28 septembre 2019

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Rosmersholm de Henrik Ibsen

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 28 septembre 2019

Les modernes souvent aiment l’obscurité,
Mais comme le Christ leur manque, ils n’ont que vacuité.

Henrik Ibsen (1828–1906) est un célèbre auteur de théâtre norvégien. Beaucoup le considèrent comme le père de la dramaturgie moderne. Il n’était pas catholique. Néanmoins, ses pièces expriment une grande vérité. Or saint Augustin n’affirmait-il pas que toute vérité appartient aux catholiques ? (Parce que le Christ est « le Chemin, la Vérité et la Vie »). N’est-ce pas pour cette raison que les catholiques se trouvent parfois mieux placés que les non-catholiques pour apprécier les vérités que peuvent dire ces derniers ? La grande vérité d’Ibsen c’est de montrer que, même dans la Norvège de la fin du XIXe siècle, engoncée dans l’hypocrisie qui étouffait la vie et la joie sous le poids de traditions moribondes, l’esprit humain est encore capable d’élever une protestation ; il préfère même la mort à une existence prisonnière, dépourvue de liberté et de toute signification.

En quoi consiste cette protestation ? Prenons trois pièces dans lesquelles Ibsen passe du drame de la société moderne à l’analyse psychologique des personnages. Rosmersholm (1886) se termine par le double suicide du héros et de sa bien-aimée ; Solness, le constructeur (1892) se termine par la chute du héros du haut d’une tour qu’il était suicidaire d’avoir voulu escalader ; dans John Gabriel Borkman (1896) le héros meurt de froid lors d’une ascension quasi-suicidaire parmi les bois d’une montagne glacée. Dans chaque cas, le héros est toujours en lutte pour la liberté de l’esprit humain, toujours en butte à un monde qui s’acharne à étouffer cet esprit. Concentrons-nous sur Rosmersholm, dont une adaptation, récemment mise en scène à Londres, vient de remporter un grand succès. Ibsen n’est pas mort !

La trame d’un drame a toujours besoin d’un conflit. Dans Rosmersholm, ce conflit oppose, d’un côté, le vieux monde de la famille Rosmer et de son domaine : depuis 200 ans, cette lignée se distingue par ses officiers et ses pasteurs qui en étant de beaux exemples surent élever toute la région ; et de l’autre côté, on trouve un monde nouveau qui prône l’émancipation de toutes ces anciennes valeurs. Le personnage central de la pièce est le dernier rejeton de cette noble famille, John Rosmer, ancien pasteur. Mais il a perdu la foi et se trouve maintenant déchiré entre ces deux mondes. Il y a d’un côté le Dr Kroll, conservateur au cœur sec, qui tente de sauver la Norvège du libéralisme envahissant, mais dont la propre femme et les enfants versent dans ce libéralisme. On trouve de l’autre côté le rédacteur en chef du journal radical local, Mortensgaard. Ce personnage est au moins aussi désobligeant que Kroll dans ses tentatives pour attirer Rosmer de son côté. En théorie, ce nouveau monde, fait de joie et de liberté, a conquis Rosmer lui-même, grâce à l’influence de Rebekka West, jeune femme charmante, qui est sa compagne platonique depuis plusieurs années.

Le drame atteint son paroxysme lorsque Rosmer avoue à Kroll qu’il a perdu la foi et qu’il projette maintenant de soutenir publiquement les libéraux. Kroll passe alors à l’action, en employant des moyens plus ou moins équitables, voire déloyaux, pour dissuader Rosmer de faire don de sa personne et de son prestige à la pourriture du pays. Sous la pression de Kroll, Rebekka se rend compte qu’en croyant lutter pour libérer Rosmer de son milieu – noble, certes, mais étouffant – c’est en fait ce milieu de Rosmersholm qui l’a conquise. Finalement, la seule façon pour John et Rebekka d’atteindre cette liberté nouvelle tout en gardant l’ancienne noblesse, c’est de se jeter ensemble dans le moulin à eau de Rosmersholm. En d’autres termes, selon Ibsen, l’ancienne noblesse est sans joie, le nouveau conservatisme est sans cœur et la nouvelle émancipation ne vaut guère mieux. La mort reste la seule issue, la seule voie de recours encore possible aux yeux de ce couple pris au piège de ses contradictions.

Tout cela n’est-il qu’une sombre absurdité, sujet impropre pour les catholiques d’aujourd’hui ? Eh bien, non, au contraire. Ce drame présente en fait un portrait réaliste de notre monde actuel. Quand la foi se meurt, comme chez Rosmer et chez d’autres âmes qui se comptent aujourd’hui en milliards, alors le conservatisme déshonnête d’un Kroll finit par ne rien conserver ; la gauche d’un Mortensgaard est tout juste bonne à jeter l’huile de l’impiété sur l’incendie d’une société sans Dieu ; l’émancipation d’une Rebekka reste exsangue, si bien que l’instinct suicidaire du libéralisme prend le dessus. Pour avoir la vie en soi, et l’avoir en abondance (Jean X, 10), Rosmer doit d’abord recouvrer la foi de ses ancêtres ; c’est-à-dire qu’il doit, au-delà même de ses meilleurs ancêtres protestants, remonter jusqu’à ces ancêtres catholiques vraiment nobles qui firent la Norvège chrétienne. Alors que Rosmer devienne un vrai catholique, et tous les Kroll, les Mortensgaard et les Rebekka pourront voir la vraie solution, et la lumière du Christ pourra se rallumer dans toute la région.

Kyrie eleison.

27 septembre 2019

[Paix Liturgique] La catholicisme anglais: un grand témoin, le Père John Hunwicke

SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°713 - 25 septembre 2019

Le Father John Hunwicke (un nom qui se prononce en français " Hanique") a été pasteur anglican, mais catholique de cœur « depuis toujours ». Il profita de l’opportunité offerte par le Pape Benoit XVI de revenir complètement à l’unité catholique en rejoignant l’Ordinariat personnel de Notre-Dame de Walsingham… Catholique convaincu, le Father Hunwicke, qui a bien connu les motifs de la dissolution de l’Église anglicane, voit malheureusement les mêmes ferments de destruction à l’œuvre aujourd’hui au sein du catholicisme. Animateur du blog Fr Hunwicke’s Mutual Enrichment – Liturgical Notes, http://liturgicalnotes.blogspot.com/, il est devenu l’un des grands témoins, dans les milieux catholiques anglo-saxons, des périls qu’il est urgent d’éviter.
Paix Liturgique – Mon Père, racontez-nous votre conversion.
Fr Hunwicke – Depuis longtemps, a existé au sein de l’anglicanisme une tradition « catholique ». Comme j’appartenais à ce courant depuis mon adolescence, j’ai adhéré naturellement à l’intégralité des croyances de la foi catholique, y compris le dogme sur l’infaillibilité pontificale défini lors du premier concile du Vatican. Nous espérions tous alors parvenir un jour à une unité complète avec l’Église catholique. C’est pourquoi lorsque Benoît XVI, par la constitution Anglicanorum Coetibus du 4 novembre 2009, a mis en place un Ordinariat pour réunir les fidèles anglicans qui souhaitaient rentrer dans le giron catholique, qui nous permettait d’entrer dans la pleine unité catholique tout en gardant notre identité propre au sein de l’Église, nous avons accepté son offre, car c’est exactement ce que nous avions toujours souhaité.
Paix Liturgique – Comment voyez-vous la crise actuelle dans la confession anglicane ? Que pouvons-nous en apprendre ?
Fr Hunwicke – Les catholiques devraient apprendre des anglicans que si une communauté se soumet « à l’air du temps » plutôt qu’à sa foi et à ses croyances fondamentales, cela la mènera au désastre et à sa dissolution. L’Église catholique fait maintenant face aux mêmes assauts de cet « air du temps » qu’hier l’anglicanisme, en particulier dans les domaines de la morale sexuelle et de la question du genre. De la même manière, les problèmes soulevés par Amoris lætitia et autres entreprises « bergogliennes » pourraient embrouiller beaucoup de clercs et de fidèles par des ingéniosités verbales. Cette soumission « à l’air du temps » peut également porter sur les problèmes liés à l’ordination des femmes dans des ministères sacerdotaux. Quoique, en ce qui concerne l’ordination des femmes les ambiguïtés verbales ne sont pas faciles : ou nous ordonnons des femmes, ou nous ne le faisons pas!
Paix Liturgique – Aujourd’hui, la plus grande partie de la liturgie célébrée dans l’Église catholique souffre d’un manque de caractère sacré et de signification surnaturelle. L’usage anglican, célébré par les prêtres de l’Ordinaire personnel de Notre-Dame de Walsingham, conserve-t-il encore ce caractère sacré?
Fr Hunwicke – La liturgie ordinariale se célèbre généralement de manière beaucoup plus traditionnelle que le Novus Ordo « ordinaire », tel qu’il est célébré dans les autres églises d’Angleterre et d’Europe. Notre manière de célébrer incorpore des éléments de la forme extraordinaire à usage facultatif, par exemple : les prières au bas de l’autel, les anciennes prières d’offertoire, le dernier évangile. Et, dans la liturgie des défunts, l’ancienne forme du Libera Nos est utilisée.
Paix Liturgique – Connaissiez-vous la messe traditionnelle avant de rejoindre l’Église catholique?
Fr Hunwicke – La messe traditionnelle est celle que l’on m’a enseignée dans mon séminaire anglican dans les années 1960 ! J’avais l’habitude de la célébrer, dans ma dernière paroisse anglicane, presque tous les jours de la semaine. C’est ce à quoi, depuis mon enfance, j’étais habitué dans l’Église d’Angleterre dans les années 1950.
Paix Liturgique – Est-ce que vous continuez à la célébrer?
Fr Hunwicke – Actuellement, je la célèbre tous les matins.
Paix Liturgique – Pensez-vous que la liturgie doive être une affaire de spécialistes? 
Fr Hunwicke – Je pense que les liturgies ne devraient surtout pas être composées par des comités de « spécialistes ». Même si les liturgies ne sont pas immuables et qu’elles ne l’ont jamais été, elles ne devraient évoluer que de manière organique et progressive comme cela s’est fait dans la paix au cours des siècles, mais certainement pas d’une manière artificielle et imposée.
Paix Liturgique – Vous émettez donc de grandes réserves vis-à-vis du Novus Ordo?
Fr Hunwicke – En fait, même la manière la plus « traditionnelle » de célébrer le Novus Ordo me semble viciée.
Paix Liturgique – Nous assistons à une croissance, sur tous les continents, du nombre des célébrations de messes traditionnelles, et à un intérêt toujours plus grand pour cette forme liturgique en particulier de la part des plus jeunes. Qu’en pensez-vous?
Fr Hunwicke – Les jeunes ont souvent des goûts différents de ceux de leurs parents. Mais, pour le coup, il faut sans doute y voir autre chose ! En ce qui concerne les jeunes membres du clergé, ils ont clairement un attrait vers un sacerdoce réellement sacré. A juste titre, ils ne voient guère l’intérêt d’un clergé qui occupe des emplois de travailleurs sociaux. Ils veulent être de vrais prêtres de Jésus-Christ!
Paix Liturgique – Vous semble-t-il que la messe traditionnelle pourrait aider à une nouvelle évangélisation?
Fr Hunwicke – À mesure que les personnes âgées disparaîtront, il ne restera plus que le catholicisme traditionnel. Du moins, c’est ce qui se passe en Angleterre et en France. La meilleure aide au catholicisme traditionnel est celle que saint François a appelé sa Sœur la Mort ! Par conséquent, je crois que la nouvelle évangélisation sera largement le fait du courant traditionnel.
Paix Liturgique – Y a-t-il un avenir pour les rites locaux comme ceux de Braga, Lyon, Milan et autres?
Fr Hunwicke – J’aimerais penser que oui, mais il faudrait que leur retour se fasse naturellement. C’est ainsi qu’il a été suggéré de restaurer l’ancien rite de l’Angleterre médiévale, le rite de Sarum. Nous verrons ce que cela donnera. Mais pour l’heure la priorité est à la restauration de la messe traditionnelle partout dans l’Église.
Paix Liturgique – Pourquoi votre blog s’appelle-t-il «enrichissement mutuel»? Quel est le but de votre travail sur Internet?
Fr Hunwicke – Mon blog a commencé par être un lieu où étaient publiées des « Notes liturgiques », à la différence du blog du Father Z, qui lui offre une sorte de service liturgique aux fidèles. Néanmoins, petit à petit, il est devenu naturel de soutenir et d’expliquer la restauration rendue possible par le pape Benoît XVI. Ensuite, lorsque la crise du pontificat actuel est devenue évidente, il a semblé naturel d’expliquer ce qui ne va pas dans l’Église et de soutenir les catholiques perplexes et en détresse à cause de ce que le cardinal Brandmüller a appelé à juste titre l’Apostasie qui se manifeste dans le pontificat actuel.
Paix Liturgique – Certains de vos textes ont suscité des controverses, n’avez vous pas eu de problèmes à cause de cela?
Fr Hunwicke – Heureusement, mon Ordinaire m’a toujours été favorable.
Paix Liturgique – Dans l’Église catholique, de nombreux membres du clergé professent des enseignements contraires à la doctrine de l’Église et renient une grande partie de ce que nos ancêtres considéraient comme sacré. Comment les laïcs peuvent-ils conserver et diffuser la foi, même s’ils semblent aller à l’encontre de leurs pasteurs?
Fr Hunwicke – Je suis impressionné par le nombre de jeunes couples qui fondent de belles familles catholiques. Et je me réjouis de voir des laïcs catholiques traditionnels instruits se lever pour défendre la foi. Lorsque les évêques ont peur de Bergoglio et que le clergé a peur de ses évêques, alors il incombe aux laïcs de s’éduquer eux-mêmes à la foi et d’organiser eux-mêmes l’offre de la liturgie traditionnelle. Les laïcs sont libres de l’intimidation dont le clergé est souvent victime ! Curieusement (du point de vue des bergogliens), les « mouvements traditionalistes » font partie des aires de l’Église les moins sclérosées. En fait, le cléricalisme, en tant que chose mauvaise et oppressante, se voit sous sa forme la plus cruelle dans les zones de l’Église où dominent les « apparatchiks » bergogliens ! Et donc, les laïcs doivent montrer le chemin, surtout quand le clergé a trop peur.
Paix Liturgique – Quel serait votre message pour les lecteurs de Paix Liturgique?
Fr Hunwicke – Je les exhorterais à résister sans crainte contre les œuvres de Satan. Certaines de ces influences sataniques se retrouvent dans la société laïque, qui s’est installée dans de nombreuses régions de la vieille Europe, notamment en ce qui concerne les matières sexuelles et sexistes. Mais tout cela a également pénétré dans l’Église, comme l’a compris Paul VI lorsqu’il a parlé de « la fumée de Satan entrée par quelque fissure dans le peuple de Dieu ». Je ne crois pas que Vatican II ait formellement enseigné l’erreur, mais il reposait et s’appuyait (comme l’a souligné le cardinal Ratzinger) sur un optimisme excessif et dangereux. On pensait que le monde serait ouvert à ce que l’Église avait à offrir si l’Église trouvait de nouveaux moyens d’exprimer la foi. Mais, malheureusement, c’était une erreur ; C’était une lecture inexacte des « signes des temps ». En réalité, le monde était sur le point de se débarrasser des éléments de la morale héritée de son passé chrétien : l’usage de la «pilule» en était le symbole. Et le monde n’abandonnait pas seulement l’éthique chrétienne : il se préparait à persécuter les chrétiens qui tentaient de préserver cette éthique. Une vision du monde laïciste, qui a commencé comme une proclamation de la liberté permettant aux gens de se défaire des impératifs chrétiens, est rapidement devenue une vision du monde persécutrice de toute personne n’adhérant pas à un point de vue laïque.

[Paix Liturgique] Messe traditionnelle: quand l'Espagne s'éveille "dans la joie"

SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°712 - 18 septembre 2019

Notre envoyé spécial Diégo de Caleruéga s’est rendu cet été à la rencontre annuelle de « Vayamos Jubilosos » (« Avançons-nous [vers l’autel] dans la jubilation ! » ) à Madrid. Il s’est entretenu pour nous avec Daniel Martinez, un père de famille nombreuse de 45 ans qui travaille dans le contrôle aérien et qui est le fondateur et l’animateur de cette manifestation.
Q – Diego de Caleruéga – Comment est née cette rencontre estivale « Vayamos Jubilosos » ?
R – Daniel Martinez – Il se trouve en Espagne de nombreuses familles attachées à la liturgie traditionnelle. Elles sont souvent isolées et désireuses d’approfondir leur connaissance de l’Usus antiquior. Or, il n’existait jusqu’alors en Espagne aucune organisation susceptible d’aider ces familles, comprenant des laïcs et des prêtres, à mieux connaitre la liturgie traditionnelle pour mieux l’aimer et mieux la servir. Voilà comment est née notre rencontre, qui n’a été possible, je tiens à le préciser, que grâce à des Pères de l'église du Sauveur de Tolède qui m’ont immédiatement aidé à mettre en place ce projet.
Q – Diego de Caleruéga – Pouvez-vous nous présenter votre rencontre ?
R – Daniel Martinez – Le but de notre rencontre est triple : d’abord proposer pendant quelques jours une formation basée sur la doctrine traditionnelle de l’Église, puis délivrer des connaissances pratiques comme celles de mieux connaitre le service de l’autel et enfin donner aux participants une occasion de se rencontrer dans un cadre à la fois studieux, spirituel et amical. En outre, les enfants peuvent profiter d’activités culturelles et religieuses spécifiquement adaptées à leurs âges.
Q – Diego de Caleruéga – Pensez-vous que ce soit à un laïc d’avoir l’initiative de ce type d’activité ? 
R – Daniel Martinez – C’est le besoin de ce type de rencontre qui nous a entrainés dans cette aventure car qui plus que des parents peut avoir conscience des besoins de ses enfants ? Et grâce à Dieu l'organisation de la rencontre « Vayamos Jubilosos » a été possible grâce aux prêtres de l'église du Sauveur de Tolède, qui nous ont apporté une aide fantastique, assurant ainsi le succès de cette initiative.
Q – Diego de Caleruéga – Depuis quand organisez-vous cette Rencontre ?
R – Daniel Martinez – C’est en 2018, à Madrid, que nous avons pour la première fois organisé notre rencontre « Vayamos Jubilosos ». Nous y avions déjà réuni près de 65 participants qui nous ont invités à renouveler celle-ci cette année.
Q – Diego de Caleruéga – Quel bilan tirez-vous de la seconde « édition » de votre rencontre » ?
R – Daniel Martinez – Les participants nous ont affirmé que les contenus des conférences et des ateliers leur ont été très bénéfiques. Du point de vue du nombre des participants cette rencontre fut un succès car si l’an dernier nous étions 65, cette année nous étions 96 personnes, dont 25 enfants, originaires de différentes régions d’Espagne et même d’autres pays de langue espagnole – ou presque ! Nous avions des participants venus du Texas, de Colombie et même de Pologne… Mais le plus grand nombre venaient naturellement d’Espagne. Dans le domaine liturgique, il est essentiel de mentionner les messes solennelles qui ont été célébrées chacun des quatre jours de la réunion. Bien sûr, la célébration de la messe solennelle dans le monastère de l'Incarnation où vécut Sainte Thérèse d'Avila fut un moment très fort d'une beauté indescriptible.
Q – Diego de Caleruéga – Avez-vous toujours connu la messe traditionnelle?
R – Daniel Martinez – Malheureusement, je n'ai pas toujours connu la messe traditionnelle. Je l'ai découverte comme beaucoup d'autres catholiques par hasard, en ligne, juste avant le motu proprio Summorum Pontificum.
Q – Diego de Caleruéga – Quel impact cette découverte a-t-elle eu sur votre vie ?
R – Daniel Martinez – Un impact absolu. Dans le cas de ma famille, le vieil adage Lex Orandi, Lex Credendi a été pleinement confirmé. Depuis que nous avons commencé à assister à la messe traditionnelle, pratiquement tous les aspects de notre vie ont changé en nous donnant une plus grande intimité avec Dieu et son Eglise.
Q – Diego de Caleruéga – Comment voyez-vous cet intérêt, surprenant pour beaucoup d’observateurs, pour la masse traditionnelle, en particulier chez les jeunes, partout dans le monde ?
R – Daniel Martinez – Je vois cet intérêt avec une grande joie. Évidemment c’est quelque chose de tout à fait inattendu pour la génération précédente, à l’exception sans doute de ceux qui se sont battus pour la conserver et à qui nous devons être éternellement reconnaissants car sans eux la « Messe de toujours » aurait pu disparaitre. Cependant, dans un sens cet enthousiasme est assez logique. Les jeunes, bombardés continuellement par l'immédiateté, le bruit et, en réalité, par le vide du monde profane mais aussi malheureusement du monde ecclésial, trouvent dans la messe traditionnelle ce qu'ils cherchent parfois sans même le savoir : profondeur, souvenir et beauté. Et une fois qu’ils ont fait cette rencontre, ils y restent fidèles.
Q – Diego de Caleruéga – Quelle est la situation de la messe traditionnelle en Espagne ?
R – Daniel Martinez – En Espagne, plus que dans d'autres pays, la messe traditionnelle a mis beaucoup de temps à renaitre, probablement à cause de la culture espagnole qui poussait à suivre aveuglement les clercs. Cependant, il est évident que ces dernières années, le nombre d'apostolats et de fidèles qui demandent la messe traditionnelle a augmenté de manière exponentielle et que cette croissance n’en est qu’à ses débuts.
Q – Diego de Caleruéga – Les évêques espagnols ont-ils été bienveillants face à des initiatives telles que « Vayamos Jubilosos » ?
R – Daniel Martinez – Dans le cas précis de « Vayamos Jubilosos », les évêques n'ont mis aucun obstacle. Il est sûr que l’accueil des demandeurs de messes n’est pas identique d’un diocèse à l’autre, certains évêques restant encore très hostiles.
Q – Diego de Caleruéga – Pensez-vous que la messe traditionnelle pourrait aider les diocèses et les fidèles de quelque manière que ce soit ?
R – Daniel Martinez – Bien sûr. La messe traditionnelle est une énorme source de grâce, de joie et de paix. Il suffit de regarder dans les pays voisins pour nous convaincre que les apostolats de la messe traditionnelle débordent de jeunes et de familles nombreuses.
Q – Diego de Caleruéga – Que peut faire un laïc pour promouvoir la messe traditionnelle afin que les autres puissent la connaître et l’aimer ?
R – Daniel Martinez – Les laïcs ont un rôle important à jouer dans la promotion de la messe traditionnelle surtout lorsqu’ils ont compris qu’elle était bonne et même indispensable pour leurs enfants. Ils ne peuvent pas attendre que d’autres fassent ou ne fassent pas alors que l’attente est immense. Pour agir de la sorte nous devons être formés et savoir donner des explications sur la sainte Messe. Il me semble également important d’être patient avec ceux qui l’approchent pour la première fois et de leur faire découvrir la richesse et la beauté de la messe traditionnelle avec prudence et pédagogie.
Q – Diego de Caleruéga – Avez-vous déjà assisté à la rencontre Summorum Pontificum à Rome ?
R – Daniel Martinez – J'ai assisté à la rencontre Summorum Pontificum à plusieurs reprises. C'est une excellente façon de commémorer le Motu Proprio de Benoît XVI. Les conférences du premier jour et les différentes fonctions liturgiques sont très enrichissantes. Et pouvoir assister à une messe traditionnelle dans la basilique Saint-Pierre est tout simplement impressionnant. C’est aussi une occasion unique de rencontrer des fidèles du monde entier. Enfin, je dirais que c’est un intense moment missionnaire pour les hésitants qui n’ont pas encore saisi l’infini richesse de la liturgie traditionnelle.
Q – Diego de Caleruéga – Quel message laisseriez-vous aux lecteurs de Paix Liturgique ?
R – Daniel Martinez – Un message d'espérance ! Il est clair qu’il existe de nombreux endroits où les fidèles n’ont pas accès à la « Messe de toujours ». Il existe d’autres endroits où les messes traditionnelles sont encore très sporadiques. Cependant, le nombre de fidèles qui demandent que la messe traditionnelle soit célébrée dans leurs paroisses augmente chaque année. Le nombre de diocèses où la messe traditionnelle est célébrée a considérablement augmenté et tout semble indiquer que cette tendance se poursuivra. Continuons donc à travailler pour l'expansion de la « Messe de toujours », Messe de l’avenir de l’Eglise, et demandons au Seigneur d'envoyer des ouvriers à sa moisson.

