consultés, ni avisés de ce qui se tramait ».

La rue René-Dorme est une rue étroite. « Le trafic est intense chaque matin dans le secteur avec la D 127 et le CD 11 qui sont saturés dès 7h30. Dans notre rue, c'est un défilé de voitures, ajoute un autre riverain. Cet agrandissement impliquera forcément, à terme, des travaux de voirie et des abords à la charge de la commune. »

L'autre sujet de désaccord, ce sont les arbres. 145 devraient être abattus si le permis se concrétise : une éventualité qui choque les voisins, alors qu'on se trouve sur un site remarquable.
Une zone classée
Le château de Ternay est, en effet, situé en zone classée. Une situation qui fait que le permis de construire a échappé - en partie - aux mains de la commune. « Nous sommes dans une procédure dite de compétences liées. C'est surtout l'Etat qui l'a instruit, via un arrêté du ministère de l'Environnement et après consultation de la commission des sites. Notre pouvoir consiste surtout à vérifier des éléments liés aux réseaux ou à la sécurité incendie. Comme tout nous semblait en place, nous avons signé ce permis », explique Richard Rivaud, le maire DVD, qui entend rester sur une ligne purement « légaliste » dans cette affaire. Il rappelle aussi que le PLU (plan local d'urbanisme) du secteur prévoit la possibilité d'un établissement d'enseignement.
«Une polémique incompréhensible» pour l'école
Du côté de l'école, on juge « cette polémique incompréhensible ». « L'école, qui a ouvert depuis 2015, est nécessaire et fait du bon travail, insiste l'assistant maître d'ouvrage, l'agence Principio basée à Laval (Mayenne), qui répond en son nom. On va rénover un parc qui n'existait plus depuis longtemps en replantant 113 arbres d'ici à 2030. Nous pensons aussi à des solutions de pedibus depuis un parking de proximité pour la circulation dans la rue. Toutes les procédures ont été suivies à la lettre et on va redonner une fonction d'habitation au château pour les sœurs. On est prêt à rencontrer les riverains s'ils le désirent. »

Reste que l'enseignement dispensé heurte aussi ces opposants au projet. « Les méthodes pratiquées rejettent les principes de liberté religieuse et de conscience, martèle Clarisse Taillandier, une riveraine en colère. Il faut penser à ces gamines scolarisées. Comment peut-on leur inculquer, alors qu'on parle aujourd'hui de la parité hommes-femmes, que les femmes ne sont pas là pour briller ou réussir dans le monde, de ne pas s'encombrer de connaissances érudites mais de se borner à devenir des bonnes maîtresses de maison ? » « Je comprends qu'on puisse être surpris ou irrité. Cela dépend des convictions personnelles de chacun », répond-on chez Principio.

16 novembre 2019

[Francis Bergeron - Présent] Présent privé des aides aux quotidiens d’information politique et générale

SOURCE - Francis Bergeron - Présent - 16 novembre 2019

Une nouvelle offensive qui vise le seul quotidien de réinformation
Elle pourrait être mortelle 
Le quotidien catholique et identitaire Présent, qui entre dans sa 39e année d’existence, et qui est vendu en kiosques, a appris, par un courriel envoyé du ministère de la culture le 29 octobre à 18h30, qu’il était privé, au titre de l’année 2019, de « l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires ». 

Au nom de quoi cette aide est-elle supprimée ? Est-ce que Présent ne serait plus un quotidien, mais serait subrepticement devenu un hebdomadaire ou un mensuel ? Est-ce que Présent ne traiterait plus d’informations politiques et générales, mais se consacrerait désormais au tiercé et aux mots croisés ? Est-ce que Présent croulerait actuellement sous les revenus publicitaires ? 

Non, le Ministère de la Culture, par la voix de son « bureau du régime économique de la presse, direction générale des médias et des industries culturelles », a trouvé un autre argument, d’ordre technique, bien entendu, et pas d’ordre idéologique. Il nous explique en effet, aux termes d’un message très alambiqué, et légèrement gêné aux, entournures, que, ce qui est en l’occurrence reproché à Présent pour le priver de cette aide légale, dont bénéficient tous les autres quotidiens, c’est de n’être pas vendu assez cher. 

Le Ministère de la Culture ne peut pas écrire noir sur blanc que Présent, par son soutien à Eric Zemmour, par ses campagnes en faveur des mairies « hors système », et en faveur des candidats qui vont bousculer en mars prochain l’entre-soi des « partis de l’arc républicain », par son refus des évolutions sociétales matérialistes, eugénistes, par sa dénonciation de l’islamisme et de l’Islam politique, par ses révélations sur les actes, voire les crimes antichrétiens, en France et dans le monde, par sa mise en valeur de toutes les manifestations patriotiques, par ses appels à la résistance au grand remplacement, ne fait pas partie du camp du bien. Présent doit être toujours plus marginalisé, et ne saurait donc bénéficier de quelque façon que ce soit des aides légales de l’Etat. Au nom des valeurs démocratiques, au nom des valeurs républicaines. 

Le prix de vente moyen des quotidiens : secret d’Etat ! 

Le ministère nous a expliqué, le 29 octobre 2019 qu’il a constaté que le prix de vente du journal, au 1er janvier 2019, à 1,80 euros, n’était pas assez cher, inférieur à « 80% du prix de vente moyen pondéré des quotidiens nationaux », pratiqué au 1er janvier 2019. 

On veut bien le croire, mais, outre le fait que l’accusation d’un prix de vente trop faible est assez grotesque et misérable, nul ne sait à aujourd’hui quel est ce « prix de vente moyen pondéré des quotidiens nationaux ». Secret d’Etat ! Il ne figure d’ailleurs pas dans la réponse du ministère de la Culture. Nous n’avons toujours pas à ce jour la possibilité de vérifier si le ministère de la culture ne s’est pas trompé dans ses calculs, et à quel prix nous aurions dû vendre Présent à compter du 1er janvier 2019. 

Nous nous sommes tournés vers le Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale pour connaitre ce fameux « prix de vente moyen pondéré des quotidiens nationaux » au 1er janvier 2019. Mais à ce jour nous n’avons aucune réponse : le syndicat nous réclame notre cotisation annuelle, mais il ne semble guère excité à l’idée de s’engager pour soutenir l’un de ses mandants. 

Pourtant le calcul devrait être simple à faire : le texte dont il nous est fait une application punitive ne concerne pratiquement que neuf quotidiens : Le Figaro, Le Monde, Les Echos, Libération, Le Parisien/Aujourd’hui, La Croix, L’Humanité, L’Opinion et Présent, bien entendu. 

Dans ces conditions, il ne doit pas être bien difficile de savoir quel était le prix de vente de ces titres au 1er janvier 2019, et de nous l’indiquer. Mais seul le ministre de la culture peut donner la liste des titres éligibles au regard des faibles ressources publicitaires, et peut expliquer les pondérations opérées pour éliminer Présent. Or aucune explication, aucun détail n’est donné sur ce calcul, dont les conséquences peuvent être la mort de Présent. 

Assurer le pluralisme de la presse écrite, disent-ils 

Dans le passé, Présent a déjà subi l’interruption du versement de ces aides à la presse, sous des prétextes divers, notamment à l’époque Mitterrand et sous Jospin pendant la cohabitation. Dans un cas Présent avait été éliminé au prétexte qu’il était vendu…trop cher, et dans l’autre, parce que qu’il ne paraissait que cinq jours par semaine au lieu de six. Les aides avaient été rétablies lors du changement de majorité. Dans ces différents cas du passé et à nouveau par la mesure qui nous est appliquée au titre de 2019, il est évident que nous avons affaire à une véritable lex presentiana, un décret ne visant en fait ou à dessein que Présent, les autres « quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires » appartenant, eux, à « l’arc républicain », et ayant donc naturellement droit à ces aides de l’Etat. 

Ces aides ont officiellement pour but d’assurer le pluralisme de la presse écrite. Elles sont perçues par Le Monde comme par Le Figaro ou L’Humanité. Leurs règles conduisent pourtant à éliminer le seul quotidien non-conforme : huit quotidiens politiques et d’information pour le « camp du bien », aucun quotidien pour les millions de Français en révolte contre le système ? Et L’Humanité est même garantie de publication à vie, par la voix du président de l’Assemblée nationale. C’est cela leur pluralisme ? L’Humanité, dont chaque numéro papier est subventionné par le gouvernement à hauteur de 0,46 euros, ce qui constitue une sorte de record ? 

