31 janvier 2002

[Abbé Patrick Troadec, fsspx - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs du Séminaire Saint-Curé-d'Ars] Comment discerner la volonté de Dieu?

Abbé Patrick Troadec, fsspx - Lettre n°46 Aux Amis et Bienfaiteurs du Séminaire Saint-Curé-d'Ars - 31 janvier 2002

Saint François de Sales: un guide éclairé.
Les âmes désireuses de se sanctifier ont parfois du mal à discerner la volonté de Dieu. Certes, elles savent très bien que Dieu la manifeste en premier lieu par ses commandements. Ici, il suffit d'accomplir simplement ce qui est prescrit. Mais pour le reste, dans les décisions à prendre tout au long de nos journées, le champ libre est tellement vaste qu'il n'est pas toujours facile de connaître clairement ce que le Bon Dieu attend de nous.

Cette difficulté n'est pas nouvelle. De tout temps, les âmes pieuses et soucieuses de plaire à Dieu 1'ont rencontrée. Pour la résoudre, un certain nombre ont eu recours à leur directeur spirituel. Aujourd'hui, je voudrais vous donner la solution proposée par saint François de Sales. Sa prudence, sa sagesse, son équilibre font de lui un guide sûr. Sa sainteté jointe à sa longue expérience des âmes donnent à ses réponses un poids considérable.
Les trois actes de la vertu de prudence.
Afin d'y voir plus clair, il est bonde distinguer dans les décisions à prendre celles qui engagent tout notre avenir de celles qui ne sont pas lourdes de conséquences.

Les grandes décisions comme le choix d'un métier, le changement du lieu de résidence, le choix de la vocation, telle dépense particulièrement importante méritent toute notre attention. Une erreur d'appréciation peut avoir des conséquences désastreuses. Malheureusement, nous avons tous de tristes exemples autour de nous. Peut-être nous-mêmes en avons-nous fait les frais un jour ou l'autre. Aussi, pour éviter de nouvelles déconvenues, écoutons attentivement les conseils de saint François de Sales. Il a décrit en peu de mots le processus à suivre dans le Traité de l'amour de Dieu: il faut être bien humble, dit-il, et ne point penser de trouver la volonté de Dieu à force d'examens et de subtilité de discours. Mais après avoir demandé la lumière du Saint-Esprit, appliqué notre considération à la recherche de son bon plaisir, pris le conseil de notre Directeur, et, s'il y a lieu, de deux ou trois autres personnes spirituelles, il se faut résoudre et déterminer au nom de Dieu. Par conséquent, pensons tout d'abord à prier pour que Dieu soit au cœur de nos délibérations; ensuite, faisons appel à notre réflexion pour discerner les avantages et les inconvénients des différentes solutions envisagées. Le Bon Dieu nous ayant donné une intelligence, nous devons nous en servir. Ainsi, la prière ne dispense pas de la réflexion.

Par ailleurs, dans la mesure où nous ne sommes pas compétents dans tous les domaines, n'hésitons pas à prendre conseil auprès de personnes prudentes pour porter le jugement le plus sûr. Enfin, après avoir discerné le choix à faire, prenons une fois pour toute la décision qui nous paraît la plus judicieuse.

Si l'on respecte cette démarche, on évitera les deux erreurs les plus classiques que l'on rencontre trop souvent: une par excès, l'autre par défaut. D'un côté, il y a ceux qui foncent tête baissée et ne font pas assez appel à leur réflexion avant d'agir et de l'autre, ceux qui réfléchissent trop et ne savent pas se décider. La prudence comme toute vertu morale se situant dans un juste milieu permet d'éviter ces deux écueils.

Ajoutons que ce n'est pas tout de prendre les bonnes décisions. Il faut ensuite mettre sans retard nos projets à exécution. Aujourd'hui dans le langage courant, le terme de prudence a perdu de sa force originelle. On nomme facilement prudent l'homme qui reste to,ujours en retrait et n'ose jamais exprimer le fond de sa pensée ni la mettre à exécution. En réalité, l'homme prudent est au contraire celui qui sait prendre les bonnes décisions au bon moment. Saint Thomas d'Aquin l'a très bien expliqué dans sa Somme Théologique: des trois actes de la vertu de prudence que sont la réflexion, le jugement et l'intimation, l'acte principal est l'intimation c'est-à-dire le fait de passer à l'action.
Garder le cap.
Cependant, il n'est pas rare qu'au moment de l'exécution de nos desseins, nous nous trouvions face à certains obstacles que nous avions peut-être minimisés ou négligés. Alors, la tentation est forte de revenir en arrière. Pourtant, le langage de saint François de Sales est clair: une fois que nous avons pris une décision, il ne faut plus par après révoquer en doute notre choix, mais le cultiver et soutenir dévotement, paisiblement et constamment. Et bien que les difficultés, tentations et diversités d'événements qui se rencontrent au progrès de l'exécution de notre dessein, nous pourraient donner quelque défiance d'avoir bien choisi, il faut néanmoins demeurer fermes et ne point regarder tout cela, mais considérer que si nous eussions fait un autre choix, nous eussions peut-être trouvé cent fois pire; outre que nous ne savons pas si Dieu veut que nous soyons exercés en la consolation ou en la tribulation, en la paix ou en la guerre. (Traité de l'amour de Dieu). Seule une nouvelle donnée objective pourrait nous conduire à changer d'orientation.

Pourquoi garder cette constance dans l'épreuve? Le Saint évêque de Genève nous donne la clé: la résolution étant saintement prise, il ne faut jamais douter de la sainteté de l'exécution, car, s'il ne tient à nous, elle ne peut manquer. (Ibid.)

En bon médecin des âmes, pour nous stimuler à suivre ses précieux conseils, notre saint conclut en écrivant: faire autrement, c'est une marque d'un grand amour-propre ou d'enfance, faiblesse ou niaiserie d'esprit. (Ibid.) Puissions-nous éviter d'entrer dans l'une de ses quatre classes d'hommes!
La volonté de Dieu dans la vie de tous les jours.
Si pour les grandes décisions, il importe de prendre son temps et ne pas s'en gager à la légère, pour les petites décisions de la vie quotidienne en revanche, il ne faut pas se torturer l'esprit pour tenter de discerner ce qu'il y aurait de mieux à faire. Citons à nouveau saint François de Sales: « Théotime, je vous avertis d'une tentation ennuyeuse qui arrive souvent aux âmes qui ont un grand désir de suivre en toutes choses ce qui est plus selon la volonté de Dieu, car l'ennemi en toutes circonstances, les met en doute si c'est la volonté de Dieu qu'elles fassent une chose plutôt qu'une autre; comme, par exemple, si c'est la volonté de Dieu qu'elles mangent avec leur ami ou qu'elles ne mangent pas, qu'elles prennent des habits gris ou noirs, qu'elles jeûnent le vendredi ou le samedi, qu'elles aillent à la récréation ou qu'elles s'en abstiennent, en quoi elles consument beaucoup de temps; et tandis qu'elles s'occupent et s'èmbarrassent à vouloir discerner ce qui est le meilleur, elles perdent inutilement le loisir de faire plusieurs biens desquels l'exécution serait plus à la gloire de Dieu, que ne saurait être le discernement du bien et du mieux auxquels elles se sont amusées.