[Paix Liturgique] Le Mozambique en attente de Liturgie Traditionnelle

SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°711 - 10 septembre 2019

Le Pape François vient d’effectuer, du 4 au 6 septembre, un voyage au Mozambique, un pays de tradition lusophone – Le pays a fait partie de l’empire portugais pendant près de cinq siècles de 1598 à 1975 – où la foi catholique a été prêchée pour la première fois en 1500 par le franciscain Alvarez de Coimbra. Nous avons profité de cette occasion exceptionnelle pour demander à notre ami João Silveira de se rendre compte sur place de la situation du catholicisme dans ce pays et d’y observer l’émergence de groupes amoureux de la liturgie traditionnelle.

Et puis, nous prenons aussi occasion de cette lettre sur le Mozambique pour évoquer le souvenir d’un valeureux prélat de ce pays, du temps où il était colonie portugaise, Mgr Custódio Alvim Pereira, un homme très bon, très pieux, de grande fidélité. Il était né au Portugal en 1915. Envoyé comme prêtre au Mozambique, il était devenu archevêque de Lourenço Marques (aujourd’hui Maputo, capitale du Mozambique), en 1959. Il participa ensuite, avec de grandes souffrances morales, au concile Vatican II : il y a fait partie de la minorité conciliaire et a été de ces très rares évêques qui, non seulement n’ont pas voté le texte sur la liberté religieuse, mais ont même refusé de le signer.

En 1974 il fut rappelé à Rome à cause de la guérilla marxiste qui sévissait dans la province portugaise du Mozambique et devint chanoine de Saint-Pierre de Rome. Très traditionnel, il n’hésitait jamais à célébrer la messe selon le rite ancien quand on le lui demandait. Il mourut en 2006, un an avant la libéralisation de cette messe qu’il espérait de tous ces vœux.
Paix liturgique – João Silveira, comment a commencé votre voyage ?
João Silveira – Je suis arrivé à Maputo, la capitale du Mozambique, avec une certaine appréhension, car beaucoup de mes contacts m’avaient conseillé d’être prudent face à une violence qui aurait été inhérente au Mozambique. Mais cette insécurité, attribuée à des « musulmans radicaux », se concentre en réalité dans le nord du Mozambique, à environ 2.500 km de la capitale. En fait, j’ai trouvé la région de Maputo tout à fait sûre.
Paix liturgique – Pourtant, João, vous êtes Portugais. Du coup, n’avez-vous pas ressenti une animosité à cet égard ?
João Silveira – En effet, ce pays a fait partie de l’empire portugais pendant près de cinq siècles, jusqu’à il y a 44 ans où la séparation a été plutôt violente. Mais alors que je craignais d’y trouver une certaine réserve vis-à-vis de nous, j’ai été surpris d’y rencontrer une population qui a une grande affection pour le Portugal et les Portugais. D’ailleurs, les portugais sont encore assez nombreux dans le pays et constituent la plus grande communauté étrangère à Maputo.
Paix liturgique – Donc vous avez été bien accueilli au Mozambique ?
João Silveira – Le peuple mozambicain est très accueillant et je peux dire que j’ai été chaleureusement accueilli par les gens de la rue et les membres de la hiérarchie catholique que j’ai rencontrés ces jours-ci. Tout le monde était hospitalier et disposé à m’aider de toutes les manières.
Paix liturgique – Pouvez-vous nous présenter l’Eglise catholique au Mozambique ?
João Silveira – Le catholicisme est la religion d’environ un tiers des Mozambicains et l’Eglise est omniprésente. La présence portugaise a porté de grands fruits en catholicisant ce pays en profondeur. Elle compte 12 diocèses, qui animent de nombreuses œuvres. L’Eglise du Mozambique anime notamment 172 écoles maternelles et primaires, qui accueillent 50.022 élèves, 64 collèges et lycées, avec 57.086 étudiants et 14 écoles supérieures et universités, accueillant 19.024 étudiants, ce qui fait d’elle un acteur majeur du paysage éducatif du pays. En outre, l’Église possède ou administre 24 hôpitaux, 21 cliniques externes, 7 léproseries, 9 foyers pour personnes âgées et handicapées, 74 orphelinats dans un pays encore très marqué par les guerres… Donc une présence très active et reconnue par tous.
Paix liturgique – Le catholicisme du Mozambique a donc de gros atouts.
João Silveira – L’Église du Mozambique est très riche et en même temps très pauvre. Elle est très riche parce que la plupart de ses fidèles sont véritablement pieux et ont une foi vivante qui les conduit à chercher Dieu et à comprendre qu’ils ont vraiment besoin de lui, comme un enfant a besoin de son père. La joie accompagne une grande partie de leur expérience chrétienne. L’Eglise est aussi d’une grande richesse culturelle, en raison des différentes dévotions populaires qui se sont développées au cours des 500 dernières années, depuis que les Portugais ont évangélisé ces terres. En plus du portugais, qui est la langue officielle, il y a 33 dialectes, souvent utilisés dans les chants de la messe et les actes de dévotion populaire. L’Eglise du Mozambique a de nombreuses vocations sacerdotales, si on la compare à nos Eglises d’Europe. Le séminaire de théologie pour l’ensemble des diocèses de tout le pays est situé dans la capitale et compte environ 150 séminaristes. Cette année, 5 prêtres seront ordonnés pour le diocèse de Maputo.
Paix liturgique – Et qu’elles sont les difficultés ?
João Silveira – L’Eglise du Mozambique est très pauvre parce que le pays lui-même est l’un des plus pauvres du monde. Le manque de ressources est un défi constant pour l’Église du Mozambique et repose en grande partie sur la générosité de ses fidèles, qui sont pour la plupart loin d’être aisés. Il y a aussi beaucoup de sorcellerie au Mozambique et on y a recourt souvent pour demander des avantages ou se protéger du mauvais œil. Cela se produit aussi avec les fidèles catholiques. Même si la mode est aujourd’hui dans l’Eglise de parler des « richesses » des religions païennes, il s’agit bien là d’un défi majeur pour l’Église catholique au Mozambique : empêcher les gens de se tourner vers les charlatans ou les agents du mal pour chercher le bien, et simplement recourir aux sacrements et à la prière pour demander à Dieu de les guider dans leur chemin et de les libérer de tout le mal.
Paix liturgique – N’est-ce pas un terrain rêvé pour les sectes ?
João Silveira – En effet. Comme beaucoup de pays dans le monde, notamment en Afrique et en Amérique du Sud, l’Église locale a perdu de nombreux croyants au profit des sectes protestantes qui se multiplient sur ce territoire. Le discours de ces sectes, fondées par des individus qui s’enrichissent rapidement, est très accessible et attirant pour les gens. Le message est fort pour les gens très ouverts au surnaturel. Les « exorcismes » sont fréquents dans leurs cérémonies. Ainsi, ceux qui fréquentent ces communautés se sentent à l’abri des attaques de sorcellerie. J’ai parlé à certaines de ces personnes qui se plaignent du fait que dans l’Église, on ne parle pas d’expulsion des démons et qu’elles trouvent un refuge sûr dans les sectes.
Paix liturgique – Les mozambicains étaient-ils heureux de la visite du Pape ?
João Silveira – Les Mozambicains étaient très heureux de l’annonce de la visite du pape. C’est un pays qui se trouvait pour le coup véritablement « à la périphérie » ; et dont on ne se souvenait que lorsqu’une catastrophe naturelle s’y produisait, comme il y a quelques mois avec les destructions massives causées par les cyclones. Le successeur de Pierre ne s’était pas rendu sur cette terre depuis 31 ans, lorsque le Pape Jean-Paul II lui a rendu visite alors que la guerre civile faisait toujours rage et détruisait une grande partie du pays. Ce voyage a évidemment été marqué par des appels à la paix. Il en a été de même pour cette visite du Pape François, qui a lancé un appel pressant en faveur de la réconciliation des blessures laissées par la guerre civile, qui s’est terminée en 1992, et de la réanimation de la violence armée il y a environ cinq ans.
Paix liturgique – Comment cela fut-il vécu ?
João Silveira – Disons que ça a été une belle réaction catholique au premier degré, les questions théologiques qui secouent l’Eglise aujourd’hui n’affectant pas – pas encore, pas directement – ce petit peuple. Le peuple a salué le pape dans les rues avec un grand enthousiasme, chantant et même criant, au passage du souverain pontife. Les cérémonies publiques avec le pape ont attiré les foules et ont toujours été l’occasion de voir s’exprimer la joie qui caractérise ces fidèles, renforcées par le sentiment de recevoir l’honneur de la visite du Successeur de Pierre.