Il nous est parfois objecté qu’accepter l’aide de l’Etat aux quotidiens à faible ressources publicitaires, c’est s’aliéner notre liberté d’écrire, et qu’il aurait été préférable de la refuser d’emblée. Mais dans le système économique français de la presse écrite, il est impossible d’éditer un quotidien papier sans les aides à la presse, et ceci alors même que la plupart des autres quotidiens politiques et d’information générale sont adossés à des groupes industriels puissants, détenus par des milliardaires internationaux (Drahi pour Libération, Niel pour Le Monde, Bernard Arnault, qui est son beau-père, pour Le Parisien et Les Echos, la famille Dassault pour Le Figaro ...). Chaque quotidien bénéficie de l’aide d’Etat à la presse, outre des renflouements réguliers de mécènes milliardaires. Présent n’a pas de mécènes milliardaires, il n’a que ses lecteurs. Quant à l’aide de l’Etat, elle nous est donc retirée, avec effet rétroactif au 1er janvier 2019, en quelque sorte. 

Soutenir que l’attribution de cette aide nous priverait de notre liberté d’expression, est démenti par les faits : en nous la retirant (elle représente 12 à15% du budget annuel du journal), le gouvernement menace l’existence même du journal, et si Présent interrompt sa publication, le débat sur notre liberté de ton soi-disant amoindrie par ces aides, ne se pose plus, pour le coup. 

Il suffit de lire Présent, ce que chacun peut faire chaque jour en allant à son kiosque, pour constater de visu si Présent s’autocensure à l’égard des puissants de l’époque. Si des artifices procéduriers sont utilisés pour priver le journal de cette aide, c’est bien que, quelque part, notre parole gêne. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, actuellement, le mouvement national est confronté à la plus importante censure et répression jamais organisée depuis un bon demi-siècle : Zemmour et le contrôle préalable de ses émissions, les réseaux sociaux qui éliminent les sites et blogs qu’ils jugent politiquement incorrects, l’OJIM, observatoire objectif des médias, menacé de procès, les militants identitaires traqués comme des criminels, le RN, Jean-Marie Le Pen, Jacques Bompard et d’autres croulant sous les actions judiciaires, le site Boulevard Voltaire qui subit des attaques informatiques, la Nouvelle Librairie, au Quartier latin, périodiquement agressée etc. 

Dans le passé, Présent avait contesté devant le tribunal administratif, les décisions qui l’avaient privé des aides de l’Etat mais le journal avait été débouté. Il est impossible en effet de prouver que le dispositif est fait pour n’éliminer que Présent, même si tout le monde comprend bien qu’avec neuf titres de presse correspondant à la définition ministérielle il est aisé de réaliser des simulations, de faire bouger le curseur, pour fixer des règles qui éliminent le seul titre que l’on veut éliminer. 

Quels sont les autres indices qui nous font penser que cette décision d’élimination de Présent n’est pas technique, mais purement politique ? 
  • Pourquoi Présent reçoit-il habituellement l’aide à la presse le dernier jour du dernier mois de l’année, alors que nous lisons que des journaux comme L’Humanité et Libération pouvaient la recevoir en cours d’année. Il est d’ailleurs curieux qu’une aide à la presse pour 2019 ne soit versée que le dernier jour de 2019, – quand elle est versée - ! 
  • En principe le ministère de la culture, si on suit son explication, connaissait dès le 2 janvier 2019 les prix de vente des titres, permettant ainsi d’exclure Présent vendu pas assez cher par rapport à la moyenne des autres titres. Mais pourquoi a-t-il attendu le 29 octobre 2019 et de nombreuses relances (notamment relances écrites des 26 août, 4 septembre, 3 octobre) pour enfin nous annoncer … que Présent était éliminé en raison de son prix de vente du 2 janvier 2019 ? Est-ce parce qu’au 29 octobre il nous était impossible de faire marche arrière ? 
  • Pourquoi le ministère ne nous a-t-il pas alerté tout de suite sur le risque de perdre nos aides ? Même question au syndicat de la presse quotidienne. 
  • Pourquoi le prix de vente moyen pondéré 2019 dont nous sommes censés nous être trop écartés ne nous est-il toujours pas communiqué ? 
  • Pourquoi le Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale ne monte-t-il pas au créneau pour nous défendre ? 
  • Pourquoi le SPQN, qui nous réclame notre cotisation annuelle (4657,86 euros, tout de même !) relaie-t-il même la parole gouvernementale, sans commentaire, sans protestation ? Curieux syndicat… 
Une stratégie globale d’offensive contre le mouvement national 

A la vérité cette exclusion n’est pas le fruit de la malchance ou d’initiatives isolées. Elle s’inscrit dans une stratégie globale d’offensive contre le mouvement national. Le quotidien Le Monde a révélé l’existence d’une note technique gouvernementale pour torpiller l’élan patriotique et identitaire, qui se matérialisera en mars prochain par un « grand remplacement » au niveau de nombreuses mairies. Cette note technique met l’accent sur les approches juridiques, les obstacles d’ordre procédural à dresser face au mouvement national. Nous y sommes. 

L’offensive est tout azimut : les censures pratiquées de plus en plus systématiquement par les réseaux sociaux, et dont Présent a déjà fait les frais à deux reprises, la mise en place d’un contrôle préalable des prises de parole d’Eric Zemmour, par la suppression de ses émissions en direct, l’indécente campagne contre le RN à l’occasion de l’affaire de Bayonne, les mensonges et les messages de haine alimentés et relayés par les médias, spécialement les médias du service public (sic !), sans parler des menaces et agressions physiques dont font l’objet élus et candidats nationaux, et pratiquement jamais relayés dans les médias… 

Le rapport Libertex 2019, qui vient d’être publié, et qui compare la situation de la liberté d’expression dans neuf des principaux pays développés, place désormais la France en dernière position, derrière la Russie et la Hongrie, d’ailleurs, les USA, le Japon et le Danemark figurant, eux, en tête du classement. Cette dernière place de la France découle de l’absence d’une diversité d’agences de presse, des lois mémorielles, des lois « contre les propos haineux », de la censure instaurée sur Twitter et Facebook, et des pressions gouvernementales sur les applications des messageries instantanées. Sur chacun de ces points, la France a une mauvaise note. 

Beaucoup de ces atteintes à la liberté d’expression concernent les réseaux sociaux et, du coup, cela doit attirer notre attention sur la nécessité de conserver une presse écrite, beaucoup plus coûteuse, certes, mais beaucoup plus difficile à censurer, également, car nécessitant obligatoirement une décision de justice. 

Quelles sont les conséquences de cette privation d’aide, pour Présent ? Notre budget avait été établi en tenant compte de cette subvention. L’an dernier, elle avait été de 140 000 euros. Nous l’avions budgétée à hauteur de 130 000 euros, car nous constations chaque année une réduction de celle-ci, sans possibilité pour nous de savoir sur quels critères (nos budgets publicitaires, pourtant très maigres ? Notre diffusion, pourtant légèrement en hausse ?). Cette somme représente 12 à 15% de notre chiffre d’affaires annuel. 

Notre ambition, pour cette fin d’année et pour 2020, était et reste d’être en pointe dans la campagne des municipales, de multiplier les rencontres avec nos lecteurs, comme à Orange en septembre dernier et à Nancy le 7 décembre prochain, de développer des partenariats radio et télévision (TVLibertés, Radio Courtoisie, Radio Libertés), de promouvoir le livre et la lecture grâce notamment au prix des Lecteurs et Amis de Présent, d’augmenter notre visibilité dans les kiosques etc. 

Tous ces projets, nous devons les assurer, parce que c’est notre « devoir d’état », la raison d’être du quotidien Présent, qui n’est pas qu’un journal d’information. Néanmoins, nous avons été contraints de réduire immédiatement la voilure, pour faire des économies, d’utiliser par exemple un papier moins épais, et donc moins cher, pour la version papier de Présent, de réduire à douze pages au lieu de seize notre édition du samedi. 

Une question de vie ou de mort 

Mais en toute hypothèse, sans l’aide de nos lecteurs, sans un élargissement de notre lectorat, sans la possibilité de combler ce manque à gagner, Présent ne pourra pas assurer ces développements, et sans ces développements, Présent ne survivra pas, car se posera alors tout simplement la question de l’utilité de Présent. A l’heure du Grand Remplacement et de la subversion sociétale, Présent demande à tous ceux qui sont attachés à une vraie liberté d’infirmation le courage de cet effort. Par les temps qui courent, chacun se doit d’ériger le courage politique, spirituel, culturel en vertu cardinale (1). 

