1 janvier 1970

19 novembre 1969 [Paul VI - Vatican] Audience générale (I)

SOURCE - Paul VI - Vatican - 19 novembre 1969

Chers fils et chères filles, 

Nous voulons attirer votre attention sur un prochain événement concernant l'Eglise catholique latine : l'introduction dans la liturgie du nouveau rite de la messe, qui sera obligatoire dans les diocèses d'Italie à partir du premier dimanche de l'Avent, 30 novembre. La messe sera célébrée d'une façon quelque peu différente de celle à laquelle nous étions habitués jusqu'à maintenant, et qui remonte à saint Pie V, il y a quatre siècles.

Ce changement a quelque chose de surprenant, d'extraordinaire, la messe étant considérée comme l'expression traditionnelle et intangible de notre culte religieux, de l'authenticité de notre foi. Et alors, on se demande : Comment est-ce possible ? En quoi consiste ce changement ? Quelles en seront les conséquences pour ceux qui assistent à la sainte messe ? Les réponses à ces questions et à d'autres semblables que l'on se pose devant une nouveauté si surprenante vous seront données abondamment dans toutes les églises, dans toutes les publications religieuses, dans toutes les écoles où l'on enseigne la doctrine chrétienne. Nous vous exhortons à y faire attention; et ce sera pour vous l'occasion de préciser et d'approfondir quelque peu l'extraordinaire et mystérieuse notion de la messe.

Mais, pour le moment, nous voudrions, dans ce bref et élémentaire discours, écarter les difficultés qui, au premier abord, se posent spontanément pour vous devant ce changement. A cet effet, nous répondrons aux trois questions que chacun se pose.

Comment un tel changement est-il possible ? Réponse : de par la volonté expresse du récent Concile, qui a dit : « Le rituel de la messe sera révisé de telle sorte que soient manifestés plus clairement le rôle propre, ainsi que la connexion mutuelle de chacune de ses parties, et que soit facilitée la participation pieuse et active des fidèles. Aussi, en gardant fidèlement la substance des rites, on les simplifiera ; on omettra ce qui, au cours des âges, a été redoublé ou a été ajouté sans grande utilité ; on rétablira, selon l'ancienne norme des Saints Pères, certaines choses qui ont disparu sous les atteintes du temps, dans la mesure où cela apparaîtra opportun ou nécessaire. » (Sacr. Concilium, n. 50.)

Cette réforme imminente répond donc à un mandat officiel de l'Eglise ; elle est un acte d'obéissance ; elle montre que l'Eglise est cohérente avec elle-même ; c'est un pas en avant dans la ligne de sa tradition authentique; c'est une preuve de fidélité et de vitalité qui requiert de nous tous une prompte adhésion. Ce n'est pas décision arbitraire; ce n'est pas une expérience temporaire ou facultative ; ce n'est pas une improvisation due à un quelconque dilettante. C'est une loi élaborée par d'éminents liturgistes après de longues discussions et de longues études. Nous ferons bien de l'accueillir avec un joyeux intérêt et de l'appliquer ponctuellement et unanimement. Cette réforme met fin aux incertitudes, aux discussions, aux initiatives arbitraires et abusives. De nouveau, elle requiert de nous cette uniformité de rites et de sentiments qui est propre à l'Eglise catholique, héritière et continuatrice de la première communauté chrétienne, laquelle ne faisait « qu'un coeur et qu'une âme ». (Actes, 4, 32.) L'unanimité de la prière dans l'Eglise est l'un des signes et l'une des forces de son unité et de sa catholicité. Le prochain changement ne doit ni rompre ni troubler cette unanimité. Il doit, au contraire, la confirmer, l'affirmer avec un esprit nouveau et jeune.

Autre question: en quoi consiste ce changement ? Vous verrez qu'il y a, à propos des rites, beaucoup de prescriptions nouvelles qui exigeront, surtout au début, une certaine attention, un certain effort. La piété personnelle et l'esprit communautaire rendront facile et agréable l'observance de ces nouvelles prescriptions. Mais, qu'il soit bien entendu que rien n'est changé dans la substance de notre messe traditionnelle. Certains pourront peut-être se laisser impressionner par telle ou telle cérémonie particulière, par telle ou telle rubrique annexe, comme si elles constituaient ou cachaient une altération ou une minimisation de vérités définitives ou dûment sanctionnées de la foi catholique; comme si elles compromettaient l'équation lex orandi-lex credendi (loi de la prière-loi de la foi).

Mais il n'en est absolument rien. Avant tout parce que le rite et la rubrique correspondante ne sont pas, en eux-mêmes, une définition dogmatique. Ils peuvent avoir des qualifications théologiques de valeur diverse selon le contexte liturgique auquel ils se rapportent; ce sont des gestes et des paroles appliqués à une action religieuse vécue, vivant d'un mystère inexprimable de présence divine, et qui n'est pas toujours réalisée sous une forme univoque. Seule la critique théologique peut analyser cette action et l'exprimer en des formules doctrinales logiquement satisfaisantes.

Ensuite, parce qu'avec le nouveau rite, la messe est et demeure celle de toujours, d'une façon peut-être encore plus évidente en certains de ses aspects. L'unité entre la Cène du Seigneur et le sacrifice de la croix, le renouvellement représentatif de l'un et de l'autre dans la messe, sont inviolablement affirmés et célébrés dans le nouveau rite comme dans le précédent. La messe est et demeure le mémorial de la dernière Cène du Christ au cours de laquelle le Seigneur, changeant le pain et le vin en son corps et en son sang, institua le sacrifice du Nouveau Testament et voulut que, par la vertu de son sacerdoce conférée aux apôtres, ce sacrifice fût renouvelé dans son identité, en étant seulement offert d'une façon différente, c'est-à-dire d'une façon sacramentelle, non sanglante, en perpétuelle mémoire de lui, jusqu'à son retour à la fin des temps (cf. De la Taille, Mysterium fidei, Elucid. IX).

Si le nouveau rite vous permet de voir plus clairement le rapport entre la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique proprement dite, celle-ci étant comme la réponse et la réalisation de celle-là (cf. Bouyer) ; si vous remarquez combien la célébration du sacrifice eucharistique appelle l'assistance de l'assemblée des fidèles qui, à la messe, sont et se sentent pleinement « Eglise » ; si, enfin, vous voyez mis en valeur d'autres propriétés merveilleuses de notre messe, n'allez pas croire que tout cela tende à en altérer la pure et traditionnelle essence. Sachez plutôt apprécier comment l'Eglise, par le moyen de ce nouveau et vaste langage, désire assurer une efficacité plus grande à son message liturgique et veut, d'une façon plus directe et plus pastorale, le mettre à la portée de chacun de ses enfants et du peuple de Dieu tout entier.

Nous répondons ainsi à la troisième question que nous nous étions posée: quelles seront les conséquences de cette innovation ? Les conséquences prévues ou, mieux encore, souhaitées, sont: une participation plus intelligente, plus pratique, plus appréciée, plus sanctifiante des fidèles au mystère liturgique, c'est-à-dire à l'écoute de la Parole de Dieu — qui résonne d'une façon toujours vivante tout au long des siècles et dans l'histoire de chacune de nos âmes — et à la réalité mystique du sacrifice sacramentel et propitiatoire du Christ.

Ne parlons donc pas de « nouvelle messe », mais de « nouvelle époque » de la vie de l'Eglise.

Avec Notre Bénédiction apostolique.