La messe célébrée par le pape au stade national de Zimpeto a été le « clou » de la visite. Le stade était archi-comble, avec plus de 60 000 personnes. Beaucoup ont été empêchées d’y entrer. Les fidèles sont arrivés quelques heures avant le début de la messe. Il a commencé à pleuvoir tôt le matin et durant toute la messe. La pluie n’a pas laissé de répit et il faisait froid pour la région. Mais la joie des fidèles était contagieuse. Ils ont chanté et dansé sur les bancs en attendant le Saint-Père. Personne n’a trainé les pieds malgré les mauvaises conditions météorologiques. C’était sans aucun doute un magnifique exemple de persévérance et d’enthousiasme face aux difficultés.
Paix liturgique – Mais tout cela a un coût.
João Silveira – Oui, un coût pour les fidèles. Pour pouvoir payer les frais de la visite du Pape, les entrées du stade coûtaient 100 meticals (environ 1,5 €). En Europe, ce n’est peut-être pas beaucoup, mais à Maputo, cela peut être dissuasif pour ceux qui gagnent un peu plus de 70 € par mois. En outre, la messe a eu lieu un vendredi et, même avec une certaine tolérance, beaucoup de personnes présentes n’ont pas réussi à obtenir leur congé ce jour-là. Cependant, les fidèles étaient présents en masse, lors de ce moment très particulier pour l’Église du Mozambique et pour le pays lui-même. Le Mozambique est un très grand pays d’environ 800.000 km². Les habitants des provinces éloignées ont donc dû déployer de gros efforts pour venir dans la capitale pour honorer la visite du pape. Tout cela était très méritoire.
Paix liturgique – N’étaient présents que des fidèles du Mozambique ?
João Silveira – Des représentants d’autres pays, notamment de pays proches de Maputo comme l’Afrique du Sud et le Swaziland, ont assisté à la visite. Un drapeau de l’Angola était également visible. Les étrangers présents étaient pour la plupart des personnes résidant au Mozambique. Parmi ceux-ci, la communauté brésilienne se distingue, avec de nombreux missionnaires pour les terres mozambicaines.
Paix liturgique – Parlez-nous des Mozambicains.
João Silveira – Comme je l’ai mentionné précédemment, le peuple mozambicain, et les Africains en général, sont très ouverts au surnaturel. Cela facilite leur évangélisation, mais les rend également plus vulnérables aux rituels de sorcellerie, de magie noire et aux cérémonies publiques d’exorcismes supposés, mettant en vedette des individus à la recherche de richesse et de pouvoir faciles. Le fait d’être un peuple pauvre les rend généralement dépendants de l’aide, en particulier de la part de la divinité, même si elle est fausse. La piété, qui découle de la relation de dépendance du fils sur son père, est très présente dans la vie des fidèles et se manifeste surtout dans la prière. Les fidèles n’ont aucun problème à exprimer, même en public, leurs demandes à Dieu. Les gestes se multiplient, sans aucun respect humain, notamment par le chant et la danse.
Paix liturgique – Et la piété africaine ?
João Silveira – La piété africaine est étroitement liée à ses matrices culturelles : c’est une bonne chose, mais elle a également besoin de discernement. Dans de nombreux pays africains, l’Église a déployé de grands efforts dans le processus d’inculturation, en particulier dans le domaine liturgique et catéchétique. Cependant, ce processus d’inculturation a conduit à des « exagérations », notamment dans le domaine liturgique. Comme les missionnaires de jadis en ont donné l’exemple, quoi qu’on dise, en adoptant des chants et musiques populaires, il ne faut pas mépriser la richesse de la dévotion autochtone, mais il ne faut pas non plus perdre de vue la simplicité et le caractère sacré du rite romain pour éviter des dérives.

D’ailleurs, contrairement aux beaux principes d’inculturation, les nouveautés conciliaires ont été introduites au Mozambique sans tenir compte de la culture locale au cours des dernières décennies. Citons l’exemple de la communion dans la main, qui est aujourd’hui pratiquée par presque tous les fidèles. Or, la piété naturelle africaine rend les fidèles grandement respectueux de l’Autorité, et encore plus du Saint Sacrement. Il est impensable que presque tous les fidèles aient spontanément pris l’initiative de prendre Notre-Seigneur entre leurs mains : c’est une mode occidentale importée.
Paix liturgique – La messe traditionnelle existe-t-elle au Mozambique ?
João Silveira – Hélas, la forme extraordinaire est, pour l’instant, pratiquement inconnue au Mozambique. Les anciens ont un souvenir des messes traditionnelles et certains expriment le désir d’assister à l’ancien rite. Certains jeunes, sans doute grâce à Internet, connaissent déjà vaguement cette forme extraordinaire, du moins savent-ils qu’elle existe, mais n’ont jamais eu aucun contact avec cette pratique.

Cependant, quelque chose de très différent des environnements européen et occidental réside dans le fait que je n’ai trouvé aucune haine ni aucun réserve au sujet de la messe traditionnelle.
Paix liturgique – Dites-nous en plus.
João Silveira – Même les prêtres liés à la formation dans les séminaires ont écouté attentivement mes propos à ce sujet et n’ont montré aucune opposition à la célébration sous une forme extraordinaire. J’ai aussi rencontré un groupe de jeunes frères franciscains qui ont un groupe d’étude sur le chant grégorien, par le fait ouvert au latin. Presque tous les prêtres à qui j’ai parlé étaient intéressés et souhaitaient apprendre à célébrer cette forme extraordinaire en me demandant comment commencer.
Paix liturgique – Quels sont les principaux obstacles ?
João Silveira – En dehors des villes, beaucoup ont du mal à comprendre le portugais, parlant presque exclusivement les dialectes locaux. Le latin peut donc être vu comme une barrière supplémentaire. Ou peut-être, à terme, comme cela fut si longtemps, un lien très fort. La piété et l’ouverture au sacré en font un terrain fertile pour les célébrations où le silence, le caractère sacré et le mystère sont les plus manifestement présents, comme dans le cas du rite romain antique.
Paix liturgique – Pour conclure ?
João Silveira – Au Mozambique et en Afrique en général, les fidèles ont encore du temps à donner à Dieu. L’Occident moderne n’a pas encore perverti les mentalités. Personne à la messe ne regarde l’heure en se disant qu’il y a quelque chose d’autre à faire. Le dimanche est toujours le jour du Seigneur, et cela se voit par la fermeture de la quasi-totalité des commerces ce jour-là. Les messes sont beaucoup plus longues qu’en Europe et personne ne semble s’ennuyer ou ne sort avant la fin de la cérémonie. Même les enfants en ont l’habitude et sont proches de leurs parents. La messe célébrée par le Pape n’a duré que 1h 45, car le Pape a dû prendre l’avion pour poursuivre son voyage, mais si cela avait duré cinq heures, les gens seraient restés là cinq heures, sous la pluie, et avec toute la joie possible. Ce « temps disponible pour Dieu » permet au culte de faire partie de la vie. En constatant tout cela, je suis convaincu que le Mozambique, comme tous les pays africains, réunit toutes les conditions pour qu’y émerge et s’y développe la forme extraordinaire.