« On n'a pas l'habitude de peser la menue monnaie, mais seulement les pièces d'importance. Le trafic serait trop ennuyeux et mangerait trop de temps s'il fallait peser toutes les petites pièces. Ainsi ne doit-on pas peser toutes sortes de menues actions pour savoir si elles valent mieux que les autres. Il y a même de la superstition à vouloir faire cet examen: car à quel propos mettra-t-on en difficultés s'il est mieux d'entendre la Messe en une église qu'en une autre, de filer que de coudre, de donner l'aumône à un homme qu'à une femme? Ce n'est pas bien servir un maître d'employer autant de temps à considérer ce qu'il faut faire, comme à faire ce qui est requis. Il faut mesurer notre attention à l'importance de ce que nous entreprenons : ce serait un soin déréglé de prendre autant de peine à délibérer pour faire un voyage d'une journée, comme pour celui de trois ou quatre cents kilomètres.

« Parmi les petites actions journalières où la faute n'est ni de conséquence, ni irréparable, qu'est-il besoin de faire tant d'importunes consultations? A quel propos me mettrai-je en dépense pour apprendre si Dieu aime mieux que je dise le rosaire ou l'office de Notre-Dame, puisqu'il ne saurait y avoir tant de différence entre l'un et l'autre qu'il faille pour cela faire une grande enquête? Que j'aille plutôt à l'hôpital visiter les malades qu'à vêpres, que j'aille plutôt au sermon qu'en une église où il y a indulgence?

« Il n'y a rien pour l'ordinaire de si apparemment remarquable en l'un plutôt qu'en l'autre, qu'il faille. pour cela entrer en grande délibération. Il faut aller tout à la bonne foi et sans subtilité en telles circonstances; et, comme dit saint Basile, faire librement ce que bon nous semblera, pour ne point lasser notre esprit, perdre le temps, et nous mettre en danger d'inquiétude, scrupule et superstition ». (Ibid.) Puissent ces propos rassurer les personnes de nature inquiète et les aider à conserver la simplicité dans les décisions à prendre dans la vie de tous les jours. L'amour de Dieu, tel un filtre, nous conduit à abandonner peu à peu les activités non nécessaires à notre salut pour ne conserver que celles qui sont les plus agréables à Dieu. Une retraite spirituelle est certainement l'un des meilleurs moyens de contribuer à cette purification.
Conseils aux jeunes.
Je souhaite que tous les jeunes gens et jeunes filles connaissent assez tôt ces règles de prudence afin qu'ils les appliquent consciencieusement. Grâces à Dieu, nous voyons de nombreux jeunes équilibrés qui le font. Ils sont la consolation de leurs parents et de leurs éducateurs. Malheureusement, d'autres par ignorance ou par faiblesse les négligent et en sont tôt ou tard les premières victimes. Depuis le début de mon ministère, je l'ai bien souvent constaté. Il est indubitable que de nombreux jeunes ne suivent pas toujours les règles élémentaires de prudence au moment de prendre les grandes décisions qui engagent tout leur avenir.

Certains font preuve de précipitation et d'irréflexion se laissant attirer davantage par la facilité que par le sens du devoir. Un jour ou l'autre, ils s'en rendent bien compte mais se retrouvent dans une impasse lorsqu'ils ont pris des décisions irréversibles.

D'autres, et ils sont légions, se laissent gagner par la pusillanimité. A l'inverse des précédents, ils se posent tellement de questions qu'ils n'arrivent jamais à prendre de décisions. On les entend gémir sur les malheurs des temps, mais dans la pratique ils laissent leurs talents inexploités.

Enfin, il y a ceux qui après s'être engagés dans une voie se laissent décourager par les obstacles et reviennent sur des décisions qui pourtant auraient dû être leur planche de salut.

En ce qui concerne plus précisément les vocations, quelques jeunes gens frappent parfois bien tard et même trop tard à la porte du séminaire. D'autres se laissent arrêter par des motifs futiles ou sont empêchés par leurs parents. Certains encore ont perdu leur vocation au contact du monde. Vous comprenez dès lors pourquoi la prudence mérite le titre de reine des vertus morales.

Je confie, chers amis et bienfaiteurs, tous nos séminaristes à vos charitables prières afin qu'ils exercent dès à présent cette belle vertu de prudence qui leur sera si nécessaire tout au long de leur ministère. Soyez assurés en retour des prières de tout le séminaire à vos intentions et recevez ma bénédiction.

Abbé Patrick Troadec, Directeur

Le 31 janvier 2002, en la fête de saint Jean Bosco.

27 janvier 2002

[Aletheia] La réconciliation de l’Union sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney avec le Saint-Siège

