21 septembre 2004

[Henri Tincq - Le Monde] La dérive sectaire des catholiques traditionalistes

Henri Tincq - Le Monde - 21 septembre 2004

Provocations, haines fratricides, exclusions : la Fraternité Saint-Pie X de Mgr Marcel Lefebvre est à la dérive, victime de ces déviations familières à tous les groupuscules, de gauche comme de droite, qui, armés de certitudes dogmatiques, assurés d'avoir raison contre tout le monde, incapables de la moindre autocritique, s'enferment dans les pires impasses. Mgr Lefebvre, évêque dissident du dernier concile Vatican II, témoin d'une époque d'arrogance catholique qui a vécu, mort trois ans après avoir été excommunié pour insoumission par Jean Paul II en 1988, doit se retourner dans sa tombe. Les évêques et prêtres qu'il a consacrés illégalement se déchirent à belles dents. A l'échelle des crises que traversent toutes les confessions religieuses et n'épargnent pas le catholicisme, le limogeage par sa propre hiérarchie de Philippe Laguérie, curé de la paroisse traditionaliste Saint-Eloi de Bordeaux après avoir été le moine-soldat de Saint-Nicolas du Chardonnet, fief intégriste de Paris depuis 28 ans, peut paraître dérisoire et pitoyable. Mais la Fraternité Saint-Pie X est punie par où elle a toujours péché : le schisme. Et risque de connaître le destin promis par ceux qui l'ont toujours détestée : céder à la tentation suicidaire, finir comme une petite secte.

Depuis les années 1970, cette "fraternité", bien mal nommée, de catholiques traditionalistes constitue une sorte de cancer qui ronge un organisme, l'Eglise, déjà affaibli. Elle n'est pas qu'une armée de prêtres - quelques centaines - au conservatisme militant, portant soutane, célébrant la messe en latin, tournant le dos au peuple, refusant de distribuer la communion à la main. C'est un ensemble de séminaires, de prieurés, de collèges en nombre croissant. C'est surtout le lieu d'une mauvaise conscience catholique qui a suivi le concile, ses réformes et ses crises et qui, jusque dans les années flamboyantes de Jean Paul II, n'a pas cessé de produire ses effets.

On ne fera pas d'amalgame hâtif entre ces héritiers d'une tradition anti-Réforme, anti-Révolution et antimoderniste, réactivée par l'"intransigeantisme" catholique du XIXe siècle, par Charles Maurras et l'Action française, et les nouvelles formes radicales d'extrémisme et de prosélytisme qui agitent les milieux fondamentalistes nord-américains. On rappellera leurs convergences dans la promotion du film Passion de Mel Gibson. Mais, à part une minorité qui fut de tous les combats de Jean-Marie Le Pen ou jeta des bombes contre un cinéma parisien qui projetait La Dernière Tentation du Christ, de Martin Scorsese, en 1988, ce sont surtout les nostalgiques d'un monde où le centre était l'Eglise, l'ancienne messe le passage obligé vers le sacré, le prêtre le meneur des hommes et des âmes et le vieux catéchisme le petit manuel d'une foi fondée sur l'obéissance et la morale.
IMPOSTURE
Jamais ils n'ont accepté les réformes de Vatican II : une liturgie plus participative, la reconnaissance de la liberté de religion, l'ouverture aux autres confessions chrétiennes et non chrétiennes (judaïsme, islam). Pour eux, Jean XXIII, Paul VI, Jean Paul II ont bradé l'Eglise, taillé en pièces la saine doctrine, préparé l'"apostasie". Sur le plan séculier, en préférant la loi de Dieu à celle des hommes sur l'avortement, l'union homosexuelle, etc., l'autorité à la délibération, le monopole catholique au libre dialogue avec les autres religions, en s'érigeant contre toutes les formes de modernité, ils ne sont pas si éloignés du fond de commerce de tous les radicalismes.

Pourtant, leurs églises - peu nombreuses et ils s'en plaignent - sont pleines, y compris de jeunes assoiffés d'ordre moral et de certitudes. Leurs séminaires (Ecône en Suisse...) recrutent, plus faiblement que dans les années 1970 mais davantage que ce qui avait été pronostiqué après le schisme. Leurs monastères séduisent par la liturgie à l'ancienne. Leur vingtaine d'établissements d'enseignement - sans contrat avec l'Etat - attirent des familles qui réclament une stricte éducation catholique.

"Il y a un besoin de sacré et de beauté. Les fidèles réclament du grégorien, du latin, du Bach ou du Mozart", dit le Père Michel Lelong, proche d'eux. Les traditionalistes usent jusqu'à la corde l'argument du déclin de l'Eglise moderne. A les entendre, ils "récupèrent" ceux qu'elle aurait laissés sur la route par une liturgie jugée médiocre, un clergé usé, une timidité trop grande dans l'affirmation de la vérité catholique.

Rien n'est plus fallacieux que cette opposition entre une Eglise "traditionaliste", qui aurait le vent en poupe et serait victime du Vatican et d'évêques - surtout en France - qui refuseraient de leur donner des églises, et une Eglise "conciliaire" qui éprouve certes d'énormes difficultés, surtout dans le recrutement des prêtres, mais est loin d'être sinistrée, comme le prouvent les participations aux célébrations de Pâques ou Noël ou les rassemblements autour du pape comme lors de son dernier pèlerinage à Lourdes. L'imposture ne pouvait plus durer, et c'est après avoir dénoncé la "situation catastrophique"des séminaires de sa Fraternité que l'abbé Laguérie a été viré, le 5 septembre, et expédié... au Mexique. Sanction qu'il refuse.

En toile de fond s'affrontent les partisans d'un compromis avec le diable - le Vatican - et ceux d'un dialogue musclé qui aurait toutes les apparences de la bonne volonté mais pas d'autre fin que de préserver ce qui reste de l'Eglise lefévriste après les ruptures et dissensions provoquées par le schisme de 1988. La direction actuelle de la Fraternité, conduite d'Ecône par Mgr Bernard Fellay, évêque schismatique consacré par Mgr Lefebvre, poursuit depuis des années des négociations avec le Vatican ou de petits groupes d'intermédiaires (dont des évêques français qui veulent garder l'anonymat par peur de leurs confrères) en vue d'une soi-disant réconciliation.

Grâce à des compromis qui révulsent les milieux progressistes, elle a obtenu des succès : symboliques comme la célébration d'une grand-messe en latin, en présence de cardinaux, dans l'une des quatre basiliques majeures de Rome. Sérieux comme l'attribution de lieux de culte plus nombreux et la promesse d'un statut juridique de plein droit, analogue à la "prélature personnelle" dont bénéficie l'Opus Dei depuis 1982.

Ont-ils peur d'un rapprochement qui leur ferait perdre leur raison d'être ? Les durs comme les abbés Laguérie ou Guillaume de Tanouarn, directeur de la revue Certitudes, se rebellent et mettent en cause les modèles de formation de leurs cadres.
 
Ils réclament un dialogue plus musclé avec Rome. Ils ne veulent pas d'un statut sur mesure qui ne soit pas précédé par des concessions doctrinales du Vatican, la reconnaissance du droit à la messe en latin dans tous les diocèses, la renonciation à toute forme d'œcuménisme avec les "hérétiques" protestants, les juifs ou les musulmans selon cet "esprit d'Assise" de Jean Paul II, qu'ils rejettent comme un épouvantable "syncrétisme".
 
En refusant la main tendue par Rome, l'aile traditionnelle la plus extrême fait fausse route. Quel que soit le successeur du pape actuel, ils ne sont pas assurés de retrouver demain à Rome des interlocuteurs aussi bien disposés, voire complaisants, que les cardinaux Castrillon-Hoyos, un Latino-Américain très conservateur de la Curie, chef de la congrégation du clergé, ou Ratzinger, dont les rappels à la discipline, à la morale catholique, à la liturgie traditionnelle et la déclaration Dominus Jesus (2000), réaffirmant la suprématie du catholicisme, devraient leur aller droit au cœur.

En multipliant les concessions, le Vatican court après ses brebis égarées. C'est une démarche légitime. Mais elle risque de faire passer le souci de la réconciliation et de l'unité avant celui de la clarté.

18 septembre 2004

[Aletheia n°62] Les affabulations de Golias - et autres textes

Aletheia n°62 - 18 septembre 2004

Les affabulations de Golias

La revue Golias, qui se veut “ l’empêcheur de croire en rond ”, est une sorte de Canard enchaîné qui serait bimestriel et qui se prétendrait catholique. Il n’y manque ni les caricatures et les dessins supposés humoristiques, ni les rumeurs et les ragots, ni les fausses nouvelles mêlées aux vraies, ni les titres sensationnalistes, ni l’acharnement sur les mêmes cibles — ici, les “ traditionalistes ”, les “ évêques conservateurs ” et, last but not least, le pape Jean-Paul II, vilipendé, maltraité, de numéro en numéro.

On pourrait ne prêter aucune attention aux charges à répétition de Golias. Mais la revue n’est pas sans influence et sans écho. Elle n’est pas seulement disponible sur abonnement, elle est présente dans la plupart des librairies catholiques de France et sur certaines tables de presse paroissiales. Elle se double aussi d’une maison d’éditions qui a publié plusieurs dizaines d’ouvrages.

La revue se flatte d’avoir un correspondant au Vatican, qui signe ses articles du nom de Romano Libero. Il doit s’agir là du pseudonyme non de quelque monsignore mais sans doute de quelque minutante désœuvré qui se pique de fournir à la revue française des informations inédites et des analyses décapantes ou de quelque séminariste en formation à Rome qui croit voir s’ouvrir pour lui une longue carrière de délateur masqué.

Le dernier numéro de Golias (n° 96-97, mai-août 2004) contient deux articles qui portent sa signature. Tous les deux contiennent des affabulations qui montrent que M. Romano Libero n’est pas un informateur fiable.

Un premier article porte sur la dernière étude doctrinale de la Fraternité Saint-Pie X, De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse. L’article est intitulé “ Le nouveau chantage des lefebvristes sur Rome ”. Romano Libero, qui se croit bien informé, affirme tout uniment : “ Selon nos sources, ce petit livre aurait été rédigé en totalité ou en partie par Mgr Brunero Gherardini, 79 ans, ancien professeur d’ecclésiologie, un vieux théologien aigri et agressif ”.

Un deuxième article est consacré à “ Walter Kasper : bête noire des intégristes ”, avec en surtitre : “ Pourquoi les lefebvristes veulent-ils la peau du patron de l’œcuménisme au Vatican ? ”. Cette fois, Romano Libero révèle que Mgr Gherardini — une fois prénommé Brunero puis, quinze lignes plus bas, il est prénommé Antonio ! —serait “ l’ennemi le plus déterminé de Walter Kasper ” et qu’on le dit “ collaborateur de la revue pro-lefebvriste Si,si, No, No, proche de la Fraternité Saint-Pie X. ”

Toutes ces informations concernant Mgr Gherardini sont fausses. Non seulement Mgr Gherardini n’a pas écrit une seule ligne de l’étude de la FSSPX, De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse, mais il en ignorait même l’existence jusqu’à ce qu’il apprenne, par un ami français, que Golias distillait la fausse information qu’il en serait l’auteur. Pareillement, il n’a jamais écrit une seule ligne pour Si si no no, le bimensuel antimoderniste qui existe depuis trente ans maintenant.