[Paix Liturgique] La messe traditionnelle en Chine (suite)

SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°710  - 3 septembre 2019

Nous vous livrons cette semaine l’entretien que notre ami Massimo Battaglia a mené avec le Père Jean Song, un prêtre chinois qui termine actuellement ses études théologiques en Allemagne, dont le témoignage nous renseigne et nous éclaire à la fois sur la situation difficile des catholiques en Chine et sur les raisons profondes de l’attachement des fidèles chinois à la liturgie traditionnelle. Cette lettre complète les informations que nous avions révélées dans nos lettres 641 ( Entretien avec un curé de Shanghai) et 667 ( entretien avec le cardinal Zen )
Massimo Battaglia – Comment devient-on prêtre en Chine aujourd’hui ?
Père Jean Song – Je dirais qu’être un vrai prêtre, catholique et saint n’est jamais chose facile. Mais à mon avis, il n’y a pas de différence entre devenir prêtre pour un Chinois, pour un Italien ou un Français. Il est toutefois vrai que le fait de devenir prêtre en Chine présente des difficultés particulières, notamment en raison des persécutions religieuses qui sévissent dans notre pays. Toutefois je suis convaincu que les persécutions communistes sont moins graves pour nous catholiques que la confusion généralisée au sein même de l’Église catholique, tant du fait des reniements de l’authentique foi authentique, que de la profanation de la liturgie.
Massimo Battaglia – Y a-t-il de nouvelles conversions en Chine aujourd’hui ?
Père Jean Song – Oui, Deo gratias, il y a beaucoup de conversions au catholicisme en Chine aujourd’hui et bien que les néophytes ne soient généralement pas suffisamment bien préparés à leurs baptême, le Saint-Esprit travaille toujours dans son Église les protège et les guide dans leur cheminement vers l’unique vérité.
Massimo Battaglia – L’Église en Chine a-t-elle quelque ressemblance avec l’Église persécutées des trois premiers siècles ?
Père Jean Song – Je pense que oui, il y a une certaine ressemblance avec l’Église des trois premiers siècles au sein de l’Empire romain. Mais si au temps de Mao tsé tong, l’Église était en butte à une persécution violente proche de celle qu’avaient connues les premiers chrétiens, aujourd’hui nous sommes davantage confrontés à une persécution insidieuse qui a pour but de transformer l’Église en une Église qui ne serait plus la véritable Église du Christ. C’est beaucoup plus dangereux pour les fidèles, qui sont désorientés et peuvent parfois quitter la vraie foi sans même s’en rendre compte.
Massimo Battaglia – Comment avez-vous connu la messe traditionnelle ?
Père Jean Song – Je suis né dans une famille catholique qui a conservé la foi depuis plus de 150 ans. Comme vous le savez, l’Église en Chine a été isolée du reste du monde, et donc de Rome, pendant près de trente ans de 1949 à 1978. Ainsi, jusque dans les années 90, les prêtres qui venaient d’être libérés de prison continuaient à célébrer la messe selon le rite ancien, car ils ne connaissaient à ce moment ni le concile ni la réforme liturgique. Mais après 1990, ils se sont placés dans le courant des reformes conciliaires et ont suivi les mêmes évolutions que dans les autres régions du monde. Comme je suis né en 1986, je n’ai donc pas eu personnellement l’expérience de l’ancien rite, qui avait cessé d’être célébrée à partir des années 90. Mais, quand j’étais enfant, mes grands-parents m’ont toujours parlé de la beauté et la profondeur théologique de l’ancien rite. Je me souviens que pendant quelques années, mon grand-père avait céssé d’assister à la messe, car il disait que la messe moderne n’était plus un sacrifice mais qu’elle semblait n’être qu’un simple souvenir de la dernière Cène du Seigneur. Il croyait cela sans jamais avoir étudié la théologie ni la liturgie, mais sa foi était si forte qu’il distinguait très bien les différences existant entre la nouvelle liturgie et l’ancien rite qui avait nourri sa foi depuis son enfance.
Massimo Battaglia – Les valeurs de la culture orientale accordent beaucoup d’importance aux rituels, au sacré et au respect.
Père Jean Song – Vous avez raison que la culture et les traditions chinoises, fondées sur la doctrine confucéenne donnait une grande place aux rituels et au respect des anciens mais depuis la révolution culturelle qui a chamboulé la chine entre 1966 et 1976, les valeurs traditionnelles du monde chinois ont été presque totalement éliminées. Peut-être cette affirmation est-elle exagérée, mais d’un point de vue culturel, les Chinois modernes sont des barbares incultes…
Massimo Battaglia – Existe-t-il une « résistance » à la réforme liturgique de 1970 chez les catholiques chinois ?
Père Jean Song – Je ne sais pas si il existe une « résistance » aux innovations liturgiques en Chine, car la plupart des chinois ne se rendent pas compte des changements mais quand je retourne en Chine, les personnes âgées me demandent toujours de célébrer la messe traditionnelle car ils en ressentent un vrai besoin spirituel par rapport à ce qu’il trouvent aujourd’hui lors des célébrations par rapport à ce qu’ils avaient pu connaitre autrefois mais beaucoup de jeunes qui vivent dans un monde vide ressentent aussi ce besoin même si ils n’ont pas connu la liturgie comme elle était célébrée dans les temps anciens…
Massimo Battaglia – La demande de célébration de la messe traditionnelle est donc bien réelle en Chine ?
Père Jean Song – Oui et pas seulement chez les personnes âgées mais aussi chez beaucoup de jeunes qui me demandent de la célébrer. Ce souhait représente sans doute en partie la nostalgie d’un passé révolu en Chine, mais il est surtout l’affirmation d’un désir de prier en parfaite harmonie avec sa foi catholique.
Massimo Battaglia – Comment avez-vous appris à célébrer la messe traditionnelle ?
Père Jean Song – J’ai toujours éprouvé de l’intérêt pour l’apprendre, notamment à cause de l’amour que mon grand-père avait pour la messe traditionnelle. Ce sont les nombreuses demandes de célébration de cette messe qui m’ont convaincu de la célébrer. C’est ainsi que j’ai suivi une formation avec un prêtre ami.
Massimo Battaglia – Pensez-vous que la messe traditionnelle soit toujours importante pour les temps à venir ?
Père Jean Song – Je suis convaincu qu’elle a un rôle important à tenir. Pas seulement à cause de la beauté extérieure, mais surtout en raison de l’adage lex orandi, lex credendi : la messe traditionnelle révèle la saine doctrine de l’Église catholique, et est une façon très forte de combattre l’hérésie du néo-luthéranisme et du néo-modernisme qui nous assaillent. D’autre part, de la part des fidèles, il s’agit d’une demande juste et adéquate pour leur sanctification et la sanctification du monde. Comme pasteurs, nous avons le devoir de contribuer à la diffusion de la grâce par les sacrements.
Massimo Battaglia – Pourquoi pensez-vous que cette messe attire tant de jeunes, dont beaucoup avait abandonné la pratique religieuse ?
Père Jean Song – Je n’ai eu d’expérience pastorale des jeunes dans mon pays, et je ne peux pas dire pourquoi la messe traditionnelle les attire autant. Mais je sais qu’en Chine, il y a beaucoup de jeunes qui ont le désir de vivre leur foi sérieusement, malgré l’ignorance et la laïcisation. A cause des manquements et erreurs des pasteurs, les jeunes perdent leur identité catholique. Alors certains réalisent qu’il faut revenir à la tradition de l’Église et à la spiritualité catholique.

[Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs - + F. Louis-Marie, o.s.b., abbé] Nous bâtissons!

SOURCE - Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs - + F. Louis-Marie, o.s.b., abbé - 3 septembre 2019

Depuis plusieurs années, le Père Abbé et son conseil réfléchissaient à des agrandissements de l’abbaye. Il était évident que nous aurions besoin dans un délai assez court d’une infirmerie digne de ce nom et d’une extension de la bibliothèque. Notre infirmerie actuelle n’est pas du tout adaptée, et du côté de la bibliothèque, les rayonnages de livres et les cartons envahissent depuis plusieurs années tous les recoins du sous-sol. Récemment, en raison des changements des règles d’urbanisme, nous avons appris que nous devions urger, sans quoi nous ne pourrions plus rien construire. Nous avons donc proposé aux Frères de la communauté de mettre dans une boîte à idées tout ce qu’il leur semblait raisonnable de prévoir. À la suite de quoi, le Père Abbé a institué un « conseil pour les extensions », afin de discerner et de commencer à élaborer un plan, moyennant l’aide de deux architectes conseils. Nous avons travaillé en consultant les Frères responsables pour chaque domaine précis. Des Frères sont allés visiter des abbayes anciennes pour profiter de leur longue expérience : En-Calcat, Fontgombault… Un Père de Mondaye nous a conseillé pour le magasin, le Père Thierry-Marie Delarue nous a préconisé un certain nombre de choses pour l’infirmerie. Un projet a alors pu être présenté à la communauté. 
      
Nous avons ainsi obéi à saint Benoît qui exige que le Père Abbé prenne conseil avant de décider quoi que ce soit. 
      
À ce sujet, saint Benoît a établi deux sortes de conseils : le conseil de la communauté pour les choses importantes et le conseil de quelques anciens choisis, pour les choses de moindre importance. Ces conseils sont d’une valeur inestimable pour le bon fonctionnement d’une abbaye, et plus encore dans les choix à faire pour nos extensions. Le Père Abbé ne peut pas tout savoir, et la Règle ne dit pas tout. L’exercice de l’autorité ne consiste pas seulement à donner des ordres, mais d’abord à voir, à regarder, presque à contempler le réel pour le comprendre, et à ainsi faire des choix circonstanciés. Il est vrai qu’il aurait été impossible de réaliser le plan à 55 Frères, sauf si nous avions eu un demi-siècle devant nous, et si tous avaient eu les vertus de patience et de science, ce qui ne se trouve dans aucune communauté quelle qu’elle soit. Toutefois, compte tenu de l’importance du chantier, de l’impact des travaux sur la vie de la communauté et sur son esprit, il était nécessaire que tous fussent impliqués. 
     
Ainsi, un projet très abouti a été soumis au chapitre conventuel, sur lequel chacun a pu s’exprimer et proposer quelques modifications. Le Père Abbé, avec le conseil et les architectes, a donc dû revoir sa copie, et demander une nouvelle réunion capitulaire, au cours de laquelle un projet revu et corrigé a été accepté par vote. C’est ainsi que nous avons déposé une demande de permis de construire avec les architectes Alexis Ballansat et Olivier Ortega. Le permis a été délivré à la fin de l’année dernière. L’entreprise générale Eiffage Construction, par son agence d’Avignon, a été pressentie et choisie après une consciencieuse prise de renseignements, puis la visite d’un chantier réalisé à Marseille. C’est ainsi que les travaux de terrassements ont commencé début juillet. Dans quelques semaines, les maçons s’attaqueront aux fondations, et dans 18 mois seulement, nous prévoyons la réception du chantier. Nous aurons alors une infirmerie avec des cellules médicalisées permettant de garder parmi nous les Frères anciens, une bibliothèque avec la capacité nécessaire, une salle de communauté adaptée au nombre de moines présents aujourd’hui, des parloirs supplémentaires pour accueillir les familles, et surtout les hôtes, une grande salle de conférence, et enfin, un bâtiment de vente par correspondance lié au magasin, et comprenant suffisamment d’espace de stockage pour toutes nos productions. La Sainte Providence nous a bien aidés pour pouvoir lancer ce projet avec prudence. Nous aurons sans doute besoin d’un peu d’aide, mais nous essayerons de rester discrets.
      