Pour beaucoup de lecteurs de Présent, - ils le disent -, l’abonnement, le soutien financier est déjà un effort. Mais pour la survie de Présent, alors que votre quotidien s’apprête à entrer dans sa 39e année d’existence (ce qui n’est pas rien pour un titre de la droite nationale), il faut aller plus loin. Et pour Présent, c’est une question de vie ou de mort. La formule « il vaut mieux allumer une bougie que de maudire l’obscurité » n’a jamais été autant d’actualité. Et cent bougies de la réinformation éclairent autant, sinon mieux, que les projecteurs aveuglants des gros médias. 

Il nous est aussi parfois objecté par l’un ou l’autre que ce n’est pas la première fois que Présent crie misère et appelle ses lecteurs à la rescousse. Oui, c’est exact, et ce n’est sans doute pas la dernière fois non plus. Au cours de sa très longue existence, y compris au cours des toutes premières années ayant suivi son lancement, en janvier 1982, Présent a été menacé dans sa survie, mais a pu faire face, grâce à ses lecteurs, répondant aux appels de Jean Madiran et de François Brigneau. Aujourd’hui le modèle économique des médias de la droite nationale, catholique, identitaire, passe nécessairement par des soutiens financiers exceptionnels de ses lecteurs. C’est vrai pour Présent, comme c’est vrai pour tous les autres médias de la réinformation. Mais ceci n’est pas nouveau : L’Action française, le grand quotidien de Charles Maurras, Léon Daudet et Jacques Bainville, malgré son influence intellectuelle, malgré le prestige de ses collaborateurs, malgré le dévouement ses militants, et le sang versé par les siens, lors de la Grande Guerre, ne survivait que grâce au coup de pouce financier de souscripteurs permanents. Rien n’a changé sur ce plan, ou plus exactement tout est même devenu plus difficile, malgré le sursaut patriotique actuel. Oui Présent a besoin d’une nouvelle mobilisation financière de ses lecteurs et de ses amis. 

Francis Bergeron 


(1) Cf l’essai de François Bousquet, Courage ! manuel de guérilla culturelle.

14 novembre 2019

[FSSPX Actualités] Qui a dit cela? Le cardinal Burke ou Monseigneur Lefebvre?

SOURCE - FSSPX Actualités - 14 novembre 2019

«Le cardinal Caffarra [Carlo Caffarra, feu l’archevêque de Bologne], qui était un ami très cher, est venu me voir et m’a demandé ce qui se passait. Il a dit que ceux d’entre nous qui défendent l’enseignement et la discipline de l’Eglise sont maintenant appelés les ennemis du pape. Et c’est un symbole de ce qui s’est passé. Tout au long de mon sacerdoce, on m’a toujours reproché d’être trop attentif à ce que disait le pape. Et maintenant je me retrouve dans une situation où on m’appelle l’ennemi du pape, ce que je ne suis pas».
Ainsi s’exprime le cardinal Raymond Burke, dans un entretien avec Ross Douthat paru dans le New York Times, le 9 novembre 2019. 
Je n’ai pas fait autre chose que ce que j’ai fait pendant trente années de ma vie sacerdotale et qui m’a valu d’être évêque, Délégué apostolique en Afrique, membre de la Commission centrale Préconciliaire, Assistant au Trône pontifical. Que pouvais-je désirer de plus comme preuve que Rome estimait que mon travail était profitable à l’Eglise et au bien des âmes ? Et voici que, alors que je fais une œuvre tout à fait semblable à celle que j’ai accomplie pendant trente années, tout à coup je suis “suspens a divinis”, peut-être bientôt excommunié, séparé de l’Eglise, renégat, que sais-je ? Est-ce possible ? Est-ce donc que ce que j’ai fait pendant trente ans était susceptible aussi d’une “suspense a divinis”? 
Ainsi s’exprimait Mgr Marcel Lefebvre, dans son sermon de la messe de Lille, le 29 août 1976.
Apologia Pro Vita Sua du cardinal Burke 
Dans un récent entretien avec le journaliste catholique Ross Douthat, le cardinal Burke - qui est unanimement considéré comme un critique conservateur du pontificat de François - défend son travail dans l’Eglise catholique. Contrairement à ce que prétendent les partisans du pape, Mgr Burke ne se considère pas comme un ennemi de François. Il ne fait que soutenir l’enseignement catholique orthodoxe, comme l’indissolubilité du mariage. Ce faisant, il reconnaît qu’il a perdu les faveurs de François, ce qui a entraîné son départ de la Congrégation des évêques, puis du Tribunal de la Signature apostolique. Pourtant, il soutient qu’il n’attaque pas la fonction papale, mais qu’il prêche simplement la foi. 

Le cardinal continue :
Le document de travail [pour le Synode amazonien] n’a pas de valeur doctrinale. Et si le pape apposait son cachet sur ce document ? Les gens disent : “si vous ne l’acceptez pas, vous serez dans le schisme” ; mais je maintiens que je ne serais pas dans le schisme parce que le document contient des éléments qui renient la tradition apostolique. Ce que je veux donc dire, c’est que le document est schismatique. Je ne le suis pas.  
De son côté, Mgr Lefebvre déclarait lors du sermon des consécrations épiscopales de 1988 :
Nous ne sommes pas des schismatiques ! (…) Bien au contraire, c’est pour manifester notre attachement à Rome que nous faisons cette cérémonie. C’est pour manifester notre attachement à l’Eglise de toujours, au pape et à tous ceux qui ont précédé ces papes qui, malheureusement, depuis le concile Vatican II, ont cru devoir adhérer à des erreurs, des erreurs graves qui sont en train de démolir l’Eglise et de détruire le sacerdoce catholique. 
Le cardinal Burke  insiste : 
Je n’ai pas changé. J’enseigne toujours les mêmes choses que j’ai toujours enseignées et ce ne sont pas mes idées. Mais tout à coup, cela est perçu comme étant contraire au pontife romain.  
Sur ce point précis, comment ne pas y voir un lointain écho de la Déclaration du 21 novembre 1974 de Mgr Lefebvre :
Nous tenons fermement, de tout notre cœur et de toute notre âme, à la Rome catholique, Gardienne de la Foi catholique et des traditions nécessaires pour préserver cette foi, à la Rome éternelle, Maîtresse de la sagesse et de la vérité. (…) Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magistère de l’Eglise depuis dix-neuf siècles. (…)  
C’est pourquoi nous nous en tenons fermement à tout ce qui a été cru et pratiqué dans la foi, les mœurs, le culte, l’enseignement du catéchisme, la formation du prêtre, l’institution de l’Eglise, par l’Eglise de toujours et codifié dans les livres parus avant l’influence moderniste du Concile [Vatican II] en attendant que la vraie lumière de la Tradition dissipe les ténèbres qui obscurcissent le ciel de la Rome éternelle. 
Une ironie involontaire 
Une ironie sans doute involontaire accompagne les paroles du cardinal Burke, dans la mesure où lui-même s'est montré par le passé critique vis-à-vis de l’ancien archevêque de Dakar et de la Fraternité Saint-Pie X. Lors d’une conférence donnée le 15 juillet 2017, Mgr Burke avait même déclaré que la Fraternité « est dans le schisme (sic) depuis que feu Mgr Marcel Lefebvre a ordonné quatre évêques sans le mandat du Pontife romain ». Il ajoutait : « Il n’est donc pas légitime d’assister à la messe ou de recevoir les sacrements dans une église qui est sous la direction de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ». 

SI ces paroles du cardinal sont certainement déplacées, il est regrettable qu’il ne comprenne pas la raison des consécrations épiscopales de 1988, à savoir perpétuer le sacerdoce catholique authentique et fournir aux fidèles des sacrements certainement valides, selon le rite romain traditionnel. Ce faisant, les consécrations, comme toute l’œuvre sacerdotale de Mgr Lefebvre, ont été effectuées pour la vie de l’Eglise et le bien de la foi catholique. N’est-ce pas ainsi que le cardinal Burke comprend son propre ministère sacerdotal, qui consiste à défendre la foi face à l’hétérodoxie, quoiqu’imparfaitement ? Puisse la situation actuelle de l’Eglise, qui le place dans une situation similaire - à défaut d’être identique - à celle que connut Mgr Lefebvre, le faire réfléchir... 