Yves Chiron - Aletheia n°24 - 27 janvier 2002

Le 14 janvier dernier, Mgr Roberto Gomes Guimarães, évêque du diocèse de Campos, au Brésil, et Mgr Licino Rangel, évêque de l’Union Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney, établie à Campos, ont signé une “ Déclaration conjointe ”. Cette déclaration annonce que “ notre Saint-Père, le Pape Jean-Paul II, a signé le document d’accueil dans la pleine communion ecclésiale des prêtres de Campos, membres de l’Union sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney, ainsi que des fidèles catholiques assistés par eux. Ils sont de ce fait considérés comme parfaitement insérés au sein de la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine. ”
L’Union sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney avait été fondée par Mgr Antonio de Castro Mayer, qui dirigea le diocèse de Campos de 1949 à 1981. Son opposition au Novus Ordo Missae , promulgué en 1969, et à la doctrine conciliaire sur la liberté religieuse, l’avait conduit à rejoindre Mgr Lefebvre dans son combat pour la Tradition. En 1988, il avait participé avec celui-ci à la consécration de quatre évêques pour la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X : Mgr Bernard Fellay, Mgr Alfonso de Galaretta, Mgr Bernard Tissier de Mallerais et Mgr Richard Williamson.
Le 25 avril 1991, Mgr de Castro Meyer décédait. Trois mois plus tard, le 28 juillet, Mgr Tissier de Mallerais, Mgr de Galaretta et Mgr Williamson se rendaient à Campos pour consacrer évêque Mgr Licino Rangel, de l’Union sacerdotale fondée par Mgr de Castro Meyer.
Aujourd’hui cette Union sacerdotale et son évêque se retrouvent à nouveau en communion avec le Saint-Siège. La cérémonie officielle de réconciliation a eu lieu le vendredi 18 janvier, dans la cathédrale de Campos, sous la présidence du cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé et président de la Commission pontificale “Ecclesia Dei ”, chargée des relations avec les communautés traditionalistes.
Ce même jour, un décret de la Congrégation des évêques érigeait l’Union Saint Jean-Marie Vianney en Administration apostolique personnelle et nommait Mgr Rangel à sa tête. Ce statut canonique accordé par le Saint-Siège pour intégrer Mgr Rangel et les 26 prêtres de l’Union sacerdotale est très généreux. Le Code de droit canonique le définit ainsi : “ L’administration apostolique est une portion déterminée du peuple de Dieu qui, pour des raisons tout à fait spéciales et graves, n’est pas érigée en diocèse par le Pontife Suprême, et dont la charge pastorale est confiée à un Administrateur apostolique qui la gouverne au nom du Pontife Suprême ” (can. 371, § 2).
Parallèlement, Mgr Rangel et les prêtres de la nouvelle Administration apostolique ont fait une déclaration que je cite intégralement dans la langue originale (pour n’en pas trahir les intentions):
- Reconheemos o Santo Padre, o Papa João Paulo II, com todess os seus poderes e prerrogativas, prometendo-lhe nossa obediência filial e offereendo nossa oração por ele.
- Reconheemos o Concilio Vaticano II como um dos Concilios Ecumênicos da Igreja Catôlica, accitando-o à luz da Sagrada Tradição.
- Reconheemos a validade do Novus Ordo Missae, promulgado pelo Papa Paulo VI, sempre que celebrado corretamente e com a intençao de ofereer o verdadeiro Sacrificio da Santa Missa.
- Empenhamo-nos em aprofundar todas as questões ainda abertas, levando em consideração o cãnon 212 do Codigo de Direito Canônicoe com um sincero esperito de humilidade e de caridade fraterna para com todos. In principiis unitas, indubiis libertas, in omnibus charitas (S. Agostinho).
Cette Déclaration est très proche de la “ Déclaration doctrinale ” qu’avait signée Mgr Lefebvre en mai 1988 et qui constituait la première partie d’un protocole d’accord avec le cardinal Ratzinger ; accord qui n’a pas abouti comme chacun le sait.
Les réactions à l’accord de Campos
• Quelques jours avant la Déclaration conjointe de l’évêque de Campos et de Mgr Rangel, la revue Le Sel de la terre (Couvent de la Haye-aux-Bonhommes, 49240 Avrillé - n° 39, p. 194-197), revue des religieux dominicains proches de la Fraternité Saint-Pie X, publiait une “ Lettre ouverte aux prêtres de Campos ” par Dom Lourenço Fleichman, bénédictin brésilien. Dans cette lettre, le père Fleichman, traditionaliste, jusque là proche de Mgr Rangel, dit son hostilité à un accord avec Rome qui serait une “ trahison ”. Il dit écrire cette lettre “ sur le conseil et avec l’approbation de Mgr Fellay lui-même ”. Cet accord, écrit-il, se fera “ contre les conseils et les avis des évêques de la Fraternité [Saint-Pie-X] ”.
• Les réactions des autorités de la FSSPX à cet accord des traditionalistes brésiliens avec le Saint-Siège semblent, pourtant, beaucoup moins hostiles. Au début du mois de janvier, l’abbé Aulagnier, dans le n° 36 de son très riche bulletin d’informations hebdomadaire (D.I.C.I., Péricentre 4 - Bât. B, 149 rue de la Délivrande, 14000 Caen), estime que le chemin suivi par Mgr Rangel et la solution juridique trouvée “ seront, pour nous, un exemple ”.
Dans ce même numéro, l’abbé Aulagnier écrivait : “ Je regrette fortement la publication dans Le Sel de la terre, n° 39, de la lettre du RP Laurent. Cette lettre est une franche méchanceté. Le Père Laurent, du Brésil, aurait été bien inspiré de ne pas l’écrire et les Dominicains de ne pas la publier. (...) Mon ange, un jour, m’a dit : “Les Dominicains d’Avrillé font beaucoup de lefebvrisme. Avec cela, ils pourront faire beaucoup de mal et, peut-être, se perdre, eux-mêmes, un jour”. ”
• Le 18 janvier, l’agence de presse Fides, qui dépend de la Congrégation pour la Propagation de la Foi, publiait un communiqué sur la réconciliation qui avait lieu ce jour-là à Campos. Dans ce communiqué il était affirmé : “ Mgr Bernard Fellay, Supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X a tenté d’empêcher ce retour, et s’est rendu personnellement au Brésil pour les convaincre de n’en rien faire. ”
Cette information mériterait d’être confirmée ou démentie, en tout cas précisée. Dans un entretien accordé à l’agence de presse APIC, le 9 janvier, Mgr Fellay, a considéré les accords de Campos comme un signe encourageant, même s’il reste très prudent. Il a déclaré : “ La façon dont on traitera les traditionalistes de Campos sera un véritable test. La balle est dans le camp des autorités romaines, qui doivent montrer quelle place ils entendent donner à la Tradition. ” Et aussi : “ Comme nous avons la même position doctrinale que Campos, je crois que les autorités romaines pourraient nous faire la même proposition. ”
• Le 21 janvier, La Croix, sous la signature d’un de ses rédacteurs en chef, Michel Kubler, estime que “ la réintégration d’un groupe lefebvriste brésilien dans le giron catholique romain pose autant de problèmes qu’elle en résout. ” Il se demande aussi : “ pourquoi tant d’efforts pour “récupérer” des ouailles qui en font si peu de leur côté, se prétendant seuls détenteurs de “la” Tradition, quand d’authentiques catholiques se sentent délaissés, tel le fils aîné de la parabole du prodigue...”
Cette réaction face à la réconciliation avec les traditionalistes brésiliens liés à la FSSPX laisse présager comment serait accueillie, dans certains milieux catholiques français, une réconciliation avec la FSSPX elle-même. Dans un entretien accordé au journal allemand Tagesanzeiger, le 5 janvier dernier, Mgr Fellay, a déclaré : “ So sagte er, die Versöhnung mit uns sei quasi unmöglich wegen der Opposition der europäische Bischöfe, namentlich von 65 französischen Bischöfen. ”
Assise, le syncrétisme et la religion naturelle
Le 24 janvier dernier, une nouvelle rencontre interreligieuse de prière pour la paix a eu lieu à Assise, renouvelant celle qui avait déjà eu lieu en 1986. Toutes les confessions chrétiennes et des représentants de toutes les grandes religions du monde étaient présents, rassemblés à l’appel du pape.
Contrairement à ce qui s’est dit et s’est écrit, ni en 1986 ni en 2002, il n’y a eu de prière commune entre chrétiens et non-chrétiens, au sens de prière unique faite en commun. Il y a eu juxtaposition de prières propres à la religion de chacun.
On doit relever aussi les avertissements répétés de la hiérarchie catholique, avant la rencontre, pour ne pas conclure au syncrétisme. Le 5 janvier 2002, dans un important article paru dans l’Osservatore romano, le cardinal Kasper, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, a rappelé que “ c’est seulement en Jésus-Christ que la vérité est révélée dans sa plénitude ” et que “ les chrétiens ne peuvent pas prier avec les membres des autres religions ”. Il ajoutait qu’à Assise : “ tout syncrétisme doit être exclu. Si les membres des différentes religions veulent collaborer, cela doit se faire dans des domaines comme celui de la justice, des valeurs morales, de la paix et de la liberté.”
Le 22 janvier, interrogé par Radio-Vatican, le cardinal Kasper est revenu sur le sujet et a souligné qu’ “ il y a une différence entre dialogue oecuménique et dialogue interreligieux ”. Ce dernier, a précisé le cardinal, a “ pour but l’amitié, la compréhension mutuelle entre les religions, sans qu’il y ait fondement commun de la foi en Jésus-Christ et dans le baptême ”. Il a répété aussi qu’à Assise, il n’y aurait pas de prière commune : “ nous pouvons nous rassembler et prier, mais nous ne pouvons pas prier “ensemble”. Chaque religion priera dans le lieu qui lui est assigné, mais nous ne prions pas ensemble au sens propre parce que nous ne voulons pas faire un “mélange” des religions. ”
Le lendemain, au cours de l’Angélus, Jean-Paul II avait cru devoir rappeler lui aussi : “ la journée de prière pour la paix n’entend en aucune manière conduire au syncrétisme religieux.”
Toutes ces déclarations des autorités catholiques doivent être prises en compte lorsqu’on évoque les journées d’Assise.
Après la rencontre d’Assise, Jean Madiran a publié dans le numéro 5001 de Présent (5 rue d’Amboise, 75002 Paris), daté du 26 janvier, un article qui exprime très finement “ Le paradoxe d’Assise ”. “ Il y a l’esprit et le fait ”, explique-t-il. L’esprit d’Assise, tel que le définit Jean-Paul II, exclut tout syncrétisme religieux ; “ le fait est parfaitement contraire : partout la réunion d’Assise est reçue par les médias et par l’opinion publique, même catholique, comme une heureuse manifestation de syncrétisme... ” Le paradoxe est aussi que ce que les religions peuvent avoir en commun - la morale naturelle et la religion naturelle - “ est absolument contraire à la démocratie moderne sans Dieu, aux droits de l’homme sans Dieu, qui rejettent toute légitimité supérieure à leur supposée “volonté générale”. ”
A travers les revues étrangères
Depuis le mois de mars 2001 paraît, en néerlandais, une revue consacrée uniquement aux apparitions mariales contemporaines : AVÈ. Nieuwsbrief over actuele verschijningen (Rudo Franken, Markt 7, NL - 6088 BP Roggel). Un de ses principaux rédacteurs est Mark Waterinckx, excellent connaisseur des apparitions contemporaines, notamment celles de Medjugorje. La caractéristique de cette publication est de considérer ces apparitions contemporaines au regard des critères traditionnels de discernement en la matière et en tenant compte des jugements de l’Eglise.
Depuis le mois de septembre 2001, paraît une très belle revue mensuelle en langue anglaise, la Saint Austin Review (296 Brockley Road, London SE4 2RA). Dirigée par Joseph Pearce et Robert Asch, elle est proche des communautés anglaises qui ont bénéficié du motu proprio Ecclesia Dei. D’une très grande qualité esthétique, StAR est une revue culturelle catholique qui traite d’art, de musique, de littérature, de cinéma et d’histoire.
La Tradizione Cattolica est la revue officielle du District italien de la FSSPX (Priorato Madonna di Loreto, Via Mavoncello 25, I - 47828 Rimini). Dans le n° 48, l’abbé Michel Simoulin, supérieur du District italien, qui a été mêlé de près aux négociations engagées entre le Saint-Siège et la FSSPX, publie un important dossier intitulé “ Roma e la Fraternità San Pio X ” (p. 48-63). Des précisions utiles et la publication intégrale de plusieurs documents.
L’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre (Villa Martelli, Via di Gricigliano 52, I - 50069 Sieci) publie, en français, une belle revue du même nom. Dans le dernier numéro, n° 23, on trouve un intéressant dossier sur Fatima. Outre les documents relatifs au troisième secret de Fatima, on trouve une longue étude de Mgr Rudolph Schmitz, “ Le message de Fatima et la crise de la foi aujourd’hui ”, et la publication d’une très intéressante correspondance échangée entre Mgr Hnilica et le cardinal Ratzinger. Cet échange porte sur la nature-même des apparitions de la Vierge, le mystère du Coeur Immaculé de Marie et son triomphe qui reste à venir.
Précision
Dans le précédent numéro d’Alethéia, j’indiquais qu’à ma connaissance le bienheureux Mgr Escriva de Balaguer, qui sera canonisé dans les mois à venir, avait célébré la messe selon le nouveau rite à partir du moment où il est entré en vigueur. Cette information était incomplète. Mgr Escriva de Balaguer a bien célébré selon le N.O.M. à partir de 1969 mais il en “ souffrait spirituellement ”. Par un intermédiaire, Mgr Del Portillo, permission lui a été accordée de célébrer à nouveau selon le rite traditionnel, ce qu’il a fait jusqu’à sa mort. Les correspondants qui m’ont signalé le fait divergent sur l’autorité qui a accordé cette permission : Paul VI ou le Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin.