+ F. Louis-Marie, o.s.b., abbé

24 septembre 2019

[RTS.ch - Fabien Hünenberger] Les intégristes catholiques fêteront leurs 50 ans à Fribourg

SOURCE - RTS.ch - Fabien Hünenberger - 23 septembre 2019

La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, créée en 1969 à Fribourg par Mgr Marcel Lefebvre, a obtenu le droit de célébrer ses 50 ans dans une église diocésaine. L'autorisation est justifiée en invoquant un "acte œcuménique".

Samedi 5 octobre, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X commémorera son demi-siècle d'existence à Fribourg. Les célébrations auront lieu en l'église paroissiale Saint-Maurice et à la chapelle de Bourguillon. Mgr Morerod, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, a fait dérogation "à titre exceptionnel" à une norme qui interdit qu'une église de son diocèse soit mise à disposition d'une communauté intégriste.

Fondée à Fribourg, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X s'était donné pour mission de perpétuer la tradition de l'Eglise en opposition à un certain nombre d'évolutions entérinées par le Concile Vatican II (1962-1965). Son fondateur, l'évêque français Marcel Lefebvre, contestait notamment l'abandon de l'ancienne liturgie en latin et la reconnaissance de la liberté de conscience en matière de religion. La formation de prêtres a commencé en 1969 avant que les intégristes n'installent leur séminaire à Ecône (VS) en 1971.
Tensions
Les tensions entre le Vatican et la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X ont atteint leur paroxysme en 1988, lorsque Mgr Lefebvre a ordonné quatre évêques sans en référer à Rome. Il en a résulté un schisme qui perdure encore aujourd'hui, même si certaines communautés de sensibilité intégriste ont choisi de retourner dans le giron catholique.

On évalue à 600 le nombre de prêtres intégristes dans le monde. En Suisse romande, la Fraternité Saint-Pie X possède des écoles privées à Villars-Tiercelin (VD), Riddes (VS), Onex (GE) et souhaite en ouvrir une nouvelle – pour une cinquantaine d'élèves – à Essertes (VD), selon une enquête du journal Le Temps.
"Acte oecuménique"
Après une tentative infructueuse de rapprochement tentée par le pape Benoît XVI, les relations semblent s'être distendues sous le pontificat du pape François. En janvier 2019, celui-ci a dissous la commission instaurée par Jean-Paul II pour dialoguer avec les intégristes.

Rome semble considérer aujourd'hui que la tectonique des plaques l'a définitivement éloigné d'Ecône et que les divergences doctrinales sont irréconciliables. Un nouveau paradigme qui transparaît d'ailleurs dans les éléments de langage utilisés par Mgr Morerod pour justifier sa dérogation: "Un acte œcuménique." Une terminologie que l'on réserve, au sein de l'Eglise catholique, aux relations avec des Eglises que l'on ne considère pas comme catholiques romaines.

Fabien Hünenberger

21 septembre 2019

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] La famille battue en brêche

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 21 septembre 2019

Le Chapelet en famille, ce recours principal,

Est le grand bouclier nous protégeant du mal.

Comme Dieu ne trouve presque personne dans le monde qui ne lui batte froid, Il se retire tout doucement ; du moins, pour le moment car Il va revenir avec force, c’est certain ! Mais en attendant, disparaît avec Lui la protection divine répandue sur le terreau destiné à la famille. Le plus grave de tout, c’est l’abandon de la famille par les hommes d’ Église qui la livrent sans protection aux attaques démoniaques venant de toutes parts. La meurtrissure est d’autant plus douloureuse lorsque l’attaque vient du cœur de la famille elle-même, de la part de certains de ses membres bien-aimés. C’est l’histoire dont nous parlons ci-après. Le cas, hélas, est loin d’être rare aujourd’hui. Un père de famille nous écrit :
J’ai eu avec ma femme dix enfants, dont trois sont maintenant adultes. Nous avons connu des moments difficiles et quelques tragédies, mais maintenant, elle m’a déclaré la guerre. Il y a environ 18 mois, bénéficiant du soutien total de son prêtre Novus Ordo et de quelques amis puissants, elle a entrepris des démarches judiciaires pour me faire partir de la maison et m’ éloigner de mes enfants. C’était incroyable et terriblement douloureux. Que cette persécution ait été essentiellement religieuse, cela s’est confirmé lorsqu’elle m’a offert de rester à la maison, mais séparé de corps, vivant au sous-sol, à la condition expresse que je signe un accord m’engageant juridiquement, selon lequel je renonçais à tout droit sur l’éducation religieuse et sur la formation de mes enfants. L’accord stipulait que nous ne devions plus aller dans une chapelle Traditionnelle et/ou communiquer avec toute personne soi-disant Traditionnaliste. Bien sûr, je ne pouvais pas signer un tel papier, mais son groupe a continué de nous harceler, mes enfants et moi, avec des arguties légales, et j’ai tout perdu : femme, maison, enfants, argent, voiture, assurance maladie, et presque entièrement mon entreprise. Comme mes enfants restaient forts dans la foi et qu’ ils ne cédaient pas aux comportements bizarres et aberrants de leur mère et qu’ ils préféraient rester avec moi, elle a engagé une équipe de « thérapeutes » pour leur « laver » le cerveau afin de les faire redevenir « normaux ». Elle les a fait entrer dans des écoles Novus Ordo et les a forcés à assister avec elle à la Messe Novus Ordo.
Voilà plus d’un an maintenant que je n’ai pas vu mes sept derniers enfants. Le plus jeune a presque 3 ans. Quant au six autres, ils s’échelonnent à des intervalles variant entre 18 et 24 mois ; le plus grand à 16 ans. Je n’ai aucun moyen de savoir ce qui se passe avec eux, s’ils gardent ou non la foi, parce qu’ils n’ont le droit ni de voir ni d’entendre personne d’autre que des libéraux du milieu Novus Ordo. Mes trois enfants plus âgés, adultes maintenant, ont pu communiquer avec moi. Nous sommes restés aussi proches que possible. L’aîné, qui était entré au séminaire et avait terminé sa philosophie, en est ressorti, peut-être à cause du choc causé par l’éclatement de la famille. Mais lui au moins garde une foi intacte, assiste à la Messe presque tous les jours et travaille bien dans le monde. Malheureusement, le second a avalé le poison lui faisant croire que l’université est seule à pouvoir assurer les moyens de gagner sa vie. Le troisième est en train de peser le pour et le contre pour savoir s’il doit aller à l’université. Mais il n’a pas perdu de vue la volonté de Dieu. 
Dans cette rupture, mes propres défauts et mes fautes ont certainement pesé de tout leur poids. Dieu a un plan, je le vois. Il y a plusieurs années de cela, un prêtre Traditionnel m’a dit que nous avions une famille tellement catholique que le diable nous détestait certainement. A l’évidence, cette attaque furieuse de Satan n’a d’autre but que de détruire la foi de mes enfants et de me conduire au désespoir. Mais ma foi est encore forte et j’espère qu’à travers cette épreuve certains, beaucoup même, voire tous, nous ferons notre salut. Néanmoins, je ressens dans mon cœur plus de douleur que de joie. Alors que nous étions un bon exemple pour d’autres familles, nous sommes maintenant un objet de pitié et de dérision . . . . On me reproche mon « fanatisme » ; je passe pour un malade mental, un psychorigide, etc. Si je n’avais pas connu beaucoup d’âmes engagées dans la vraie foi, expliquant et dénonçant les maux actuels de l’Église et du monde, j’aurais été d’accord avec ma femme et avec son entourage ; j’aurais suivi un mode de vie facile, confortable, en accord avec la société. Néanmoins, je reste bien faible, et parfois je me demande si la Tradition ne relève pas de la bêtise : Comment un si petit reste de catholiques peut-il avoir raison ? Pourtant, il n’y avait que 12 Apôtres au tout début, et encore, l’un d’eux était un traître.
Une telle réaction de la part d’une mère de dix enfants n’est pas normale. Mais qu’est-ce qui est normal aujourd’hui ? Et comment un père peut-il défendre sa famille dans une crise de ce genre ? Mieux vaut prévenir que guérir, dit le proverbe. Quelle que soit la personne que le démon cherche à circonvenir dans une famille, le chapelet quotidien constitue la première ligne de défense. Au-delà, “ ce qui ne peut être guéri, doit être enduré », comme en témoigne ce père de famille catholique. Sachons placer toute notre confiance en Dieu.

Kyrie eleison.

20 septembre 2019

[AFP] "Entre deux prières, la quiétude du monastère de Sainte-Marie-de-la-Garde..."

SOURCE - AFP - 19 septembre 2019

18 septembre 2019

[Meneau - Le Forum Catholique] Doctrine commune sur les canonisations

SOURCE - Le Forum Catholique - 17 septembre 2019


Depuis Benoît XIV, [l’infaillibilité des canonisations] est une doctrine commune des théologiens. Je ne connais pas de noms illustres qui aient un avis contraire. La majorité des théologiens opposés à l'infaillibilité des canonisations se trouve avant Benoît XIV.

Il faut donc souligner deux choses :

- Benoît XIV qui a réformé l'examen de la cause des saints. Auparavant l'avis des théologiens n'était pas forcément aussi unanime. Or les conditions d'un procès en canonisation instaurées par Benoît XIV sont justement celles qui ne sont plus remplies avec les canonisations récentes.


- en tout état de cause, l'infaillibilité des canonisations n'est pas un dogme de Foi. Le magistère n'a jamais statué en ce sens, et donc la question reste disputée.


[Abbé Davide Pagliarani - FSSPX] Une Eglise qui marche sur la tête

SOURCE - Abbé Davide Pagliarani - FSSPX - 12 septembre 2019

Entretien avec l’abbé Davide Pagliarani, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X
Monsieur le Supérieur général, des événements importants sont attendus d’ici la fin de l’année, tels que le synode pour l’Amazonie et la réforme de la Curie romaine. Ils auront une répercussion historique sur la vie de l’Eglise. Selon vous quelle place tiennent-ils dans le pontificat du pape François?
L’impression que beaucoup de catholiques éprouvent actuellement est celle d’une Eglise au bord d’une nouvelle catastrophe. Si nous faisons un retour en arrière, le concile Vatican II lui-même n’a été possible que parce qu’il était le résultat d’une décadence qui affectait l’Eglise dans les années ayant précédé son ouverture : un barrage a cédé sous la pression d’une force qui était à l’œuvre depuis un certain temps. C’est cela qui permet le succès des grandes révolutions, car les législateurs ne font qu’approuver et sanctionner une situation qui est déjà un état de fait, au moins en partie.