Mgr Gherardini, qui nous honore de son amitié, a été professeur de théologie au séminaire de Prato puis à Rome, au Latran. Il est aujourd’hui consulteur de la Congrégation de la Cause des Saints, membre de l’Académie Pontificale de Saint Thomas d’Aquin et directeur de Divinitas, revue de théologie éditée au Vatican. Il a succédé aussi au regretté Mgr Piolanti comme postulateur de la cause du bienheureux Pie IX et il dirige la revue Pio IX.

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À propos de Politica hermetica

La revue Politica hermetica est une revue, annuelle, qui paraît aux éditions L’Age d’Homme. Chaque numéro consiste en la publication des actes d’un colloque international organisé par l’association du même nom et qui s’est donné pour but d’étudier l’histoire de l’ésotérisme, notamment dans ses relations avec la politique. L’association Politica hermetica a été fondée en 1985 par Victor Nguyen, le grand historien, spécialiste de l’Action Française, aujourd’hui disparu. Le premier volume de la revue (Métaphysique et politique, Guénon et Evola) est paru en 1987.

Politica Hermetica est régulièrement la cible de certains milieux catholiques. Par exemple, Christian Lagrave, dans le n° 324 (février 2004) de Lecture et Tradition ou le rédacteur anonyme de l’article “ Gnose et complot (suite) ” dans le dernier numéro du Sel de la Terre (n° 49, été 2004).

Après avoir cité les noms de certains membres du comité de rédaction et du comité scientifique (sont nommés Emile Poulat, Jean-Pierre Laurant, Jean Baubérot, Jean Borella, Pierre Chevallier, Antoine Faivre, Pierre-André Taguieff, Michel Maffesoli, Michel Michel), Christian Lagrave écrit : “ tout ce monde est, d’une part plus ou moins influencé par les idées de Julius Evola ou de René Guénon, et d’autre part souvent lié à la franc-maçonnerie ”… Christian Lagrave a l’art de passer, en une seule phrase, de l’amalgame (“ Tout ce monde ”) à l’approximation (“ plus ou moins ”, “ souvent ”).

On ne niera pas l’appartenance de certains des chercheurs cités à la franc-maçonnerie, mais l’appartenance à la franc-maçonnerie d’Emile Poulat ou de Jean Borella est une de ces fariboles qu’il est indigne de laisser croire. Curieusement, un autre membre du Comité scientifique n’est jamais cité dans ces mises en accusation : il s’agit de René Rancœur, parfait érudit, grand bibliographe, personnalité incontestée du monde savant catholique. Croit-on que René Rancœur aurait accepté de faire partie du comité scientifique d’une association et d’une revue qui auraient eu des visées ésotériques et antichrétiennes ?

Des numéros de la revue ont été consacrés, par exemple, à la franc-maçonnerie et à l’antimaçonnisme, au théosophisme, au prophétisme politique, à la théorie du complot ou à “ Esotérisme et socialisme ”. Ces thèmes font l’objet d’études historiques, dont certaines affirmations ou analyses peuvent être discutées. Mais il est stupide de voir dans ces études successives une sorte de noir complot.

On ajoutera à ces remarques ce qu’Emile Poulat nous écrit du but et du fonctionnement de la revue et des colloques :

Il y a une fixation curieuse sur Politica hermetica, et même fantasmatique. La revue a été fondée par Victor Nguyen, dont j’ai pris le relais, parce que je connaissais bien Victor, et aussi parce que je connaissais le cardinal Pitra et son souci de retrouver la pensée symbolique des Pères contre le positivisme historique de Mgr Duchesne. Au début, les colloques ont attiré des fous et des fanatiques : il a fallu faire le ménage sans éclats. Il n’y a plus maintenant que des scholars.

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Revue des revues

. La Documentation catholique, publie une édition spéciale intitulée “ Jean-Paul II à Lourdes ”[1]. On y trouve le texte intégral des allocutions, méditations et prières prononcées par Jean-Paul lors de son pèlerinage à Lourdes les 14 et 15 août derniers. On y trouve aussi un reportage photographique en couleurs de 16 pages sur l’événement. Enfin, puisque l’occasion de ce pèlerinage papal était le 150e anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée conception, on pourra lire la reproduction intégrale de la Constitution apostolique Ineffabilis Deus, datée du 8 décembre 1854, par laquelle le bienheureux pape Pie IX a défini et proclamé ce dogme. L’édition reproduite est celle publiée en 1953, aux éditions de la Bonne Presse, avec des notes doctrinales et historiques rédigées par l’abbé Alphonse David.

. “ L’affaire de Bordeaux ” et l’exclusion de la FSSPX des abbés Laguérie et Héry ont fait couler beaucoup d’encre depuis la fin du mois d’août. La “ grande ” presse (Le Figaro, Le Monde, Libération, La Croix) lui a consacré des articles, sans comprendre d’ailleurs les enjeux et les véritables raisons d’une affaire qui semblait ne devoir intéresser, au départ, que le microcosme traditionaliste.

Des sites internet se sont même créés qui reproduisent la plus grande partie des déclarations et articles sur le sujet et un certain nombre de documents ; les deux principaux sites étant www.les.infos.free.fr et crisefraternite.com.

L’exposé le plus complet et le plus objectif (bien qu’émanant d’une des parties prenantes dans l’affaire) me semble être le dossier de huit pages que publie le n° 100 de DICI, daté du 10 septembre 2004[2]. On y trouve trois textes : “ Les faits reprochés ” par l’abbé Lorans, “ Les ouvertures faites à M. l’abbé Philippe Laguérie par les Supérieurs de la Fraternité ” par l’abbé de Cacqueray, Supérieur du district de France, et “ Réponses à des rumeurs sur la Fraternité Saint-Pie X ” par l’abbé Celier.

Certaines informations ou appréciations contenues dans ce numéro de DICI sont des allusions à décrypter. On remarquera aussi, dans ce dossier de DICI, le silence fait sur certaines personnes et sur certains points (publics ou non) de l’affaire.

Quoi qu’il en soit, la querelle “ affaire des séminaires ” devenue “ l’affaire de M. l’abbé Philippe Laguérie à Bordeaux ” – la formule est de DICI –, n’aura pas ébranlé la FSSPX. Un des protagonistes de l’affaire, à ses débuts, estimait que c’était là “ la plus grave crise qu’ait connue la Fraternité depuis ses origines ”. Il semble que l’évolution de la situation démente ce pronostic. Certes à Bordeaux comme à Paris (autour de Saint-Nicolas-du-Chardonnet), certains des fidèles attachés à la FSSPX ont pris bruyamment la défense des abbés sanctionnés et exclus mais, comme lorsque l’abbé Aulagnier a quitté la FSSPX, il n’y a pas eu de division publique au sein de la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre. Dans les prieurés, comme dans les écoles, les prêtres continuent leur apostolat et portent des jugements divers sur l’affaire.

. Le site électronique suisse “ Religioscope ” (www.religion.com), dirigé par Jean-François Mayer, spécialiste des mouvements religieux contemporains, publie un long entretien avec Emile Poulat. L’entretien– quatorze pages en version papier – porte sur le dernier livre de celui-ci, Notre laïcité publique.

Émile Poulat expose les principes thèses et analyses de son livre, mais avec une liberté de ton et de style qui offre des formulations différentes et parfois clarificatrices.

Émile Poulat demande de “ bien distinguer la laïcité institutionnelle, la laïcité qui nous gouverne, par opposition à l’idée que chacun peut s’en faire, qui est du domaine privé. ” Il estime qu’en 1905, il n’y a pas eu “ séparation ” de l’Eglise et de l’Etat. Il fait remarquer à juste titre : “ …on constate que le mot séparation qui figure dans les discours, ne figure pas dans le texte de la loi. Il figure dans le titre, sans aucune valeur légale. On s’aperçoit que, dans la réalité, il s’agit de tout autre chose. Autrement dit, la loi de 1905 que personne n’a lue, ou très peu, est largement mythique aujourd’hui. Je peux même dire que je ne connais aucun professeur de droit qui soit capable de la commenter exhaustivement à ses étudiants. Il y a des mots que nous ne comprenons plus, des articles qui nous laissent pantois. Autrement dit, il faudrait aujourd’hui une sorte d’édition critique de la loi de 1905 avec des commentaires, des gloses, un peu à la manière des exégètes dans leurs commentaires de l’Evangile. ”

Émile Poulat n’est pas loin de croire, semble-t-il, à une laïcité pacifiée aujourd’hui. Sans méconnaître qu’il existe “ une culture laïque qui est, en somme, libre exaministe et critique ”, et donc anticléricale, il pense qu’au fil du temps, ce sont les partisans d’ “ une loi de pacification ” qui l’ont emporté.

Tout en reconnaissant l’importance et le grand intérêt du travail de clarification mené par Emile Poulat dans son dernier livre, Notre laïcité publique, on restera moins optimiste sur les intentions de ceux qui, aujourd’hui, veulent faire respecter la laïcité et cherchent à l’inscrire encore davantage dans la loi, donc dans la société française. Jean Madiran, dans Présent de ce jour, met en lumière “ La force souterraine du principe de laïcité ”[3]. Il attire l’attention sur l’intention affichée du législateur comme du Président de la République, Jacques Chirac, dans la récente loi sur la laïcité : faire en sorte que “ les consciences des enfants soient protégées des influences religieuses ”.

La laïcité “ à la française ” n’est plus une guerre ouverte contre l’Eglise, elle s’accommode de l’Eglise catholique, comme des autres forces religieuses ou culturelles, elle ne discrimine pas, mais elle entend que l’Eglise catholique ne remette pas en cause les principes qui la fondent : “ Non à une loi morale qui primerait la loi civile ! ” selon la formule désormais célèbre de Jacques Chirac[4].

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NOTES

[1] La Documentation catholique, 3 rue Bayard, 75008 Paris, n° 2320, 5/19 septembre 2004, 5 euros le numéro.

[2] DICI-Presse, Etoile du Matin, 57230 Eguelshardt, 2 euros le numéro.

[3] Présent (5 rue d’Amboise, 75002 Paris), n° 5667, samedi 18 septembre 2004, 2,30 euros ce numéro.

[4] On renverra aussi aux bonnes analyses de Rémi Fontaine, La Laïcité dans tous ses débats. Christianisme et laïcise en dix cas d’école, préface de Dom Gérard, Editions de Paris (13 rue Saint-Honoré, 78000 Versailles), 116 pages, 16 euros.