25 janvier 2002

[Jean-François Mayer - Religioscope] Traditionalisme catholique: un ralliement au Brésil et ses conséquences pour Ecône - Suivi d'un entretien avec Luc Perrin

Religioscope - 25 janvier 2002

Le 18 janvier, à Campos (Brésil), en présence du Cardinal Dario Castrillon Hoyos (président de la Commission Ecclesia Dei, chargée des questions relatives aux traditionalistes), un groupe de 28 000 catholiques traditionalistes brésiliens, sous la direction de leur évêque, Mgr Licinio Rangel, et de 25 prêtres, sont rentrés en pleine communion avec Rome. Le Pape a érigé une administration apostolique confiée à Mgr Rangel pour l'encadrement pastoral de ces fidèles qui entendent maintenir leur attachement au rite tridentin.
Alors que les négociations entamées en l'an 2000 entre Rome et les disciples de l'archevêque Marcel Lefebvre (1905-1991), fondateur du Séminaire d'Ecône (Valais, Suisse), semblent au point mort depuis le milieu de l'année 2001, les pourparlers s'étaient en revanche poursuivis avec un groupe brésilien, doctrinalement proches de la Fraternité Saint Pie X créée par Mgr Lefebvre, mais organisé de façon autonome dans le cadre de l'Union Saint Jean-Marie Vianney. Cette association, avec son propre séminaire à Campos, poursuivait l'action de Mgr Antonio de Castro Mayer (1904-1991), évêque brésilien qui n'avait jamais accepté le passage au rite postconciliaire dans son diocèse, exprimant ouvertement dès septembre 1969 dans une lettre à Paul VI ses réserves au sujet du Novus Ordo Missae. Mgr de Castro Mayer avait participé avec Mgr Lefebvre aux consécrations de quatre évêques qui, en 1988, entraînèrent la rupture définitive avec Rome - et l'excommunication des évêques impliqués. Après le décès de Mgr de Castro Mayer, trois des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X avaient à leur tour consacré Mgr Licinio Rangel (né en 1936).
 
Au mois d'octobre 2001 déjà, des sources vaticanes considéraient un accord avec le groupe brésilien comme proche. Le 28 décembre 2001, un communiqué de Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, prenait acte laconiquement de ces développements, tout en soulignant qu'aucun accord n'était en revanche vue entre Ecône et Rome: "Bien au contraire, nous considérons la journée de prière des religions à Assise prévue pour le 24 janvier 2002 comme un nouvel obstacle majeur à un rapprochement avec le Vatican", expliquait-il.
Au début du mois de janvier, une analyse de la situation par Mgr Fellay
Dans un long entretien accordé par Mgr Fellay au quotidien zurichois Tages-Anzeiger du 5 janvier 2002, le chef de file des traditionalistes confirmait que le groupe de Campos avait décidé de se rallier à Rome. Il expliquait qu'il avait lui-même pris l'initiative de les associer aux négociations avec le Vatican après sa rencontre avec le Cardinal Castrillon Hoyos et avec le Pape à la fin du mois de décembre 2000. Les pourparlers se poursuivirent jusqu'au mois de juin, après quoi le Cardinal Castrillon Hoyos aurait proposé aux Brésiliens un accord séparé. Il disait percevoir cet accord comme une façon de mettre la pression sur les autres traditionalistes, et déclarait avoir l'intention d'observer comment le groupe de Campos serait traité par les autorités romaines. En effet, les turbulences qui ont agité la Fraternité Saint Pierre (c'est-à-dire les intégristes catholiques qui s'étaient soumis à Rome après les excommunications de 1988) ont quelque peu échaudé les partisans d'Ecône.
 