Ce parallèle n’effleure guère Ross Douthat qui interroge le cardinal Burke dans le New York Times. Le journaliste s’efforce de distinguer la fidélité du cardinal Burke à l’orthodoxie face aux utopies du pape François, du « quasi-exil traditionaliste entrepris après Vatican II par la Fraternité Saint-Pie X ». Quel que soit le sens qu’il faille donner à l’expression “quasi-exil”, l’histoire ecclésiastique récente montre que c’est le contraire qui est vrai. Non seulement la Fraternité Saint-Pie X a sauvé la messe catholique et les rites sacramentels pour le plus grand bien de toute l’Eglise - et cela malgré une opposition enragée -, mais sa position selon laquelle l’ancien rite romain n’avait jamais été abrogé a été, de fait, confirmée par le pape Benoît XVI dans son motu proprio Summorum Pontificum, en 2007. 

De plus, les chapelles de la Fraternité, ouvertes à tous les catholiques, tout comme son apostolat, en particulier à travers l’édition, sont autant de moyens pour elle non seulement de répandre la foi et la vie catholique, mais encore d'alerter sur la profondeur de la crise que traverse l’Eglise. Loin de tout esprit de rébellion, elle n’hésite pas à dénoncer les destructions causées par Vatican II et ses réformes, et à rappeler l’urgente nécessité de restaurer la Tradition catholique. Ce n’est donc pas Mgr Lefebvre et la Fraternité sacerdotale qu’il a fondée qui se sont placés en "quasi-exil" de l’Eglise ; mais ce sont les autorités qui gouvernent l’Eglise qui se sont placées en exil déclaré de la Tradition. 

Reste qu’il est intéressant et réjouissant de constater que les récents scandales permettent à des hommes d’Eglise de prendre un peu mieux la mesure de la crise actuelle et, – c’est une nouveauté depuis le Concile –, de s’opposer publiquement à la destruction de la foi. Toutefois, ce combat nécessaire ne pourra avoir de plein effet qu’en reconnaissant que la crise actuelle s’enracine dans le concile Vatican II lui-même.

13 novembre 2019

[Jérôme Bourbon - Rivarol] Présent, la subvention publique et les prud’hommes

SOURCE - Jérôme Bourbon - Rivarol - 13 novembre 2019

Dans Présent du 5 novembre, Francis Bergeron, le gérant du journal, fait savoir que le quotidien ne recevra pas, contrairement aux années précédentes, la subvention gouvernementale qu’il estimait pour 2019 à quelque 140 000 euros et sollicite à nouveau l’aide de ses lecteurs. Cet appel a été largement relayé sur les réseaux sociaux, du Salon beige à Français de souche en passant par Riposte laïque, TV Libertés et l’Observatoire du journalisme, qui crient tous au scandale et à la persécution politique. Les choses sont-elles aussi simples que cela ? Que faut-il vraiment en penser ? 

Beaucoup de lecteurs de Présent auront en tout cas été surpris d’apprendre que le quotidien percevait chaque année une aide de l’Etat, une subvention publique de plus de cent mille euros. Il est en effet étonnant d’attendre d’un gouvernement que l’on combat, ou que l’on est censé combattre, une aide publique. De plus, au sein de la droite nationale, on s’est toujours opposé au principe des subventions publiques, qui plus est pour la presse. Jean-Yves Le Gallou a souvent expliqué, non sans raison, qu’une presse devait être libre et ne dépendre que de ses seuls lecteurs. Précisons que RIVAROL, lui, ne perçoit, ni n’a jamais perçu le moindre centime d’aide publique. Ce qui explique sans doute sa totale liberté de ton et la radicalité de sa ligne éditoriale.

L’actuelle direction de Présent ayant depuis cinq ans le monopole de la communication et recourant régulièrement à la désinformation, il nous paraît nécessaire, au moment où l’on parle tant dans nos milieux de la nécessité de la réinformation, de rétablir la stricte vérité des faits pour que le public puisse valablement se faire une opinion sur ce qui se passe actuellement, et depuis un certain temps déjà, à Présent. Il est certes très délicat d’aborder ce genre d’affaires pénibles mais nous taire plus longtemps nous rendrait complice d’une imposture dont le lecteur est la première victime. A quoi sert en effet un journal d’opinion si la vérité doit être mise sous le boisseau et si l’on n’ose rien dire de crainte de se faire des ennemis, d’être incompris ou d’indisposer tel ou tel ? RIVAROL prend donc une nouvelle fois ses responsabilités.
UN JOURNAL DOIT-IL ÊTRE SUBVENTIONNÉ ?
On savait que la plupart des journaux étaient subventionnés par l’Etat et ne vivaient que sous respiration artificielle. Beaucoup auront appris ces jours-ci que Présent est également dans ce cas. C’est d’autant plus étonnant que le journal a toujours dit qu’il ne vivait que de ses lecteurs et qu’il s’est bien gardé de dire, ou alors ô combien discrètement, qu’il bénéficiait depuis de très longues années d’une subvention publique de plusieurs centaines de milliers d’euros par an. Une rapide recherche sur Internet permet de connaître le montant des aides reçues chaque année du gouvernement : en 2015 Présent a ainsi perçu 262 257 euros d’aide publique directe, 218 128 en 2016, et encore 157 562 en 2017. Aides directes auxquelles il faut ajouter l’aide indirecte, non négligeable également.

Un bon produit n’a pas besoin d’être subventionné. Que dirait-on d’un boulanger subventionné pour vendre son pain ou d’un boucher aidé pour écouler sa viande ? Un commerce doit vivre des ventes de ses produits. Si ce qu’il propose au public est de qualité, il doit en principe pouvoir se maintenir et même éventuellement se développer. On a rarement entendu qu’un boulanger faisant du bon pain ou un pâtissier réalisant de succulents gâteaux ait fait faillite. 

Le principe des subventions publiques est donc éminemment contestable. Il l’est davantage encore pour la presse. Car comment combattre frontalement et sans arrière-pensée un gouvernement dont on attend chaque année l’aide publique ? La crainte de perdre la subvention publique ne conduit-elle pas à un amollissement de la ligne éditoriale, à un attiédissement des convictions ? N’invite-t-elle pas à certaines timidités éditoriales ? Et surtout le fait de pouvoir compter régulièrement sur des aides publiques n’engendre-t-il pas le risque de conduire à une certaine médiocrité ? Pourquoi consentir à des efforts, viser l’excellence, si l’on sait que de toute façon on touchera chaque année une subvention permettant de durer ?

La raison invoquée par le ministère de la Culture pour refuser à Présent l’aide publique cette année, pour la première fois depuis douze ans, est que le prix de vente du quotidien est en-dessous des autres quotidiens. Les autres quotidiens à faibles ressources publicitaires que sont La Croix et L’Humanité sont vendus respectivement 2 euros et 2,20 euros. Si Présent s’était aligné en janvier 2019 sur les prix de vente de ses deux confrères, il y a fort à parier qu’il aurait bénéficié à nouveau de sa subvention publique cette année, subvention qu’il touchait sans discontinuité depuis 2008. Et s’il passe à 2 euros ou 2,20 euros en janvier 2020, tout laisse supposer qu’il récupérera la subvention l’année prochaine. C’est si vrai que, dans le passé, lorsque Présent avait déjà perdu une fois sa subvention annuelle parce que son prix de vente était trop élevé, il lui a suffi l’année suivante de baisser son prix pour être dans la moyenne des autres quotidiens et, ainsi, de récupérer aussitôt la subvention momentanément suspendue, comme nous l’a confirmé la gérante de l’époque, Jeanne Smits. Donc, dans cette affaire, s’agit-il exclusivement d’une manœuvre politique du gouvernement ou surtout d’une impéritie, d’une incurie de l’actuelle direction du quotidien ?

Dans Présent daté du 8 novembre, le rédacteur en chef, Samuel Martin, un intime de Caroline Parmentier — qui a quitté le navire début 2019, sentant le naufrage arriver, pour devenir attachée de presse au Rassemblement national — écrit une « lettre ouverte à nos confrères quotidiens » dans laquelle il demande très officiellement à huit quotidiens, La Croix, L’Opinion, Libération, L’Humanité, Le Figaro, Le Monde, Le Parisien, Les Echos, de verser à Présent une partie de leur subvention annuelle. Faut-il n’avoir aucun sens de l’honneur et aucune dignité pour demander de l’argent à l’ennemi que l’on combat ! Mieux vaut mourir debout, le drapeau fièrement déployé, la bannière claquant au vent, que de solliciter, de manière plaintive, l’aide du gouvernement et de journaux cosmopolites. 
PRÈS DE 400 000 EUROS RÉCLAMÉS EN UN AN !
Francis Bergeron demande à ses lecteurs d’ouvrir largement leurs porte-monnaie puisqu’il réclame 140 000 euros, soit le montant estimé de la subvention selon ses calculs. En l’espace d’un an environ, Bergeron a demandé presque 400 000 euros aux lecteurs de Présent : 210 000 euros pour l’affaire Rémi Fontaine, journaliste de fondation à Présent qui a gagné aux prud’hommes en première instance, puis plus largement encore en appel, 35 000 euros pour l’affaire Yves Brunaud, journaliste de fondation à Présent qui a gagné en première instance aux prud’hommes, et voilà que, dans un troisième appel au secours, en quelques mois, Bergeron demande encore 140 000 euros pour une subvention publique perdue !