15 septembre 2004

[Céline Pascot - Minute] Le rififi chez les cathos tradi envahit la toile

SOURCE - Céline Pascot - Minute - 15 septembre 2004

Le plus utile est sans conteste les.infos.free.fr, qui fournit la quasi-totalité des articles parus sur la crise qui secoue, depuis le mois dernier, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, dont le premier publié, celui de " Minute ", que nul n’a eu l’amabilité de citer hormis le quotidien " Présent ". On y trouve même d’intéressants documents audio, comme un débat qui s’est tenu entre l’abbé Célier, directeur de la revue " Fideliter ", et l’historien Yves Amiot, ou un entretien avec l’abbé Aulagnier, qui fut dix-huit ans durant supérieur du district de France, tous deux diffusés par Radio Courtoisie. Plus rare et ô combien instructif est l’extrait d’une conférence de presse donnée, le 25 mai 1984, par Mgr Marcel Lefebvre, alors qu’une crise, déjà, secouait le séminaire américain. La figure historique de la Tradition y faisait part de sa souffrance d’avoir vu des prêtres " raides, durs, hautains, dominateurs, abusant de leur autorité ", qui allaient jusqu’à menacer les fidèles " de les chasser de la communauté des paroissiens ". Mgr Lefebvre se félicitait : " Cet esprit-là a disparu " au profit de prêtres qui assument avec joie et dynamisme leur " mission sacerdotale et pastorale. " Un message d’outre-tombe pour tel qui, se prétendant " ferme mais pas fermé ", n’en affiche pas moins une raideur hélvético-prussienne.

Sous le titre : " L’honneur des prêtres et le droit de l’Eglise outragé ", crisefraternite.com livre une passionnante lecture juridique des événements, extraite d’un dossier adressé le 3 septembre par un avocat aux supérieurs de la Fraternité, soit trois jours après l’exclusion de l’abbé Christophe Héry, effective, et alors que celle de l’abbé Philippe Laguérie était annoncée mais non signifiée – ce qui est toujours le cas. Il en ressort que les sanctions prises par Mgr Fellay, le supérieur général, sont bel et bien susceptibles d’appel, ainsi que nous l’avions écrit, et que " la décision de sanctionner l’abbé Laguérie […] est entachée d’une nullité irrémédiable ", articles du Droit canonique à l’appui.

" Expulsé, exilé, déshonoré, chassé des églises que j’ai gagnées de haute lutte et restaurées de vos seuls dons, à la sueur de mon front et au cal de mes mains durant six années d’effort " : ainsi s’exprime l’abbé Philippe Laguérie sur le site de l’église Saint-Eloi de Bordeaux, déplorant qu’" à quelques mois de résoudre le statut juridique de Saint-Eloi, on décapite le chef au risque de perdre la bataille ".

Les débats qui se déroulent sur leforumcatholique.org donnent une idée des ravages que cette affaire est en train de produire dans les rangs traditionalistes. On s’y invective, on s’y déchire, on y diffame aussi, ceci dit pour ceux qui prendraient pour argent comptant tout ce qu’un malfaisant déverse sur " Minute ", et qui va finir par lui coûter d’aller faire un tour sur les bancs de la 17e chambre correctionnelle, spécialisée dans le droit de la presse, lequel s’applique, s’il l’ignorait, à Internet.

Sur fsspx.org en revanche, qui est le site officiel de la Maison générale de la Fraternité, c’est l’omerta. A la rubrique " actualités ", tamponnées d’un cachet " nouveau ! ", les dernières informations mises en ligne relatent le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle et la vie d’un noviciat de frères aux Philippines, au mois d’août…

Céline Pascot
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VENI VIDI DICI…

Entre le départ à l’imprimerie, lundi 13 de notre numéro du mercredi 15 septembre et son arrivée chez les marchands de journaux et les abonnés, le site de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X a été réactualisé. Sous le titre " Communiqué de la Fraternité, District de France, au sujet de l’affaire de l’abbé Laguérie à Bordeaux ", ainsi que dans la rubrique " Actualités ", deux liens renvoient vers le n°100 de " Dici ", qui se définit comme " l’organe de communication de la Maison générale de la Fraternité ". Entièrement consacré à l’" affaire ", ce numéro, qu’il est possible de télécharger, contient trois textes : l’abbé Alain Lorans, porte-parole de la Fraternité, relate les faits reprochés aux abbés Laguérie et Héry par la Maison générale de Menzingen ; l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur du district de France, traite longuement de ce qu’il appelle " les ouvertures faites à l’abbé Laguérie " par ses supérieurs ; l’abbé Grégoire Celier livre un argumentaire en réponse aux critiques qui sont émises – et qu’il préfère traiter de " rumeurs " – sur le fonctionnement de la Frat’. Le tout prétend permettre à chacun " de juger de l’objectivité des commentaires donnés dans la presse ", ce qui paraît un peu abusif quand on y lit que seul Mgr Fellay " bénéficie des grâces d’état " nécessaires à une bonne compréhension des événements.

Jean-Marie Molitor

14 septembre 2004

[Sophie de Ravinel - Le Figaro] Après l'exclusion de deux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X - Le Vatican face à la dissidence intégriste

Sophie de Ravinel - Le Figaro - 14 septembre 2004

Sans trop de sévérité, mais plutôt «avec tristesse et consternation», certaines autorités romaines observent la grave crise que traverse la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, séparée du siège apostolique depuis l'acte schismatique posé par Mgr Marcel Lefebvre en 1988. Pour le moment, deux prêtres ont été exclus de la Fraternité Saint-Pie X : l'abbé Laguérie, prieur à Bordeaux, ainsi que son bras droit, l'abbé Héri (voir nos éditions du 27 août et du 9 septembre).
 
Au Vatican, des sources proches du dossier constatent tout d'abord qu'il leur a toujours été extrêmement difficile d'obtenir des chiffres de la part de cette fraternité, aussi bien concernant les fidèles que les ordinations de prêtres ou les départs. On regrette aussi «les manières militaires d'un autre siècle» qui ont été employées pour l'exclusion des deux abbés, et l'on parle de «constat d'échec» dans la mesure où ces derniers «ne peuvent faire appel du jugement en raison de l'absence d'une instance supérieure à celle de Mgr Fellay».
 
Pour autant, ceux qui se sont donnés pour mission de favoriser l'unité entre cette Église en dissidence et l'Église catholique, ne souhaitent pas que se multiplient les situations de prêtres appelés «vagui», c'est-à-dire ne possédant ni une mission canonique ni une incardination régulière. Afin d'éviter cet éparpillement des forces et des énergies, on profite de la situation devenue critique en France, pour rappeler aux prêtres dissidents qu'il est toujours possible pour eux de venir ou de revenir au sein de l'unité de l'Église.
 
Ces officiels du Vatican sont bien conscients des relations souvent tendues qui existent entre les prêtres de cette fraternité et les évêques, surtout en France, mais n'en espèrent pourtant pas moins une souplesse réciproque, permettant de répondre à des situations de crise particulières. Ils donnent ainsi en exemple la création d'une petite communauté en Allemagne, en mai 2004. Avec la collaboration de l'archevêque de Berlin et de la commission Ecclesia Dei du Saint-Siège, un oratoire de Saint-Philippe Néri a ainsi été constitué par un prêtre et des séminaristes venant d'Ecône, désireux, «dans un esprit filial», de retrouver l'unité. Le diocèse brésilien de Campos est aussi montré en exemple. Une fraternité dissidente s'y est insérée en 2002 et selon le Vatican, «le climat y est désormais excellent».

[La Porte Latine - Abbé de Cacqueray] Quelques réponses du Supérieur du District à des fidèles désemparés

SOURCE - La Porte Latine - Abbé de Cacqueray- 4/14 septembre 2004

Dans le dossier douloureux qui oppose monsieur l'abbé Laguérie aux autorités de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, nous vous proposons trois réponses à des courriers reçus par monsieur l'abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France. Les noms des destinataires, par discrétion, ont été oblitérés.

Nous publions aussi, par souci d'équilibre, le texte d'une fidèle qui résume assez justement la position de la très grande majorité des pères et mères de famille de la Tradition. Ce texte est signé et a déjà paru dans de nombreux supports d'information.

1 - Les réponses de l'abbé de Cacqueray à des fidéles désemparés
Lettre n° 1 : Suresnes le 4 septembre 2004 
Monsieur, 

La peine que vous exprimez me paraît trop sincère pour que je n’essaye pas de vous amener à une vue plus juste de la situation créée à Bordeaux par la rébellion de Monsieur l’Abbé Laguérie.

J’écris « rébellion » car je ne vois pas d’autre mot pour caractériser l’attitude d’un prêtre qui refuse de s’incliner devant l’autorité de son supérieur, qui la brave publiquement et qui exhorte les fidèles à suivre son exemple. C’est hélas actuellement le comportement de Messieurs les abbés Héry et Laguérie et nul ne peut contester ce fait.

Votre lettre semble montrer que vous n’avez pas une vue exacte du gouvernement d’une société ecclésiastique comme la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Ce gouvernement n’est nullement démocratique et les décisions et actes de Monseigneur Fellay, son chef, ne peuvent ni ne doivent être remis en cause par une façon de penser différente de l’un ou l’autre de ses subordonnés. Bien plus, le désaccord, publiquement exprimé, d’un prêtre sur un sujet important concernant le gouvernement de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X constitue une faute grave de la part de ce prêtre. Si l’on estime en effet devoir faire part de remarques ou d’objections, il faut en effet savoir s’incliner ensuite devant les décisions du Supérieur, même si ce Supérieur estime ne pas devoir prendre en compte ces remarques. Ceci est l’un des aspects de l’humilité chrétienne qui amène à considérer que personne n’a normalement les grâces nécessaires pour remplir une charge si ce n’est le détenteur légitime de cette charge. Le seul bon sens permet d’ajouter que l’on n’ a pas non plus la connaissance de tous les éléments qui fondent la décision de ce Supérieur et qu’il faut accorder à priori, à celui-ci une expérience, des connaissances et d’autres facultés que nous n’avons pas au même niveau, au moins dans la sphère de son activité.

Je me permets d’insister sur ces points car ils sont fondamentaux et ignorés dans la pratique, même par ceux qui se veulent adhérer le plus profondément à la Tradition comme le montrent les faits atterrants qui se sont déroulés et se déroulent actuellement à Bordeaux. Il m’est impossible de vous convaincre si vous n’admettez pas que les règles que je viens de rappeler sont entièrement fondées. Si c’était le cas, je craindrais que vous n’ayez pas assimilé un élément essentiel de l’enseignement de la religion catholique concernant l’exercice de l’autorité. En revanche , si vous admettez ces règles, il me semble que nous ne pouvons pas ne pas en arriver aux mêmes constatations : 

- Monsieur l’Abbé Laguérie a commis une faute grave en écrivant une lettre publique concernant le séminaire d’Ecône dont il n’a pas la charge. Il faut noter par ailleurs que ce document qui prétend analyser la situation du séminaire contient de nombreuses et graves erreurs qui le rendent inutilisable pour tout emploi imaginable ... hormis bien sûr celui de semer la confusion la plus grande dans les esprits.

- Monsieur l’Abbé Laguérie, par son refus d’obéissance actuel contre une décision du Supérieur général qui est entièrement dans le champ normal et habituel des responsabilités de celui-ci, par son refus de reconnaître qu’il n’est plus prieur de Bordeaux, par sa prétention à vouloir se maintenir dans les murs du prieuré de Bordeaux et à l’église Saint-Eloi est le seul responsable du mal causé à la Tradition catholique. Par quelle aberration s’acharne-t-il à détruire l’ouvrage dont il fut brillant maître d’oeuvre ? De tels aveuglements sont en définitive moins rares qu’on ne peut le penser et s’expliquent de la même façon depuis l’origine des temps.