En réponse aux questions du journaliste Michael Meier, Mgr Fellay présentait également une analyse des raisons qui, selon lui, pousseraient Rome à rechercher une réconciliation avec les intégristes: celle-ci aurait des implications pour le dialogue avec les Eglises orthodoxes. Ces dernières, estime-t-il, observeront avec attention quel traitement et degré de liberté sera accordé aux intégristes avant d'aller elle-même éventuellement plus loin en direction d'une union avec Rome. Il exprimait également le sentiment que Rome se proposait d'utiliser les intégristes comme contrepoids aux forces libérales dans l'Eglise. Enfin, le dynamisme du mouvement intégriste (en particulier le nombre élevé d'ordinations sacerdotales) serait un autre motif pour Rome de prêter attention au mouvement.
 
Selon les chiffres indiqués par Mgr Fellay, le mouvement lefebvriste compterait environ 150 000 adhérents dans le monde (1), dont un tiers environ en France et 6 000 en Suisse. Sans disposer de recherches statistiques et sociologiques indépendantes qui permettraient d'évaluer l'évolution des effectifs traditionalistes, la lecture de la littérature et des sites Web proches du mouvement indique un intéressant phénomène: la progression d'implantations traditionalistes hors des territoires occidentaux qui en avaient été le terreau d'origine (établissement de centres ou de groupes en Asie et en Afrique). 
Quelles conditions de ralliement pour Campos?
Selon les informations publiées par l'Osservatore Romano, qui en faisait le titre principal de son édition du dimanche 20 janvier 2002, Mgr Rangel et 25 prêtres de l'Union Saint Jean-Marie Vianney auraient envoyé le 15 août 2001 une lettre manifestant "leur volonté de pleine adhésion à l'Eglise catholique". Mgr Rangel demandait à être relevé de l'excommunication encourue du fait de son sacre. Lors de la fête de Noël 2001, le Pape envoya à Mgr Rangel une lettre autographe l'absolvant de l'excommunication et le recevant dans la pleine communion de l'Eglise romaine . C'est ce qui a permis la cérémonie du 18 janvier 2002 à Campos.
 
Mais la lettre du Pape va plus loin: elle érige canoniquement l'Union Saint Jean-Marie Vianney en Administration apostolique de caractère personnel, dépendant directement du Siège apostolique, pour le suivi pastoral des fidèles restés attachés au rite tridentin. La lettre promet en outre (et ce n'est pas un élément mineur) d'assurer la succession de Mgr Rangel: il s'agit donc apparemment d'une solution durable, et non d'une mesure transitoire et ad personam.
 
Notons deux autres points importants. Tout d'abord, l'Administration apostolique Saint Jean-Marie Vianney est limitée territoritalement au diocèse de Campos. D'autre part, la décision pontificale trouve une voie pour éviter d'empiéter sur la juridiction de l'évêque diocésain: la juridiction exercée par l'Administration apostolique est une juridiction "cumulative" avec celle de l'évêque diocésain. Il s'agit d'une situation analogue à celle d'un Ordinariat aux armées, par exemple. A noter que Mgr Lefebvre avait d'ailleurs suggéré en 1987 l'application à la Fraternité Saint Pie X des normes de la Constitution apostolique Spirituali militum curae du 28 avril 1986 (réglant le fonctionnement de l'assistance spirituelle aux militaires), afin de permettre ainsi à la Fraternité de garder sa spécificité.
Réactions de la Fraternité Saint Pie X
L'entretien qui suit avec Luc Perrin va nous permettre d'analyser les implications de cet événement de façon plus détaillée. Notons simplement ici que le ralliement du groupe brésilien a fait l'objet d'un communiqué de presse signé par Mgr Fellay le 16 janvier 2002. Il y prend acte de la cérémonie qui devait avoir lieu deux jours plus tard. Il reconnaît qu'aucune concession doctrinale substantielle n'a été faite par l'Union Saint Jean Marie Vianney. Il note que Mgr Rangel se réserve le droit de "critiquer de façon positive" ce qui ne serait pas en conformité avec la Tradition. Le communiqué regrette cependant cette "paix séparée": l'union fait la force. Un point particulièrement sensible: les "ralliés" du diocèse de Campos ont renoncé à une condition qui tient à coeur à la Fraternité Saint Pie X qui, dans le cadre d'un accord, souhaiterait que tout prêtre puisse librement choisir de célébrer la messe tridentine.
 
Aux yeux de Mgr Fellay, la "crise dans l'Eglise" n'a donc pas été résolue par l'accueil du groupe de Campos par Rome. Avec un peu d'appréhension, la Fraternité Saint Pie X entend maintenant suivre les développements au Brésil pour juger l'arbre à ses fruits: dans sa perspective, l'affaire de Campos a valeur de test pour l'avenir. Mais la querelle ne porte pas que sur la question liturgique, comme vient encore de le montrer le commentaire très critique signé par Mgr Fellay le 21 janvier pour condamner la rencontre interreligieuse d'Assise.
Jean-François Mayer
(1) A noter que les chiffres indiqués par Mgr Fellay, qu'on ne peut soupçonner de vouloir sous-estimer ses effectifs, sont beaucoup plus modestes que ceux qui étaient articulés par l'agence de presse catholique Fides; dans son article relatant le ralliement du groupe de Campos, Fides avançait le nombre d'un million de fidèles dans le monde. Les évaluations statistiques de Mgr Fellay peuvent vraisemblablement être considérées comme les plus exactes.

Entretien avec Luc Perrin: "Les bases d'un dialogue existent" 

Enseignant à la Faculté de théologie catholique de l'Université Marc Bloch de Strasbourg, Luc Perrin est l'un des spécialistes français des bouleversements du catholicisme à partir du Concile Vatican II. Cet observateur attentif du mouvement traditionaliste avait consacré son premier livre à L'Affaire Lefebvre (Paris, Editions du Cerf, 1989). Il accepté de partager ici ses commentaires sur l'événement de Campos et ses conséquences. On verra s'exprimer dans les lignes qui suivent une pensée vigoureuse, loin d'un discours aseptisé. Si Luc Perrin ne cache pas ses sentiments, son propos repose toujours sur une analyse incisive et une profonde connaissance du sujet. C'est ce qui fait tout l'intérêt de ses réponses très documentées aux questions qui lui ont été posées par RELIGIOSCOPE.
Religioscope - Sauf erreur, le diocèse de Campos représentait un cas unique dans l'histoire du traditionalisme, puisqu'il s'était agi à l'origine du seul évêque diocésain à avoir rejoint le mouvement traditionaliste. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Luc Perrin - Un cas unique sous bénéfice d'inventaire. En effet, l'originalité de Campos vient de plusieurs faits.
 