Cela ne va pas s’arrêter là et les dévoués lecteurs de Présent doivent savoir qu’ils seront appelés à mettre très souvent encore la main au portefeuille dans ce puits sans fonds qu’est devenu ce quotidien. Pendant longtemps, Francis Bergeron a fait croire qu’il n’y avait qu’un seul et non plusieurs procès aux prud’hommes, intentés contre la SARL Présent par d’anciens journalistes du quotidien écœurés par les méthodes de gestion et le changement de ligne éditoriale de la nouvelle direction. Il ciblait uniquement Rémi Fontaine, régulièrement traîné dans la boue et auquel était systématiquement refusé tout droit de réponse. Puis Bergeron avoua un deuxième procès, une fois qu’il l’eut perdu, celui d’Yves Brunaud. La vérité, c’est qu’il n’y a pas un, ni deux procès, mais SIX procès aux prud’hommes dont celui intenté par l’ancienne gérante et directrice de la publication et de la rédaction Jeanne Smits, débarquée en mars 2014 dans des conditions humainement épouvantables et qui ont gravement altéré à l’époque son état de santé, et bien plus encore celui de son époux, Olivier Figueras. Les six journalistes qui ont été aux prud’hommes sont Jeanne Smits, Olivier Figueras, Catherine Robinson, Rémi Fontaine, Yves Brunaud et Maroun Charbel. Bergeron, qui n’en est pas à un mensonge près, se garde bien d’informer ses lecteurs, sans doute pour ne pas les décourager, qu’il a déjà perdu un troisième procès, celui de Catherine Robinson, qui va coûter 146 000 euros (124 000 euros accordés par les prud’hommes, plus 22 000 euros attribués par la commission arbitrale des journalistes) au journal, ou plutôt à ses lecteurs appelés à renflouer sans cesse le tonneau des Danaïdes. On peut trouver tous les jugements en PDF sur la page Wikipédia consacrée à Présent
SIX PROCÈS AUX PRUD’HOMMES
Lorsque Bergeron a demandé 210 000 euros aux lecteurs de Présent pour payer la somme prétendument allouée par les juridictions prud’homales en première instance à Rémi Fontaine, les lecteurs ont été très généreux puisque, de l’aveu même de Bergeron, en quelques mois, ils ont donné près de 300 000 euros, plus encore que la somme demandée. Or, d’après ce que dit Rémi Fontaine dans un communiqué, non seulement la somme alors demandée était mensongèrement gonflée mais il n’a à ce jour perçu qu’un petit dixième de la somme due en vertu d’un jugement pourtant exécutoire. Où est donc passé l’argent puisque Bergeron écrit que le journal n’a quasiment plus de trésorerie aujourd’hui et qu’il est condamné à une mort imminente sans un nouveau renflouement massif de la part de ses lecteurs ? De la même façon, Yves Brunaud nous confirme qu’à ce jour il n’a pas touché un centime des 35 000 euros que Bergeron avait récoltés auprès de lecteurs de Présent toujours aussi généreux. Où est passé l’argent donné par les lecteurs ?

Si on additionne tous les procès perdus à ce jour aux prud’hommes par Présent, on est déjà très largement au-dessus de 300 000 euros, et le total pourrait s’alourdir encore dans les mois qui viennent, Jeanne Smits, Olivier Figueras et Maroun Charbel étant en appel, comme d’ailleurs Catherine Robinson et Yves Brunaud. Or, traditionnellement, en droit du travail, les juridictions d’appel sont plus favorables aux salariés qu’aux employeurs. Martin Peltier, qui avait perdu en première instance contre National-Hebdo après avoir fait valoir la clause de conscience pour quitter ses fonctions de rédacteur en chef de l’hebdomadaire frontiste au moment de la scission mégrétiste en 1999, avait gagné sur toute la ligne en appel, ce qui avait durablement affaibli le périodique qui a cessé définitivement sa parution en juin 2008. 

Que les lecteurs soient appelés à aider un journal qui connaît une difficulté passagère, conjoncturelle, ou qui a perdu un procès politique à cause de positions courageuses, politiquement ou historiquement incorrectes, il n’est rien là de plus légitime. Mais les lecteurs à qui l’on doit la vérité et qu’il est particulièrement irrespectueux de manipuler et de tromper, d’autant plus quand on leur demande régulièrement de l’aide, doivent-ils en permanence prendre sur leurs deniers, se priver de ce que Bergeron appelle « le superflu », pour payer les conséquences d’une gestion exécrable des relations humaines en son sein ? Car à qui fera-t-on croire que tous les torts sont d’un seul côté quand, quasiment du jour au lendemain, plus d’une dizaine de collaborateurs ont quitté le journal et que six d’entre eux, dont deux de fondation ainsi que l’ancienne directrice, sont allés aux prud’hommes ? Curieux que Bergeron qui a été DRH dans une grande entreprise se soit montré aussi calamiteux dans la gestion des ressources humaines au point de conduire à la révolte des journalistes de fondation ! 
MARINOLÂTRIE
La vérité, c’est qu’en 2014, un « clan familial » (dont les liens ne sont de surcroît pas conformes à la morale catholique qu’est censé défendre le quotidien) s’est emparé du journal avec une extrême brutalité — d’où les nombreux départs et les six procès aux prud’hommes —, en a altéré la ligne éditoriale, transformant le quotidien fondé en 1982 en bulletin mariniste inconditionnel. 

RIVAROL avait d’ailleurs épinglé en 2017, quelques semaines avant la présidentielle et avant le débat calamiteux de Marine Le Pen, les dithyrambes insensés à l’égard de la présidente du Rassemblement national : « En tout cas, la marinolâtrie s’intensifie chaque jour davantage dans le quotidien qui avait autrefois pour devise « Dieu Famille Patrie ». En témoigne en page une cet article du 7 mars 2017 (« Mobilisation générale ») de son principal actionnaire Francis Bergeron qui passe la brosse à reluire : « il n’y a qu’un seul candidat, à droite — et même dans tout l’échiquier politique français — qui ait une stature d’homme d’Etat, c’est elle (Marine Le Pen) ». Emporté par son enthousiasme, Bergeron ose écrire : « Pour ceux qui ont étudié l’histoire de notre courant politique — le courant identitaire et patriotique, pour faire simple —, jamais nous n’avons eu de tête de file de la qualité de Marine Le Pen. Le moment est tout simplement extraordinaire. » Oui, vous avez bien lu : Marine Le Pen est un chef de file ô combien supérieur à saint Louis, à sainte Jeanne d’Arc, à Drumont, à Barrès, à Maurras, au maréchal Pétain, à Poujade, à Tixier-Vignancour, à Jean-Marie Le Pen (qui a dû apprécier le compliment !) Personne dans notre histoire ne saurait égaler (l’ex-)concubine de Louis Aliot qui est tellement extraordinaire. On croirait lire La Pravda du temps de Staline. Des dithyrambes qui confinent au délire. Décidément les élections rendent fou, font perdre tout jugement, tout bon sens, toute mesure, toute dignité intellectuelle. »
UN REDRESSEMENT QUI N’A PAS EU LIEU
Depuis plusieurs années, partout où il est invité, à Chiré, sur Radio Courtoisie, à TV-Libertés, et encore dans un livre paru récemment, Présent, un défi au quotidien, Bergeron fait croire, avec l’humilité qui le caractérise, qu’il a redressé le journal et que tous les torts incombaient à l’ancienne gérance (Jeanne Smits), « ce pelé, ce galeux, d’où vient tout le mal ». Il suffit toutefois de consulter les comptes de la société déposés chaque année depuis 2014 au greffe du tribunal de commerce de Paris pour se rendre compte qu’il s’agit là d’un fieffé mensonge. Le chiffre d’affaires annuel de Présent est en baisse quasiment constante, les déficits et les dettes augmentent, les abonnements et les ventes en kiosques chutent de manière sensible. Il est donc totalement mensonger de prétendre qu’il a redressé le journal.