Puisque vous me demandez ce que j’attendais de « nous » et je pense que par ce « nous » vous entendiez l’assistance de dimanche dernier à saint Eloi quand j’ai pris la parole, je vous réponds ceci :

J’attends des fidèles de Bordeaux qu’ils manifestent leur fidélité à la Tradition catholique et à Monseigneur Fellay qui en est le chef, leur obéissance au prieur nouvellement désigné, Monsieur l’abbé Duverger. Qu’ils n’hésitent pas à exprimer leur consternation et leur désaveu aux prêtres qui prétendent se maintenir au mépris de tout principe d’autorité dans les murs du prieuré de Bordeaux.

A ce moment , il sera possible d’espérer reconstruire ce qui a été si gravement endommagé et continuer le bel effort entrepris. Ne croyez pas que je minimise la part prise, il y a peu encore par Monsieur l’abbé Laguérie qui fut l’instigateur et l’âme de ce renouveau. Souvenez-vous seulement que les hommes passent, que nul n’est indispensable et que la déraison commence souvent au moment où l’on estime que l’on est irremplaçable.

Or, comme le dit l’Evangile, il faut tous nous souvenir que nous sommes des « serviteurs inutiles ».

En espérant que cette lettre puisse vous amener à reconsidérer votre opinion sur les douloureux événements actuels, je vous prie , Monsieur, de bien vouloir croire à l’expression de mes salutations sacerdotales et à l’assurance de mes prières.

Abbé Régis de CACQUERAY-VALMENIER+
Lettre n° 2 : Suresnes le 6 septembre 2004
Cher Monsieur,

Vous avez écrit à Monseigneur Fellay le 27 août dernier, en évoquant les derniers événements qui ont attristé la communauté des catholiques de la Tradition à Bordeaux. Celui-ci en raison d’un emploi du temps bien chargé, ne peut répondre lui-même à votre lettre mais je puis vous assurer que ma réponse correspond en tous points à sa pensée à ce sujet.

Vous avez souffert des nazis et vous avez connu la tristesse du régime communiste. Comme vous le savez donc et l’avez éprouvé longuement, ces dictatures s’instaurent et se maintiennent par des actions violentes, qui ont pour but d’intimider voire de subjuguer les honnêtes gens. Les auteurs de ces actions n’hésitent donc pas à créer des situations où leur audace et leur effronterie laissent interdits ceux que leur comportement indigne et tablent sur le conformisme du plus grand nombre qu’ils ont par ailleurs grand soin de désinformer.

Je vous laisse juge maintenant de ce que tout le monde peut constater à Bordeaux où Monsieur l’Abbé Laguérie se maintient dans les murs du prieuré de Bordeaux, au mépris de tout droit. Avec l’aide de jeunes qu’il entraîne dans sa rébellion, il en interdit l’accés suivant son bon plaisir tandis qu’ il fait distribuer des tracts qui présentent une image de la réalité complètement déformée. Monsieur l’Abbé Héry, dans le même esprit adresse par télécopie à mes confrères des lettres qu’il adapte suivant ses correspondants et qui marquent la même volonté de désinformation que ces tracts.

Je dois ensuite m’efforcer de répondre à votre reproche concernant le gouvernement de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X par Monseigneur Fellay. Il me faut pour cela évoquer rapidement les principes qui fondent l’exercice de son autorité. Ce gouvernement n’est nullement démocratique, cela est vrai, mais n’est pas plus dictatorial que les principes selon lesquels s’effectue par exemple la conduite de la grande majorité de nos entreprises modernes.

Serait-il concevable qu’un cadre de ces entreprises conteste publiquement les décisions du président-directeur-général? Qu’il distribue des tracts à ses collègues où il dénoncerait les décisions prises par ce même président-directeur-général? Qu’il prétende se maintenir dans l’un des établissements de la firme alors qu’il a été nommé ailleurs? Je gagerais volontiers que les forces de l’ordre, appelées par le Directeur de cette firme le mettraient rapidement à la raison et qu’il serait remercié sans délai. Une exception cependant et de taille : si ce cadre est en même temps responsable d’un syndicat influent dans son entreprise, s’il a à sa disposition « un service d’ordre musclé » et s’il réussit à créer un mouvement de foule, alors il sera très rapidement traité par ce même directeur général avec la plus respectueuse considération. Il s’agit à ce moment d’ une situation pré-révolutionnaire d’affrontement avec l’autorité légitime qui est recherchée par tous les agitateurs.

C’est la situation créée actuellement à Bordeaux par Monsieur l’Abbé Laguérie dont le comportement actuel est typiquement révolutionnaire. Il nous est donc impossible à Monseigneur Fellay et à nous autres , prêtres catholiques d’accepter ce comportement.

Dans la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, en tant que société religieuse, donc évidemment hiérarchisée, les décisions et actes du Supérieur général ne peuvent ni ne doivent être remis en cause par une façon de penser différente de l’un ou l’autre de ses subordonnés. Bien plus, le désaccord publiquement exprimé d’un prêtre sur un sujet important concernant la direction de notre association, constitue une faute grave de la part de ce prêtre. Si l’on estime en effet devoir faire part de remarques ou d’objections, il faut en effet savoir s’incliner ensuite devant les décisions du Supérieur, même si ce Supérieur estime ne pas devoir prendre en compte ces remarques. Ceci est l’un des aspects de la pratique de l’humilité chrétienne qui amène à considérer que personne n’a en principe toutes les grâces nécessaires pour remplir une charge si ce n’est le détenteur légitime de cette charge. Le seul bon sens permet d’ajouter que l’on n’a pas non plus la connaissance de tous les éléments qui fondent la décision . Il faut donc dans la pratique accorder à priori à notre Supérieur, une expérience et des connaissances que nous n’avons pas au même niveau, ce qui lui permet à partir d’une compréhension meilleure que la nôtre de déterminer la conduite optimale à tenir.

Si nous nous attachons maintenant à la séquence d’événements qui ont amené ce qu’il faut bien appeler un désordre révolutionnaire, nous y trouvons au début les attaques de Monsieur l’abbé Laguérie contre les directeurs des séminaires de la Fraternité diffusées publiquement au moyen d’une lettre adressée à au moins trente confrères. Dans cette lettre, il prétendait faire l’analyse de la situation du séminaire d’Ecône à partir des statistiques comparées d’entrées au séminaire et d’ordinations. Cet acte constituait évidemment un manquement grave à la discipline ecclésiastique et ne pouvait pas ne pas être sanctionné. Il faut noter par ailleurs que de nombreuses et graves erreurs rendaient cette « analyse » inutilisable pour toute utilisation imaginable ... hormis bien sûr pour polémiquer à partir de données orientées et fausses.

Depuis, ce même prêtre s’est insurgé contre une décision de Monseigneur Fellay le concernant, décision qui était cependant dans le champ normal et habituel des responsabilités du Supérieur général puisqu’il s’agissait d’une mutation ayant par ailleurs valeur de sanction. Ne voulant pas reconnaître qu’il n’était plus prieur de Bordeaux, Monsieur l’Abbé Laguérie a alors créé la situation inadmissible que je vous ai décrite au début de ma lettre. 

Monsieur l’abbé Laguérie a donc commis des fautes graves et répétées contre l’obéissance et est responsable avec Monsieur l’Abbé Héry du mal causé à la Tradition catholique à Bordeaux. Ces faits sont suffisamment connus de tous pour que je n’ai pas à insister. Ils me paraissent parler d’eux-mêmes. Dans leur enchaînement, ils marquent une volonté bien arrêtée d’ignorer l’autorité légitime. Dés lors, comment envisager une réconciliation? Cette démarche nécessite la volonté de l’offensé mais aussi celle de l’offenseur...Or, je ne vois nulle trace d’une telle volonté ni d’une quelconque repentance chez Monsieur l’Abbé Laguérie non plus que chez Monsieur l’Abbé Héry, bien au contraire, hélas.

Cependant, Monsieur l’Abbé Laguérie, soucieux sans doute de ménager son image d’ecclésiastique respectant ce même principe d’autorité qu’il bafoue journellement a annoncé son intention d’en appeler de son cas à un tribunal ecclésiastique...

Je fais appel ici à votre sens des réalités et à la connaissance que vous avez, me semble-t-il, du comportement des autorités conciliaires. Vous m’écrivez en effet que vous imaginez sans peine la joie de l’archevêque de Bordeaux à la vue de nos difficultés actuelles : il ne faut pas attendre une autre façon de réagir de la part de toute autre autorité conciliaire ... croyez vous que ces autorités laisseront passer une telle occasion d’en finir avec la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ? Croyez- vous qu’un tribunal constitué principalement de ces autorités saura « dire le droit » ?

Personnellement, je suis bien éloigné de le penser et j’estime qu’il s’agit là d’une de ces manoeuvres médiatiques dans lesquelles Monsieur l’Abbé Laguérie excelle. Si une telle manoeuvre réussissait, il est à craindre que l’issue de ce procés dépende étroitement de l’orchestration qui ne saurait manquer d’en être faite par ces médias auxquels les hommes de l’église conciliaire n’ont rien à refuser, la plupart du temps . Craignons alors que soient prononcés des jugements, diktats de la pensée unique qui vous rappelleraient sûrement l’époque ou Monseigneur Mindzensty comparaissait devant les tribunaux du peuple hongrois. En un mot, c’est la dictature de l’opinion publique préfabriquée que nous devons redouter en cette affaire à l’exclusion de toute autre.

Pourquoi faut-il que la pugnacité de celui qui fut un vigoureux champion de la Tradition se tourne maintenant contre son propre camp ? Ce triste exemple nous montre en tout cas que nous restons tous bien fragiles, même ceux qui ont su montrer une grande vaillance avant d’errer de façon aussi misérable. L’un des grands maux de notre époque est sans doute ce réflexe de critique que s’arroge tout un chacun vis à vis des décisions de l’autorité. Il faudrait qu’au moins dans les rangs de la Tradition, nous soyons capables de cette humilité qui consiste à nous persuader que les décisions prises à un échelon supérieur sont inspirées par le plus grand désir du bien de tous et sont généralement les plus judicieuses dans un contexte dont nous sommes bien loin de maîtriser toutes les données.

En espérant que j’aurais pu vous faire partager cette conviction et en vous assurant en tout cas de mes prières, je vous prie, cher Monsieur, de bien vouloir croire à l’expression de mes salutations sacerdotales.

Abbé Régis de CACQUERAY-VALMENIER+
Lettre n° 3 : Suresnes le 13 septembre 2004
Docteur,

Vous avez écrit à Monseigneur Fellay le 24 août dernier, en évoquant les derniers événements qui ont attristé la communauté des catholiques de la Tradition à Bordeaux. Votre lettre plaide pour le maintien de Monsieur l’Abbé Laguérie au prieuré de Bordeaux et exprime vos craintes concernant la politique qui, selon vous, serait menée au séminaire d’Ecône.

Notre Supérieur général, en raison d’un emploi du temps bien chargé, ne peut répondre lui-même à cette lettre mais, puisque vous avez bien voulu m’en tenir copie et comme j’ai pu constater par ailleurs que j’adhère profondément à sa pensée, notamment sur ces sujets, j’espère pouvoir m’en faire le fidèle interprète auprès de vous. 