Ainsi, la réforme liturgique n’a été que l’aboutissement d’un développement expérimental qui remontait à l’entre-deux guerres et qui avait déjà largement pénétré une partie du clergé. Plus près de nous, sous ce pontificat, Amoris lætitia a été la ratification d’une pratique malheureusement déjà présente dans l’Eglise, notamment en ce qui concerne la possibilité de communier pour les personnes qui vivent en état de péché public. Aujourd’hui la situation semble être mûre pour d’autres réformes excessivement graves.
Pouvez-vous préciser votre jugement sur l’exhortation apostolique Amoris lætitia trois ans après sa publication ?
Amoris lætitia représente, dans l’histoire de l’Eglise de ces dernières années, ce que Hiroshima ou Nagasaki est à l’histoire moderne du Japon : humainement parlant, les dégâts sont irréparables. C’est à n’en pas douter l’acte le plus révolutionnaire du pape François et en même temps celui qui a été le plus contesté, même en dehors de la Tradition, car il touche directement la morale conjugale, ce qui a permis à beaucoup de clercs et de fidèles de déceler la présence d’erreurs graves. Ce document catastrophique a été présenté à tort comme l’œuvre d’une personnalité excentrique et provocatrice dans ses propos, – ce que certains veulent voir dans le pape actuel. Ce n’est pas exact, et il est inadéquat de simplifier ainsi la question.


Vous semblez insinuer que cette conséquence était inéluctable. Pourquoi êtes-vous réticent à définir le pape actuel comme une personne originale ?

En réalité, Amoris laetitia est l’un des résultats qui, tôt ou tard, devait se produire à la suite des prémisses posées par le Concile. Déjà le cardinal Walter Kasper avait avoué et souligné qu’à une nouvelle ecclésiologie, celle du Concile, correspond une nouvelle conception de la famille chrétienne.["les partenaires prennent soin l’un de l’autre, ils sont exclusivement liés l’un à l’autre, il y a une intention de permanence. Nous devons respecter de telles situations, comme nous le faisons avec les protestants"]

En effet, le Concile est d’abord ecclésiologique, c’est-à-dire qu’il propose dans ses documents une nouvelle conception de l’Eglise. L’Eglise fondée par Notre-Seigneur ne correspondrait plus à l’Eglise catholique, tout simplement. Elle est plus large : elle englobe les autres confessions chrétiennes. Du coup, les communautés orthodoxes ou protestantes auraient l’« ecclésialité » en vertu du baptême. En d’autres termes, la grande nouveauté ecclésiologique du Concile est la possibilité d’appartenir à l’Eglise fondée par Notre-Seigneur selon des modalités et des degrés différents. D’où la notion moderne de communion pleine ou partielle, « à géométrie variable », pourrait-on dire. L’Eglise est devenue structurellement ouverte et flexible. La nouvelle modalité d’appartenance à l’Eglise, extrêmement élastique et variable, selon laquelle tous les chrétiens sont unis dans la même Eglise du Christ, est à l’origine du chaos œcuménique.

Ne pensons pas que ces nouveautés théologiques soient abstraites, elles ont des répercussions sur la vie concrète des fidèles. Toutes les erreurs dogmatiques qui touchent l’Eglise ont tôt ou tard des effets sur la famille chrétienne, car l’union des époux chrétiens est l’image de l’union entre le Christ et son Eglise. A une Eglise œcuménique, flexible et panchrétienne, correspond une notion de la famille où les engagements du mariage n’ont plus la même valeur, où les liens entre époux, entre un homme et une femme, ne sont plus perçus ni définis de la même manière : ils deviennent flexibles eux aussi.

Un pape cohérent avec les principes de Vatican II

Pourriez-vous préciser davantage ?
Concrètement, de même que l’Eglise du Christ « panchrétienne » aurait des éléments bons et positifs en dehors de l’unité catholique, de même il y aurait pour les fidèles des éléments bons et positifs aussi en dehors du mariage sacramentel, dans un mariage civil, et également dans une union quelconque. De même qu’il n’y a plus de distinction entre une « vraie » Eglise et des « fausses » églises - car les églises non catholiques sont bonnes quoique imparfaites – toutes les unions deviennent bonnes, car il y a toujours quelque chose de bon en elles, ne serait-ce que l’amour.

Cela veut dire que dans un « bon » mariage civil – notamment lorsqu’il est conclu entre personnes croyantes – on peut trouver certains éléments du mariage chrétien sacramentel. Non pas que les deux doivent être mis sur un pied d’égalité ; cependant l’union civile n’est pas mauvaise en soi, mais simplement moins bonne ! Jusqu’ici on parlait d’actions bonnes ou mauvaises, de vie dans la grâce ou dans le péché mortel. Maintenant il ne reste plus que des actions bonnes ou moins bonnes. Des formes de vie épousant totalement l’idéal chrétien et d’autres qui ne lui correspondent que partiellement… Pour résumer, à une Eglise œcuménique, correspond une famille œcuménique, c’est-à-dire recomposée ou « recomposable », selon les nécessités et les sensibilités.

Avant le concile Vatican II, l’Eglise enseignait que les confessions chrétiennes non-catholiques étaient hors du giron de la véritable Eglise, et ne faisaient donc pas partie de l’Eglise de Jésus-Christ. La doctrine de la Constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen gentium (n. 8), ouvre une voie pour les reconnaître comme des réalisations partielles de l’Eglise du Christ. Les conséquences de ces erreurs sont incalculables et encore en plein développement.

Amoris lætitia est le résultat inévitable de la nouvelle ecclésiologie enseignée par Lumen gentium, et aussi de la folle ouverture au monde prônée par la Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et spes [Cette constitution est imbue de la primauté de la conscience, prône le personnalisme et insinue l’inversion des fins du mariage]. Et de fait, avec Amoris lætitia, le mariage chrétien ressemble de plus en plus au mariage tel que la modernité le conçoit et le profane.

Ainsi l’enseignement objectivement déroutant du pape François n’est pas une excroissance étrange, mais bien la conséquence logique des principes posés au Concile. Il en tire des conclusions ultimes… pour le moment.
Cette doctrine nouvelle sur l’Eglise s’est-elle manifestée par un concept théologique particulier?
Après le Concile, la notion de Peuple de Dieu a remplacé celle du Corps mystique du Christ. Elle est omniprésente dans le nouveau Code de droit canon publié en 1983. Mais un infléchissement s’est opéré en 1985. Il est apparu que le terme « Peuple de Dieu » devenait encombrant, parce qu’il autorisait des dérives vers la théologie de la libération et le marxisme. Il a été remplacé par une autre notion, également tirée du Concile : l’ecclésiologie de communion, qui permet une appartenance à l’Eglise extrêmement élastique ; avec elle tous les chrétiens sont unis dans la même Eglise du Christ, mais plus ou moins, ce qui fait que le dialogue œcuménique est devenu babélique, comme à la rencontre d’Assise en 1986. A l’image du polyèdre qu’affectionne le pape François : « une figure géométrique qui a de nombreuses facettes différentes. Le polyèdre reflète la confluence de toutes les diversités qui, dans celui-ci, conservent leur originalité. Rien ne se dissout, rien ne se détruit, rien ne domine rien. » [Discours aux participants à la Rencontre mondiale des mouvements populaires, 28 octobre 2014]
Voyez-vous cette même racine ecclésiologique à l’origine des réformes annoncées dans l’Instrumentum laboris du prochain synode sur l’Amazonie, ou dans le projet de réforme de la Curie romaine ?
Tout se ramène, directement ou indirectement, à une fausse notion de l’Eglise. Encore une fois, le pape François ne fait que tirer les ultimes conclusions des prémisses posées au Concile. Concrètement, ses réformes présupposent toujours une Eglise à l’écoute, une Eglise synodale, une Eglise attentive à la culture des peuples, à leurs attentes et exigences, surtout aux conditions humaines et naturelles, propres à notre temps et toujours changeantes. La foi, la liturgie, le gouvernement de l’Eglise, doivent s’adapter à tout cela, et en être le résultat.

L’Eglise synodale toujours à l’écoute, constitue la dernière évolution de l’Eglise collégiale, prônée par Vatican II. Pour donner un exemple concret, selon l’Instrumentum laboris, l’Eglise doit être à même d’assumer et faire siennes des éléments tels que les traditions locales sur le culte des esprits et les médecines traditionnelles amazoniennes, qui font appel à de soi-disant « exorcismes ». Ces traditions indigènes étant enracinées dans un sol qui a une histoire, il en découle que ce « territoire est un lieu théologique, il est une source particulière de la révélation de Dieu ». C’est pourquoi il faut reconnaître la richesse de ces cultures autochtones, car « l’ouverture non sincère à l’autre, de même qu’une attitude corporatiste, qui ne réserve le salut qu’à sa propre foi, détruisent cette même foi ». On a l’impression qu’au lieu de lutter contre le paganisme, la hiérarchie actuelle veut en assumer et incorporer les valeurs. Et les artisans du prochain synode se réfèrent à ces « signes des temps », chers à Jean XXIII, qu’il faut scruter comme des signes du Saint-Esprit.