Il est des individus qui, à cent ans, attendent encore fébrilement la Légion d’honneur. Bergeron, qui rêvait dans sa vieillesse de diriger à sa guise un journal pour en faire sa danseuse, son bâton de maréchal, n’a reculé pour ce faire devant aucun moyen, aucune forgerie, aucune manipulation, aucune falsification. Se croyant tout permis, il s’est ainsi emparé en 2016 de la présidence de Présent-militants, qu’il a transformée en CLAP (Club des Lecteurs et Amis de Présent), alors qu’il n’était même pas membre de l’association et qu’il n’a pas pris la peine de convoquer un conseil d’administration en bonne et due forme, n’informant ni ne convoquant par lettre recommandée avec AR les membres de plein droit de Présent Militants (Jeanne Smits qui disposait de 5 voix sur une totalité de 22, ainsi qu'Yves Chiron, 1 voix, Olivier Figueras, 1 voix, Jean-Claude Absil, 1 voix, Rémi Fontaine, 1 voix, et plusieurs autres). 

Enfin, ce qui en dit long sur le personnage, au moment où l’actuelle direction de Présent poursuivait l’ancienne gérante de Présent, Jeanne Smits, devant le tribunal de commerce de Paris, en essayant de la faire condamner le plus lourdement possible pour de supposées fautes de gestion, Bergeron, qui est la fourberie faite homme, faisait publier, avec une évidente fausse compassion, un petit texte pour assurer Jeanne Smits de toute sa sympathie au moment où elle venait de perdre son père. Difficile d’aller plus loin dans la tartuferie !

Jérôme BOURBON
RIVAROL numéro 3399 du 13 novembre 2019, page 11

31 octobre 2019

[Séminaire de Wigratzbad - FSSP] La "section lusophone"

SOURCE - Séminaire de Wigratzbad - FSSP - 31 octobre 2019

Arrivé en 2017, notre premier séminariste portugais est désormais en 3e année. Il a été rejoint l'an dernier par quatre compatriotes, qui ont reçu leur soutane le 19 octobre. Avec l'entrée cette année de quatre autres jeunes, notre "section lusophone" connaît donc une progression spectaculaire !

Et cerise sur le gâteau, on voit ici nos neuf séminaristes entourer l'abbé Fernando Antonio, prêtre jésuite portugais, qui vient d'être incorporé à la FSSP, pour laquelle il a été affecté en France, à notre apostolat de Pau. 

Ensemble ils forment notre "petite armée de Notre Dame de Fatima", que nous confions à la Reine du Clergé, et à vos prières. 

"Au Portugal se conservera toujours le dogme de la foi !" 
(Notre Dame à Fatima, le 13 juillet 1917)

[FSSPX Actualités] Une Eglise qui marche sur la tête : Entretien avec l’abbé Davide Pagliarani, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X

SOURCE - FSSPX Actualités - Abbé Davide Pagliarani - 12 septembre 2019

Monsieur le Supérieur général, des événements importants sont attendus d’ici la fin de l’année, tels que le synode pour l’Amazonie et la réforme de la Curie romaine. Ils auront une répercussion historique sur la vie de l’Eglise. Selon vous quelle place tiennent-ils dans le pontificat du pape François? 
L’impression que beaucoup de catholiques éprouvent actuellement est celle d’une Eglise au bord d’une nouvelle catastrophe. Si nous faisons un retour en arrière, le concile Vatican II lui-même n’a été possible que parce qu’il était le résultat d’une décadence qui affectait l’Eglise dans les années ayant précédé son ouverture : un barrage a cédé sous la pression d’une force qui était à l’œuvre depuis un certain temps. C’est cela qui permet le succès des grandes révolutions, car les législateurs ne font qu’approuver et sanctionner une situation qui est déjà un état de fait, au moins en partie. 

Ainsi, la réforme liturgique n’a été que l’aboutissement d’un développement expérimental qui remontait à l’entre-deux guerres et qui avait déjà largement pénétré une partie du clergé. Plus près de nous, sous ce pontificat, Amoris lætitia a été la ratification d’une pratique malheureusement déjà présente dans l’Eglise, notamment en ce qui concerne la possibilité de communier pour les personnes qui vivent en état de péché public. Aujourd’hui la situation semble être mûre pour d’autres réformes excessivement graves. 
Pouvez-vous préciser votre jugement sur l’exhortation apostolique Amoris lætitia trois ans après sa publication ? 
Amoris lætitia représente, dans l’histoire de l’Eglise de ces dernières années, ce que Hiroshima ou Nagasaki est à l’histoire moderne du Japon : humainement parlant, les dégâts sont irréparables. C’est à n’en pas douter l’acte le plus révolutionnaire du pape François et en même temps celui qui a été le plus contesté, même en dehors de la Tradition, car il touche directement la morale conjugale, ce qui a permis à beaucoup de clercs et de fidèles de déceler la présence d’erreurs graves. Ce document catastrophique a été présenté à tort comme l’œuvre d’une personnalité excentrique et provocatrice dans ses propos, – ce que certains veulent voir dans le pape actuel. Ce n’est pas exact, et il est inadéquat de simplifier ainsi la question. 
Vous semblez insinuer que cette conséquence était inéluctable. Pourquoi êtes-vous réticent à définir le pape actuel comme une personne originale ? 
En réalité, Amoris laetitia est l’un des résultats qui, tôt ou tard, devait se produire à la suite des prémisses posées par le Concile. Déjà le cardinal Walter Kasper avait avoué et souligné qu’à une nouvelle ecclésiologie, celle du Concile, correspond une nouvelle conception de la famille chrétienne.[1]

En effet, le Concile est d’abord ecclésiologique, c’est-à-dire qu’il propose dans ses documents une nouvelle conception de l’Eglise. L’Eglise fondée par Notre-Seigneur ne correspondrait plus à l’Eglise catholique, tout simplement. Elle est plus large : elle englobe les autres confessions chrétiennes. Du coup, les communautés orthodoxes ou protestantes auraient l’« ecclésialité » en vertu du baptême. En d’autres termes, la grande nouveauté ecclésiologique du Concile est la possibilité d’appartenir à l’Eglise fondée par Notre-Seigneur selon des modalités et des degrés différents. D’où la notion moderne de communion pleine ou partielle, « à géométrie variable », pourrait-on dire. L’Eglise est devenue structurellement ouverte et flexible. La nouvelle modalité d’appartenance à l’Eglise, extrêmement élastique et variable, selon laquelle tous les chrétiens sont unis dans la même Eglise du Christ, est à l’origine du chaos œcuménique. 

Ne pensons pas que ces nouveautés théologiques soient abstraites, elles ont des répercussions sur la vie concrète des fidèles. Toutes les erreurs dogmatiques qui touchent l’Eglise ont tôt ou tard des effets sur la famille chrétienne, car l’union des époux chrétiens est l’image de l’union entre le Christ et son Eglise. A une Eglise œcuménique, flexible et panchrétienne, correspond une notion de la famille où les engagements du mariage n’ont plus la même valeur, où les liens entre époux, entre un homme et une femme, ne sont plus perçus ni définis de la même manière : ils deviennent flexibles eux aussi. 
Un pape cohérent avec les principes de Vatican II 
Pourriez-vous préciser davantage ? 
Concrètement, de même que l’Eglise du Christ « panchrétienne » aurait des éléments bons et positifs en dehors de l’unité catholique, de même il y aurait pour les fidèles des éléments bons et positifs aussi en dehors du mariage sacramentel, dans un mariage civil, et également dans une union quelconque. De même qu’il n’y a plus de distinction entre une « vraie » Eglise et des « fausses » églises - car les églises non catholiques sont bonnes quoique imparfaites – toutes les unions deviennent bonnes, car il y a toujours quelque chose de bon en elles, ne serait-ce que l’amour. 

Cela veut dire que dans un « bon » mariage civil – notamment lorsqu’il est conclu entre personnes croyantes – on peut trouver certains éléments du mariage chrétien sacramentel. Non pas que les deux doivent être mis sur un pied d’égalité ; cependant l’union civile n’est pas mauvaise en soi, mais simplement moins bonne ! Jusqu’ici on parlait d’actions bonnes ou mauvaises, de vie dans la grâce ou dans le péché mortel. Maintenant il ne reste plus que des actions bonnes ou moins bonnes. Des formes de vie épousant totalement l’idéal chrétien et d’autres qui ne lui correspondent que partiellement… Pour résumer, à une Eglise œcuménique, correspond une famille œcuménique, c’est-à-dire recomposée ou « recomposable », selon les nécessités et les sensibilités. 