Les aspects positifs de l’action passée de Monsieur l’abbé Laguérie à Bordeaux me paraissent indéniables. Malheureusement, l’ indiscipline qu’il a manifestée par des actions publiques auxquelles il paraît s’être efforcé de donner tout le retentissement possible nous contraint à constater une séparation volontaire de sa part, d’avec la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Cette séparation, je crois avoir tout tenté pour l’éviter, en multipliant en particulier les tentatives d’apaisement : rien, hélas, n’y a fait et les forces qui oeuvrent depuis le début de cette affaire pour l’envenimer ont eu aussi raison de l’obstination qui a marqué , je puis vous l’assurer, notre volonté de réconciliation à Monseigneur Fellay et à moi-même.

Je veux faire justice, à ce sujet, d’une allégation gravement mensongère contenue dans la déclaration de Monsieur l’Abbé Héry, lue en ma présence à l’église Saint Eloi, le 22 août. Ce n’est d’ailleurs pas la seule car cette déclaration est un modèle de désinformation.

Selon Monsieur l’Abbé Héry, en effet, le Supérieur général n’aurait pas entendu l’Abbé Laguérie avant de procéder à sa mutation au Mexique. En réalité, c’est l’Abbé Laguérie qui ne s’est pas présenté à l’invitation de son Supérieur. Il a ensuite refusé l’offre d’un rendez-vous dont Monseigneur Fellay lui laissait libre de choisir le moment , proposant que le Supérieur se déplace lui-même ! Ces faits - il y en a beaucoup d’autres- me paraissent révélateurs du climat de mépris insolent de l’autorité et de désinformation cynique qui sévissent dans l’entourage de Messieurs les abbés Héry et Laguérie.

Ces prêtres ont depuis, marqué eux-mêmes leur volonté de se séparer de nous par leur attitude, en multipliant notamment les fautes graves et répétées contre l’obéissance et en y incitant les fidèles. Il n’est plus possible de les considérer comme appartenant désormais à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et j’engage donc tous nos fidèles à se regrouper autour de Monsieur l’Abbé Duverger, nouveau prieur de Bordeaux. Puissent, ceux qui suivent encore des prêtres en rébellion, se rendre compte rapidement de la situation sans issue où ils vont se trouver et nous rejoindre, eux aussi. A cette condition, nous pouvons espérer que les blessures dont la communauté des catholiques de la Tradition a été victime à Bordeaux, puissent enfin se cicatriser.

Parmi les coups qui nous ont été portés, l’un des plus graves sans doute, l’un de ceux qui nous a en tout cas le plus profondément blessés, a visé à détruire le sentiment de confiance indispensable qui nous lie, nous qui avons charge d’âmes, à ceux que la Providence nous a confiés. Grande est à ce point de vue , la responsabilité de Monsieur l’Abbé Laguérie. En attaquant les directeurs des séminaires de la Fraternité au moyen d’une lettre diffusée à au moins trente confrères, il a jeté la suspicion la plus injuste sur ces directeurs mais aussi sur Monseigneur Fellay lui-même.

Ce document qui prétendait faire l’analyse de la situation du séminaire d’Ecône à partir des statistiques comparées d’entrées au séminaire et d’ordinations, contient en effet de nombreuses et graves erreurs qui rendent cette « analyse » inutilisable pour toute utilisation imaginable ... hormis bien sûr pour une polémique issue de données orientées et fausses. Il m’est impossible de relever ici toutes ces erreurs car ce serait trop long dans le cadre de cette lettre. A titre d’exemple cependant, les « statistiques » que contient ce document confondent le nombre des renvois vrais et celui des départs volontaires. Le reste est à l’avenant. Je laisse à un esprit scientifique comme l’est la plupart du temps celui d’un médecin, le soin d’apprécier la fiabilité des données ainsi recueillies et bien sûr, des conclusions obtenues à partir de ces données. 

Il est trop peu d’affirmer que cette diffusion, faite évidemment à l’insu du Supérieur général, constitue un manquement grave à la discipline ecclésiastique. Monsieur l’Abbé Laguérie, en assumant la responsabilité de ce qui n’est qu’un pamphlet gravement diffamatoire, a fait oeuvre majeure de désinformation. Il est à l’origine par exemple, des rumeurs qui circulent actuellement à Bordeaux selon lesquelles l’avenir même de la Fraternité Saint-Pie X serait compromis.

Ces rumeurs contribuent à créer puis amplifier des inquiétudes à propos de faits dont il devient impossible ensuite d’évaluer l’importance véritable. Les esprits les plus avertis n’échappent pas eux-mêmes à cette subversion de la réalité et permettez-moi de vous l’écrire , j’en veux pour preuve plusieurs passages de votre lettre.

Vous écrivez notamment que « plusieurs ...purs produits de nos familles tradis... » de Bordeaux ont quitté Ecône.

Cette assertion me paraît être le principal voire le seul fait que vous avancez à l’appui de votre conclusion selon laquelle le séminaire d’Ecône serait « progressivement vidé de sa substance » par l’effet d’une « politique suicidaire ».

Qui dans la Tradition n’a pu noter à un moment ou à un autre un certain nombre de ces retours ? Ils ont existé depuis la fondation de ce séminaire et qui pourrait s’en étonner ?

Cependant, au-delà du seul champ d’observation de Bordeaux , vous affirmez qu’il s’agit d’« une hémorragie » avec tout le caractère de gravité que peut prendre ce terme sous la plume d’un médecin. Permettez-moi de vous le demander ici : sur quelles données générales cette fois, vous appuyez- vous pour l’affirmer ? Serait-ce celles du document émis sous la responsabilité de Monsieur l’Abbé Laguérie ? Vous savez maintenant quel crédit il convient d’apporter à cette « analyse ». Admettez-vous que, de toute façon, vous ne pouvez avoir tous les éléments qui vous permettent des conclusions aussi péremptoires que celles qui terminent votre lettre? 

Il me faut malheureusement arrêter trop rapidement cette correspondance et me borner à ces remarques qui me paraissent d’ailleurs fondamentales car le temps m’est compté comme vous pouvez l’imaginer surtout en de pareilles circonstances. C’est finalement au sens de l’humilité et de la dépendance acceptée envers l’autorité la plus haute de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X que je fais appel chez chaque fidèle de la Tradition qui me fait part, comme vous, d’inquiétudes bien explicables dans le climat de désinformation qui sévit actuellement.

Permettez-moi de plus, d’ajouter ici une remarque « ad hominem ». Si un médecin m’avait sauvé la vie à plusieurs reprises, il n’est aucune « statistique » le concernant qui pourrait m’amener à ne plus rechercher ses soins ! Je continuerais à rester irrémédiablement confiant en lui.

Or, au-travers de bien des vicissitudes dont vous connaissez sans doute certaines, Monseigneur Fellay a fait paître le petit troupeau dont il avait la charge. Il a été jusqu’ici l’instrument dont, de nos jours, Dieu s’est servi pour continuer ce « miracle permanent » qu’est la survie de la Tradition catholique. Comment ne pas continuer à faire confiance pour défendre l’avenir de cette même Tradition à celui que la Providence me paraît avoir évidemment choisi ? Cette vocation m’apparaît en effet comme manifeste depuis le jour où, peu de temps avant sa mort, Monseigneur Lefebvre conféra l’épiscopat à l’abbé Fellay que son jeune âge devait normalement écarter à ce moment de cette dignité.

En espérant que ma lettre puisse vous amener à reconsidérer votre opinion sur les douloureux événements actuels et en vous assurant en tout cas de mes prières, je vous prie, Docteur, de bien vouloir agréer ... l’expression de mes respectueuses salutations sacerdotales.

Abbé Régis de CACQUERAY-VALMENIER+
2 - Le texte d'une fidèle de la Tradition à "crisefraternite.com".
Le 14 septembre 2004

A la lecture de vos différents documents lus sur votre site « crisefraternité », il nous semble, à nous humbles fidèles, que cette crise au sein de la Fraternité est due avant tout à l’orgueil. Nous souffrons tous, chacun à son poste, selon sa place dans la société religieuse ou civile, selon également son devoir d’état, dans sa famille, d’injustices, de brimades, de sanctions. Tant que celles-ci ne touchent pas le dogme et le respect dû au Bon Dieu et à la morale, nous avons appris au catéchisme, dans nos prieurés, qu’il faut les accepter surnaturellement quand elles permettent d’éviter un plus grand mal. Il est certain qu’une telle attitude demande beaucoup d’abnégation, de renoncements à soi-même, d’humilité, et surtout un grand recours à la prière et à l’oraison, d’autant plus si l’on se considère injustement accusé. Et ce sont avant tout les prêtres qui doivent nous donner cet exemple.

Nous ne souhaitons aucunement savoir qui a raison ou tort : nous ne pouvons que juger du manque d’esprit surnaturel et d’esprit de sacrifices de certains protagonistes de cette crise. Mon époux britannique, moi-même qui suis franco-italienne, ne cessons de répéter à nos amis français, combien la France est bénie de Dieu car elle a beaucoup de bons prêtres de la Fraternité, d’écoles également, alors que les autres pays en sont cruellement dépourvus. Au Mexique aussi il y a des âmes à conquérir pour Dieu, des âmes qui sont aussi importantes qu’en France, des fidèles qui sont aussi attachants. L’apostolat, l’esprit de mission ne doit pas exister qu’en France : l’Italie, l’Ecosse, le Mexique ont aussi besoin de bons prêtres, prêts à l’effort, prêts à reconstruire, restaurer des églises, à avoir des calles aux doigts ! Que l’exemple de Mgr Lefebvre muté-sanctionné à Tulle donne de la force et du courage à l’abbé Laguérie.

Comme nous fidèles ayant des enfants nous devons nous préparer à quitter un jour nos enfants, peut-être même à les voir disparaître brutalement, les prêtres aussi doivent nous donner cet exemple de détachement des biens de cette terre pour n’être attaché qu’au seul bien désirable : le cœur de Jésus.

Nous avons assez de confiance en Dieu pour ne pas être troublés par cette crise bien que nous en soyons attristés : la Fraternité Saint-Pie X traverse une crise comme nos familles parfois. Mais nous sommes certains que la Fraternité est une œuvre voulue par Dieu, que son fondateur est un saint évêque qui la soutient de là-haut et que donc elle ne disparaîtra pas. Les fidèles sont nombreux à prier au sein de cette belle œuvre des Foyers adorateurs pour que tous les prêtres soient de Saints Prêtres prêts à tous les héroïsme et même le martyre. Et qu’il y ait dans nos séminaires non pas beaucoup de futurs prêtres mais de beaucoup de saints prêtres car ce n’est pas le nombre qui prime mais la qualité.

Dans notre prieuré, les mamans se sont regroupées pour offrir leur messe du premier dimanche pour les vocations dans nos familles et la messe est dite à cette intention.

Que de telles œuvres se propagent un peu partout en France et à l’étranger et les vocations vont fleurir. Pourquoi n’utiliseriez-vous pas votre site internet pour répandre ces œuvres auprès des personnes qui vous lisent puisque c’est maintenant que la Fraternité en a le plus besoin ?