L'Eglise du Christ n'est pas un forum ni une plateforme

Et plus spécifiquement, quant à la Curie ?
De son côté, le projet de réforme de la Curie prône une Eglise qui ressemble beaucoup plus à une entreprise humaine qu’à une société divine, hiérarchique, dépositaire de la Révélation surnaturelle, disposant du charisme infaillible de garder et d’enseigner à l’humanité la Vérité éternelle jusqu’à la fin des temps. Il s’agit, comme le dit expressément le texte du projet, d’opérer « la mise à jour (aggiornamento) de la Curie », « sur la base de l’ecclésiologie de Vatican II ». Dès lors on n’est guère surpris de lire sous la plume des cardinaux chargés de cette réforme : « La Curie agit comme une sorte de plateforme et un forum de communication par rapport aux Eglises particulières et aux Conférences des évêques qui ont besoin de telles expériences. La Curie recueille les expériences de l’Eglise universelle et, à partir de ces dernières, elle encourage les Eglises particulières et les Conférences des évêques… Cette vie de communion donnée à l’Eglise a le visage de la synodalité… Peuple des fidèles, Collège épiscopal, Evêque de Rome sont à l’écoute les uns des autres, et ils sont tous à l’écoute du Saint-Esprit… Cette réforme est établie dans l’esprit d’une “saine décentralisation”… L’Eglise synodale consiste à ce que “le Peuple de Dieu chemine ensemble”… Ce service de la Curie à la mission des évêques et à la communio ne se fonde pas sur une attitude de vigilance ou de contrôle, ni même de prise de décisions en tant qu’autorité supérieure… » ["Une ecclésiologie revisitée", L’Homme Nouveau, 23 mai 2019]

Plateforme, forum, synodalité, décentralisation…, tout cela ne fait que confirmer la racine ecclésiologique de toutes les erreurs modernes. Dans ce magma informe, il n’y a plus d’autorité supérieure. C’est la dissolution de l’Eglise telle que Notre Seigneur l’a établie. En fondant son Eglise, le Christ n’a pas ouvert un forum de communication, ni une plateforme d’échanges ; il a confié à Pierre et à ses Apôtres la charge de paître son troupeau, d’être des colonnes de vérité et de sainteté pour conduire les âmes au Ciel.
Comment caractériser cette erreur ecclésiologique par rapport à la constitution divine de l’Eglise fondée par Jésus-Christ ?
La question est vaste, mais Mgr Lefebvre nous fournit un élément de réponse. Il disait que la structure de la nouvelle messe correspondait à une Eglise démocratique, et non plus hiérarchique et monarchique. L’Eglise synodale telle que la rêve François est vraiment de type démocratique. Il a lui-même donné l’image qu’il en avait : celle d’une pyramide renversée. Pouvait-on plus clairement manifester ce qu’il entend par la synodalité ? C’est une Eglise qui marche sur la tête. Mais insistons, il ne fait que développer les germes déjà présents dans le Concile.
Ne pensez-vous pas forcer votre lecture de la réalité actuelle, en voulant tout ramener aux principes du concile Vatican II, tenu il y a plus de cinquante ans ?
C’est l’un des plus étroits collaborateurs de François qui nous donne la réponse. Il s’agit du cardinal Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa et coordinateur du C6. Voici ce qu’il dit : « Après le concile Vatican II, les méthodes et le contenu de l’évangélisation ainsi que l’éducation chrétienne changent. La liturgie change. (…) La perspective missionnaire change : le missionnaire doit établir un dialogue évangélisateur (…). L’action sociale change, ce n’est plus seulement la charité et le développement de services, mais aussi le combat pour la justice, les droits humains et la libération… Tout change dans l’Eglise suivant le modèle pastoral renouvelé. » Et il ajoute, pour montrer dans quel esprit ces transformations sont accomplies : « Le pape veut amener la rénovation de l’Eglise à un point où elle deviendra irréversible. Le vent qui pousse les voiles de l’Eglise vers la haute mer de sa rénovation profonde et totale est la miséricorde ». [L’Eglise de la miséricorde avec le pape François, 20 janvier 2015, www.scu.edu]
L’on ne peut cependant pas nier que de nombreuses voix se sont élevées contre ces réformes et l’on peut raisonnablement présumer que cela va continuer dans les prochains mois. Comment jugez-vous ces réactions ?
L’on ne peut que se réjouir de telles réactions et d’une prise de conscience progressive de la part de beaucoup de fidèles et de quelques prélats, que l’Eglise s’approche d’une nouvelle catastrophe. Ces réactions ont l’avantage et le mérite de montrer que la voix qui prône ces erreurs ne peut pas être celle du Christ, ni celle du Magistère de l’Eglise. Cela est extrêmement important et, malgré le contexte tragique, encourageant. La Fraternité a le devoir d’être très attentive à ces réactions, et en même temps d’essayer de leur éviter de se fourvoyer et de n’aboutir à rien. 

Le pluralisme conciliaire rend toute opposition structurellement inefficace

Que voulez-vous dire par là ?
Tout d’abord, il faut noter que ces réactions se heurtent systématiquement à un « mur de gomme » et il faut avoir le courage de se demander pourquoi. Pour donner un exemple, quatre cardinaux avaient exprimé leurs dubia au sujet d’Amoris lætitia. Cette réaction avait été remarquée par plusieurs et saluée comme le commencement d’une réaction qui allait produire des résultats durables. En réalité, le silence du Vatican a laissé cette critique sans réponse. Entre-temps, deux de ces cardinaux sont morts et le pape François est passé aux autres projets de réforme dont nous venons de parler, – ce qui fait que l’attention se déplace sur des sujets nouveaux, en laissant, par la force des choses, la bataille sur Amoris lætitia en plan, oubliée, et le contenu de cette exhortation semble de facto acquis.

Pour comprendre ce silence du pape, il ne faut pas oublier que l’Eglise issue du Concile est pluraliste. C’est une Eglise qui ne se fonde plus sur une Vérité éternelle et révélée, enseignée d’en haut, par l’autorité. Nous avons devant nous une Eglise qui est à l’écoute et donc nécessairement à l’écoute de voix qui peuvent diverger entre elles. Pour faire une comparaison, dans un régime démocratique, il y a toujours une place, au moins apparente, pour les oppositions. Celles-ci font en quelque sorte partie du système car elles montrent que l’on peut discuter, avoir une opinion différente, qu’il y a de la place pour tout le monde. Cela, bien évidemment, peut favoriser le dialogue démocratique, mais non le rétablissement d’une Vérité absolue et universelle, et d’une loi morale éternelle. Ainsi l’erreur peut être enseignée librement, à côté d’une opposition réelle mais structurellement inefficace et incapable de remettre les vérités à leur place. C’est donc du système pluraliste lui-même qu’il faut sortir, et ce système a une cause, le concile Vatican II.
D’après vous, que devraient faire ces prélats ou ces fidèles qui ont à cœur l’avenir de l’Eglise ?
Tout d’abord, il faudrait qu’ils aient la lucidité et le courage de reconnaître qu’il y a une continuité entre les enseignements du Concile, des papes de l’époque post-conciliaire et le pontificat actuel. Citer le magistère de « saint » Jean-Paul II par exemple pour s’opposer aux nouveautés du pape François est un très mauvais remède, d’emblée voué à l’échec. Un bon médecin ne saurait se contenter de quelques points de suture pour fermer une blessure, sans d’abord évacuer l’infection qui se trouve à l’intérieur de la plaie. Loin de nous de mépriser ces efforts, mais en même temps, c’est une question de charité d’indiquer où réside la racine des problèmes.

Pour donner un exemple concret de cette contradiction, il suffit de citer un nom entre tous, celui du cardinal Müller. Il est indéniablement le plus virulent aujourd’hui contre Amoris lætitia, l’Instrumentum laboris, le projet de réforme de la Curie. Il utilise des expressions très fortes, jusqu’à parler de « rupture avec la Tradition ». Et pourtant, ce cardinal qui trouve à présent la force de dénoncer publiquement ces erreurs est le même qui a voulu imposer à la Fraternité Saint-Pie X − en continuité avec ses prédécesseurs et ses successeurs à la Congrégation pour la Doctrine de la foi − l’acceptation de tout le Concile et du magistère post-conciliaire. Indépendamment de la Fraternité et de ses positions, cette critique qui ne s’attache qu’aux symptômes sans remonter à leur cause, représente un illogisme des plus dommageables et des plus déroutants.

La charité de vouloir « transmettre ce que nous avons reçu »

On objecte souvent que la Fraternité ne sait que critiquer ? Que propose-elle positivement ?
La Fraternité ne critique pas de façon systématique ou a priori. Elle n’est pas une « râleuse » professionnelle. Elle a une liberté de ton qui lui permet de parler ouvertement, sans craindre de perdre des avantages qu’elle n’a pas… Cette liberté est indispensable dans les circonstances actuelles.

La Fraternité a surtout l’amour de l’Eglise et des âmes. La crise présente n’est pas que doctrinale : les séminaires ferment, les églises se vident, la pratique sacramentelle chute de façon vertigineuse. Nous ne pouvons rester spectateurs, les bras croisés, et nous dire : « tout cela prouve que la Tradition a raison ». La Tradition a le devoir de venir en aide aux âmes, avec les moyens que lui donne la sainte Providence. Nous ne sommes pas mus par une fierté orgueilleuse, mais poussés par la charité de vouloir « transmettre ce que nous avons reçu » (1 Co 15, 3). C’est ce que nous tâchons humblement de faire par notre travail apostolique quotidien. Mais celui-ci est inséparable de la dénonciation des maux dont souffre l’Eglise, pour protéger le troupeau abandonné et dispersé par de mauvais pasteurs.
Qu’est-ce que la Fraternité espère des prélats et des fidèles qui commencent à voir clair, afin de donner une suite positive et efficace à leurs prises de position ?
Il faut avoir le courage de reconnaître que même une bonne prise de position doctrinale ne suffira pas, si elle n’est pas accompagnée d’une vie pastorale, spirituelle et liturgique cohérente avec les principes que l’on veut défendre, car le Concile a inauguré une nouvelle manière de concevoir la vie chrétienne, cohérente avec une nouvelle doctrine.

Si la doctrine est réaffirmée dans tous ses droits, il faut passer à une vie catholique réelle et conforme à ce que l’on professe. Sans quoi telle ou telle déclaration ne restera qu’un événement médiatique, d’une durée limitée à quelques mois, voire quelques semaines… Concrètement, il faut passer à la Messe tridentine et à tout ce que cela signifie ; il faut passer à la Messe catholique et en tirer toutes les conséquences ; il faut passer à la Messe non œcuménique, à la Messe de toujours et laisser cette Messe régénérer la vie des fidèles, des communautés, des séminaires, et surtout la laisser transformer les prêtres. Il ne s’agit pas de rétablir la Messe tridentine, parce qu’elle est la meilleure option théorique ; il s’agit de la rétablir, de la vivre et de la défendre jusqu’au martyre, parce qu’il n’y a que la Croix de Notre-Seigneur qui puisse sortir l’Eglise de la situation catastrophique dans laquelle elle se trouve.

Portæ inferi non prævalebunt adversus eam !
Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle !

Abbé Davide Pagliarani, Supérieur général
Menzingen, le 12 septembre 2019, fête du saint Nom de Marie