D'abord un rappel : Mgr Antonio de Castro Mayer était membre de la direction du Coetus internationalis Patrum avec Mgr de Proença Sigaud et Mgr Lefebvre. Les deux évêques brésiliens ont joué un rôle dans la chute du régime Goulart en 1964. Ils étaient liés, via La Pensée catholique, au milieu "intégriste" européen et français. Or première originalité, l'évêque de Campos a maintenu dans son diocèse la liturgie latine traditionnelle et a ignoré le Novus Ordo Missae de Paul VI. Le cas s'est produit à l'échelon paroissial ailleurs dans le monde mais pas, à ma connaissance, à l'échelon d'un diocèse. Il est à noter que Rome n'avait pas accordé d'indult (1), comme en 1971 pour l'Angleterre-Pays de Galles, mais ne semble pas avoir reproché, publiquement du moins, quoi que ce soit à Mgr de Castro Mayer.

En 1981, Rome nomme un successeur à dom Antonio, parvenu à l'âge de 75 ans, en la personne de Mgr Navarro, bien décidé à faire une Gleichschaltung à marche forcée du diocèse. Du jour au lendemain, le nouvel évêque passe à la nouvelle messe en portugais: "le traditionalisme, voilà l'ennemi !" pour paraphraser Gambetta. On peut considérer que Rome a commis une lourde bévue, en toute objectivité: ainsi Mgr Gaillot, peu suspect d'"intégrisme", a-t-il sagement toléré comme ses prédécesseurs le curé du Chamblac, assurant la paix des esprits. Cela montre aussi qu'en 1981, le mouvement traditionaliste est toujours jugé quantité négligeable à Rome.

Devant le trouble causé par le nouvel évêque, toute une partie du clergé fait sécession avec une bataille pour les églises et même la cathédrale. L'Union sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney (SSJV) est alors créée, avec le P. Rifan comme supérieur sous la houlette de dom Antonio. Ce dernier se rapproche de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX) et publie un ouvrage en commun avec Mgr Lefebvre. Il est évêque co-consécrateur aux sacres de juin 1988 et excommunié latae sententiae, c'est-à-dire par le fait même de l'acte.

Dès lors intervient la seconde originalité. En 1991, le décès de dom Antonio amène trois des quatre nouveaux évêques, après la mort de Mgr Lefebvre, à venir à Campos pour consacrer son successeur, dom Licinio Rangel. Il inaugure donc la 2ème génération d'évêques de la lignée créée en 1988.

Signalons que le cas de Castro Mayer se retrouve dans celui de Mgr Lazo, évêque émérite de La Union (Philippines), décédé en 2001. Le ralliement de Mgr Lazo à la FSSPX est intervenu alors qu'il était "retraité". Le cas Lazo est aussi intéressant du fait qu'il s'agissait d'un homme devenu évêque après Vatican II, parfaitement intégré à l'Eglise et sans lien avec les réseaux "intégristes". Un exemple de ce que les Américains nomment les reverts (distingués des converts), des catholiques modernes qui redécouvrent la tradition pré-conciliaire du catholicisme. Mieux, un évêque résidentiel thailandais (2) vient de déclarer suivre les pas du défunt Mgr Lazo qu'il a connu... à suivre.
Religioscope - Comment expliquer ce ralliement, alors que le dialogue entre la FSSPX et Rome, après des signes positifs, semble depuis quelque temps au point mort? Est-ce la personnalité de Mgr Rangel, ou ce traditionalisme brésilien présente-t-il des traits différents du courant européen?
Luc Perrin - D'abord la SSJV, au nom bien français, a été associée aux conversations Rome-Ecône. Un émissaire de Mgr Rangel a rencontré le Cardinal Castrillon Hoyos. En outre, Mgr Lefebvre était entré en dissidence dès 1975-1976 alors que dom Antonio a attendu plusieurs années : si un indult avait été concédé comme Paul VI l'avait fait en 1971 et comme Jean-Paul II l'a fait en 1984, trop tard à cause des pressions des "intégristes" du nouveau rite, Mgr de Castro Mayer n'eût peut-être pas été poussé dans cette voie. Il me semble que les Pères de Campos ont hérité de cette attitude de leur fondateur, un "Romain" à la façon de l'abbé Berto (3).

Le traditionalisme brésilien est au demeurant en osmose avec le reste du traditionalisme européen ouaméricain. Les liens avec la France sont anciens, bien antérieurs à... Vatican II. On signalera la fameuse association TFP (Tradition-Famille-Propriété), qui est née au Brésil et existe maintenant en Europe. Georges Bidault, proscrit OAS, se trouve au Brésil pendant le Concile et entretient une correspondance avec Mgr Sigaud. La francophilie d'autrefois des élites brésiliennes a joué pour introduire le positivisme comme pour le courant anti-moderne qui eut,dans sa jeunesse, en dom Helder Camara un apôtre convaincu...

En outre, aux dires mêmes de dom Licinio, le nouvel évêque de Campos, Mgr Guimaraes, a renoué les liens que son prédécesseur avait brutalement coupé. L'engagement de l'évêque résidentiel a compté autant que les efforts du cardinal Hoyos : 28 000 fidèles suivent la SSJV, un séminaire, des religieuses, des écoles et oeuvres diverses,25 prêtres enfin. On discerne là un facteur essentiel pour tout accord: la confiance mutuelle entre les partenaires. Un rapport à trois: les traditionalistes, les évêques résidentiels, la Curie romaine.

Il est clair que le maillon faible en Europe dans un tel processus est l'épiscopat: feu le Cardinal Eyt, on s'en souvient, avait tenu quelques semaines avant sa mort à se réjouir de l'échec des négociations avec Ecône. On a dit - rumeur fondée? - qu'une pétition d'évêques français avait été adressée à Rome pour interrompre tout accord. Ut unum sint? Dès 1998, le Cardinal Ratzinger avait relevé qu'une partie de l'épiscopat n'avait aucun désir d'unité... avec les catholiques traditionalistes. Le Cardinal Kasper, pourtant chargé à la Curie de cette unité des chrétiens, était l'un des deux cardinaux à s'être déclaré opposés au processus lors de la réunion solennelle présidée par le pape début 2001. Le même hiérarque théologien s'était chaleureusement félicité du "consensus différencié" obtenu à Augsbourg avec les luthériens en 1999. Est-il donc plus difficile d'établir un "consensus différencié" avec Mgr Fellay, évêque catholique quoiqu'illicitement consacré? Résoudre ce type de contradiction relève plus de la vaticanologie, "science" obscure, où l'historien-sociologue n'est qu'un béotien...
Il est clair que si Rome veut une réconciliation, un effort est à faire pour établir cette confiance sans laquelle aucun consensus, même différencié, ni aucune communio ne peut s'instaurer. Une interview récente du P. Cottier, présentant la démarche romaine comme une habileté destinée à amener pas à pas les traditionalistes à chanter les louanges du Novus Ordo, n'est pas de nature à consolider cette confiance. Déjà toutes les craintes nées, en 1999, du "protocole 1411" de la Congrégation pour le Culte divin, qui souhaitait, sans l'imposer, que les prêtres bénéficiant de l'indult concélèbrent une fois l'an dans le nouveau rite, sont loin d'être apaisées. La Curie n'est visiblement pas unanime à appuyer le désir, très vif, de Jean-Paul II de guérir cette plaie au côté de l'Eglise, désir qui animait, plus qu'on ne l'a dit, Paul VI. 
Religioscope - Après la Fraternité Saint-Pierre, maintenant Mgr Rangel nommé administrateur d'une nouvelle juridiction avec siège dans le diocèse de Campos pour le suivi pastoral des fidèles attachés au rite tridentin... D'une part, quelle est la nature juridique d'une administration de ce genre? d'autre part, cela dessine-t-il l'avenir d'une solution vaticane pour les fidèles traditionalistes: des évêques spécifiquement désignés pour la pastorale des traditionalistes? 
Luc Perrin - Nous n'avons pas à cette heure tous les détails du statut canonique accordé à la SSJV. En particulier, les modalités de la succession de Mgr Rangel (qui est souffrant, dit-on). Il y a aussi le cas des apostolats que l'Union entretient hors du diocèse de Campos, aux limites duquel la nouvelle administration s'arrête. Restriction très grande : la formule proposée à la FSSPX s'étendait à tout l'univers.