En union de prières,
Carla de Condé - McKenna
03140 Charroux
France

12 septembre 2004

[Mgr Tissier de Mallerais, fsspx] A Ecône, nous gardons la ligne de crête donnée par Mgr Lefebvre

SOURCE - Mgr Tissier de Mallerais, fsspx - 12 septembre 2004

Extraits de l’homélie de Son Excellence Mgr Bernard Tissier de Mallerais prononcée à Bruxelles en l’église Saint-Joseph le dimanche 12 septembre 2004, lors de la messe pontificale célébrée pour le 25ème anniversaire de la Fraternité Saint-Pie X en Belgique. 
I- Pureté doctrinale et charité missionnaire du sacerdoce
(…) Alors que l’idéal du sacerdoce se perdait et que sa véritable nature se corrompait, Mgr Lefebvre eut l’ idée de fonder une petite armée de prêtres, la Fraternité Saint-Pie X, afin de purifier et d’armer le sacerdoce. Il fallait purifier le sacerdoce de sa perte d’identité, de sa dégradation morale, de son naturalisme pastoral, de sa perte de la foi dans la grâce du Christ, de sa perte de la foi dans la vertu du Précieux Sang de Jésus Christ versé sur la croix et présent sur l’autel. Il s’agissait d’armer les prêtres de la pureté doctrinale et de la charité missionnaire, comme l’écrit Mgr Lefebvre dans son Itinéraire Spirituel. Il fallait redonner aux prêtres la foi dans le véritable sacerdoce catholique : le prêtre est fait pour offrir à Dieu le sacrifice de la messe, le sacrifice expiatoire, renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix. Et puis, en même temps, il fallait redonner aux prêtres la véritable charité missionnaire. Mais qu’est-ce que la charité, qu’est-ce que l’amour du prochain ? Mgr Lefebvre répondait : C’est la vérité en action. Il n’y a pas de vraie charité sans la vérité, mais une vérité en action, efficace, qui fait du bien aux âmes. La charité exige donc la vérité qui combat les erreurs. Voilà la raison du combat de la foi que nous menons contre les erreurs du libéralisme et de la gnose néo-moderniste à Rome.

Voilà notre combat contre les erreurs régnantes dans l’Église, qui prétendent que toutes les religions aboutissent à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais oui ! Jean-Paul II a dit dans son encyclique Tertio Millenio que l’aspiration de toutes les religions du monde aboutit à Jésus Christ ! Nous devons combattre cette erreur. Seule la religion catholique aboutit à Jésus-Christ puisqu’elle est Notre-Seigneur Jésus-Christ communiqué, répandu.

Nous avons aussi le devoir de lutter contre cette négation publique, constante, de la rédemption par le sang de Jésus-Christ. On fait de la rédemption maintenant, vous le savez, la prise de conscience par l’homme de sa dignité. Voilà pourquoi Jésus serait venu sur la terre : pour faire prendre conscience à l’homme de sa dignité. Mais oui, c’est ce qu’on dit sans cesse dans le discours des autorités de l’Église. On affirme par exemple qu’en livrant son Fils à la mort, le Père nous révèle l’estime qu’il a pour la dignité de l’homme. C’est la naturalisation, la falsification naturaliste, gnostique du mystère de la rédemption. Ils n’y croient plus ces modernistes et ils remplacent ce mystère par une prise de conscience de la dignité :
« Sache, ô chrétien, sache que le Père t’aime, le Père céleste t’estime, et que tu es digne !. »
C’est tout ! Et par conséquent, on évacue le Précieux Sang, le rachat du péché, la croix du Christ. On n’en veut plus. On établit à la place de la religion de Jésus-Christ une gnose naturaliste. Voilà l’erreur capitale d’aujourd’hui, celle qu’il faut combattre. Dénonçons-la.

Alors, la Fraternité veut susciter providentiellement des prêtres pour lutter contre cette erreur, pour proclamer le mystère de la rédemption par le sang de Jésus-Christ, qui seul peut effacer les péchés, et par conséquent face à ces erreurs nous redonnons au prêtre son identité. Il est fait pour verser à nouveau (sacramentellement) le sang de Jésus-Christ, pour le répandre sur les âmes, qui s’assemblent au pied de l’autel pour cette fin.
II- But de nos séminaires, d’Ecône en particulier
Ensuite, ces prêtres il faut les préparer. Nous les préparons dans nos séminaires. Que sont nos séminaires ? Les séminaires ont été voulus par le saint concile de Trente et demeurent la seule formule valable au 21ème siècle pour la formation au sacerdoce, véritablement formatrice des intelligences et des volontés des futurs prêtres. Formation des intelligences, tout d’abord, par la saine philosophie de saint Thomas d’Aquin, qui prépare à la théologie et qui est une arme universelle pour dissiper les erreurs, les sophismes, les faux raisonnements de tous les hérétiques, libéraux, laxistes et naturalistes de tous les temps. Formation intellectuelle, solide, thomiste, et ensuite formation morale, formation de la volonté, formation virile je dirais, oui, formation virile par une discipline stricte, librement acceptée et que désirent les jeunes gens. Ils désirent une discipline, ils ont des exigences. Ils veulent une discipline orientée, toute orientée vers l’autel, vers l’office divin, vers la liturgie, vers la vie commune qui règne dans les séminaires, la vie de communauté.

Voyez-vous, je suis à Ecône pratiquement depuis plus de 30 ans. Donc, je suis un témoin privilégié et, depuis les quatre dernières années, je suis là, résidant à Ecône. Je vois donc ce qui se passe. Et j’admire sans arrêt la fermeté du corps professoral, qui a l’œil sur la doctrine, sur la saine doctrine et ne fera pas dévier le séminaire, ni à droite ni à gauche.

Nous gardons la ligne de crête donnée par Mgr Lefebvre et par conséquent, outre les candidats qui n’ont pas la vocation, parce qu’ils n’ont pas l’intention droite de servir l’Église, nous n’hésitons pas à écarter ceux qui ne seraient pas idoines parce qu’ils ne veulent pas suivre cette ligne doctrinale. Un autre motif pour écarter un candidat, c’est le défaut des qualités physiques, psychologiques ou intellectuelles requises. Ce n’est pas nouveau. L’essentiel est donc bien là : veiller à la saine doctrine qui est communiquée aux séminaristes, aux futurs prêtres.

Il y a à Ecône également une formation virile de la volonté parce que notre jeunesse, malheureusement, est de plus en plus fragile, nous le constatons. Elle est de plus en plus émotive, émotionnable, fragilisée par une éducation déficiente, je dois le dire hélas, bien chères familles, une éducation déficiente. Nous sommes confrontés à cette situation. Mais malgré tout notre œuvre continue, prospère ; nous donnons des prêtres à l’Église. C’est le premier but de la Fraternité Saint-Pie X – donner des prêtres à l’Église. Donc, rien d’artificiel au séminaire, rien de guindé, d’inadapté, au contraire. Nous inculquons des principes qui sont des normes d’action pratique, qui sont faits pour être appliqués, pour devenir la pastorale de nos prêtres, comme le disait du reste Mgr Lefebvre quand il était à Dakar et qu’il s’occupait de séminaristes dans les années 1950. Il leur disait ceci :
« Vous devez être des hommes de principes, vous devez avoir l’amour de la vérité par dessus tout et voir vraiment dans la vérité le salut des âmes. »
Ce sont de tels prêtres que nos séminaires vous préparent et vous donnent. Telle est l’œuvre primordiale de la Fraternité : ses séminaires. La formation à cette pureté doctrinale est bien cette vraie charité missionnaire du sacerdoce.
Les œuvres-clés de la Fraternité Saint-Pie X
(…) De tels prêtres ainsi formés, vivant cette vie commune du clergé, que vont-ils faire ? Quelles sont les œuvres principales, les œuvres clés de l’apostolat de la Fraternité Saint-Pie X ? J’en énumérerai quatre. Bien entendu, elles sont réunies autour de la messe, autour de l’autel, c’est clair ; elles ont pour centre le prieuré, l’église, c’est-à-dire, l’autel, le sacrifice. Autour de l’autel, qu’est ce que nous organisons ? Essentiellement quatre choses :

1) Il y a d’abord de vraies familles catholiques, aux nombreux enfants, des familles qui n’hésitent pas, qui n’ont pas peur de donner la vie à de nombreux enfants pour multiplier le nombre des élus du ciel, car c’est la prospérité de l’Église, la gloire de l’Église catholique, l’avenir d’un pays, d’une patrie, la famille nombreuse catholique. C’est une famille sans télévision, sans télé : on l’a remplacée par l’autel familial, le petit autel avec la statue du Sacré-Cœur et celle de la Sainte Vierge, avec les cierges, devant lesquels chaque soir la famille se rassemble pour réciter la prière familiale, le chapelet. Voilà notre télévision ! C’est dans la famille chrétienne qu’ on pratique l’obéissance, les vertus sociales, l’esprit de service, la modestie chrétienne et toutes les belles vertus qui préparent de futurs pères et mères de famille et qui sont le milieu de choix dans lequel le Bon Dieu appellera à son sacerdoce et à la vie religieuse. N’est-ce pas cela la première pierre, le premier effet de la sainte messe : la famille catholique digne de ce nom, docile aux consignes données par vos prêtres ?

2) Nous organisons ensuite l’école intégralement catholique, l’école qui est le prolongement de la famille. Comme disait Pie XI, il faut faire un seul temple divin de l’éducation chrétienne et de la famille. Voilà ce que c’est que l’école : un temple, quelque chose de sacré. Non seulement, disait-il, il faut que la jeunesse reçoive à des heures déterminées des cours de catéchisme mais en outre que tout l’enseignement soit inspiré par la bonne odeur de l’esprit chrétien. Voilà ce qu’on appelle une école intégralement catholique ; et ici j’insisterai : comme il est triste, oui, comme il est lamentable de constater que trop de familles méprisent nos écoles intégralement catholiques pour mettre leurs enfants dans des écoles modernistes. Au contraire, comme elle est admirable, et je dois féliciter les familles qui en font partie, cette poignée de familles résolues, qui ont compris le problème, qui sont prêtes aux sacrifices, à tous les sacrifices, pour donner leurs enfants à nos écoles vraiment catholiques.

Bravo ! Chers fidèles, vous êtes un modèle ! Que ce modèle devienne contagieux, une sainte contagion ! Vous comprenez que nos écoles sont ces bastions, où non seulement les enfants sont protégés contre la corruption intellectuelle et morale mais où ils sont en outre formés, ce qui n’est pas la même chose. Non seulement ils doivent être protégés mais encore ils doivent être formés. Par cette formation toute chrétienne, dans toutes les matières, c’est le même enthousiasme, c’est la même doctrine la même vérité cohérente, convaincante qui va pénétrer dans l’âme de vos chers enfants. C’est à l’école véritablement catholique que l’on apprend que Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi est la clé de toute chose, la clé du monde.

3) Il existe encore une œuvre si importante elle aussi : les Exercices Spirituels de Saint Ignace et les autres retraites, où vous trouvez un nouveau souffle de vie chrétienne. Comme dit saint Ignace, nous faisons les Exercices Spirituels :
« Pour nous vaincre nous-mêmes et régler notre vie sans aucune affection désordonnée. »
Comme c’est nécessaire ! Nous vaincre nous-mêmes, vaincre notre esprit mondain, pour régler notre vie selon la loi de Jésus-Christ et échapper aux pièges, aux filets et aux illusions du démon. Saint Ignace est un maître admirable pour le combat spirituel, car il nous montre comment le démon agit, comment nous devons lui résister et comment nous pouvons le vaincre.