Avant le concile Vatican II, l’Eglise enseignait que les confessions chrétiennes non-catholiques étaient hors du giron de la véritable Eglise, et ne faisaient donc pas partie de l’Eglise de Jésus-Christ. La doctrine de la Constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen gentium (n. 8), ouvre une voie pour les reconnaître comme des réalisations partielles de l’Eglise du Christ. Les conséquences de ces erreurs sont incalculables et encore en plein développement. 

Amoris lætitia est le résultat inévitable de la nouvelle ecclésiologie enseignée par Lumen gentium, et aussi de la folle ouverture au monde prônée par la Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et spes [2]. Et de fait, avec Amoris lætitia, le mariage chrétien ressemble de plus en plus au mariage tel que la modernité le conçoit et le profane. 

Ainsi l’enseignement objectivement déroutant du pape François n’est pas une excroissance étrange, mais bien la conséquence logique des principes posés au Concile. Il en tire des conclusions ultimes… pour le moment. 
Cette doctrine nouvelle sur l’Eglise s’est-elle manifestée par un concept théologique particulier ? 
Après le Concile, la notion de Peuple de Dieu a remplacé celle du Corps mystique du Christ. Elle est omniprésente dans le nouveau Code de droit canon publié en 1983. Mais un infléchissement s’est opéré en 1985. Il est apparu que le terme « Peuple de Dieu » devenait encombrant, parce qu’il autorisait des dérives vers la théologie de la libération et le marxisme. Il a été remplacé par une autre notion, également tirée du Concile : l’ecclésiologie de communion, qui permet une appartenance à l’Eglise extrêmement élastique ; avec elle tous les chrétiens sont unis dans la même Eglise du Christ, mais plus ou moins, ce qui fait que le dialogue œcuménique est devenu babélique, comme à la rencontre d’Assise en 1986. A l’image du polyèdre qu’affectionne le pape François : « une figure géométrique qui a de nombreuses facettes différentes. Le polyèdre reflète la confluence de toutes les diversités qui, dans celui-ci, conservent leur originalité. Rien ne se dissout, rien ne se détruit, rien ne domine rien. » [3]
Voyez-vous cette même racine ecclésiologique à l’origine des réformes annoncées dans l’Instrumentum laboris du prochain synode sur l’Amazonie, ou dans le projet de réforme de la Curie romaine ? 
Tout se ramène, directement ou indirectement, à une fausse notion de l’Eglise. Encore une fois, le pape François ne fait que tirer les ultimes conclusions des prémisses posées au Concile. Concrètement, ses réformes présupposent toujours une Eglise à l’écoute, une Eglise synodale, une Eglise attentive à la culture des peuples, à leurs attentes et exigences, surtout aux conditions humaines et naturelles, propres à notre temps et toujours changeantes. La foi, la liturgie, le gouvernement de l’Eglise, doivent s’adapter à tout cela, et en être le résultat. 

L’Eglise synodale toujours à l’écoute, constitue la dernière évolution de l’Eglise collégiale, prônée par Vatican II. Pour donner un exemple concret, selon l’Instrumentum laboris, l’Eglise doit être à même d’assumer et faire siennes des éléments tels que les traditions locales sur le culte des esprits et les médecines traditionnelles amazoniennes, qui font appel à de soi-disant « exorcismes ». Ces traditions indigènes étant enracinées dans un sol qui a une histoire, il en découle que ce « territoire est un lieu théologique, il est une source particulière de la révélation de Dieu ». C’est pourquoi il faut reconnaître la richesse de ces cultures autochtones, car « l’ouverture non sincère à l’autre, de même qu’une attitude corporatiste, qui ne réserve le salut qu’à sa propre foi, détruisent cette même foi ». On a l’impression qu’au lieu de lutter contre le paganisme, la hiérarchie actuelle veut en assumer et incorporer les valeurs. Et les artisans du prochain synode se réfèrent à ces « signes des temps », chers à Jean XXIII, qu’il faut scruter comme des signes du Saint-Esprit. 
L'Eglise du Christ n'est pas un forum ni une plateforme 
Et plus spécifiquement, quant à la Curie ? 
De son côté, le projet de réforme de la Curie prône une Eglise qui ressemble beaucoup plus à une entreprise humaine qu’à une société divine, hiérarchique, dépositaire de la Révélation surnaturelle, disposant du charisme infaillible de garder et d’enseigner à l’humanité la Vérité éternelle jusqu’à la fin des temps. Il s’agit, comme le dit expressément le texte du projet, d’opérer « la mise à jour (aggiornamento) de la Curie », « sur la base de l’ecclésiologie de Vatican II ». Dès lors on n’est guère surpris de lire sous la plume des cardinaux chargés de cette réforme : « La Curie agit comme une sorte de plateforme et un forum de communication par rapport aux Eglises particulières et aux Conférences des évêques qui ont besoin de telles expériences. La Curie recueille les expériences de l’Eglise universelle et, à partir de ces dernières, elle encourage les Eglises particulières et les Conférences des évêques… Cette vie de communion donnée à l’Eglise a le visage de la synodalité… Peuple des fidèles, Collège épiscopal, Evêque de Rome sont à l’écoute les uns des autres, et ils sont tous à l’écoute du Saint-Esprit… Cette réforme est établie dans l’esprit d’une “saine décentralisation”… L’Eglise synodale consiste à ce que “le Peuple de Dieu chemine ensemble”… Ce service de la Curie à la mission des évêques et à la communio ne se fonde pas sur une attitude de vigilance ou de contrôle, ni même de prise de décisions en tant qu’autorité supérieure… » [4]

Plateforme, forum, synodalité, décentralisation…, tout cela ne fait que confirmer la racine ecclésiologique de toutes les erreurs modernes. Dans ce magma informe, il n’y a plus d’autorité supérieure. C’est la dissolution de l’Eglise telle que Notre Seigneur l’a établie. En fondant son Eglise, le Christ n’a pas ouvert un forum de communication, ni une plateforme d’échanges ; il a confié à Pierre et à ses Apôtres la charge de paître son troupeau, d’être des colonnes de vérité et de sainteté pour conduire les âmes au Ciel. 
Comment caractériser cette erreur ecclésiologique par rapport à la constitution divine de l’Eglise fondée par Jésus-Christ? 
La question est vaste, mais Mgr Lefebvre nous fournit un élément de réponse. Il disait que la structure de la nouvelle messe correspondait à une Eglise démocratique, et non plus hiérarchique et monarchique. L’Eglise synodale telle que la rêve François est vraiment de type démocratique. Il a lui-même donné l’image qu’il en avait : celle d’une pyramide renversée. Pouvait-on plus clairement manifester ce qu’il entend par la synodalité ? C’est une Eglise qui marche sur la tête. Mais insistons, il ne fait que développer les germes déjà présents dans le Concile. 
Ne pensez-vous pas forcer votre lecture de la réalité actuelle, en voulant tout ramener aux principes du concile Vatican II, tenu il y a plus de cinquante ans?
C’est l’un des plus étroits collaborateurs de François qui nous donne la réponse. Il s’agit du cardinal Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa et coordinateur du C6. Voici ce qu’il dit : « Après le concile Vatican II, les méthodes et le contenu de l’évangélisation ainsi que l’éducation chrétienne changent. La liturgie change. (…) La perspective missionnaire change : le missionnaire doit établir un dialogue évangélisateur (…). L’action sociale change, ce n’est plus seulement la charité et le développement de services, mais aussi le combat pour la justice, les droits humains et la libération… Tout change dans l’Eglise suivant le modèle pastoral renouvelé. » Et il ajoute, pour montrer dans quel esprit ces transformations sont accomplies : « Le pape veut amener la rénovation de l’Eglise à un point où elle deviendra irréversible. Le vent qui pousse les voiles de l’Eglise vers la haute mer de sa rénovation profonde et totale est la miséricorde ». [5]
L’on ne peut cependant pas nier que de nombreuses voix se sont élevées contre ces réformes et l’on peut raisonnablement présumer que cela va continuer dans les prochains mois. Comment jugez-vous ces réactions? 
L’on ne peut que se réjouir de telles réactions et d’une prise de conscience progressive de la part de beaucoup de fidèles et de quelques prélats, que l’Eglise s’approche d’une nouvelle catastrophe. Ces réactions ont l’avantage et le mérite de montrer que la voix qui prône ces erreurs ne peut pas être celle du Christ, ni celle du Magistère de l’Eglise. Cela est extrêmement important et, malgré le contexte tragique, encourageant. La Fraternité a le devoir d’être très attentive à ces réactions, et en même temps d’essayer de leur éviter de se fourvoyer et de n’aboutir à rien. 
Le pluralisme conciliaire rend toute opposition structurellement inefficace 
Que voulez-vous dire par là ?
Tout d’abord, il faut noter que ces réactions se heurtent systématiquement à un « mur de gomme » et il faut avoir le courage de se demander pourquoi. Pour donner un exemple, quatre cardinaux avaient exprimé leurs dubia au sujet d’Amoris lætitia. Cette réaction avait été remarquée par plusieurs et saluée comme le commencement d’une réaction qui allait produire des résultats durables. En réalité, le silence du Vatican a laissé cette critique sans réponse. Entre-temps, deux de ces cardinaux sont morts et le pape François est passé aux autres projets de réforme dont nous venons de parler, – ce qui fait que l’attention se déplace sur des sujets nouveaux, en laissant, par la force des choses, la bataille sur Amoris lætitia en plan, oubliée, et le contenu de cette exhortation semble de facto acquis.