Une administration apostolique est une structure prévue par le droit canonique: il en existe bien d'autres de par le monde. Il s'agit en fait d'un quasi-diocèse qui a habituellement vocation pour devenir un diocèse pleno jure dans le contexte d'un pays de mission. L'administrateur peut ne pas être évêque d'ailleurs mais jouit de tous les pouvoirs administratifs de l'évêque. Il érige donc les paroisses, procède aux nominations de curés, reconnaît les associations de laïcs, etc. Etant désormais reconnu comme évêque titulaire de Zarna, Mgr Rangel pourra  ordonner ses prêtres et donner le sacrement de confirmation.

L'administration apostolique personnelle représente en effet la solution optimale dans le droit actuel permettant de soustraire les fidèles traditionalistes à l'indifférence voire à l'animosité de certains évêques (le cas de Campos en 1981 n'est pas unique). Incompréhension surtout d'un clergé diocésain âgé, ayant fait une mue difficile dans les années 60 et qui, par conséquent, est souvent incapable d'analyser en termes contemporains la requête des traditionalistes, surtout si ce sont de jeunes prêtres et séminaristes. La cure d'âme des traditionalistes est ainsi délibérément laissée en jachère dans de nombreux diocèses, sur avis/injonction du Conseil presbytéral, au nom de "la pastorale diocésaine" ou sous d'autres prétextes.

Soulignons que le traditionalisme draine un public jeune dans une Eglise qui vieillit en Occident. Les jeunes adultes recueillis - espèce devenue rare en catholicisme - des messes traditionnelles tranchent avec les personnes de plus en plus âgées qui peuplent et animent les célébrations paroissiales, en dehors du cas particulier des communautés nouvelles.

Le Pape avait appelé en ... 1988 les évêques à concéder l'indult liturgique (et la discipline traditionnelle) de façon "large et généreuse". A l'exception notable des Etats-Unis, ce fut soit ignoré - par exemple en Amérique latine et en Afrique, très récentes autorisations en Asie (une seule à Bombay pour toute l'Inde, depuis 2001, et encore une fois par mois!) - soit accordé chichement avec moult contraintes non prévues par les textes. La conférence épiscopale d'Angleterre-Galles a ainsi refusé toute mission à un prêtre issu d'un institut traditionnel (comme par exemple la Fraternité Saint-Pierre ou l'Institut du Christ-Roi). Seuls deux évêques diocésains dans le monde ont concédé le libre usage du missel du Bienheureux Jean XXIII (1962) : l'évêque de Stockholm et celui de Lincoln (USA), où a été construit le tout nouveau séminaire de la Fraternité Saint-Pierre. A Saint-Pierre de Rome, le cardinal-archiprêtre a donné ordre aux sacristains de traquer les prêtres qui ne "célèbrent pas la messe du pape" (sic) : ils sont chassés et leur missel confisqué. "De façon large et généreuse", vraiment?

Jean-Paul II a renouvelé son appel aux évêques en 1998, mais sans plus d'écho. Depuis longtemps la Fédération internationale Una Voce (actuel président: Michael Davies) réclame une solution canonique permettant d'établir la paix liturgique en passant outre aux blocages systématiques soulevés par ceux qui, souvent, se veulent par ailleurs les hérauts du dialogue et de la charité fraternelle entre chrétiens et non-chrétiens. Les pétitions et suppliques adressées au Pape étaient jusqu'ici demeurées lettres mortes.

En d'autres termes, la simple persuasion des évêques et du clergé par lente osmose a obtenu des résultats indéniables - en 1988 l'accord manqué avec Mgr Lefebvre avait suscité des cris d'effroi que l'on n'entend plus guère - mais elle a montré ses limites.  L'administration apostolique est sans doute une étape nécessaire pour aider les hiérarques et le clergé du nouveau rite à progresser dans l'ecclésiologie de communion. Rien de bien neuf si l'on songe aux Orientaux catholiques de la diaspora  en Europe et en Amérique. Arméniens et Gréco-catholiques ukrainiens disposent de leurs diocèses personnels en France; des paroisses nationales existent aux Etats-Unis depuis le XIXe siècle...

Il est possible que des administrations apostoliques continentales ou autres voient le jour, à partir de l'expérience de Campos. L'unité de l'Eglise n'est pas ce que voulaient les ultramontains les plus fanatiques, désavoués par Vatican... I, une uniformité. Le P. Cottier, dominicain, notait que son ordre avait disposé jusqu'au Concile de son propre rite au sein de l'Eglise latine, sans que l'unité n'en soit jamais mise en cause. Sait-on que saint Pie V, le pape dominicain qui a promulgué le missel de 1570, célébrait la messe en privé selon le rite... dominicain?

La réaction prudente et ouverte de Mgr Fellay (FSSPX) montre que les bases d'un dialogue existent. Certains à Rome et parmi les épiscopats, n'en veulent à aucun prix; ils peuvent compter sur ceux qui, au sein de la Fraternité Saint Pie X, pensent que Rome est un repaire d'esprits diaboliques (cf. des déclarations de Mgr Williamson, l'un des quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre, au début de l'année 2001). Ils existent dans une Fraternité où près de la moitié des prêtres on été formés après la rupture avec Rome (1988). Campos constituera un test grandeur nature de la pertinence de la nouvelle approche canonique.

Mais cette approche n'exclut pas d'autres démarches. Le "consensus différencié" d'Augsbourg a demandé beaucoup de patience. Il est né du travail des théologiens, de la connaissance mutuelle des partenaires ecclésiaux, d'un engagement ferme des responsables d'Eglises. La question liturgique au sein du catholicisme appelle un effort comparable, au-delà des imprécations d'un côté (Ecône), du ricanement suffisant de l'autre (les tenants du nouveau rite).

L'engagement intellectuel du cardinal Ratzinger est à cet égard significatif : son dernier livre, L'Esprit de la Liturgie, montre le chemin parcouru depuis 1969. Mgr Fellay, au début de l'année 2001, avait reconnu l'émergence d'un courant critique à l'égard des principes de base qui ont présidé au Novus Ordo au sein de l'Eglise dite "conciliaire". Une juste appréciation de Vatican II, dans sa complexité, est aussi possible: encore timidement, la FSSPX s'est engagée dans cette voie (efforts de réflexion, organisation de colloques...), non sans tension comme l'a montré l'ouvrage dénonçant les supposées déviations doctrinales de la messe de Paul VI, d'une manière beaucoup plus radicale que Mgr Lefebvre. La dimension traditionnelle de Vatican II est a contrario de plus en plus dénoncée par des théologiens réformateurs.