4) Enfin, dernière œuvre, que beaucoup d’entre vous connaissent, l’œuvre des œuvres, comme le dit le Père Marziac, ce sont les anciens retraitants qui seront les propagateurs de ces Exercices Spirituels, des apôtres pour en attirer d’autres aux Exercices Spirituels et par conséquent à la Tradition, à toute la Tradition de l’Église, de vrais apôtres, les meilleurs serviteurs de leurs prêtres au prieuré. Ils seront également des laïcs catholiques, engagés dans la vie publique de leur pays pour propager le règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi. Notre prieuré de Bruxelles s’appelle le prieuré du Christ-Roi. Ce n’est pas par hasard ; c’est la couronne, le couronnement de l’apostolat de la Fraternité Saint-Pie X : rendre à Notre-Seigneur sa couronne, son règne social, pas seulement individuel, mais dans la société, dans la cité. C’est le couronnement du catholicisme intégral tel que saint Pie X l’a conçu : Omnia instaurare in Christo – tout restaurer dans le Christ par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, de son Cœur Immaculé.

Ainsi soit-il.

+ Bernard Tissier de Mallerais

10 septembre 2004

[Jean Madiran – Présent] Ah ! les têtes qui dépassent... Mais faut-il donc les couper ?

Jean Madiran – Présent – 10 septembre 2004

Le Figaro d'hier a eu le privilège de recueillir une déclaration capitale de l'abbé de Cacqueray, supérieur de la FSSPX pour la France, après l'exclusion des deux Bordelais: 

«Aucune autre exclusion n'est enclenchée. Les choses pourraient être éclaircies si l'abbé de Tanoüarn acceptait d'exprimer qu'il ne partage pas les positions des abbés Laguérie et Héry.»

Loin de nous l'idée aventureuse de nous immiscer dans une affaire spécifiquement cléricale, et intérieure à la Fraternité. Toutefois il n'est pas possible non plus de totalement l'ignorer, depuis qu'elle a été rendue publique le 22 août, à Bordeaux, par un communiqué du supérieur général de la FSSPX, et ensuite le 25 août par un article retentissant : «Du rififfi chez les cathos tradi », écrit avec beaucoup de Verve et d'entrain par Céline Pascot, rédactrice en chef de l'hebdomadaire Minute que dirige Jean-Marie Molitor. Au demeurant l'affaire pourrait bien n'être pas seulement intérieure ; dans la mesure où sont en question des «positions» qu'il s'agit d'accepter ou de désapprouver, chacun, même simple laïc, peut avoir un avis.

Concernant justement les « positions », tendances et affinités intellectuelles, j'ai remis la main sur un livre paru au début de 2001 (achevé d'imprimer en décembre 2000). Nos lecteurs s'en souviennent peut-être, surtout s'ils ont à l'époque suivi notre conseil de le lire (comme de lire, un peu plus tard, celui de Mgr Tissier de Mallerais, quelles que soient nos réserves éventuelles à l'égard de certaines affirmations de l'un et de l'autre). Le livre de 2001 a pour titre : La Tradition sans peur. Voyez la conjonction : premièrement l'auteur, l'abbé Paul Aulagnier ; deuxièmement, ce sont des « entretiens avec l'abbé Guillaume de Tanoüarn ». Troisièmement, la préface est de l'abbé Philippe Laguérie. Et, quatrièmement, l'édition est de Dominique et Jean-Marie Molitor, « sans qui ce livre n'aurait pas pu voir le jour ». En matière de « positions », on y lisait entre autres (p. 244): «Il faut sortir de nos tranchées, de nos ghettos, il faut, je le répète, sans peur, nous mettre au service de l'Eglise universelle, en utilisant notre liberté pour critiquer les nouvelles orientations (...), et aussi pour souligner tout ce qui va dans le bon sens, sans nous perdre dans l'opposition stérile et dans la critique systématique. »

Aujourd'hui on voit s'esquisser un curieux parallélisme entre le religieux et le politique. Les têtes qui dépassent semblent bien être la vraie cause des difficultés ; et au FN comme à la FSSPX, la demande de débat se heurte à la menace d'exclusion. Je ne crois pas beaucoup à l’« exclusion », je ne crois pas du tout au « débat ». Pourquoi pas au « dialogue » ! Le dialogue, le débat fructueux, ils sont dans Platon, qui tient lui-même la plume (si je puis dire) pour chacun des interlocuteurs. Us sont dans la Somme théologique de saint Thomas, où chaque article commence par l'énoncé de toutes les objections possibles. Je crois à la controverse : contre les idées adverses. Mais pour les têtes qui dépassent, et qui sont de la famille, et qui bien sûr sont beaucoup plus incommodes que celles qui ne dépassent pas, la solution pourrait bien n'être ni dans le débat qu'elles réclament ni dans la rétractation qu'on leur demande.

Il faudrait plutôt trouver pour chacune sa vraie place, qui n'est pas forcément le Mexique, et à cette place lui laisser toute l'autonomie nécessaire à sa respiration. Dans l'ordre politique, bien que n'étant point spécialiste de la matière électorale, j'imagine assez invivable que le président du parti ait seul, comme par délégation, le pouvoir de décider sans appel qui sera candidat jusque dans les plus petites communes, au lieu de faire confiance aux désignations locales. Analogiquement il doit en être un peu de même pour les paroisses. Et pour les rédactions des revues et bulletins ! L'excès de centralisation est dans l'air du temps, par contagion il est partout, et pas seulement dans les administrations de l'Etat. Et puis, les têtes qui dépassent sont souvent, dans la controverse publique, les plus justement, les plus fortement, les plus exactement critiques à l'égard de la laïcité républicaine et des autres mensonges dominants, n'allons pas nous en priver. La famille politique et religieuse qui est la nôtre a sans doute besoin en ce moment de mieux apprendre la cohabitation amicale d'autonomies respectueuses de leurs propres limites. J'espère n'avoir pas franchi les miennes?

9 septembre 2004

[Olivier Figueras - Présent] L'abbé Laguérie exclu de la FSSPX

Olivier Figueras - Présent - 9 septembre 2004

L'abbé Régis de Cacqueray, supérieur pour la France de la Fraternité Saint-Pie X, a officialisé mardi l'exclusion de l'abbé Philippe Laguérie. Ou plus exactement son départ: «Il est hors de la Fraternité depuis le dimanche 5 septembre à midi.»

L'affaire débute au mois de juillet, lorsque l'abbé Laguérie, prieur de Bordeaux, envoie à 35 confrères un document mettant en cause la gestion actuelle des séminaires, et tout particulièrement de celui d'Ecône. La Fraternité conteste ledit document, et met notamment en cause les statistiques produites. Qui plus est, là où l'abbé Laguérie voit essentiellement des renvois (ou des départs provoqués), ses supérieurs ne reconnaissent la plupart du temps que des départs volontaires.

Bref, devant ce qu'ils estiment être une faute grave, les supérieurs de l'abbé Laguérie lui demandent de présenter des excuses. Mais le prieur de Bordeaux, loin de se désavouer, justifie sa démarche.

Après plusieurs rencontres et discussions qui n'aboutissent à aucun accord, Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, prononce à l'encontre de l'abbé Laguérie une sanction, en le nommant prieur au Mexique. L'abbé refuse d'obtempérer, et décide de faire appel.

L'affaire devient publique le 22 août, lorsque l'abbé de Cacqueray annonce en chaire, à Saint-Eloi, la mutation de l'abbé Laguérie. Une annonce qui fait quelque bruit, un certain nombre de fidèles quittant ostensiblement l'église...

Mais l'appel de l'abbé Laguérie pose, lui aussi, quelques problèmes. Pour Mgr Fellay, celui-ci devrait être fait auprès de Rome. Mais la Fraternité n'étant plus reconnue depuis 1975, la chose est impossible. L'abbé demande alors à ses supérieurs la création d'une instance, composée d'anciens de la Fraternité, en mesure de l'entendre. Impossible, lui est-il répondu, il n'est pas prévu,, dans les statuts, qu'il y ait une autorité supérieure à celle du supérieur général, et susceptible de le déjuger. En définitive, l'abbé Laguérie portera son appel auprès de l'évêché de Fribourg, celui-là même qui, en ses débuts, reconnut et autorisa la Fraternité Saint-Pie X.

En attendant, un nouveau prieur est envoyé à Bordeaux. Mais il ne peut s'installer, se plaint l'abbé de Cacqueray, parce que l'abbé Laguérie a fait appel à un groupe de garçons pour assurer sa présence. Dans le même temps, il reconnaît avoir, lui, fait appel à un vigile...

Finalement, le 3 septembre, Mgr Fellay met en demeure l'abbé Laguérie de quitter le prieuré, ce qu'il refuse. Les négociations ne sont désormais plus possibles, pour la Fraternité, qui considère que la rupture est consommée : l'abbé Laguérie ne fait plus partie de la Fraternité Saint-Pie X.

Pour autant, aucune mesure d'exclusion n'est prononcée contre lui. A l'inverse de l'abbé Héry, son vicaire et avocat, qui, lui, a été officiellement exclu. Il est vrai que son cas était, de ce point de vue plus facile, l'abbé Héry n'ayant pas prononcé de vœux définitifs au sein de la Fraternité.

Quoi qu'il en soit, la Fraternité considère qu'ils se sont tous deux mis en dehors : « Ils ont plus quitté la Fraternité que la Fraternité ne les a quittés », commentait mardi l'abbé Célier.

Pour l'heure, l'abbé Laguérie demeure à Saint-Eloi, tandis que le prieur remplaçant gère une petite chapelle bordelaise.

Au-delà de la situation juridique de Saint-Eloi qui risque de pâtir de la situation, d'aucuns ont voulu voir, dans cette affaire, une affaire de pouvoir. A quoi l'abbé de Cacqueray répond que Mgr Fellay n'est pas homme à s'intéresser à sa succession - qui doit intervenir en 2006.

Dans une adresse à ses paroissiens, l'abbé Laguérie réitère sa volonté de ne pas subir la sanction qui lui est imposée : «J'ai fait appel de cette sanction mais nul ne veut rendre la justice.»

«Parce que j'ai pris la défense de nos séminaristes terrorisés, ajoute-t-il, et me suis alarmé de la situation désastreuse des ordinations sacerdotales de la Fraternité (...), je suis expulsé, exilé, déshonoré, chassé des églises que j'ai gagnées de haute lutte et restaurées de vos seuls dons, à la sueur de mon front et au calle de mes mains durant six années d'efforts, pour la remettre enfin à notre chère Fraternité Saint-Pie X.

«J'ai donné Sainte-Colombe à la Fraternité: ses supérieurs m'en chassent ignominieusement aujourd'hui par des procédés indignes, m'en interdisent l'accès en fracturant les serrures (...), en postant des cerbères, en violant le logement des prêtres.»