Pour comprendre ce silence du pape, il ne faut pas oublier que l’Eglise issue du Concile est pluraliste. C’est une Eglise qui ne se fonde plus sur une Vérité éternelle et révélée, enseignée d’en haut, par l’autorité. Nous avons devant nous une Eglise qui est à l’écoute et donc nécessairement à l’écoute de voix qui peuvent diverger entre elles. Pour faire une comparaison, dans un régime démocratique, il y a toujours une place, au moins apparente, pour les oppositions. Celles-ci font en quelque sorte partie du système car elles montrent que l’on peut discuter, avoir une opinion différente, qu’il y a de la place pour tout le monde. Cela, bien évidemment, peut favoriser le dialogue démocratique, mais non le rétablissement d’une Vérité absolue et universelle, et d’une loi morale éternelle. Ainsi l’erreur peut être enseignée librement, à côté d’une opposition réelle mais structurellement inefficace et incapable de remettre les vérités à leur place. C’est donc du système pluraliste lui-même qu’il faut sortir, et ce système a une cause, le concile Vatican II.
D’après vous, que devraient faire ces prélats ou ces fidèles qui ont à cœur l’avenir de l’Eglise ?
Tout d’abord, il faudrait qu’ils aient la lucidité et le courage de reconnaître qu’il y a une continuité entre les enseignements du Concile, des papes de l’époque post-conciliaire et le pontificat actuel. Citer le magistère de « saint » Jean-Paul II par exemple pour s’opposer aux nouveautés du pape François est un très mauvais remède, d’emblée voué à l’échec. Un bon médecin ne saurait se contenter de quelques points de suture pour fermer une blessure, sans d’abord évacuer l’infection qui se trouve à l’intérieur de la plaie. Loin de nous de mépriser ces efforts, mais en même temps, c’est une question de charité d’indiquer où réside la racine des problèmes.

Pour donner un exemple concret de cette contradiction, il suffit de citer un nom entre tous, celui du cardinal Müller. Il est indéniablement le plus virulent aujourd’hui contre Amoris lætitia, l’Instrumentum laboris, le projet de réforme de la Curie. Il utilise des expressions très fortes, jusqu’à parler de « rupture avec la Tradition ». Et pourtant, ce cardinal qui trouve à présent la force de dénoncer publiquement ces erreurs est le même qui a voulu imposer à la Fraternité Saint-Pie X − en continuité avec ses prédécesseurs et ses successeurs à la Congrégation pour la Doctrine de la foi − l’acceptation de tout le Concile et du magistère post-conciliaire. Indépendamment de la Fraternité et de ses positions, cette critique qui ne s’attache qu’aux symptômes sans remonter à leur cause, représente un illogisme des plus dommageables et des plus déroutants.
La charité de vouloir « transmettre ce que nous avons reçu » 
On objecte souvent que la Fraternité ne sait que critiquer ? Que propose-elle positivement ? 
La Fraternité ne critique pas de façon systématique ou a priori. Elle n’est pas une « râleuse » professionnelle. Elle a une liberté de ton qui lui permet de parler ouvertement, sans craindre de perdre des avantages qu’elle n’a pas… Cette liberté est indispensable dans les circonstances actuelles.

La Fraternité a surtout l’amour de l’Eglise et des âmes. La crise présente n’est pas que doctrinale : les séminaires ferment, les églises se vident, la pratique sacramentelle chute de façon vertigineuse. Nous ne pouvons rester spectateurs, les bras croisés, et nous dire : « tout cela prouve que la Tradition a raison ». La Tradition a le devoir de venir en aide aux âmes, avec les moyens que lui donne la sainte Providence. Nous ne sommes pas mus par une fierté orgueilleuse, mais poussés par la charité de vouloir « transmettre ce que nous avons reçu » (1 Co 15, 3). C’est ce que nous tâchons humblement de faire par notre travail apostolique quotidien. Mais celui-ci est inséparable de la dénonciation des maux dont souffre l’Eglise, pour protéger le troupeau abandonné et dispersé par de mauvais pasteurs.
Qu’est-ce que la Fraternité espère des prélats et des fidèles qui commencent à voir clair, afin de donner une suite positive et efficace à leurs prises de position ?
Il faut avoir le courage de reconnaître que même une bonne prise de position doctrinale ne suffira pas, si elle n’est pas accompagnée d’une vie pastorale, spirituelle et liturgique cohérente avec les principes que l’on veut défendre, car le Concile a inauguré une nouvelle manière de concevoir la vie chrétienne, cohérente avec une nouvelle doctrine.

Si la doctrine est réaffirmée dans tous ses droits, il faut passer à une vie catholique réelle et conforme à ce que l’on professe. Sans quoi telle ou telle déclaration ne restera qu’un événement médiatique, d’une durée limitée à quelques mois, voire quelques semaines… Concrètement, il faut passer à la Messe tridentine et à tout ce que cela signifie ; il faut passer à la Messe catholique et en tirer toutes les conséquences ; il faut passer à la Messe non œcuménique, à la Messe de toujours et laisser cette Messe régénérer la vie des fidèles, des communautés, des séminaires, et surtout la laisser transformer les prêtres. Il ne s’agit pas de rétablir la Messe tridentine, parce qu’elle est la meilleure option théorique ; il s’agit de la rétablir, de la vivre et de la défendre jusqu’au martyre, parce qu’il n’y a que la Croix de Notre-Seigneur qui puisse sortir l’Eglise de la situation catastrophique dans laquelle elle se trouve.

Portæ inferi non prævalebunt adversus eam !
Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle !

Abbé Davide Pagliarani, Supérieur général
Menzingen, le 12 septembre 2019, fête du saint Nom de Marie
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[1] Walter Kasper, Entretien  du 7 mai 2014, Commonwealmagazine.org:  « Le  premier mariage est indissoluble. (. .. )Le  second mariage n'est pas un mariage au sens chrétien, et je serais contre de le célébrer à l'église. Mais il y a des éléments d'un mariage. Je comparerais cela à la façon dont l'Eglise catholique considère d'autres Eglises. L'Eglise catholique est la véritable Eglise du Christ, mais ily a d'autres Eglises qui ont des éléments de la véritable Eglise, et nous reconnaissons  ces éléments.  De la même manière,  pouvons-nous dire, le vrai mariage est le mariage sacramentel. Et le deuxième n'est pas un mariage dans le même sens, mais ila des éléments de mariage : les partenaires  prennent  soin l' un de l'autre,  ils sont  exclusivement liés l'un à l'autre, il y a  une intention de permanence. N ou s devons respecter d e telles  situations, comme nous le faisons avec les protestants. »
[2] Cette  constitution  est imbue de la primauté de la conscience, prône le personnalisme et insinue l'inversion des fins du mariage.
[3] Discours aux participants à la Rencontre mondiale des mouvements populaires, 28 octobre 2014.
[4] «Le contenu du projet  de réforme de la Curie : un eccclésiologie revisitée», L'Homme nouveau, 23 mai 2019.
[5] «L'Eglise de la miséricorde avec le pape François», 20 janvier 2015, www.scu.edu