Une commission mixte FSSPX- Commission Ecclesia Dei (4) et autres pourrait oeuvrer à la manière de la démarche d'Augsbourg, en rendant compte chaque fois des avancées à l'instance ecclésiale de référence. Il y a là, me semble-t-il, un modèle à suivre.

Le pape a loué récemment, en termes forts, le missel romain dit de saint Pie V, qu'il a rapproché des rites orientaux. Il n'a plus célébré lui-même selon ce rite depuis 1970. Il pourrait imiter son frère dans l'épiscopat de Stockholm et concéder aux prêtres, dans son diocèse, Rome,  le libre usage du missel romain traditionnel, pour répondre en partie à une requête formulée par Ecône. Jean-Paul II a posé des actes spectaculaires qui ont ébranlé des défiances multiséculaires (cf. le mur des Lamentations, sa visite à Athènes...).  Pèlerin de l'unité et fidei defensor, il peut continuer à nous surprendre sur ce terrain. Le monde de la Tradition est décidément un monde où il se passe toujours quelque chose de neuf.

Notes
 
(1) Ce terme désigne des privilèges et permissions spéciales accordées par l'autorité pontificale en dehors des règles ordinaires.

(2) Luc Perrin fait allusion ici à Mgr Jean Bosco Chuabsamai Manat, évêque du diocèse de Ratchaburi (Thaïlande). Lors d'un long exposé prononcé le 15 février 2001 au Séminaire Saint Thomas d'Aquin de Winona (Minnesota) - exposé dont le texte circule dans les milieux traditionalistes - Mgr Manat, ordonné prêtre en 1961 et consacré à Rome par le Pape lui-nême en janvier 1986, a raconté son itinéraire, y compris ses contacts avec Mgr Salvador Lazo (1916-2000) et son retour au rite tridentin en l'an 2000. Mgr Manat expliquait également à cette occasion comment il entendait poursuivre son ministère d'évêque dans son diocèse sans diviser les fidèles, mais en les instruisant progressivement à revenir aux pratiques traditionnelles. Mgr Manat aurait célébré la messe à Ecône pour un groupe de pèlerins asiatiques le 16 août 2000. Observons enfin que Mgr Manat avait apparemment développé par ailleurs de bons contacts avec la voyante Vassula Ryden: il l'a accueillie lors de son voyage en Thaïlande en 1999 et entretenait déjà avec elle des relations antérieures. Enfin, Luc Perrin nous signale qu'il fut longtemps chargé du dialogue interreligieux au sein de l'épiscopat asiatique.

(3) L'abbé Berto, prêtre breton, fondateur des Dominicaines de Pontcallec,fut le théologien privé de Mgr Lefebvre au Concile et expert du Coetus. Il est décédé en 1968. (Note de Luc Perrin)
 
(4) La Commission Ecclesia Dei, instituée en 1988, résulte du protocole d'accord signé puis rejeté par Mgr Lefebvre. Elle reçut des facultés spéciales pour faciliter l'accueil des traditionalistes séparés dans la communion romaine. Elle a la tutelle des instituts et ordres religieux traditionnels, opère la sanatio in radice pour le sacrement de mariage, délivre parfois des celebret à des prêtres individuellement. Après 1991, elle a mis l'accent sur la persuasion des évêques réfractaires au motu proprio; elle n'a émis de consignes très ouvertes que pour l'épiscopat américain, avec un réel écho. Depuis 2000, le cardinal préfet de la Congrégation du Clergé est aussi président de cette Commission dont le secrétaire, depuis l'origine, est Mgr Camille Perl. En 2001, le pape y a nommé le Cardinal Ratzinger, Mgr Herranz, le Cardinal Medina Estevez et le Cardinal Billé. (Note de Luc Perrin)

4 janvier 2002

[APIC] L'accord avec les partisans brésiliens de Lefèbvre est proche.

SOURCE - KIPA/APIC - dépêche originale en allemand - 4 janvier 2002

Rome - 4 janvier 2002 - Manifestement, un accord de l'Eglise catholique avec un groupe des partisans schismatiques de Lefebvre au Brésil est imminent. Ainsi que le CIC l'a appris vendredi au Vatican, l'initiative visant à la réconciliation avec Rome d'un groupe séparé, est arrivée à sa conclusion. Le groupe dont il s'agit est la "Fraternité Sacerdotale Jean-Marie Vianney", qui compte dans le diocèse de Campos à peu près 30 prêtres et un évêque.

Une espèce de structure ecclésiale parallèle s'est développée à Campos après l'excommunication de l'Archevêque Marcel Lefebvre. L'ancien évêque de l'époque, Antonio de Castro Mayer, avait participé avec Lefebvre au sacre non-autorisé d'évêques, à Econe en 1988, et c'est pour cette raison qu'il avait été excommunié avec lui. Quelques prêtres et beaucoup de fidèles avaient suivi de Castro Mayer. Après la mort de l'ancien évêque, l'évêque schismatique Liciano Rangel pris la direction de ce groupe, tandis que le reste du diocèse était dirigé par un évêque sacré légitimement.
Une telle solution ne constitue pas un précédent
La forme de la réintégration n'est pas encore connue. On suppose que l'évêque traditionaliste, qui a été sacré de manière illicite mais valide, pourrait devenir le prochain évêque du diocèse de Campos. On indique au Vatican qu'une telle solution ne constitue pas un précèdent pour les relations avec la "Fraternité Pie X" , car celle-ci n'est pas un phénomène local, mais est organisée au niveau mondial. De plus, la Fraternité Saint Pie X défendrait des points de vue théologiques en partie différents de ceux du groupe de Campos. La presse italienne avait récemment déclaré qu'un accord général entre le Vatican et les partisans schismatiques de Lefebvre était en vue.

[DICI] "Nouvelles de Campos, au Brésil"

Agence DICI  - site "le-combat-catholique.com" - 4 janvier 2002

La « Stampa » annonçait dans son édition du 26 ou 27 décembre 2001 qu’un accord avait été signé entre « le Vatican et les Lefebvristes ».

Mgr Fellay, dans un communiqué de presse du 2 Janvier 2002, a démentie la nouvelle : « d’après nos renseignements, le Souverain Pontife a signé un décret en la nuit de Noël. Celui-ci concerne exclusivement la Société Jean-Marie Vianney, de Campos au Brésil ».

De fait, le Père Rifan a bien confirmé : le cardinal Castrillon Hoyos lui a téléphoné pour lui dire :
1 - que le Pape venait de signer la lettre de reconnaissance de la communauté Saint Jean-Marie Vianney, le lendemain de Noël,
2 – que Mgr Rangel allait la recevoir sous peu,
3 – que l’étude de leur situation canonique suivait son cours ; qu’il devrait être reconnu comme ordinariat.
Le Cardinal a insisté sur l’importance de cette situation canonique, ne voulant pas les mettre dans la situation que connaît la Fraternité Saint-Pierre (i.e. en totale dépendance de l’ordinaire du lieu). Cette volonté est, semble-t-il, bien arrêtée.

Cette situation canonique est capitale. Elle est indispensable à la liberté de nos confrères.

S’ils arrivent à ce terme et s’ils gardent toute liberté et toute fermeté dans la profession de la foi – ce dont je ne doute aucunement, il suffit de lire leurs diverses publications et prises de position au cours du temps pour en être convaincu – ils seront, pour nous, un exemple.