Il n'y a pas, semble-t-il, dans cette triste affaire, de différend doctrinal. Mais un problème de discipline. L'abbé de Cacqueray reconnaît, à la tête de la Fraternité, une difficulté de communication (due, précise-t-il, à l'importance du mouvement).

L'abbé Aulagnier hier; l'abbé Laguérie aujourd'hui. C'est un peu cher payer un problème de communication...

1 septembre 2004

[Aletheia n°61] Informations

Aletheia n° 61 - 1er septembre 2004
Informations
. Est parue dans Présent (5 rue d’Amboise, 75002 Paris), les 11, 14, 18, 19 et 21 août, une série de cinq articles de Jean Madiran intitulée “ L’épiscopat de 2000 à 2004 face au piège de la laïcité ”. Ces cinq pleines pages de journal constituent une démonstration qui mérite de retenir l’attention.
Il y a une conception catholique de la laïcité, fondée sur l’Evangile : “ Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ”. Cette laïcité au sens catholique implique la distinction entre les deux pouvoirs, temporel et spirituel (l’Etat et l’Eglise), “ sans les opposer ni les séparer, écrit Jean Madiran, mais en les invitant au contraire à coopérer ”.
Il y a, par ailleurs, singulièrement en France, un autre sens du mot “ laïcité ”, entendu comme “ séparation de la religion et de la société civile ” (selon la définition du Littré rappelée par Jean Madiran). C’est aussi la définition qu’en donnait Ernest Renan dans son discours de réception à l’Académie française (1882) : “ l’Etat neutre entre les religions, tolérant pour tous les cultes et forçant l’Eglise à lui obéir sur ce point capital ”.
Le débat sur la laïcité qui dure depuis plusieurs années et qui est encore en cours, et à laquelle la Conférence épiscopale français tente de participer, est piégé par le sens restrictif et déformé du mot et par l’intention qui met le pouvoir politique. Jean Madiran fait une longue analyse des déclarations des politiques comme de l’épiscopat. Nous y renvoyons les lecteurs.
En relevant encore de quelle façon l’épiscopat français maintient de bonnes relations avec le pouvoir politique : “ Finalement l’épiscopat se contente de négocier en tapinois quelques aménagements pratiques, quelques dispositions réglementaires, quelques exemptions fiscales. En dehors de quoi, les notes doctrinales, communiqués et déclarations épiscopales se bornent à des exposés psychosociologiques inspirés des “sciences humaines“ plutôt que d’une révélation divine, et présentés comme des opinions parmi d’autres dans le débat démocratique. ”
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À signaler, néanmoins, que l’épiscopat, en certains de ses membres, n’est pas ignorant ou dédaigneux de “ l’influence de la franc-maçonnerie ”. Il y a deux ans, Mgr Brincard, évêque du Puy-en-Velay, avait fait des déclarations très fermes et clairvoyantes sur le sujet[1]. Cette fois, c’est un autre évêque, Mgr Rey, évêque de Toulon, qui a demandé à un mensuel catholique de préparer un dossier sur la franc-maçonnerie et “ son influence dans le monde ”. Le numéro paraîtra en décembre.
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. À propos des liens entre l’Association pour la famille et l’Opus Dei (Aletheia n° 59), un lecteur spécialiste du milieu associatif catholique nous écrit : “ Les responsables de l’Association pour la promotion de la famille (APPF) sont tous de l’Opus Dei. Ce qui est vrai, c’est que l’œuvre entend toujours ne pas être confondue avec les initiatives prises par ses membres, afin d’éviter les amalgames dont ses adversaires sont friands (par exemple en parlant des “banques“ de l’Opus Dei…). Toutefois, je pense qu’une certaine ambiguïté subsiste dans la mesure où les membres de l’œuvre acceptent une direction spirituelle extrêmement directive, dans tous les domaines de leur vie, — engagements “temporels“ inclus. De plus, François Gondrand, le précédent responsable de la communication de l’Opus Dei en France, que j’avais interrogé sur l’APPF, avait reconnu l’origine opusienne des animateurs de cette association (fondée face à l’inertie des AFC), tout en affirmant son indépendance vis-à-vis de l’Œuvre ”.
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. Dans le débat actuel sur la “ gnose ” et la valeur des travaux d’Etienne Couvert, l’helléniste et latiniste Gérard Bedel a publié, sous le nom de Philologus, une utile mise au point sémantique sur les mots gnose, théosophie et ésotérisme [2].
À propos du livre de Paul Sernine, La Paille et le sycomore, l’abbé de Cacqueray, supérieur du District de France de la FSSPX, explique dans le dernier numéro de Fideliter[3], pourquoi il en a autorisé l’édition et la diffusion : “ je pense que de tels débats, comme il en a toujours existé dans l’histoire de l’Eglise, sont à même de servir la recherche de la vérité par la confrontation des arguments, l’approfondissement des convictions justes. (…) Cette autorisation ne signifie pas pour autant l’approbation du livre : elle se limite à garantir que cet ouvrage ne contient rien de contraire à la foi et aux mœurs (bien qu’une erreur soit évidemment toujours possible). Que le livre soit maladroit, confus ou inutile appartient au débat public des idées, et l’autorité ecclésiastique, en permettant la parution d’un tel livre, ne s’est pas engagée sur sa valeur intellectuelle. ”
L’abbé de Cacqueray indique aussi en quel sens, limité, les notions de “ contre-Eglise ” et de “ complot ” peuvent être utilisées pour qualifier le combat mené par certains contre l’Eglise et sa doctrine.
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. Le dimanche 22 août, M. l’abbé de Cacqueray, supérieur du district de France de la FSSPX, est venu à l’église Saint-Eloi de Bordeaux annoncer la mutation de l’abbé Laguérie, prieur de l’église. Cette mutation, au Mexique, est refusée par l’intéressé qui a fait appel de la décision.
L’hebdomadaire Minute, dans son numéro du 25 août, a consacré un très long article à l’affaire sous le titre : “ La succession de Mgr Lefebvre en jeu — Du rififi chez les cathos tradi ”. L’article, signé Céline Pascot, explique : “ L’auteur a commis une faute de lèse-majesté en alertant dans un premier temps Mgr Fellay [Supérieur général de la FSSPX], et dans un second temps une trentaine de prêtres de la Fraternité, auxquels il a adressé une copieuse étude statistique sur la situation des séminaires de la Frat’ ”. L’auteur de l’article analyse la crise qui est survenue comme une lutte d’influence à l’approche du prochain Chapitre général de la FSSPX, en 2006, qui devra élire un nouveau Supérieur général ou confirmera l’actuel dans ses fonctions.
Deux autres prêtres, les abbés Héry, de Bordeaux, et de Tanoüarn, directeur des publications Pacte et Certitudes, ont pris la défense de l’abbé Laguérie. L’abbé de Tanoüarn estime qu’il ne s’agit pas d’une question de personnes mais d’une question de doctrine qui porte sur la nature de la vocation et la conception du sacerdoce.
Le Figaro, le 27 août, a évoqué l’affaire sous le titre “ Les catholiques lefebvristes se déchirent ” et a reproduit des propos de Mgr Fellay au sujet des trois prêtres visés : “ Ils ne sont pas exclus, mais ils en prennent le chemin. S’ils s’obstinent dans la rébellion, la sanction légitime va tomber, et vite. Ils troublent l’ordre. J’appliquerai donc le droit et je n’ai pas l’esprit de dictature. S’ils reviennent dans la voie de la vérité, alors à tout péché miséricorde, mais il faudra réparation. ”.
Puis était mis en circulation, par courrier et sur internet, un libelle anonyme intitulé : “ FSSPX : L’enjeu du “bras de fer“ de la Saint-Louis 2004 ”. On peut y reconnaître, je crois, le style et l’argumentation bien connue de Louis-Hubert Rémy, l’auteur sédévacantiste de L’Eglise éclipsée. Il évoque l’existence d’un “ clan Tanoüarn-Laguérie-Celier-Héry ”, les qualifie de “ mutins modernistes ”, relie l’épisode à l’affaire Sernine et interprète cette nouvelle affaire comme une “ offensive contre les autorités de la Fraternité ”.
Je ne fais que rapporter ici les positions des uns et des autres sans me mêler à la controverse.
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. Un projet d’aménagement du sanctuaire de Fatima est à l’étude. Selon certaines informations, il s’agirait d’en faire un “ centre inter-religieux où les religions du monde se réuniront pour rendre hommage à leurs dieux ”. Plusieurs publications traditionalistes se sont fait l’écho, ces derniers mois, de ce “ nouveau scandale de Fatima ”.
Jeanne Smits, qui a mené une enquête sur place, fait dans Présent (5 rue d’Amboise, 75002 Paris) le point sur la question. Tout est parti d’un article paru dans un hebdomadaire anglophone, Portugal News. Les démentis, apportés par la suite, dans l’organe officiel du sanctuaire et par le recteur du sanctuaire, le P. Luciano Guerra, n’ont pas été repris par la presse qui avait annoncé la fausse nouvelle.
Le grand article de Jeanne Smits, “ Quoi de neuf à Fatima ” (28.8.2004), a le mérite d’apporter des éclaircissements et des rectifications convaincantes. Reste à savoir si les publications traditionalistes qui s’étaient alarmées et avaient dénoncé une “ nouvelle trahison du message de Fatima ” signaleront à leurs lecteurs ce rétablissement de la vérité des faits.
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. Vient de paraître : Grégoire Celier, Libéralisme et antilibéralisme catholiques, Editions Clovis (B.P. 88, 91152 Etampes Cedex), 78 pages, 10,50 euros :
Ch. I : Le libéralisme.
Ch. II : Le libéralisme catholique.
Ch. III : L’école de l’antilibéralisme catholique.
Ch. IV : Nous sommes les fils des saints.
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Vient de paraître
Yves Chiron
Pie XI (1857-1939)
Introduction
1.      L’enfant de la Brianza
2.      Un jeune prêtre studieux
3.      De l’Ambrosienne à la Vaticane
4.      Nonce en Pologne
5.      De Milan au siège de Pierre
6.      Le Règne du Christ
7.      Le pape des missions
8.      Le pape de l’Union
9.      L’Action catholique : “ refaire la société chrétienne ”
10.  Face à Mussolini
11.  Les affaires de France
12.  Pour une Europe nouvelle
13.  Face à Hitler
14.  “ Il terribile triangolo ”
15.  “ La Pâques des trois encycliques ”
16.  “ Nous sommes tous spirituellement des sémites ”
Sources et bibliographie
Index
Remerciements

Un volume de 432 pages.  Éditions Perrin.
Prix en librairie : 23, 50 euros. Disponible au même prix, chez l’auteur (franco de port).
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[1] Texte intégral de l’entretien qu’il avait accordé à RCF-Le Puy dans le n° 28 d’Aletheia, 16 avril 2002 (envoi contre deux timbres).
[2] “ Le coin du philologue ”, Legenda, in Lecture et Tradition (n° 327, mai 2004, B.P. 1, 86190 Chiré-en-Montreuil, 3 € le numéro).
[3] “ Pour un débat contre-révolutionnaire ”, entretien avec l’abbé de Cacqueray, Fideliter (n° 161, septembre-octobre 2004, B.P. 88, 91152 Etampes Cedex, 7,50 € le numéro).